NOURA
Pire que cette journée tu meurs. Tout ce dont j'ai besoin là tout de suite c'est me couler un bon bain chaud puis m'enfouir sous le drap.
Je gare au sous-sol, je suis surprise de voir plusieurs voitures dans le parking ce soir. Peut-être l'un de mes deux voisins donne une fête ce soir. De toutes les façons cela ne me regarde pas. Je file vers l'ascenseur et monte jusqu'à mon étage.
En arrivant, je suis surprise de trouver la porte ouverte. Je panique un moment puis je ne sais avec quel courage mais je finis par rentrer. C'est la bonne odeur que je sens qui me fait baisser ma garde. Cette odeur agréable ne peut venir que d'une personne Emma. C'est la reine de la pâtisserie... Et moi qui pensait avoir perdu l'appétit je crois que je vais avaler un gâteau entier.
Emma est en fait ma cousine mais pour moi elle est bien plus. J'irai même jusqu'à dire qu'elle est une partie de moi. Ensemble on a traversé le bon et le pire. Elle est ma seule famille depuis la mort de notre grand-mère. Je n'ai jamais connu autre parent que ma grand-mère. Je venais à peine d'avoir trois ans lorsque mon père nous a quittés et ma mère je n'en sais trop rien. Ça a toujours été un sujet tabou de parler d'elle. D'ailleurs ma grand-mère ne supportait pas la simple évocation de son nom. Je n'ai jamais ressenti le besoin d'avoir une mère car tout l'amour dont j'avais besoin je l'ai eu.
Emma également a perdu sa maman qui était la petite sœur de mon papa dans le même accident de voiture qui a tué mon père. Ma grand-mère depuis lors s'est toujours occupée de nous jusqu'à ce qu'elle à son tour nous quitte il y a quelques années. Comment j'en suis arrivée où je suis aujourd'hui ? Je sais vous mourez d'envie de le savoir j'y reviendrai peut-être mais pour l'heure j'ai un gros creux.
J'arrive dans la cuisine et me mets à crier comme une folle en la voyant. Elle en fait de même. C'est un peu notre rituel. On le fait à chaque fois qu'on se retrouve. Eh oui on adore jouer les folles.
Je saute dans ses bras... Franchement c'est tout ce dont j'avais besoin pour me faire oublier cette journée.
Moi: Je pensais que tu étais en voyage ? Dis-je en me détachant d'elle.
Emma: C'était le cas mais j'ai bien senti que je manquais à quelqu'un quelque part (sourire en coin).
Moi: Tu as bien senti... Sinon qu'est-ce qui s'est passé ? T'as fini plus vite que prévu apparemment.
Emma: Oui, on était censé finir dans une semaine mais on a terminé plutôt que prévu. Les autres sont restés mais moi je préfère mille fois être ici avec toi que de rester dans un pays inconnu avec cette b***e d'imbéciles qui me servent de collègues.
Moi: Hmmmm t'es trop chou.
Emma travaille dans une ONG de la place ce qui fait qu'elle est très souvent en voyage. Comme moi elle n'est pas mariée et n'a pas d'enfants. D'ailleurs elle ne l'envisage pas non plus.
Emma: Alors ta journée ? Raconte !!
Moi: Laisse-moi prendre une douche et je te rejoins.
Emma: Oki ! Ça me laisse aussi le temps de finir ce dernier gâteau.
Moi: J'ai déjà la salive à la bouche. Trop hâte de le déguster.
J'enlève mes escarpins que je porte dans une main, je prends mon sac dans l'autre main puis je vais dans ma chambre. Moi qui voulais me couler un bon bain, je vais me contenter d'une bonne douche rapide.
**********
Je suis sur le point de rejoindre Emma lorsque j'entends la sonnerie. Je me demande bien qui ça peut être. J'espère que ce n'est pas un voisin car je n'ai pas vraiment la tête à voir quelqu'un ce soir.
Je devance Emma qui s'apprêtait à aller ouvrir et je lui demande de laisser.
Lorsque j'ouvre je me retrouve en face de Christian. Je soupire d'agacement car il est là dernière personne que j'ai envie de voir en ce moment. J'ai cru qu'après mon petit coup de la journée, il ne voudrait plus rien avoir à faire avec moi ; ça aurait été un bon débarras pour moi mais hélas il est là devant moi et vue la tête qu'il fait il ne compte pas me faire une scène du moins pas celle à laquelle je m'attendais.
Christian: Tu me laisses entrer ?
Moi: Qu'est-ce que tu veux ?
Christian: Franchement Nour je ne te comprends. Je croyais qu'on s'entendait bien...
Moi: C'est le cas !
Christian: Alors pourquoi tu essayes de tout gâcher ?
Moi: Ce n'est pas moi qui gâche tout mais toi !
Christian: Moi ? Mais qu'est-ce que j'ai fait de mal ?
Je souffle un instant puis je m'avance vers lui et ferme la porte derrière moi. Je l'entraîne avec moi dans le couloir.
Christian: Tu es avec quelqu'un d'autre c'est ça ?
Moi: Non et tu vois c'est bien ça le problème... D'où tu me contrôles ? Et cette histoire comme quoi tu veux une relation sérieuse elle sort d'où ?
Christian: Je croyais que ça t'aurait fait plaisir...
Moi: Faut croire que non !
Christian: Alors c'est pour ça que tu as fait ce que tu as fait aujourd'hui au restaurant. T'as voulu que je pense que tu étais avec cet homme juste pour que je m'énerve et que je t'abandonne ? Ce n'était pas mieux de me dire les choses telles que tu les ressentais vraiment ? Tu sais je ne te comprends pas Nour. Il y a des jours où j'ai l'impression que je ne te connais pas du tout.
Moi: Tu ne t'es pas dit que peut-être tu ne me connais pas vraiment ?
Christian: Comment ?
Moi: Il n'a jamais été question de sérieux entre nous... Tu es marié bon sang ! Dis-je en criant !
C'est à ce moment que je me rendis compte que l'ascenseur venait de s'ouvrir sur...
Mr Eboko ? Il fait quoi là lui ? C'est clair que vue le regard qu'il me lance lui également semble surpris de me voir là. Il se reprend rapidement, regarde autour de lui et retourne dans l'ascenseur. Il a dû se tromper d'étage.
Christian: Pourtant le fait que je sois marié ne t'a jamais vraiment posé de problèmes... Dit-il en me sortant de mes pensées.
Moi: Oui mais c'était avant que tu ne parles de cette affaire de relation sérieuse.
Christian: Ce n'est pas de ma faute si je me suis attachée à toi. Avec ma femme c'est compliqué !
Moi: C'est ce que vous dites tous... Christian je suis d'accord si tu veux qu'on continue de se voir mais si c'est pour une relation sérieuse c'est hors de question.
Christian: Alors je me contenterai de ce que tu as à m'offrir.
Moi: Bien !
Christian: Tu pourrais quand même me raccompagner ou c'est trop demander ?
Moi: Bien-sûr que non !
On prend l'ascenseur jusqu'au sous-sol où est garée sa voiture.
Christian: Au fait pour Mr Yimga tu n'as pas à t'en faire il ne fera rien contre toi...
Moi: Comment tu...
Christian: Comment je sais ? Je sais un tas de trucs... Je veux que tu saches que moi tout ce que je veux Nour c'est ton bien. Je ne sais pas ce qui s'est passé dans ta vie pour que tu sois si méfiante mais je veux que tu saches que je suis là pour toi. Je t'aime !
Ses derniers mots résonnent en boucle dans ma tête. Il ne vient pas réellement de dire ça...
Pendant que je réalise encore, il pose un b****r sur mes lèvres puis monte dans sa voiture. Je ressens à nouveau ce regard sur moi et lorsque je me tourne je me retrouve face à Mr Eboko. Non mais il me suit ou quoi ? Pfff je suis bête il tient des paquets dans sa main. Sans doute va-t-il chez l'un de mes voisins peut-être il y a vraiment une fête.
Il a cette façon de me regarder avec mépris. D'habitude ça ne m'aurait rien dit mais là j'avoue que je me sens gênée.
Moi: Quoi ? Tu veux ma photo peut-être ? Dis-je pour détourner son attention.
Lui: Vous me dégoûtez !
Il se tourne pour partir mais je cours me placer devant lui.
Moi: Pardon ?
Lui: En plus de votre arrogance et votre égo surdimensionné il se trouve que vous êtes une voleuse de mari. Vous me faites tellement pitié parce que vous êtes si belle et vous semblez en plus intelligente mais dans le fond vous ne valez rien du tout. Je regrette même le simple bonjour que j'ai eu à vous adresser ce matin et sachez que si ça ne dépendait que de moi vous ne travailleriez même pas sur ma pub. De toutes les façons, vous pouvez déjà être sûre que je ne choisirai pas votre travail.
Il me traverse alors que je reste planter là sans rien dire.
Moi: Vous croyez me connaître ? Dis-je en me retournant !
Il en fait de même...
Lui: Comment ?
Moi: Vous êtes là devant moi avec votre air supérieur... Vous croyez que vous me connaissez ? Vous ne savez rien de moi ! Vous me trouvez pitoyable et dégoûtante ? C'est tant mieux parce que moi je vous méprise au plus haut point. Vous ne prendrez pas mon travail ? Eh bien ça vous engage n'empêche que j'aurais fait mon travail et ce que vous pensez de moi ou que vous pensez savoir sur moi je m'en fiche.
Je veux partir mais il me retient et je ne comprends pas mais je sens tout d'un coup une chaleur étrange monter en moi.
Il y a une forte tension entre nous ça se ressent mais il y a autre chose que je n'arrive pas à expliquer...
Lui: Je n'ai pas l'air supérieur, je le suis ! Bonne soirée mademoiselle Njoya ! Dit-il en me laissant planter là comme un poteau.
Le temps que je comprenne ce qui venait de se passer il n'était plus là. Ses paroles ne cessent de résonner dans sa tête et je ne peux m'empêcher de le détester encore plus. Il se croit où pour me juger ainsi et de plus pour qui il se prend pour prétendre être supérieur à moi.
Je n'arrête pas de ruminer ma rage. Je suis tellement en colère que je viens d'arriver chez moi par l'escalier. Pfff cet homme si il croit que je vais le laisser gagner c'est mal me connaître.
J'arrive dans l'appartement et Emma m'accueille un peu inquiète.
Emma: Mais tu étais passée où ? Je m'apprêtais même à t'appeler. Euh t'es sûre que ça va ? Fit-elle en remarquant ma mine serrée.
Moi: Apparemment cette journée ce n'est pas mon jour.
Emma: Qu'est-ce qui s'est passé ?
Moi: On en parle le matin s'il te plaît. Je crois que je ferai mieux d'aller me coucher. De toutes les façons j'ai perdu l'appétit.
Emma: Oh ! Nour tu es sûre que tu vas bien ? Il n'est pas question que tu dormes sans manger.
Moi: Je te promets que je le ferai le matin et je te raconterai tout mais pour l'heure j'ai vraiment besoin de me reposer.
Emma: Ok ma belle. Passe une bonne nuit !
Moi: Bonne nuit et désolée !!
Emma: Ce n'est pas grave !
Je vais dans ma chambre pour dormir même si je suis bien consciente qu'il me sera pratiquement impossible de dormir cette nuit. Les pensées de cet imbécile ne cessent de tourner en boucle dans ma tête.
Je me lève et vais dans mon sac ; je crois que j'ai un travail à terminer. Je vais lui produire une publicité qu'il ne sera pas prêt d'oublier. À ce moment-là je verrai bien comment il fera pour ne pas choisir mon travail.
Ce sera ma revanche !