WILLIAM EBOKO
Je gare devant l'appartement d'Eric puis je l'appelle pour lui signaler ma présence.
Éric est mon meilleur ami et mon associé. Il a eu un problème avec sa voiture du coup il m'a demandé de passer le prendre pour qu'on puisse aller ensemble choisir la pub pour le savon. Ça fait deux semaines aujourd'hui et j'ai hâte de voir ce qu'ils nous réservent.
Nous nous sommes tellement donnés de la peine pour ce savon que j'aimerais que ça marche et on sait que pour qu'un produit puisse passer il faut une bonne publicité alors je compte sur cette agence même si je dois avouer que je suis un peu inquiet par rapport à cette fille. S’ils sont capables d'embaucher une personne pareille, je me pose des questions sur leur sérieux.
Je n'ai pas pour habitude de juger les gens mais depuis le début elle n'a fait que me donner une mauvaise image d'elle. Le pire a été lorsque je l'ai croisé avec cet homme dans l'immeuble où je vis. J'ai toujours su que j'avais des voisins mais je ne suis presque jamais là donc on ne s'est jamais rencontré. J'ai été surpris de savoir que c'est elle qui loue l'appartement du haut.
J'ai dû voyager il y a peu pour un travail hors du pays. Je revenue pour enfin finaliser le savon et le mettre en vente. D'ailleurs c'était ça le but de la fête que je donnais chez moi ce soir-là. J'avais tellement la tête ailleurs en arrivant que je me suis trompée d'étages du coup j'ai surpris un bout de leur conversation. Au départ lorsque je l'ai entendu dire à cet homme qu'il était un homme marié, j'ai pensé qu'il lui faisait la cour et qu'elle ne voulait pas ; j'avoue qu'à ce moment-là j'ai pensé que je m'étais trompé sur elle mais elle a très vite fait de me donner raison lorsque je l'ai vu embrasser cet homme un peu plus tard.
Le peu de respect que j'avais encore pour elle a complètement disparu. Je sais que sa vie privée n'a rien à voir avec son travail mais pour moi c'est difficile d'accepter ce qu'elle est. Le pire c'est que je pense à elle sans arrêt depuis deux semaines. Je repense à ce moment au sous-sol lorsque je l'ai arrêté. Je ne saurai expliquer ce que j'ai ressenti à ce moment-là et ce regard qu'elle a eu pour moi était si différent... Elle semblait si... Si différente. J'essaye de la détester et de la mépriser mais je repense à ce moment et c'est l'effet inverse.
Pfff il faut que je me sorte cette fille de la tête.
Eric: Mon frère tu rêves avec les yeux ouverts ? Dit-il en entrant dans la voiture.
Moi: Je ne t'avais pas vu arriver...
Eric: C'est bien ce que je disais ; tu rêves avec les yeux ouverts. Qu'est-ce qui peut bien autant captiver ton attention ?
Moi: Rien d'important ! On y va ?
Eric: Oui... J'imagine combien tu dois avoir hâte de revoir cette fille. (Sourire en coin)
J'ignore sa remarque et démarre mais sans compter sur Éric qui décide de revenir sur le sujet.
Eric: Mais plus sérieusement si cette fille nous fait une présentation mieux que celle des autres on fera quoi ?
Moi: Je ne sais pas !
Eric: Moi je n'hésiterai pas, je choisirai sa proposition. Will tu dois rester objectif !
Moi: Je le serai et puis de toutes les façons je te l'ai déjà dit, il n'y a pas grand-chose à attendre de cette fille. Tout ce qu'elle sait faire c'est se faire belle, ouvrir sa grande gueule et sortir avec les maris d'autrui.
Eric: Hum je crois que la suite-là ne nous concerne pas. C'est sa vie privée. De toutes les façons comme je le disais si sa proposition est meilleure je la choisis.
Moi: Hum !
Je ne sais pas pourquoi je m'énerve alors que je sais bien qu'il a raison et puis le travail de cette fille n'a rien à voir avec sa vie privée.
On arrive en salle de réunion quinze minutes plus tard et tout le monde est déjà là sauf la bonne madame bien-sûr. Fallait s'y attendre... Tout ce qu'elle sait faire c'est se faire remarquer négativement. De toutes les façons je crois que c'est bien mieux qu'elle ne soit pas là.
Si c'est bien pourquoi suis-je si frustrée de ne pas la voir ?
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Déjà quatre présentations et je m'ennuie à mourir. Je commence à me demander si j'ai bien fait de choisir cette agence plutôt qu'une autre.
Pendant que le dernier s'apprête à faire sa présentation, la bonne madame fait irruption dans le bureau avec tout un tas de documents dans la main. On dirait qu'elle a couru. Elle fait vite d'arranger la mèche qui s'est déposée sur son visage. Je me surprends à l'admirer. Pour ce qui est de son style vestimentaire je crois qu'il n'y a rien à redire. Elle est toujours très bien mise.
Lorsque nos regards se croisent, je froisse le mien pour qu'elle ne se rende pas compte qu'en fait je l'admirais depuis tout ce temps. Elle baisse le regard et pour la deuxième fois pendant une fraction de seconde je la sens vulnérable mais elle se reprend très rapidement et va s'asseoir près de son patron. Elle dépose des documents devant lui et se tourne vers son collègue qui commence sa présentation.
J'ai du mal à éloigner mes yeux d'elle.
NOUR
Alors que j'étais sur le chemin du bureau, j'ai reçu un appel du boss qui m'a demandé de m'arrêter dans une agence de transport et logistique pour récupérer certains documents puisque c'est sur mon chemin.
Ça m'a pris du temps du coup j'ai dû arriver en retard. Comme si cela ne suffisait pas il y a eu un problème avec l'ascenseur donc j'ai dû emprunter l'escalier en courant en plus avec les talons.
C'est toute épuisé que j'arrive en salle de réunion, tous les regards sont tournés vers moi. Je les imagine déjà tous en train de me maudire dans leur cœur en disant que j'ai fait exprès d'arriver en retard juste pour me faire me remarquer mais bon moi je sais que ce n'est pas le cas donc je ne gère pas vraiment. Alors que j'essaye de me reprendre rapidement, mon regard tombe sur celui de Mr Eboko qui est assis près d'un autre monsieur ; sans doute son associé. Il affiche une mine froissé. Je baisse le regard puis je me reprends rapidement et je vais m'asseoir. Je remets les documents à mon boss et je me concentre sur Dan qui s'apprête à faire sa présentation.
Lorsqu'il finit le directeur prend la parole.
Directeur: Merci monsieur Nkou pour votre présentation. Bien nous allons passer à la dernière personne et je tiens à m'excuser de son retard car c'est entièrement de ma faute. Bien, Mademoiselle Njoya c'est à vous maintenant.
Moi: Merci monsieur !
Je prends ma clé USB et les documents que j'ai multiplié et j'en donne un à chacun puis je vais brancher ma clé sur l'ordinateur pour commencer ma présentation.
Moi: En lisant votre description du savon et comment vous le voyiez, ça m'a donné une idée. Il est clair que vous êtes convaincu de l'efficacité de votre produit et de ses bienfaits pour tous les types de produits mais le client lui, ne l'est pas encore. J'insiste sur le fait que c'est un savon adapté à tous les types de peau et à tous les sexes alors pourquoi ne faire intervenir qu'une seule personne. On a l'habitude de voir des filles très claires de peau dans les publicités et puis lorsqu'on essaye c'est un désastre. Ce qui fait que les gens ne se fient plus trop aux publicités et si pour cette fois on faisait intervenir un teint clair, un teint caramel et un teint ébène en incluant des hommes. C'est un savon naturel alors au lieu d'une fille qui sort d'une piscine pourquoi pas faire une vidéo en pleine nature et si il faut de l'eau on choisira un lieu avec une cascade. Ceci rappellerait le caractère bio de ce savon. J'ai déjà noté certains lieux intéressants ; vous les avez à la page 6. Bien et si on quittait la théorie pour la pratique... Voilà un peu à quoi ressemblerait la vidéo.
Je mets la vidéo en marche et les laisse profiter en expliquant le pourquoi de chaque chose. Ils semblent sous le charme jusqu'à la fin et je crois que c'est plutôt rassurant.
Une fois terminé...
Moi: Des questions ?
Eux: ...
Moi: Bien, j'en ai terminé.
Je retourne m'asseoir en étant satisfaite de moi. Je sens le regard de l'autre imbécile sur moi mais je fais très vite de l'ignorer. Il a dit qu'il ne choisirait pas mon travail et je m'en fous. De toutes les façons j'ai fait ce que j'avais à faire.
Le directeur nous demande de nous retirer pour laisser le temps à nos clients de se concerter. Je suis là première à sortir car je sais que de toutes les façons je n'ai plus rien à faire là.
Je vais m'enfermer dans mon bureau et me met à lire mes mails. Je profite aussi pour parler avec Emma qui a de nouveau voyagé. Son séjour chez moi m'a vraiment fait beaucoup de bien. Même si la soirée avait mal commencé, on s'est bien rattrapé et on en a profité pour un peu parler de chacune de nos situations. Je lui ai parlé de Christian et de sa proposition. Pour elle, je devrais essayer de laisser quelqu'un entrer dans ma vie que peut-être il est temps pour cela mais j'avoue que ça ne me parle pas et puis je ne comprends pas pourquoi elle insiste que je le fasse et pourtant elle même un chat elle n'a pas. Je ne lui ai pas parlé de Mr Eboko ; de toutes les façons il n'y avait rien à dire si ce n'est que c’est un être arrogant qui se croit en plus supérieur. Pfff, il me sort par-dessus les pores celui-là.
Au bout de quelques minutes, on vient m'informer que je suis attendue en salle de réunion. Je n'ai pas très envie d'y aller mais je n'ai pas le choix.
Lorsque j'entre tout le monde y est déjà malheureusement ; voilà qu'on va encore penser que je le fais exprès. L'autre a toujours ses yeux braqués sur moi. Ça me met tellement mal à l'aise...
Directeur: Je tiens à féliciter chacun pour son travail mais malheureusement on ne va devoir retenir un seul. Je ne compte pas maintenir le suspens alors le travail retenu est celui de Mlle Njoya.
Le directeur acclame pour inciter les autres à en faire de même. Ça se voit qu'ils n'en ont pas très envie mais en même temps ils n'ont pas vraiment le choix.
Mr Ayissi l'associé de Mr Eboko vient me serrer la main pour me féliciter et je suis pratiquement sûre que c'est à cause de lui que mon travail a été choisi. Ça se voit à la tête de l'autre qu'il aurait préféré que ce soit quelqu'un d'autre qui gagne. Il vient à son tour me serrer la main et on s'affronte du regard.
Lui: Félicitations !
Moi: Alors ça vous fait quoi de savoir que j'ai gagné ?
Lui: Rien du tout ! Vous n'êtes qu’un simple employé qui n'a fait que son travail. Je ne vois pas comment vous voudriez que je me sente. J'ai trouvé une pub pour mon produit et c'était le plus important pour moi. Ne me dites pas que vous en avez fait une affaire personnelle... En plus du reste vous êtes rancunière ! Waouh !
J'ai envie de le gifler mais je me retiens. C'est quoi son problème à lui ? Il gagné quoi à toujours vouloir me prendre de haut ainsi ? Il ne manque pas une occasion de me rabaisser et de me faire comprendre que je ne vaux rien.
Je veux lui répondre mais à vrai dire, je n'en ai pas la force.
Je baisse le regard, retire ma main de la sienne puis je vais à mon bureau. Le directeur fait à nouveau appel à moi pour qu'on voie ensemble quelques derniers détails. Cette fois je parle et réponds aux questions sans lui prêter aucune attention.
Pendant qu'on travaille, le directeur reçoit un appel et s'en va puis c'est au tour de l'associé de l'autre qui demande les toilettes. Je me retrouve seule avec lui dans cette salle mais je fais tout pour ne pas faire attention à lui.
Lui: Vous me boudez ?
Moi: Je pense que cette fille ferait l'affaire pour le teint caramel. Dis-je en ignorant sa question.
Lui: C'est à vous que je m'adresse.
Je ne réponds toujours pas. Cette fois il m'arrache les documents que je tiens dans la main.
Lui: Je vous ai posé une question !
Je le regarde en me demandant ce que je pourrais bien lui faire !
Moi: Ai-je fait mon travail ?
Lui: Comment ?
Moi: Votre pub en Êtes-vous satisfait ?
Lui: Euh oui mais...
Moi: Je viens de passer deux semaines non-stop à travailler sur cette pub pour que vous soyez satisfait du résultat et vous l'êtes alors j'ai accompli ma mission et c'est cela qui me vaudra mon salaire à la fin du mois. On ne me payera pas parce que je vous boude ou autre. Je vous prierai également d'arrêter de croire que le monde tourne autour de vous parce que ce n'est pas le cas. Vous n'êtes pas le nombril du monde. Mon monde ne tourne pas autour de vous d'ailleurs une fois ce travail fini, vous et moi il n'y a pas de chance qu'on se croise à nouveau.
Lui: ...
Moi: Bien je crois que tout est clair alors que pensez-vous de cette fille pour le teint caramel ?
Lui: Je vous laisse choisir !
Moi: Ok !
Je me remets à travailler sans plus faire attention à lui-même si je peux toujours sentir son regard sur moi.