Chapitre 9

3268 Words
Kitty, les yeux grands ouverts, regardait humblement Varinka sans parler. « Je l’ai aimé, et il m’a aimée aussi : mais sa mère s’est opposée à notre mariage, et il en a épousé une autre. Maintenant il ne demeure pas trop loin de chez nous, et je le vois quelquefois. Vous ne pensiez pas que j’avais mon roman ? » Et son visage parut éclairé comme toute sa personne avait dû l’être autrefois, pensa Kitty. « Comment ne l’aurais-je pas pensé ? Si j’étais homme, je n’aurais pu aimer personne, après vous avoir rencontrée ; ce que je ne conçois pas, c’est qu’il ait pu vous oublier et vous rendre malheureuse pour obéir à sa mère : il ne devait pas avoir de cœur. – Au contraire, c’est un homme excellent, et quant à moi je ne suis pas malheureuse… Eh bien, ne chanterons-nous plus aujourd’hui ? ajouta-t-elle en se dirigeant vers la maison. – Que vous êtes bonne, que vous êtes bonne ! s’écria Kitty en l’arrêtant pour l’embrasser. Si je pouvais vous ressembler un peu ! – Pourquoi ressembleriez-vous à une autre qu’à vous-même ? Restez donc ce que vous êtes, dit Varinka en souriant de son sourire doux et fatigué. – Non, je ne suis pas bonne du tout… Voyons, dites-moi… Attendez, asseyonsnous un peu, dit Kitty en la faisant rasseoir sur un banc près d’elle. Dites-moi, comment peut-il n’être pas blessant de penser qu’un homme a méprisé votre amour, qu’il l’a repoussé ! – Il n’a rien méprisé : je suis sûre qu’il m’a aimée. Mais c’était un fils soumis… – Et s’il n’avait pas agi ainsi pour obéir à sa mère ? Si de son plein gré… ? dit Kitty, sentant qu’elle dévoilait son secret, et que son visage, tout brûlant de rougeur, la trahissait. – Dans ce cas, il aurait mal agi, et je ne le regretterais plus, répondit Varinka, comprenant qu’il n’était plus question d’elle, mais de Kitty. – Et l’insulte ? dit Kitty : peut-on l’oublier ? C’est impossible, dit-elle en se rappelant son regard au dernier bal lorsque la musique s’était arrêtée. – Quelle insulte ? vous n’avez rien fait de mal ? – Pis que cela, je me suis humiliée… » Varinka secoua la tête et posa sa main sur celle de Kitty. « En quoi vous êtes-vous humiliée ? Vous n’avez pu dire à un homme qui vous témoignait de l’indifférence que vous l’aimiez ? – Certainement non, je n’ai jamais dit un mot, mais il le savait ! Il y a des regards, des manières d’être… Non, non, je vivrais cent ans que je ne l’oublierais pas ! – Mais alors je ne comprends plus. Il s’agit seulement de savoir si vous l’aimez encore ou non, dit Varinka, qui appelait les choses par leur nom. – Je le hais ; je ne puis me pardonner… – Eh bien ? – Mais la honte, l’affront ! – Ah, mon Dieu ! si tout le monde était sensible comme vous ! Il n’y a pas de jeune fille qui n’ait éprouvé quelque chose d’analogue. Tout cela est si peu important ! – Qu’y-a-t-il donc d’important ? demanda Kitty, la regardant avec une curiosité étonnée. – Bien des choses, répondit Varinka en souriant. – Mais encore ? – Il y a beaucoup de choses plus importantes, répondit Varinka, ne sachant trop que dire ; en ce moment, la princesse cria par la fenêtre : – Kitty, il fait frais : mets un châle, ou rentre. – Il est temps de partir, dit Varinka en se levant. Je dois entrer chez Mlle Berthe, elle m’en a priée. » Kitty la tenait par la main et l’interrogeait du regard avec une curiosité passionnée, presque suppliante. « Quoi ? qu’est-ce qui est plus important ? Qu’est-ce qui donne le calme ? Vous le savez, dites-le moi ! » Mais Varinka ne comprenait même pas ce que demandaient les regards de Kitty ; elle se rappelait seulement qu’il fallait encore entrer chez Mlle Berthe, et se trouver à la maison pour le thé de maman, à minuit. Elle rentra dans la chambre, rassembla sa musique, et ayant pris congé de chacun, voulut partir. « Permettez, je vous reconduirai, dit le colonel. – Certainement, comment rentrer seule la nuit ? dit la princesse ; je vous donnerai au moins la femme de chambre. » Kitty s’aperçut que Varinka dissimulait avec peine un sourire, à l’idée qu’on voulait l’accompagner. « Non, je rentre toujours seule, et jamais il ne m’arrive rien ; » dit-elle en prenant son chapeau ; et embrassant encore une fois Kitty, sans lui dire « ce qui était important », elle s’éloigna d’un pas ferme, sa musique sous le bras, et disparut dans la demi-obscurité d’une nuit d’été, emportant avec elle le secret de sa dignité et de son enviable tranquillité. Kitty fit la connaissance de Mme Stahl, et ses relations avec cette dame et Varinka eurent sur elle une influence qui contribua à calmer son chagrin. Elle apprit qu’en dehors de la vie instinctive qui avait été la sienne, il existait une vie spirituelle, dans laquelle on pénétrait par la religion, mais une religion qui ne ressemblait en rien à celle que Kitty avait pratiquée depuis l’enfance, et qui consistait à aller à la messe et aux vêpres, à la Maison des Veuves, où l’on rencontrait des connaissances, et à apprendre par cœur des textes slavons avec un prêtre de la paroisse. C’était une religion élevée, mystique, liée aux sentiments les plus purs, et à laquelle on croyait, non par devoir, mais par amour. Kitty apprit tout cela autrement qu’en paroles. Mme Stahl lui parlait comme à une aimable enfant qu’on admire, ainsi qu’un souvenir de jeunesse, et ne fit allusion qu’une seule fois aux consolations qu’apportent la foi et l’amour aux douleurs humaines, ajoutant que le Christ compatissant n’en connaît pas d’insignifiantes ; puis aussitôt elle changea de conversation ; mais dans chacun des gestes de cette dame, dans ses regards célestes, comme les appelait Kitty, dans ses paroles, et surtout dans son histoire qu’elle connaissait par Varinka, Kitty découvrait « ce qui était important », et ce qu’elle avait ignoré jusque-là. Cependant, quelle que fût l’élévation de nature de Mme Stahl, quelque touchante que fût son histoire, Kitty remarquait involontairement certains traits de caractère qui l’affligeaient. Un jour, par exemple, qu’il fut question de sa famille, Mme Stahl sourit dédaigneusement : c’était contraire à la charité chrétienne. Une autre fois, Kitty remarqua, en rencontrant chez elle un ecclésiastique catholique, que Mme Stahl tenait son visage soigneusement dans l’ombre d’un abat-jour, et souriait d’une façon singulière. Ces deux observations, bien que fort insignifiantes, lui causèrent une certaine peine, et la firent douter de Mme Stahl ; Varinka, en revanche, seule, sans famille, sans amis, n’espérant rien, ne regrettant rien après sa triste déception, lui semblait une perfection. C’était par Varinka qu’elle apprenait qu’il fallait s’oublier et aimer son prochain pour devenir heureuse, tranquille et bonne, ainsi qu’elle voulait l’être. Et une fois qu’elle l’eut compris, Kitty ne se contenta plus d’admirer, mais se donna de tout son cœur à la vie nouvelle qui s’ouvrait devant elle. D’après les récits que Varinka lui fit sur Mme Stahl et d’autres personnes qu’elle lui nomma, Kitty se traça un plan d’existence ; elle décida que, à l’exemple d’Aline, la nièce de Mme Stahl, dont Varinka l’entretenait souvent, elle rechercherait les pauvres, n’importe où elle se trouverait, qu’elle les aiderait de son mieux, qu’elle distribuerait des Évangiles, lirait le Nouveau Testament aux malades, aux mourants, aux criminels : cette dernière idée la séduisait particulièrement. Mais elle faisait ces rêves en secret, sans les communiquer à sa mère, ni même à son amie. Au reste, en attendant le moment d’exécuter ses plans sur une échelle plus vaste, il ne fut pas difficile à Kitty de mettre ses nouveaux principes en pratique ; aux eaux, les malades et les malheureux ne manquent pas : elle fit comme Varinka. La princesse remarqua bien vite combien Kitty était sous l’influence de ses engouements, comme elle appelait Mme Stahl, et surtout Varinka, que Kitty imitait non seulement dans ses bonnes œuvres, mais presque dans sa façon de marcher, de parler, de cligner des yeux. Plus tard elle reconnut que sa fille passait par une certaine crise intérieure indépendante de l’influence exercée par ses amies. Kitty lisait le soir un Évangile français prêté par Mme Stahl : ce que jamais elle n’avait fait jusque-là ; elle évitait toute relation mondaine, s’occupait des malades protégés par Varinka, et particulièrement de la famille d’un pauvre peintre malade nommé Pétrof. La jeune fille semblait fière de remplir, dans cette famille, les fonctions de sœur de charité. La princesse n’y voyait aucun inconvénient, et s’y opposait d’autant moins que la femme de Pétrof était une personne très convenable, et qu’un jour la Fürstin, remarquant la beauté de Kitty, en avait fait l’éloge, l’appelant un « ange consolateur ». Tout aurait été pour le mieux si la princesse n’avait redouté l’exagération dans laquelle sa fille risquait de tomber. « Il ne faut rien outrer, » lui disait-elle en français. La jeune fille ne répondait pas, mais elle se demandait dans le fond de son cœur si, en fait de charité, on peut jamais dépasser la mesure dans une religion qui enseigne à tendre la joue gauche lorsque la droite a été frappée, et à partager son manteau avec son prochain. Mais ce qui peinait la princesse, plus encore que cette tendance à l’exagération, c’était de sentir que Kitty ne lui ouvrait pas complètement son cœur. Le fait est que Kitty faisait un secret à sa mère de ses nouveaux sentiments, non qu’elle manquât d’affection ou de respect pour elle, mais simplement parce qu’elle était sa mère, et qu’il lui eût été plus facile de s’ouvrir à une étrangère qu’à elle. « Il me semble qu’il y a quelque temps que nous n’avons vu Anna Pavlovna, dit un jour la princesse en parlant de Mme Pétrof. Je l’ai invitée à venir, mais elle m’a semblé contrariée. – Je n’ai pas remarqué cela, maman, répondit Kitty en rougissant subitement. – Tu n’as pas été chez elle ces jours-ci ? – Nous projetons pour demain une promenade dans la montagne, dit Kitty. – Je n’y vois pas d’obstacle », répondit la princesse, remarquant le trouble de sa fille et cherchant à en deviner la cause. Varinka vint dîner le même jour, et annonça qu’Anna Pavlovna renonçait à l’excursion projetée pour le lendemain ; la princesse s’aperçut que Kitty rougissait encore. « Kitty, ne s’est-il rien passé de désagréable entre toi et les Pétrof ? lui demanda-telle quand elles se retrouvèrent seules. Pourquoi ont-ils cessé d’envoyer les enfants et de venir eux-mêmes ? » Kitty répondit qu’il ne s’était rien passé et qu’elle ne comprenait pas pourquoi Anna Pavlovna semblait lui en vouloir, et elle disait vrai ; mais si elle ne connaissait pas les causes du changement survenu en Mme Pétrof, elle les devinait, et devinait ainsi une chose qu’elle n’osait pas avouer à elle-même, encore moins à sa mère, tant il aurait été humiliant et pénible de se tromper. Tous les souvenirs de ses relations avec cette famille lui revenaient les uns après les autres : elle se rappelait la joie naïve qui se peignait sur le bon visage tout rond d’Anna Pavlovna, à leurs premières rencontres ; leurs conciliabules secrets pour arriver à distraire le malade, à le détacher d’un travail qui lui était défendu, à l’emmener promener ; l’attachement du plus jeune des enfants, qui l’appelait « ma Kitty », et ne voulait pas aller se coucher sans elle. Comme tout allait bien alors ! Puis elle se rappela la maigre personne de Pétrof, son long cou sortant de sa redingote brune, ses cheveux rares et frisés, ses yeux bleus avec leur regard interrogateur, dont elle avait eu peur d’abord ; ses efforts maladifs pour paraître animé et énergique quand elle était près de lui : elle se souvint de la peine qu’elle avait eue à vaincre la répugnance qu’il lui inspirait, ainsi que tous les poitrinaires, du mal qu’elle se donnait pour trouver un sujet de conversation. Elle se souvint du regard humble et craintif du malade quand il la regardait, de l’étrange sentiment de compassion et de gêne éprouvé au début, puis remplacé par celui du contentement d’elle-même et de sa charité. Tout cela n’avait pas duré longtemps, et depuis quelques jours il était survenu un brusque changement. Anna Pavlovna n’abordait plus Kitty qu’avec une amabilité feinte, et surveillait sans cesse son mari. Pouvait-il être possible que la joie touchante du malade à son approche fût la cause du refroidissement d’Anna Pavlovna ? « Oui, se dit-elle, il y avait quelque chose de peu naturel, et qui ne ressemblait en rien à sa bonté ordinaire, dans la façon dont Anna Pavlovna m’a dit avant-hier d’un air contrarié : « Eh bien ! voilà qu’il n’a pas voulu prendre son café sans vous, et il vous a attendu, quoiqu’il fût très affaibli. » Peut-être lui ai-je été désagréable quand je lui ai offert le plaid ; c’était pourtant bien simple, mais Pétrof a pris ce petit service d’une façon étrange, et m’a tant remerciée que j’en étais mal à l’aise ; et ce portrait de moi qu’il a si bien réussi ; mais surtout ce regard triste et tendre ! Oui, oui, c’est bien cela ! se répéta Kitty avec effroi ; mais cela ne peut être, ne doit pas être ! Il est si digne de pitié ! » ajouta-t-elle intérieurement. Ces craintes empoisonnaient le charme de sa nouvelle vie. Le prince Cherbatzky vint rejoindre les siens avant la fin de la cure ; il avait été de son côté à Carlsbad, puis à Baden et à Kissingen, pour y retrouver des compatriotes et, comme il disait, « recueillir un peu d’air russe ». Le prince et la princesse avaient des idées fort opposées sur la vie à l’étranger. La princesse trouvait tout parfait et, malgré sa position bien établie dans la société russe, jouait à la dame européenne : ce qui ne lui allait pas, car c’était une dame russe par excellence. Quant au prince, il trouvait au contraire tout détestable, la vie européenne insupportable, tenait à ses habitudes russes avec exagération, et cherchait à se montrer moins Européen qu’il ne l’était en réalité. Le prince revint maigri, avec des poches sous les yeux, mais plein d’entrain, et cette heureuse disposition d’esprit ne fit qu’augmenter quand il trouva Kitty en voie de guérison. Les détails que lui avait donnés la princesse sur l’intimité de Kitty avec Mme Stahl et Varinka, et ses remarques sur la transformation morale que subissait leur fille, avaient attristé le prince et réveillé en lui le sentiment habituel de jalousie qu’il éprouvait pour tout ce qui pouvait soustraire Kitty à son influence, en l’entraînant dans des régions inabordables pour lui ; mais ces fâcheuses nouvelles se noyèrent dans l’océan de bonne humeur et de gaieté qu’il rapportait de Carlsbad. Le lendemain de son arrivée, le prince, vêtu de son long paletot, ses joues, un peu bouffies et couvertes de rides, encadrées dans un faux-col empesé, alla à la source avec sa fille ; il était de la plus belle humeur du monde. Le temps était splendide ; la vue de ces maisons gaies et proprettes, entourées de petits jardins, des servantes allemandes à l’ouvrage, avec leurs bras rouges et leurs figures bien nourries, le soleil resplendissant, tout réjouissait le cœur ; mais, plus on approchait de la source, plus on rencontrait de malades, dont l’aspect lamentable contrastait péniblement avec ce qui les entourait, dans ce milieu germanique si bien ordonné. Pour Kitty, cette belle verdure et les sons joyeux de la musique formaient un cadre naturel à ces visages connus dont elle suivait les transformations bonnes ou mauvaises ; mais pour le prince il y avait quelque chose de cruel à l’opposition de cette lumineuse matinée de juin, de l’orchestre jouant gaiement la valse à la mode, et de ces moribonds venus des quatre coins de l’Europe et se traînant là languissamment. Malgré le retour de jeunesse qu’éprouvait le prince, et son orgueil quand il tenait sa fille favorite sous le bras, il se sentait honteux et gêné de sa démarche ferme et de ses membres vigoureux. En face de toutes ces misères, il éprouvait le sentiment d’un homme déshabillé devant du monde. « Présente-moi à tes nouveaux amis, dit-il à sa fille en lui serrant le bras du coude ; je me suis mis à aimer ton affreux Soden pour le bien qu’il t’a fait ; mais vous avez ici bien des tristesses… Qui est-ce… ? » Kitty lui nomma les personnes de leur connaissance ; à l’entrée du jardin, ils rencontrèrent Mlle Berthe avec sa conductrice, et le prince eut plaisir à voir l’expression de joie qui se peignit sur le visage de la vieille femme au son de la voix de Kitty : avec l’exagération d’une Française, elle se répandit en politesses, et félicita le prince d’avoir une fille si charmante, dont elle éleva le mérite aux nues, la déclarant un trésor, une perle, un ange consolateur. « Dans ce cas, c’est l’ange n° 2, dit le prince en souriant : car elle assure que Mlle Varinka est l’ange n° 1. – Oh oui ! Mlle Varinka est vraiment un ange, allez », assura vivement Mlle Berthe. Ils rencontrèrent Varinka elle-même dans la galerie ; elle vint à eux avec hâte, portant un élégant sac rouge à la main. « Voilà papa arrivé ! » lui dit Kitty. Varinka fit un salut simple et naturel qui ressemblait à une révérence, et entama la conversation avec le prince sans fausse timidité. – Il va sans dire que je vous connais, et beaucoup, lui dit le prince en souriant, d’un air qui prouva à Kitty, à sa grande joie, que son amie plaisait à son père. – Où allez-vous si vite ? – Maman est ici, répondit la jeune fille en se tournant vers Kitty : elle n’a pas dormi de la nuit, et le docteur lui a conseillé de prendre l’air ; je lui porte son ouvrage. – Voilà donc l’ange n° 1, » dit le prince, quand Varinka se fut éloignée. Kitty s’aperçut qu’il avait envie de la plaisanter sur son amie, mais qu’il était retenu par l’impression favorable qu’elle lui avait produite. « Eh bien, nous allons tous les voir, les uns après les autres, tes amis, même Mme Stahl, si elle daigne me reconnaître. – Tu la connais donc, papa ? demanda Kitty avec crainte, en remarquant un éclair ironique dans les yeux de son père. – J’ai connu son mari, et je l’ai un peu connue elle-même, avant qu’elle se fût enrôlée dans les piétistes. – Qu’est-ce que ces piétistes, papa ? demanda Kitty, inquiète de voir donner un nom à ce qui lui paraissait d’une si haute valeur en Mme Stahl. – Je n’en sais trop rien ; ce que je sais, c’est qu’elle remercie Dieu de tous les malheurs qui lui arrivent, y compris celui d’avoir perdu son mari, et cela tourne au comique quand on sait qu’ils vivaient fort mal ensemble… Qui est-ce ? Quelle pauvre figure ! – demanda-t-il en voyant un malade, en redingote brune, avec un pantalon blanc formant d’étranges plis sur ses jambes amaigries ; ce monsieur avait soulevé son chapeau de paille, et découvert un front élevé que la pression du chapeau avait rougi, et qu’entouraient de rares cheveux frisottants.
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