Couchée dans des draps propres et frais, je me refais le bilan de ma journée. À mon retour du journal, Jane m'a sautée dessus pour savoir comment cela s'était passé.
Jane : " Alors, il a été odieux?"
Amélia : " Non, ça allait. Hormis deux-trois piques... "
Jane : " S'il fait quoique ce soit de déplacé, je me rends en personne au journal et je fais le scandal du siècle!"
Amélia : " Tu n'en auras pas besoin, je me débrouilles très bien toute seule. Au déjeuner, il a essayé de me faire sortir de mes gonds, mais je suis restée parfaitement calme."
Jane : " Au déjeuner? Vous avez déjeuner ensemble?"
Amélia : "C'était un déjeuner d'affaire, il y avait un éditeur avec nous..." dis-je pour me débarrasser d'elle.
Bon, je lui ai menti car je savais qu'elle allait continuer son interrogatoire, et puis je n'avais pas envie de penser à ce qui c'était passé lors de ce repas, mais maintenant que je suis seule, je peux me pencher sur certains événements.
Anthony a eu un comportement très étrange toute au long de la journée, me couvrant de ce regard indéfinissable que je ne connais que trop... D'abord, lorsqu'il m'a proposé de l'accompagné à son rendez-vous, puis au restaurant avec ce Mr Lawson. Comme-ci, il observait chacune de mes réactions. Lorsque nous nous sommes retrouvés tous les deux, ses regards sont devenus presque oppressants. Je me suis efforcée de rester impassible, mais cela à été extrêmement difficile.
Je n'arrive plus à savoir ce que je dois penser. Il n'est pas si désagréable que ça, enfin, j'arrive à lui tenir tête et à le remettre à sa place quand il le faut, mais je ne le hais pas comme je pouvais le faire au début. Quant à mon mépris pour lui, il semble s'être évanouit... plus je passe du temps avec lui, plus je m'accommode à sa présence, c'est déjà ça.
Je donnerai n'importe quoi, pour savoir à quoi il pensait lorsque ses grands yeux verts m'observaient intensément...
Bien que son avis m'importe peux, il y a une sorte de mystère qui entoure sa personne, que j'ai envie de dissiper. À part ce que j'ai entendu de la bouche de son père, de Jane et John... en vérité je ne sais rien! Il a une mère qui se montre peu en public car elle est souvent en déplacement ou reste dans son hôtel particulier dans le sud de Londres. Il n'a ni frère, ni soeur, et il n'a certainement pas de problème d'argent. À son âge, les hommes comme lui, profitent de la vie au lieu de se mettre tout de suite à leur compte, il est à peine plus âgé que moi : 27 ans, c'est jeune.
Je n'arrive pas à croire, que je suis dans mon lit en en train de réfléchir à ce qu'il peut bien penser de moi! Je me sens comme une midinette, qui essaye désespérément de trouver le moyen d'attirer l'attention du jeune homme qu'elle convoite. Malgré le fait qu'il soit bien fait de sa personne, l'obstacle majeur à une quelconque relation est son caractère irascible et sa mauvaise foi!
Il faut vraiment que j'arrête de penser à ça maintenant... je suis à la fois mal à l'aise et... excitée!? Je n'ai jamais vraiment porté un grand intérêt aux garçons; il y avait mes études, il y a toujours eu mes études! J'ai sans cesse eu un but dans la vie et c'était très éloigné d'une hypothétique vie de famille consensuelle. Je me suis même faite à l'idée de ne jamais me marier, pour ne pas avoir à sacrifier ma liberté.
Lorsque Anthony défendait les valeurs de son journal, pour la première fois j'étais entièrement d'accords avec lui. Tous ces arguments étaient justifiés, il y mettait une passion que je ne lui connaissais pas. Lorsqu'il aime, il n'aime pas à moitié, on peut au moins le lui reconnaître! Si j'avais été à sa place, j'aurais fait exactement la même chose.
Demain est un autre jour, et même-ci la perspective d'être à nouveau seule avec lui quelques instants m'angoisse, cela m'intrigue aussi, car quelque fois j'entre-aperçois une autre facette de lui qui n'est pas si déplaisante.