Chapitre 14

3609 Words
À la suite de ces événements exceptionnels, Fanny fut prise d’une fièvre intense qui la retint trois jours au lit, dans la chambre de son mari où on la soignait, cependant que « le mort » finissait de revenir à lui, dans la chambre de sa femme. Les docteurs Moutier et Jaloux, qui continuaient d’observer leur ressuscité avec une curiosité scientifique bien compréhensible, redoutèrent que la châtelaine de la Roseraie fît une grave maladie. Mais il n’en fut rien. Fanny était douée d’un « ressort » qu’ils ne soupçonnaient pas. La troisième nuit, elle se retrouva assez forte et d’esprit assez lucide pour écouter avec profit la conversation des deux hommes de science qui, dans la pièce à côté, dont la porte était restée entrouverte, échangeaient leurs impressions sur l’état de santé du mort ! – Moi, il m’effraie, disait Moutier. J’ai peur qu’il ne nous soit revenu de là-bas tout à fait insensé. Son silence obstiné, l’élargissement de ses pupilles, l’espèce d’épouvante avec laquelle il regarde les choses et les gens autour de lui, le frisson qui le secoue au moindre bruit, au moindre frôlement, la terreur visible qu’il éprouve devant une porte qui s’ouvre, tout cela dénote un désordre inouï dans les facultés ! – Eh ! mon cher ! songez qu’il revient de loin. Au fond, nous ne savons pas, nous, d’où il revient ! Mais lui, il le sait ! Il s’en souvient certainement ! émit, avec une grande énergie, le professeur Jaloux… J’ai regardé ses yeux… Ils semblent encore pleins de choses que nous ne voyons pas et qu’il a vues, lui !… Comment, dans ces conditions, n’aurait-il point besoin d’un certain temps pour retrouver l’équilibre de ses sens d’homme vivant ! – Eh bien, mon cher, tant qu’il n’aura pas retrouvé cet équilibre, il faut le laisser tranquille ! – Jamais ! Ce que vous proposez est peut-être très humain au sens étroit du mot, mais tout à fait antiscientifique ! car, sachez-le, cet équilibre de ses sens d’homme vivant, il ne l’aura reconquis tout à fait que lorsque les choses de la mort qu’il a vues se seront effacées peu à peu sous l’image constante et continue des choses de la vie qu’il voit ! Et alors, vous saisissez qu’il ne se souviendra plus de rien ou que son souvenir sera devenu tellement vague et lointain qu’il ne lui apparaîtra plus que comme un rêve sans consistance. Et nous, scientifiquement, nous serons volés !… Voilà ce qu’il faut éviter. Il faut obtenir que cet homme parle pendant que ses sensations sont toutes fraîches !… Et je ne m’en irai que lorsqu’il aura parlé !… – Et s’il continue à ne vouloir rien dire !… Il semble habité par l’épouvante !… soupira Moutier… Vous êtes cruel… – Ah çà ! mais, mon cher, où voulez-vous en venir ?… – Eh ! je voudrais que nous envisagions cette affaire d’une façon pratique et sans nous embarrasser d’hypothèses et d’espoirs qui ne feront que nous gêner pour La Médecine astrale. – Enfin, oui ou non, croyez-vous à la continuité de la personnalité après la mort ? – Oui j’y crois… J’y crois comme Crookes y a cru… – Eh bien, s’il y a continuité de la personnalité, il n’y a aucune raison pour que cet homme qui s’est promené un quart d’heure dans la mort ne nous dise pas ce qu’il a vu ! – Évidemment, c’est un entêté !… fit Moutier avec un semblant de raillerie… – Mon cher, vous paraissez enchanté qu’il se taise !… C’est inimaginable !… gronda Jaloux, sans cacher sa mauvaise humeur. – Parlons sérieusement, reprit Moutier ; l’événement paraît si formidable, si inconcevable… – Il n’est pas inconcevable, interrompit Jaloux… Il est inhabituel, voilà tout ! – Inhabituel, d’accord. Eh bien ! l’événement est tellement hors de nos habitudes, que le vulgum pecus scientifique aura de la peine à ajouter foi à la parole d’un monsieur vivant qui lui raconterait comment la mort est faite ! Et je ne serai pas fâché, outre mesure, après tout, qu’il se taise ! Notre opération n’en apparaîtra que plus sérieuse. – Je me demande pourquoi, par exemple ! – Pourquoi !… parce que s’il avait répondu à vos questions précises sur le royaume de la mort, comme vous dites, et si nous avions répété vos questions et ses réponses… nous aurions passé pour deux fumistes qui abusent de la faiblesse mentale d’un malade. Ne suffit-il pas à notre gloire d’avoir fait revivre, par le truchement de la chirurgie, un mort ?… – Non ! cela ne me suffit pas !… D’abord c’est vous qui avez fait l’opération !… Et je prends maintenant la responsabilité d’en tirer tout l’enseignement qu’elle comporte !… Je ne vous aurais jamais cru d’une pareille timidité !… Vous faites revivre un homme et vous vous éloigneriez de lui comme si vous veniez de lui raccommoder la jambe !… Mais cet homme que nous avons rappelé à la vie, vous entendez !… cet homme nous doit le secret de la mort !… – Vous l’avez déjà tourmenté là-dessus et il ne vous a jamais répondu… J’ai peur qu’il ne devienne fou, je vous le répète, et que l’on nous accuse de sa folie… En tout cas, puisqu’il n’a pas encore parlé et que nous ne savons même point s’il se souvient de son état de mort !… – Allons donc !… Il ne pense qu’à cela !… – Mais laissez-moi donc finir ce que j’ai à vous dire !… En attendant qu’il parle, je voudrais vous montrer le récit que j’ai fait, pour La Médecine astrale, de l’opération. Il nous faut préciser encore quelques points. Venez dans ma chambre… Fanny les entendit s’éloigner. Elle se leva tout doucement, s’enveloppa d’un peignoir et, bien qu’elle se sentît encore bien faible, se dirigea vers la chambre de son mari. Elle en poussa la porte, et, tout de suite, perçut une sorte de gémissement rauque qui attira son regard du côté du lit où le mort convalescent était censé reposer. Une faible lumière éclairait la pièce ; Fanny ne vit que les deux yeux ouverts extraordinairement sur son apparition à elle. L’inexprimable frayeur qui était peinte dans ces yeux-là la fit hâter son pas vers le malheureux qui, à demi soulevé sur sa couche, la regardait venir. Il la reconnut car, comme elle lui tendait les bras, il s’y laissa glisser avec un effroyable soupir d’aise. Il devait l’attendre depuis longtemps. Cependant, la main de Jacques lui montrait la porte du cabinet de toilette, et Fanny se glissa jusque-là, se rendant compte qu’elle obéissait à ce geste. Le mort vivant voulait-il qu’elle fermât cette porte à cause du drame qui s’était passé dans cette pièce ? Ou plutôt Jacques tenait-il à ce que la garde-malade qui y était installée sur un canapé ne les vînt point déranger ? La garde dormait ; Fanny ferma la porte et revint près de son mari. Alors, Jacques étreignit Fanny et lui souffla à l’oreille ces mots qu’elle comprit tout de suite : – Je l’ai vu ! Elle lui prit son pauvre visage entre ses mains douces et tendres ; elle roula cette tête criminelle, qui avait souffert pour elle, sur sa poitrine compatissante, et elle lui dit tout bas : – Tais-toi ! Tais-toi ! Tu as été très malade !… Si tu pouvais pleurer !… Pleure, mon chéri, pleure, cela te fera du bien !… Ne pense plus à rien !… Si tu veux guérir, il ne faut plus penser à rien ! Mais l’autre reprit, en tremblant comme un enfant dans les bras de sa mère : – Tu sais ? Tu le sais bien ?… Pourquoi fais-tu celle qui ne le sait pas ?… Tu sais bien que j’ai été mort ! – Très malade ! Très malade ! tais-toi !… si tu m’aimes, tais-toi !… Il ne faut plus écouter les docteurs !… Ce sont des niais, des imbéciles, mon chéri… de vrais imbéciles… et qui sont vraiment plus malades que toi !… Et je le leur dirai !… Et je ne veux plus qu’ils te tourmentent ! Du reste, je les ai écoutés, tout à l’heure… Ils ne croient pas une seconde sincèrement que tu étais mort !… Si tu ne veux pas mourir pour de bon, cette fois, il faut rejeter une pensée aussi absurde, tu entends, Jacques !… Promets-le-moi !… Nous mourrons fous tous les deux si tu ne me le promets pas… c’est simple… J’ai assisté à tout, moi ! Est-ce que je crois que tu étais mort ?… Ils sont arrivés à temps ! et ont fait l’opération qu’il fallait, à temps ! Voilà tout ! Voilà tout !… Tais-toi, tais-toi !… – Si tu savais ! si tu savais ! gémissait le mort vivant… tu ne parlerais pas comme tu parles !… Surtout ne me quitte pas, ne me quitte plus jamais ! Ah ! je t’attendais ! je t’attendais ! je t’attendais !… maintenant que je sais, tu entends !… je ne veux plus mourir… je ne veux plus les revoir ! Je ne veux plus remourir avant de m’être repenti ! avant d’avoir expié ! avant qu’il m’ait pardonné !… Je ferai tout pour cela, c’est mon seul espoir, c’est ma seule pensée ! Qu’il me dise, quand je le reverrai, qu’il me dise : « Je te pardonne ! » Si tu savais, il est terrible, il est terrible !… et il a toujours sa blessure qui saigne ! – Mon chéri ! mon chéri ! tout ce que tu voudras !… nous ferons tout ce que tu voudras !… Surtout nous partirons !… nous irons loin d’ici ! loin !… si loin que tu ne le verras plus jamais !… que tu n’en entendras plus jamais parler et qu’il ne te tourmentera plus !… – Ah ! pourvu que je ne revoie plus sa blessure qui saigne ! Chaque fois qu’une porte s’ouvre… qu’un rideau remue… qu’un pas glisse sur le parquet, j’ai peur de le revoir se dresser devant moi avec sa blessure qui saigne !… Maintenant que je l’ai vu, dans la mort, je suis sûr qu’il ne cesse de rôder autour de nous, dans la vie !… Il ne quitte pas le pays !… Il ne quitte pas le château !… ou bien, il est chez Marthe !… ou auprès des enfants !… Mais nous, nous ne le voyons pas !… Pour le voir, il faut avoir les yeux purs de Marthe ou les yeux purs des enfants, car les enfants l’ont vu, le petit François disait vrai : il a vraiment vu son papa, et c’est vraiment son papa qui l’a sauvé de l’asphyxie, et Marthe disait vrai !… Et ceux-là seuls voient, et nous, nous ne voyons pas !… Nous avons de pauvres yeux qui ne voient rien du tout !… Heureusement !… Heureusement !… Je veux bien qu’il soit là autour de nous !… qu’il veille sur ses enfants, comme c’est son droit, certes !… Mais qu’il ne m’apparaisse plus… non !… non !… ou alors qu’il cache sa blessure !… Écoute bien ce que je vais te dire, pour te faire connaître ces choses dont nous avons eu tort de rire, du temps de ma vie criminelle : un mort peut encore apparaître à un vivant même si ce vivant ne l’a pas mérité, quand ce vivant va mourir !… C’est ainsi que je l’ai vu, moi, avant de mourir !… juste !… juste le temps qu’il lui a fallu pour prendre mon revolver dans le tiroir, devant moi et pour me tuer !… Il m’a tué parce qu’il a cru que j’allais faire du mal à ses enfants ! Ah ! je te dis comme c’est arrivé ! En même temps que j’ai aperçu la figure menaçante à la tempe saignante, j’ai entendu le coup et je suis tombé foudroyé !… Mort !… Fanny n’essayait même plus de retenir la divagation de Jacques, ou ce qu’elle croyait être fermement une divagation. Elle retenait cette pauvre tête, ce pauvre front embrasé contre sa joue et elle la rafraîchissait en vain de ses larmes. Et elle ne douta point qu’il eût complètement perdu la raison. Son mari était fou !… Elle tenta bien de lui faire comprendre que c’était lui qui avait tiré le coup de revolver contre lui-même pour se débarrasser de l’atroce pensée du crime qui pesait trop douloureusement à son cerveau, et peut-être aussi de la vision du fantôme qui le poursuivait, image inventée par son remords, mais il jura sur le Christ qu’il n’avait pas voulu se tuer et que c’était André lui-même qui l’avait tué !… « Il y a des circonstances où les morts peuvent toucher, soulever, remuer des objets comme les vivants… c’est connu ; c’est connu, même chez les vivants !… La science ne le nie plus !… William Crookes, avec ses morts, en a fait bien d’autres ! » Ayant dit cela, sa tête s’appesantit et il s’endormit dans ses bras. Fanny resta ainsi plus d’une heure sans bouger. Elle n’avait jamais aimé autant cet homme que depuis qu’il endurait de tels supplices dont elle était la cause première. C’est pour elle qu’il avait tué. C’est à cause d’elle que les tenailles du remords lui déchiraient le cœur et le cerveau. Mais elle le guérirait ; oui, elle le guérirait par la fuite et par l’amour… Ils s’aimeraient sous des cieux de joie et de lumière que ne fréquentent point les fantômes du Nord. Elle le sauverait de la torture psychologique que lui infligeaient ces deux monstres de médecins, elle le sauverait des hantises de Marthe et des tables tournantes de Mlle Hélier et de tout… de tout… loin… de… la malle !… Au fond, elle était persuadée que c’était la malle qui était cause de toutes ces extravagances… la malle était trop près… son voisinage impressionnait tout… le château… le parc… tout le pays jusqu’au bord de l’eau, jusqu’à la petite maison du bord de l’eau… Jacques devait, si près, en subir l’influence constante… et mieux !… l’attirance… S’il allait quelquefois dans le garage, s’il descendait dans la cave sans qu’il y fût forcé par rien, par rien absolument de la vie extérieure… c’est qu’il ne pouvait résister au besoin de se rapprocher de la malle ? de la sentir sous ses pieds, avec le cadavre… Fanny comprenait cela, elle-même pensait bien souvent à la malle et, par instants, avait des envies surprenantes, inouïes, des envies qu’il lui fallait combattre avec acharnement, de retourner dans la cave… et de piétiner la terre, au-dessus du mort ! Eh bien ! ils s’en iraient loin de la malle, loin des brumes à fantômes, dans les pays chauds, à Naples, à Capri, à Sorrente, sous les orangers… Et ils redeviendraient forts… Là-bas, on ne craint pas les morts… On se promène parmi des tombeaux fleuris ; les morts sont les amis des vivants et les laissent bien tranquilles… ça n’est pas comme dans le Nord où ils passent leur temps à vous faire peur… Elle regarda Jaques. Il paraissait plongé dans un sommeil de plomb, quand, peu à peu, sa respiration se fit rauque et irrégulière, et, enfin, il s’éveilla en sursaut, les yeux hagards, retenant de ses mains fébriles sa femme effrayée. – Fanny ! Fanny ! ah ! mon Dieu ! regarde… regarde derrière les rideaux de la fenêtre !… Je te dis qu’il a bougé !… Entends-tu le bruit de chaîne, derrière le rideau de la fenêtre !… Je te dis qu’il est là !… Tiens ! tiens ! il bouge !… j’ai vu sa main !… j’ai vu sa main qui soulevait le rideau !… André est derrière le rideau !… Fanny essayait en vain de le faire taire : il répétait en claquant des dents : – Je te dis que j’ai vu sa main ! Je t’en supplie, va voir !… Va voir !… soulève le rideau !… Il se cache derrière le rideau !… Il parlait avec une telle conviction et un tel effroi qu’elle en fut elle-même ébranlée et qu’elle s’en fut au rideau autant pour elle que pour lui !… De fait, il lui parut que le rideau tremblait, n’avait point son immobilité naturelle… Frissonnante, les bras tendus, elle s’avança… mais par une extraordinaire coïncidence, voilà que tout à coup, et d’un seul coup, la petite lampe qui éclairait leur double angoisse s’éteignit comme si l’on venait de souffler dessus et ils furent plongés dans l’obscurité. Alors, Jacques poussa un cri terrible et Fanny ne sachant plus ce qu’elle faisait, ni où elle allait, se heurta aux meubles et renversa un petit guéridon qui supportait un service de nuit en cristal. Il s’écrasa et se brisa sur le parquet avec un bruit inouï. En même temps, la jeune femme sentit un souffle glacé qui lui passait sur le front et dans les cheveux et la fenêtre s’ouvrit toute seule, d’un mouvement brutal qui rejeta la vitre contre le mur. Jacques râlait, la porte de la chambre s’ouvrit, la garde-malade apparut épouvantée, un peu de lumière venue du cabinet de toilette éclaira ce désordre et les deux docteurs parurent. La garde ralluma la lampe malgré le v*****t courant d’air qui s’engouffrait dans la pièce. Fanny, rendue à la réalité de ses sensations par le souffle même de la nuit qui l’avait affolée, se rendit compte que toute cette fantasmagorie se résumait dans le fait d’une fenêtre mal fermée qui s’ouvre sous la poussée du vent, et elle alla elle-même fermer cette fenêtre. Quant à Jacques, rejeté au fond du lit, retenant d’une main tremblante les couvertures sous sa face ravagée par la terreur, il suppliait les docteurs de le débarrasser des morts ! – Faites que je ne les voie plus !… gémissait-il… pourquoi m’avoir retiré de la mort si vous ne m’avez pas sauvé des morts ?… Soyez tranquilles ! Soyez tranquilles ! Il y en a ! Il y en a !… Ah ! vous voulez savoir si je les ai vus !… Eh bien ! oui, je les ai vus !… Je les ai vus comme je vous vois, et je les vois encore !… La maison en est pleine !… et la forêt !… et la vallée ! Si vous croyez que les morts quittent les vivants comme ça !… Ils sont derrière toutes les portes !… Ils guettent à toutes les fenêtres !… Ils vous attendent dans le creux des chemins !… Vous ne vous en doutez pas !… Mais je les ai vus, moi, pendant que j’étais mort, je les ai vus, penchés à l’oreille des vivants et leur soufflant des conseils terribles pour le bien ou pour le mal !… et les vivants ne s’en doutent pas !… Les morts conduisent les vivants par la main et les vivants ne s’en doutent pas !… Non ! Non !… s’ils savaient, ils se méfieraient !… Les vivants disent qu’ils ont des pressentiments !… Il n’y a pas de pressentiment ! il y a le souffle d’un mort dans l’oreille !… Il y a la main d’un mort qui vous conduit vers le bonheur ou vers la catastrophe !… car les morts… je vous le dis !… Je vous le dis !… car j’ai vu cela, moi !… Les morts restent incroyablement mêlés aux vivants… pour les aimer ou les haïr !… Il y a des morts terribles dont il est à peu près impossible, pour un vivant, de se débarrasser !… Les vivants ont tort de ne pas regarder de plus près dans leur ombre !… Ils v verraient des choses que j’ai vues, moi !… et ils se méfieraient !… et les vivants seraient moins fiers de se promener dans la vie, assurément !… Ah ! je vous en prie !… messieurs les docteurs, je vous en conjure… chassez les morts !… chassez les morts !… chassez les morts !… – Allez-vous-en ! Allez-vous-en ! Allez-vous-en !… ordonna brutalement Fanny aux docteurs. Vous voyez bien qu’il délire… Vous êtes des criminels… vous l’avez rendu à la vie pour le supplicier !… Vous avez torturé sa pauvre âme ! Allez-vous-en ! Et Fanny poussait les deux médecins spirites, en les jetant hors de la chambre, en les injuriant jusque dans le corridor… Elle revint près de Jacques qui paraissait un peu calmé, et qui lui dit : – Cela m’a fait du bien de me débarrasser de tout ça ! de tout ça que j’avais dans ma pauvre tête !… Crois-tu que je leur en ai dit ! Ma foi je leur ai dit tout ce que j’ai vu, ni plus ni moins… J’ai eu bien soin de ne pas leur parler d’André… Ça ! je ne peux pas en parler ! Il faut garder ça pour soi tout seul, un remords pareil, à cause du petit Jacques qui n’est responsable de rien, le pauvre ange, et de toi, ma chère Fanny… Dans sa chambre, Moutier disait au professeur Jaloux : – Mon cher ami, nous ne pouvons plus rester ici. Ce malheureux est peut-être fort intéressant, mais encore deux séances comme celles-ci et nous n’aurons plus qu’à le conduire à Charenton, sans compter que nous pourrions bien y rester nous-mêmes… Du reste, on ne nous souffrira plus ici, et autant que possible, il faut éviter un scandale que ne manquerait pas de déchaîner Mme de la Bossière si vous insistiez… De toute façon, moi, je n’en suis plus. Je vous dirai même que je ne suis pas exempt du remords… Enfin, songez que La Médecine astrale exige notre prompt retour à Paris…
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