Point de vue Emilie.
Maison de Damien, 23h14.
Le trajet était long et ennuyeux. Damien m'avait fixé durant tout le long du trajet, et moi je ne lui avais pas adressé un seul regard. Son chauffeur personnel avait mis de la musique, du jazz je crois, car nous ne parlions pas, nous ne nous étions pas adressés un seul mot. Il y avait un silence gênant et très pesant. Je regardai les paysages, le manoir de mon enfance s'éloignait, les gens que j'aimais étaient loin de moi à présent. J'en voulais à Damien, il m'avait arraché à ma famille, mais je ne pouvais pas le blâmer entièrement j'avais accepté de partir. Ma seule consolation était que les miens étaient en sécurité. Et ils l'étaient. J'avais fais des recherches dans les bureaux de mon père, avec son autorisation, sur la meute de Damien et sa position dans le Conseil. Mon père, Damien, ainsi que tous les Alphas de la région en faisaient parti, et d'après ma mère, certains d'entre eux voulaient le territoire de mon père. Damien et lui faisaient parti des Alphas les plus puissants, et leur territoire respectif étaient très attractifs. Damien avait l'une des meutes les plus puissantes, et était un Alpha très respecté et craint. Il y avait environ deux ans, un Alpha avait tenté d'envahir son territoire et prendre sa place. Damien et sa meute avaient décimé leurs adversaires dans un vrai bain de sang. J'avais eu vent de cette histoire, mais je n'avais pas cherché à en prendre plus à l'époque.
Lorsque nous étions arrivés dans son territoire, le chauffeur avait arrêté la voiture, et j'avais été forcée de porter un stupide bandeau noir. J'avais refusé au départ, et à ce moment-là, j'avais reçu un coup sur la tête par derrière et tombai dans un trou noir. Lorsque je m'étais réveillée, nous étions devant une gigantesque et magnifique maison. Elle était très moderne. Après avoir observé brièvement la maison de l'extérieur, une violente douleur m'avait pris à la tête, sans doute le choc de tout à l'heure, ce qui me fit grogner. Damien s'excusa et se tourna vers moi.
- Voici la maison où tu vas vivre désormais, déclara-t-il avec un petit sourire.
Je me contentai d'un simple hochement de tête, je n'avais aucune envie de lui parler bien que les insultes à son égard menaçaient de sortir à n'importe quel moment avec le coup sur la tête que j'avais reçu. Il avait mes valises en main, et il monta les escaliers avec aisance, et moi, ne m'étant pas remis du coup, je montai les marches comme si j'étais complètement saoule. Les lieux me plaisaient énormément, tout était design, j'aimais beaucoup. Par contre, savoir que je devais vivre avec lui me plaisais beaucoup moins. Mais temps que l'on ne devait pas dormir ensemble, ça m'allait amplement.
Damien me fit signe de le suivre, et monta les escaliers, mes valises en main. Je le suivi, ne connaissant pas les lieux et on traversa un vaste couloir couleur chocolat qui créait une ambiance apaisante. Il ouvrit une porte, et entra dans la pièce. Je le suivi. La pièce était tellement grande que je restais béate d'admiration. Un lit deux places était collé au mur de gauche, un immense dressing était en face, dont une partie semblait inoccupée. Sur la droite il y avait une autre porte, qui donnait accès à une grande salle de bain. Damien posa les valises au pied du lit, se retourna vers moi et m'observa, une lueur était présente dans ses yeux. La pièce était très cosy, ce qui me détendait un peu.
- Et voilà notre chambre, m'annonça-t-il.
Ok, il nageait en plein délire.
- Notre ? Non non non, répliquai-je. Je ne dormirais pas avec toi, pas question. Je suis venue ici pour protéger ma meute, pas pour toi.
- Ta meute est désormais la mienne, dit-il sur un ton qui se voulait aussi tranchant qu'une lame de rasoir. Tu dormiras ici, dans cette pièce que ça te plaise ou non. Tu m'appartiens désormais ! me rappela-t-il, le ton amer.
Et il avait raison. Je lui appartenais maintenant, bien que je refusais de l'admettre. Je faisais partie de sa meute. Mais étant une fille d'Alpha, j'avais hérité de la fierté de mon père et l'envie de lui tenir tête était désormais à son paroxysme. Jamais je ne coucherai dans le même endroit que cet homme.
- Ok je t'appartiens, mais seulement parce que je fais partie de ta meute désormais, grognai-je. Tu es peut-être un Alpha tout puissant et respecté, mais sache une chose Damien, jamais je ne me soumettrai à toi, jamais je ne dormirais dans la même pièce et dans le même lit que toi. Certes je suis ici de mon plein gré, mais il ne faut pas pousser le bouchon trop loin. Tu es odieux, lui crachai-je, le ton désinvolte. Si mon père était dans ta situation, il n'agirait pas comme ça, il n'imposerait pas à une femme de dormir avec lui car il est respectueux lui.
Touché. Un torrent d'émotions était présent dans son regard. De la colère, de la tristesse, de la culpabilité. Un pincement au cœur se fit ressentir en moi, mais je l'ignorais, je lui en voulais de vouloir m'imposer de dormir avec lui. Pour qui se prenait-il ?
- Je ne suis pas ton père..., fit-il d'une voix basse, comme un murmure à lui-même.
- Ça, c'est clair ! répliquai-je. Beaucoup d'hommes ont tenté de le ressembler, mais aucun n'y est parvenu car il est un véritable Alpha lui. Alors maintenant, tu vas me trouver une chambre dans laquelle je pourrais dormir tranquillement, et me reposer. Je ne sais pas ce que tu m'as fait, mais j'ai mal à la tête !
Il me regarda quelques instants pendant que je me massais le crâne pour calmer la douleur, ce qui marcha à mon plus grand soulagement, et balbutia quelques mots, confus.
- Bien... On... On va te trouver une chambre.
Ses mots étaient sortis avec beaucoup de mal. Il n'a pas l'habitude qu'on lui tienne tête, et encore moins qu'on lui impose le contraire de ce qu'il voulait. Bien, il avait un minimum de jugeote pour comprendre qu'il n'avait pas tous les droits sur ma personne. Il reprit mes valises, et sorti de la chambre en se dirigeant vers la porte d'en face. Une autre chambre y était, pas aussi grande mais avec de l'espace et était agencée de la même façon.
Il posa de nouveau les valises au pied du lit.
- Alors voici ta...chambre.
Je me dirigeai vers le lit, et m'assis sur celui-ci. Le matelas était très confortable, et la couverture très douce sous mes doigts. Je regardais la décoration qui était très simple : des murs peints en gris, quelques tableaux, de grandes fenêtres. Une très jolie chambre.
- Hum, je... Je te laisse t'installer, dit Damien en sortant de la chambre. Je... Euh... J'ai quelques affaires à régler. Je serais rentré demain matin, m'informa-t-il.
Et il parti, déboussolé. Je lâchai un souffle trop longtemps retenu. Alors voici à quoi ressemblerait ma nouvelle vie : un Alpha autoritaire, qui détestait qu'on lui tienne tête. Une vie dans le luxe. Mes parents étaient riches, mais Damien le semblait encore plus. Beaucoup plus, ce qui était assez surprenant pour son jeune âge.
Il fallait que je fasse quelque chose, je devais m'occuper. Je fixai mes valises, et décidai de ranger mes affaires dans le dressing. Je rangeais mes vêtements lorsque mon portable se mit à sonner, je le pris et un immense sourire apparu sur mes lèvres quand je vis de qui provenait l'appel.
- Maman ! m'exclamai-je.
- Bonsoir ma chérie, fit-elle d'une voix rassurée. Alors, comment est ton nouveau chez toi ?
- Luxueux. Très luxueux. Si seulement vous pouviez venir me voir..., dis-je, le ton plein de regret.
Cela ne faisait que quelques heures que j'étais partie pourtant j'avais l'impression que cela faisait des années que je n'avais pas entendu la voix rassurante de ma mère.
- Nous passerons te voir, c'est promis. Comment est Damien ? me demanda-t-elle d'une voix pleine de curiosité.
Je lui expliquai alors mon accrochage récent avec Damien, et elle approuvait ma réaction. Elle me conseilla d'être tout de même prudente, et d'agir de manière réfléchie. On parla encore un peu quand mon ventre décida qu'il était l'heure de manger. Toute cette histoire m'avait donné faim. Ma mère rigola à l'autre bout du fil, et raccrocha en me promettant de rappeler bientôt.
- Bien, trouvons la cuisine, murmurai-je.
Je sorti de ma nouvelle chambre et retournai au hall d'entrée. J'accédai directement au salon et une voix retentit derrière moi, me faisant sursauter.
- Bonsoir Madame, fit une vieille dame.
- Euh, bonsoir, répondis-je perdue.
Elle rigola devant mon trouble, ce qui me troubla davantage.
- Je suis la gouvernante de Damien, je m'appelle Nathalie, se présenta-t-elle.
- Hum, Emilie. La..., commençai-je.
- La femelle de Damien, me coupa-t-elle.
- Non. Pour rien au monde je ne serai sa femelle, grognai-je en repensant à son comportement de tout à l'heure.
- Vous vous y ferez, rit-elle. Cherchez-vous quelque chose ?
- La cuisine, je meurs de faim.
Elle rit et me conduisit à la cuisine.
- Que voulez-vous manger ? demanda-t-elle, la voix pleine d'entrain.
- Des œufs et du bacon !
Elle me lança un sourire chaleureux, que je lui rendis, et commença à préparer mon plat. Je n'aimais pas l'idée d'avoir quelqu'un sous mes ordres, surtout lorsqu'il s'agissait d'un employé de Damien. Nathalie me faisait penser à Gabriella, par sa gentillesse. Lorsque je lui proposai mon aide, elle refusa en rétorquant "C'est mon travail de le faire pour vous, et ça me fait plaisir.", alors je ne préférai pas insister. Elle termina rapidement de cuisiner, et me servi une grande assiette qu'elle remplit d'œufs et de bacon grillé. Une délicate odeur de fumé s'engouffra dans mes narines, et je salivai déjà à l'idée d'avoir les ingrédients dans ma bouche.
- Merci Nathalie, ça a l'air extrêmement bon, dis-je en enfournant une bouchée. Mais c'est délicieux ! m'exclamai-je.
- Merci Madame, ça me fait plaisir, me remercia-t-elle.
Ça ne faisait que quelques minutes que je connaissais Nathalie mais je l'appréciais beaucoup, certainement parce qu'elle venait de calmer mon estomac. Je lui fis un sourire, qu'elle me rendit. Je retournai dans ma chambre et me faufilai dans la salle de bain, j'avais besoin de me relaxer. Il y avait une baignoire assez grande pour accueillir au moins trois personnes, ainsi qu'une douche italienne tout aussi grande. J'optai pour la douche.
Je me déshabillai et entrai dans celle-ci.
La salle de bain était remplie de vapeur lorsque je sorti de la douche. Les jets massant m'avaient fais le plus grand bien. L'horloge de la salle de bain m'indiqua qu'il était deux heures du matin. Je me séchai et enfilai mon pyjama qui se résumait à un vieux T-shirt noir et un short noir en coton. Je me glissai sous les couvertures chaudes et m'endormi instantanément, mon esprit à des lieux de cet endroit.
Je me réveillai avec les rayons du soleil me chatouillant le visage. Je m'étirai dans mon grand lit et la journée d'hier me revînt à l'esprit de plein fouet : les adieux, Damien, notre dispute, ma rencontre avec Nathalie. Et surtout mon changement de meute.
Les larmes coulèrent avant que je ne puisse les retenir, certaines coulaient le long des mes joues, et d'autres envahirent mes lèvres avec leur goût salé. Je ne reniflai qu'une seule et unique fois, et cela suffit pour que quelqu'un monta les escaliers quatre à quatre. Son odeur boisé suffisait à me faire reconnaître qui allait arriver dans exactement deux secondes. Un. Deux. Et la porte de ma chambre s'ouvrit sur le responsable. Damien.
- Emilie ?! s'inquiéta-t-il. Oh Emilie qu'est-ce qui...
Il s'était assis à côté de moi et allait me prendre dans ses bras quand je me levais et le pointai du doigt, le regard rempli de haine.
- Dégages !! Ne m'approches surtout pas ! hurlai-je en pleurant. Pourquoi tu as demandé ma présence hein ? Pourquoi !
Je m'effondrai sur le sol, à genoux, épuisée par les larmes qui refusaient d'arrêter de saccager mon visage quand je fus prise de tremblements. Des bras musclés m'encerclèrent et ma tête se retrouva collée à un torse fait uniquement de muscles. Une grande main caressait mes cheveux pour m'apaiser. Je n'avais pas la force de repousser le propriétaire. Je me laissai aller, pleurai toutes les larmes retenues depuis hier soir, tout en entendant ces mots qu'il me glissait à l'oreille pour m'aider à me calmer.
- Chut, calmes-toi. Je suis là. Excuses-moi..., murmurait sans cesse Damien.
Ses mots, bien que je les détestais du plus profond de mon être et de mon âme, me calmèrent et je m'endormis sur ces mots si longuement répétés, dans les bras de celui qui avait menacé mon père pour m'avoir. A quoi cela rimait-il...