II - Photini-1

3013 Words
IIPhotiniVous devinez, à l’âge de mes habits, que je n’ai pas dix mille francs de rente. Mon père est un aubergiste ruiné par les chemins de fer. Il mange du pain dans les bonnes années, et des pommes de terre dans les mauvaises. Ajoutez que nous sommes six enfants, tous bien endentés. Le jour où j’obtins au concours une mission du jardin des Plantes, il y eut fête dans la famille. Non seulement mon départ augmentait la pitance de chacun de mes frères, mais encore j’allais toucher deux cent cinquante francs par mois, plus cinq cents francs, une fois payés, pour frais de voyage. C’était une fortune. Dès ce moment, on perdit l’habitude de m’appeler le docteur. On m’appela le marchand de bœufs, tant je paraissais riche ! Mes frères comptaient bien qu’on me nommerait professeur à l’université dès mon retour d’Athènes. Mon père avait une autre idée : il espérait que je reviendrais marié. En sa qualité d’aubergiste, il avait assisté à quelques romans, et il était convaincu que les belles aventures ne se rencontrent que sur les grands chemins. Il citait, au moins trois fois par semaine, le mariage de la princesse Ypsoff et du lieutenant Reynauld. La princesse occupait l’appartement n° 1, avec ses deux femmes de chambre et son courrier, et elle donnait vingt florins par jour. Le lieutenant français était perché au 17, sous les toits, et il payait un florin et demi, nourriture comprise ; et cependant, après un mois de séjour dans l’hôtel, il était parti en chaise avec la dame russe. Or, pourquoi une princesse emmènerait-elle un lieutenant dans sa voiture, sinon pour l’épouser ? Mon pauvre père, avec ses yeux de père, me voyait plus beau et plus élégant que le lieutenant Reynauld ; il ne doutait point que je ne rencontrasse tôt ou tard la princesse qui devait nous enrichir. Si je ne la trouvais pas à table d’hôte, je la verrais en chemin de fer ; si les chemins de fer ne m’étaient pas propices, nous avions encore les bateaux à vapeur. Le soir de mon départ, on but une vieille bouteille de vin du Rhin, et le hasard voulut que la dernière goutte vînt tomber dans mon verre. L’excellent homme en pleura de joie : c’était un présage certain, et rien ne pouvait m’empêcher de me marier dans l’année. Je respectai ses illusions, et je me gardai de lui dire que les princesses ne voyageaient pas en troisième classe. Quant au gîte, mon budget me condamnait à choisir des auberges modestes, où les princesses ne logent pas. Le fait est que je débarquai au Pyrée, sans avoir ébauché le plus petit roman. L’armée d’occupation avait fait renchérir toutes choses dans Athènes. L’hôtel d’Angleterre, l’hôtel d’Orient, l’hôtel des Étrangers, étaient inabordables. Le chancelier de la légation de Prusse, à qui j’avais porté une lettre de recommandation, fut assez aimable pour me chercher un logement. Il me conduisit chez un pâtissier appelé Christodule, au coin de la rue d’Hermès et de la place du Palais. Je trouvai là le vivre et le couvert moyennant cent francs par mois. Christodule est un vieux pallicare, décoré de la croix de Fer, en mémoire de la guerre de l’indépendance. Il est lieutenant de la phalange, et il touche sa solde derrière son comptoir. Il porte le costume national, le bonnet rouge à g***d bleu, la veste d’argent, la jupe blanche et les guêtres dorées, pour vendre des glaces et des gâteaux. Sa femme, Maroula, est énorme, comme toutes les Grecques de cinquante ans passés. Son mari l’a achetée quatre-vingts piastres, au plus fort de la guerre, dans un temps où ce s**e coûtait assez cher. Elle est née dans l’île d’Hydra, mais elle s’habille à la mode d’Athènes : veste de velours noir, jupe de couleur claire, un foulard natté dans les cheveux. Ni Christodule ni sa femme ne savent un mot d’allemand ; mais leur fils Dimitri, qui est domestique de place, et qui s’habille à la française, comprend et parle un peu tous les patois de l’Europe. Au demeurant, je n’avais pas besoin d’interprète. Sans avoir reçu le don des langues, je suis un polyglotte assez distingué, et j’écorche le grec aussi couramment que l’anglais, l’italien et le français. Mes hôtes étaient de braves gens ; il s’en rencontre plus de trois dans la ville. Ils me donnèrent une petite chambre blanchie à la chaux, une table de bois blanc, deux chaises de paille, un bon matelas bien mince, une couverture et des draps de coton. Un bois de lit est une superfluité dont les Grecs se privent aisément, et nous vivions à la grecque. Je déjeunais d’une tasse de salep, je dînais d’un plat de viande avec beaucoup d’olives et de poisson sec ; je soupais de légumes, de miel et de gâteaux. Les confitures n’étaient pas rares dans la maison, et, de temps en temps, j’évoquais le souvenir de mon pays, en me régalant d’un gigot d’agneau aux confitures. Inutile de vous dire que j’avais ma pipe, et que le tabac d’Athènes est meilleur que le vôtre. Ce qui contribua surtout à m’acclimater dans la maison de Christodule, c’est un petit vin de Santorin, qu’il allait chercher je ne sais où. Je ne suis pas gourmet, et l’éducation de mon palais a été malheureusement un peu négligée ; cependant je crois pouvoir affirmer que ce vin-là serait apprécié à la table d’un roi : il est jaune comme l’or, transparent comme la topaze, éclatant comme le soleil, joyeux comme le sourire d’un enfant. Je crois le voir encore dans sa carafe au large ventre, au milieu de la toile cirée qui nous servait de nappe. Il éclairait la table, mon cher monsieur, et nous aurions pu souper sans autre lumière. Je n’en buvais jamais beaucoup, parce qu’il était capiteux ; et pourtant, à la fin du repas, je citais des vers d’Anacréon, et je découvrais des restes de beauté sur la face lunaire de la grosse Maroula. Je mangeais en famille avec Christodule et des pensionnaires de la maison. Nous étions quatre internes et un externe. Le premier étage se divisait en quatre chambres, dont la meilleure était occupée par un archéologue français, M. Hippolyte Mérinay. Si tous les Français ressemblaient à celui-là, vous feriez une assez piètre nation. C’était un petit monsieur de dix-huit à quarante-cinq ans, très roux, très doux, parlant beaucoup, et armé de deux mains tièdes et moites qui ne lâchaient pas son interlocuteur. Ses deux passions dominantes étaient l’archéologie et la philanthropie : aussi était-il membre de plusieurs sociétés savantes et de plusieurs confréries bienfaisantes. Quoiqu’il fût grand apôtre de charité, et que ses parents lui eussent laissé un beau revenu, je ne me souviens pas de l’avoir vu donner un sou à un pauvre. Quant à ses connaissances en archéologie, tout me porte à croire qu’elles étaient plus sérieuses que son amour pour l’humanité. Il avait été couronné par je ne sais quelle académie de province, pour un mémoire sur le prix du papier au temps d’Orphée. Encouragé par ce premier succès, il avait fait le voyage de Grèce pour recueillir les matériaux d’un travail plus important : il ne s’agissait de rien moins que de déterminer la quantité d’huile consommée par la lampe de Démosthène pendant qu’il écrivait la seconde Philippique. Mes deux autres voisins n’étaient pas si savants, à beaucoup près, et les choses d’autrefois ne les souciaient guère. Giacomo Fondi était un pauvre Maltais employé à je ne sais plus quel consulat ; il gagnait cent cinquante francs par mois à cacheter des lettres. Je m’imagine que tout autre emploi lui aurait mieux convenu. La nature, qui a peuplé l’île de Malte pour que l’Orient ne manquât jamais de portefaix, avait donné au pauvre Fondi les épaules, les bras et les mains de Milon de Crotone : il était né pour manier la massue, et non pour brûler des bâtons de cire à cacheter. Il en usait cependant deux ou trois par jour : l’homme n’est pas maître de sa destinée. Cet insulaire déclassé ne rentrait dans son élément qu’à l’heure du repas ; il aidait Maroula à mettre la table, et vous devinez, sans que je le dise, qu’il apportait toujours la table à bras tendu. Il mangeait comme un capitaine de l’Iliade, et je n’oublierai jamais le craquement de ses larges mâchoires, la dilatation de ses narines, l’éclat de ses yeux, la blancheur de ses trente-deux dents ; meules formidables dont il était le moulin. Je dois avouer que sa conversation m’a laissé peu de souvenirs : on trouvait aisément la limite de son intelligence, mais on n’a jamais connu les bornes de son appétit. Christodule n’a rien gagné à l’héberger pendant quatre ans, quoiqu’il lui fit payer dix francs par mois pour supplément de nourriture. L’insatiable Maltais absorbait tous les jours, après dîner, un énorme plat de noisettes, qu’il cassait entre ses doigts par le simple rapprochement du pouce et de l’index. Christodule, ancien héros, mais homme positif, suivait cet exercice avec un mélange d’admiration et d’effroi ; il tremblait pour son dessert, et cependant il était flatté de voir à sa table un si prodigieux casse-noisette. La figure de Giacomo n’aurait pas été déplacée dans une de ces boîtes à surprise qui font tant de peur aux petits enfants. Il était plus blanc qu’un n***e ; mais c’est une question de nuance. Ses cheveux épais descendaient jusque sur les sourcils, comme une casquette. Par un contraste assez bizarre, ce Caliban avait le pied le plus mignon, la cheville la plus fine, la jambe la mieux prise et la plus élégante qu’on pût offrir à l’étude d’un statuaire ; mais ce sont des détails qui ne nous frappaient guère. Pour quiconque l’avait vu manger, sa personne commençait au niveau de la table ; le reste ne comptait plus. Je ne parle que pour mémoire du petit William Lobster. C’était un ange de vingt ans, blond, rose et joufflu, mais un ange des États-Unis d’Amérique. La maison Lobster et Sons, de New-York, l’avait envoyé en Orient pour étudier le commerce d’exportation. Il travaillait dans la journée chez les frères Philip ; le soir, il lisait Emerson ; le matin, à l’heure étincelante où le soleil se lève, il allait à la maison de Socrate tirer le pistolet. Le personnage le plus intéressant de notre colonie était sans contredit John Harris, l’oncle maternel du petit Lobster. La première fois que j’ai dîné avec cet étrange garçon, j’ai compris l’Amérique. John est né à Vandâlia, dans l’Illinois. Il a respiré en naissant cet air du nouveau monde, si vivace, si pétillant et si jeune, qu’il porte à la tête comme le vin de Champagne, et qu’on se grise à le respirer. Je ne sais pas si la famille Harris est riche ou pauvre, si elle a mis son fils au collège ou si elle l’a laissé faire son éducation lui-même. Ce qui est certain, c’est qu’à vingt-sept ans il ne compte que sur soi, ne s’attend qu’à soi, ne s’étonne de rien, ne croit rien impossible, ne recule jamais, croit tout, espère tout, essaye de tout, triomphe de tout, se relève s’il tombe, recommence s’il échoue, ne s’arrête jamais, ne perd jamais courage, et va droit devant lui en sifflant sa chanson. Il a été cultivateur, maître d’école, homme de loi, journaliste, chercheur d’or, industriel, commerçant ; il a tout lu, tout vu, tout pratiqué et parcouru plus de la moitié du globe. Quand je fis sa connaissance, il commandait au Pirée un aviso à vapeur, soixante hommes et quatre canons ; il traitait la question d’Orient dans la Revue de Boston ; il faisait des affaires avec une maison d’indigo à Calcutta, et il trouvait le temps devenir trois ou quatre fois par semaine dîner avec son neveu Lobster et avec nous. Un seul trait, entre mille, vous peindra le caractère de Harris. En 1853, il était l’associé d’une maison de Philadelphie. Son neveu, qui avait alors dix-sept ans, va lui faire une visite. Il le trouve sur la place Washington, debout, les mains dans les poches, devant une maison qui brûle. William lui frappe sur l’épaule ; il se retourne. « C’est toi ? dit-il. Bonjour, Bill ; tu arrives mal, mon enfant. Voici un incendie qui me ruine ; j’avais quarante mille dollars dans la maison ; nous ne sauverons pas une allumette. – Que vas-tu faire ? demanda l’enfant atterré. – Ce que je vais faire ? Il est onze heures, j’ai faim, il me reste un peu d’or dans mon gousset ; je vais t’offrir à déjeuner ! » Harris est un des hommes les plus sveltes et les plus élégants que j’aie jamais rencontrés. Il a l’air mâle, le front haut, l’œil limpide et fier. Ces Américains ne sont jamais ni chétifs ni difformes, et savez-vous pourquoi ? C’est qu’ils n’étouffent pas dans les langes d’une civilisation étroite. Leur esprit et leur corps se développent à l’aise ; ils ont pour école le grand air, pour maître l’exercice, pour nourrice la liberté. Je n’ai jamais pu faire grand cas de M. Mérinay ; j’examinais Giacomo Fondi avec la curiosité indifférente qu’on apporte dans une ménagerie d’animaux exotiques ; le petit Lobster m’inspirait un intérêt médiocre ; mais j’avais de l’amitié pour Harris. Sa figure ouverte, ses manières simples, sa rudesse qui n’excluait pas la douceur, son caractère emporté et cependant chevaleresque, les bizarreries de son humeur, la fougue de ses sentiments, tout cela m’attirait d’autant plus vivement que je ne suis ni fougueux ni passionné. Nous aimons autour de nous ce que nous ne trouvons pas en nous. Giacomo s’habillait de blanc parce qu’il était noir ; j’adore les Américains parce que je suis Allemand. Pour ce qui est des Grecs, je les connaissais fort peu après quatre mois de séjour en Grèce. Rien n’est plus facile que de vivre dans Athènes sans se frotter aux naturels du pays. Je n’allais pas au café, je ne lisais ni la Pandore, ni la Minerve, ni aucun journal du cru ; je ne fréquentais pas le théâtre, parce que j’ai l’oreille délicate et qu’une fausse note m’offense plus cruellement qu’un coup de poing : je vivais à la maison avec mes hôtes, mon herbier et John Harris. J’aurais pu me faire présenter au palais, grâce à mon passeport diplomatique et à mon titre officiel. J’avais remis ma carte chez le maître des cérémonies et chez la grande maîtresse, et je pouvais compter sur une invitation au premier bal de la cour. Je tenais en réserve pour cette circonstance un bel habit rouge brodé d’argent que ma tante Rosenthaler m’avait apporté la veille de mon départ. C’était l’uniforme de feu son mari, préparateur d’histoire naturelle à l’Institut philomathique de Minden. Ma bonne tante, femme de grand sens, savait qu’un uniforme est bien reçu dans tout pays, surtout lorsqu’il est rouge. Mon frère aîné fit observer que j’étais plus grand que mon oncle, et que les manches de son habit n’arrivaient pas tout à fait au bout de mes bras ; mais papa répliqua vivement que la broderie d’argent éblouirait tout le monde, et que les princesses n’y regarderaient pas de si près. Malheureusement la cour ne dansa pas de toute la saison. Les plaisirs de l’hiver furent la floraison des amandiers, des pêchers et des citronniers. On parlait vaguement d’un grand bal pour le 15 mai ; c’était un bruit de ville, accrédité par quelques journaux semi-officiels ; mais il n’y fallait pas compter. Mes études marchaient comme mes plaisirs au petit pas. Je connaissais à fond le jardin botanique d’Athènes, qui n’est ni très beau ni très riche ; c’est un sac qu’on a bientôt vidé. Le jardin royal offrait plus de ressources : un Français intelligent y a rassemblé toutes les richesses végétales du pays, depuis les palmiers des îles jusqu’aux saxifrages du cap Sunium. J’ai passé là de bonnes journées au milieu des plantations de M. Bareaud. Le jardin n’est public qu’à certaines heures ; mais je parlais grec aux sentinelles, et pour l’amour du grec on me laissait entrer. M. Bareaud ne s’ennuyait pas avec moi ; il me promenait partout pour le plaisir de parler botanique et de parler français. En son absence, j’allais chercher un grand jardinier maigre, aux cheveux écarlates, et je le questionnais en allemand ; il est bon d’être polyglotte. J’herborisais tous les jours un peu dans la campagne, mais jamais aussi loin que je l’aurais voulu : les brigands campaient autour d’Athènes. Je ne suis pas poltron, et la suite de ce récit vous le prouvera, mais je tiens à la vie. C’est un présent que j’ai reçu de mes parents ; je veux le conserver le plus longtemps possible, en souvenir de mon père et de ma mère. Au mois d’avril 1856, il était dangereux de sortir de la ville ; il y avait même de l’imprudence à y demeurer. Je ne m’aventurais pas sur le versant du Lycabète sans penser à cette pauvre Mme X… qui y fut dévalisée en plein midi. Les collines de Daphné me rappelaient la captivité des deux officiers français. Sur la route du Pirée, je songeais involontairement à cette b***e de voleurs qui se promenait en six fiacres comme une noce, et qui fusillait les passants à travers les portières. Le chemin du Pentélique me rappelait l’arrestation de la duchesse de Plaisance ou l’histoire toute récente de Harris et de Lobster. Ils revenaient de la promenade sur deux chevaux persans appartenant à Harris : ils tombent dans une embuscade. Deux brigands, le pistolet au poing, les arrêtent au milieu d’un pont. Ils regardent autour d’eux et voient à leurs pieds, dans le ravin, une douzaine de coquins armés jusqu’aux dents qui gardaient cinquante ou soixante prisonniers. Tout ce qui avait passé par là depuis le lever du soleil avait été dépouillé, puis garrotté, pour que personne ne courût donner l’alarme. Harris était sans armes comme son neveu. Il lui dit en anglais : « Jetons notre argent ; on ne se fait pas tuer pour vingt dollars. » Les brigands ramassent les écus sans quitter la bride des chevaux : puis ils montrent le ravin et font signe qu’il y faut descendre. Pour le coup, Harris perd patience : il lui répugne d’être lié ; il n’est pas du bois dont on fait les fagots. Il jette un regard au petit Lobster, et au même instant deux coups de poing parallèles s’abattent comme deux boulets ramés sur la tête des deux brigands. L’adversaire de William roule à la renverse en déchargeant son pistolet ; celui de Harris, lancé plus rudement, passe par-dessus le parapet et va tomber au milieu de ses camarades. Harris et Lobster étaient déjà loin, éventrant leurs montures à coups d’éperons. La b***e se lève comme un seul homme et fait feu de toutes ses armes. Les chevaux sont tués, les cavaliers se dégagent, jouent des jambes et viennent avertir la gendarmerie, qui se mit en route le surlendemain de bon matin. Notre excellent Christodule apprit avec un vrai chagrin la mort des deux chevaux ; mais il ne trouva pas une parole de blâme pour les meurtriers. « Que voulez-vous ? disait-il avec une charmante bonhomie : c’est leur état. » Tous les Grecs sont un peu de l’avis de notre hôte. Ce n’est pas que les brigands épargnent leurs compatriotes et réservent leurs rigueurs pour les étrangers ; mais un Grec dépouillé par ses frères se dit avec une certaine résignation que son argent ne sort pas de la famille. La population se voit piller par les brigands comme une femme du peuple se sent battre par son mari, en admirant comme il frappe bien. Les moralistes indigènes se plaignent de tous les excès commis dans la campagne, comme un père déplore les fredaines de son fils. On le gronde tout haut, on l’aime tout bas ; on serait bien fâché qu’il ressemblât au fils du voisin, qui n’a jamais fait parler de lui.
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