Préface
PréfaceVoici un livre qui a conquis sa place, parmi les classiques de la récréation contemporaine, par des mérites tout à fait particuliers, et qui, à ce titre, manquait à notre collection. Jean-Paul Choppart a fait la joie, je devrais dire la jubilation de tout ce qui était enfant, il y a trente ans.
Il est peu de bambins, depuis 1830 jusqu’à nos jours, qui ne l’ait lu avec un entraînement voisin de la passion. Il est du petit nombre de livres destinés à l’enfance, dont le succès n’étonne pas quand on le relit dans l’âge mûr. Il est écrit avec une vivacité, une verve, une abondance, un entrain, une franchise d’allure à la fois sérieuse et bouffonne, qui ne sont pas d’ordinaire ce qui distingue la littérature enfantine. Jean-Paul Choppart, en effet, ne sort pas comme tant d’autres du laboratoire d’un confiseur. Ce n’est pas un de ces livres trop doux, un de ces livres d’une bénignité, d’un patelinage fade, qu’une école, qui n’est pas la bonne, a amoncelés autour du jeune âge. Il ne rappelle en rien cette tisane littéraire qu’on verse d’ordinaire par petites cuillerées dans l’esprit des enfants. C’est, tout au contraire, une sorte de petit torrent accommodé à leurs forces, où l’auteur les baigne hardiment, où il les plonge d’une main alerte et sûre, où il les retient palpitants entre l’inquiétude et le rire jusqu’à ce que le bain ait produit son bon effet. L’histoire de Jean-Paul Choppart, en un mot, n’est pas l’éternelle histoire de cet enfant bien sage qu’on propose depuis si longtemps pour modèle aux jeunes générations ; c’est l’histoire d’un petit drôle, paresseux, volontaire, étourdi, présomptueux et égoïste, que son goût pour les escapades défendues jette dans tant et de si mirobolants désagréments, qu’à la fin il est bien obligé de se dire avec le lecteur, que la sagesse vaut décidément mieux que la folie et qu’il est mille fois plus fatigant de ne rien faire ou de faire des sottises que de travailler et de se bien conduire.
L’enfant est pris là sur le vif par le côté le plus agité de sa nature. C’est le livre des turbulents écrit par un homme qui les connaît à fond, qui a compris que le remède aux défauts de l’enfance est le même que le remède aux défauts de la virilité, et qui sait, par conséquent, que l’expérience des faits, l’expérience personnelle est la plus efficace des leçons. M. Louis Desnoyer moralise moins qu’il n’agit. Il cache sa leçon dans l’action, mais c’est pour l’en faire sortir avec une telle vivacité qu’elle éclate aux yeux des plus aveugles et frappe les plus endurcis. Sa méthode est celle du bourru bienfaisant qui secoue celui dont il veut être entendu au lieu de l’endormir.
L’édition que nous donnons aujourd’hui, revue avec soin par l’auteur, rajeunie et débarrassée, en vue des générations actuelles, de ce qui avait pu vieillir dans le livre primitif, fournira une nouvelle et brillante carrière, nous n’en doutons pas.
J. HETZEL.