Je montais dans la voiture et cette fois-ci, pour une raison qui m'est étrangère, mon âme me poussa à regarder vers l'extérieur.
À travers la vitre, je voyais le monde différemment de la façon dont je l'avais toujours connu. Il semblait vouloir faire la paix avec moi. Or, je ne pensais pas être prête.
Pourtant, ce Éric Croft allait bien faire naître de moi des envies dont j'ignorais encore l'existence.
C'est lui en fait qui allait me permettre de réaliser que celle en moi que je pensais être morte, n'était que dans le coma, attendant un miracle.
À seize heures à peine, il faisait déjà nuit dans mon cœur. Je revisitais ainsi les rues de mes souvenirs, afin de gagner cet argument contre le monde. Crachant sur sa face les innombrables justifications qui rendraient impossible notre liaison.
Et tellement cette dispute m'avait absorbé, que mon esprit manqua complètement de remarquer le regard insistant du conducteur.
Il avait en effet dû répéter, 'mademoiselle ?' À plusieurs reprises.
'Désolée... j'essayais de réciter un cours dans ma tête.' Mentis-je.
'Ce n'est rien... ' Souriait-il, 'en couple ?'
'Oh non... l'amour... les relations et tout... ce n'est pas pour moi.'
'Quel voyou vous a donc blessé pour mettre un aussi affreux discours sur le bout de vos lèvres ?'
Et je riais, attisant sa curiosité, 'c'est vraiment idiot comme le monde pense qu'une femme blessée a forcément été piétinée par un homme. Lorsque très souvent, c'est le travail bâclé de parents qui n'ont point tenu à donner le meilleur d'eux même.'
'Je vois... ' murmura-t-il.
'Non, je ne crois pas ! Mais merci quand même d'avoir posé la question.'
'Ce n'est rien... on pourrait aller en parler un peu plus autour d'un verre si cela vous chante.'
'Je déteste la musique et ce rendez-vous n'ira nulle part alors... '
'Juste en tant qu'amis.'
'Je viens de perdre la seule amie que j'avais et... qu'elle revienne dans ma vie ou pas... je n'en veux pas d'autres.' Affirmais-je, le jetant dans un néant de silence.
Ainsi était ma vie. Jamais je ne laissais ce dont je ne sentais point les poches peser, essayer de mesurer la lourdeur de mon cœur.
Pourquoi le devais-je ? Qu'allaient ils m'apporter ? Qu'allaient-ils changer de mes angoisses ?
Si ce n'est que d'exécuter des va-et-viens et recréer les schémas de mes parents adoptifs et biologiques.
Bien que je ne comptais pas nourrir cette malédiction, je considérais quelque part avoir possiblement choisi le mauvais remède à mes maux.
Pourtant, très bientôt, un remède allait me déchirer les lèvres.
Quelques minutes plus tard, nous arrivions donc devant chez moi. Le conducteur n'eut plus le courage de m'adresser la parole.
Je descendais, laissant même un pourboire sur l'application de 30 euros.
Arrivée dans mon appartement au troisième étage, à la porte 105, j'entrais, et courus vers le sofa pour jeter mon corps.
J'étais littéralement épuisée. Toutefois, tous les jours de la semaine furent les mêmes ; harassants.
Entre mes clients et les cours, je ne pouvais avoir de temps pour réfléchir sur l'état de mon cœur.
De plus, même quand le week-end arriva, le samedi, je me souvins que j'avais une soirée avec Gérald, et pour rien au monde, je ne l'aurais manqué.
À ce moment, je ne savais pas encore le chaos qui m'attendait.