"Pensez-vous que nous sommes en plein théâtre ? Quelle est cette voix dramatique et ces paraboles ?" Demanda-t-il avant de se tourner vers sa fille, "Aline... y a-t-il quelque chose qui ne va pas ? Qui te dérange ?"
"Non..."
"Et bien alors... tout est réglé, n'est-ce pas ?" Leva-t-il les mains vers le ciel, signe d'exaspération. "Maintenant, si vous voulez bien nous excuser, on a du travail à faire et une fille à nourrir."
"Je m'en vais." Marcha-t-elle vers la sortie, "Aline, voudrais-tu bien me raccompagner ?"
"Bien sûr." Acceptait l'adolescente sous les regards hésitant de ses parents.
En marchant vers la maison de madame Bovare, cette dernière susurra, "Ursula..."
"Pardon ?"
"Ursula... c'était son prénom."
"Je ne comprends pas..."
"Viens ! Entre !" L'invita-t-elle avant de proposer, "assieds-toi..." dans la salle à manger, "je t'emmène des cookies et du jus d'orange."
"Non, c'est bon. J'ai le ventre plein."
Mais elle fixa la jeune fille, "j'insiste ! Ce n'est pas tous les jours que je reçois des invités."
"D'accord."
En apportant cela, elle continuait donc, "ma fille."
"Votre fille ?"
"Oui... son prénom était Ursula."
"Où est-elle ?"
En ricanant, madame Bovare murmura, "notre rencontre fut bien courte."
"Vous comptiez adopter ?"
"J'étais une jeune femme à qui la vie n'avait pas fait de cadeau. J'étais orpheline depuis le bas âge et... aucune famille n'avait voulu m'adopter. Ce n'est qu'après mes dix-huit ans que j'ai pu quitter l'orphelinat pour me jeter dans la vie d'adultes."
"Je suis désolée."
"Mais tu n'as pas à l'être !" S'exprima-t-elle, "j'avais une amertume profonde et je me tuais à petit feu sans jamais pourtant trouver le chemin de la mort."
"Croyez-moi, je comprends."
"Je sais..." s'échangèrent-elles un regard douloureux. "Je ne voulais pas laisser entrer dans ma vie l'amour, car je n'en avais pas reçu de ceux qui m'avaient conçu." S'avouait-elle en resservant du thé dans sa tasse. Puis, elle poursuivait, "je n'étais pas heureuse et j'étais fatiguée de me battre contre moi-même au lieu de m'embrasser. J'étais dans un cercle vicieux. Une bulle qui ne voulait pas exploser et me laisser respirer."
"Certains ont pour cadeaux le malheur à vie et d'autres le bonheur. C'est comme ça ! Une équation bien injuste envers les hommes."
"Mais le calcul est faux !"
"Comment ça ?"
"J'ai rencontré Greg quelque temps après ma sortie de l'orphelinat. Je doutais de son amour, car je le voyais bien trop parfait. Et aujourd'hui, je réalise que... que c'est la société qui m'avait étouffé l'esprit à me dire que la perfection n'existe pas."
"Voyez-vous toutes ces femmes qui courent après cela et ne l'atteignent jamais ? Alors comment osez-vous conclure que la perfection existe ?"
"C'est vrai..." pleurait-elle, "elle existe, mais elle s'assied sur un siège qu'on regarde avec dédain. Comme si on était supérieur à ça."
"Je suis désolée madame Bovare mais, je ne comprends pas vos paraboles."
"On pense que l'amour se trimbale avec des strass et des paillettes telle une star. Or, ces émotions que nous négligeons, ces imperfections, toutes les choses simples de la vie, sont le corps de la perfection. C'est fou, n'est-ce pas ? D'imaginer que la perfection puisse avoir besoin de ce qui est contraire à elle pour exister."
"Ce n'est pas facile de se lever avec une face que l'on déteste, et de continuer à sourire malgré tout."
"Vois-tu Aline, tout dans la vie revient à la positivité, mais on refuse de se l'avouer."
"S'efforcer à être positif ?"
"Pas du tout ! Tu sais... une de mes amies à l'orphelinat répétait sans cesse que celui qui étudie des paroles de bien-être et se les répète chaque matin, c'est celui-là qui va mal. Celui-là est celui qui se force. On doit penser positif, mais ça se gagne. Pour cela, il faut apprendre à se connaître et à faire la paix avec soi."
"Je suis déjà épuisée. Rien qu'en y pensant."
"Je sais... surtout... il ne faut pas oublier de prendre soin de sa santé mentale."
"Sa santé mentale ? Comment ? Et puis, quelle est la suite de votre parcours ? Comment avez-vous trouvé la lumière ? Par un homme ?"