Chapitre 1-1

1233 Words
1 Des siècles auparavant : — Restez avec votre mère, ordonna Creja en se tournant vers sa compagne. Ne les laisse pas sortir. — C’est promis, répondit doucement Lyla d’une voix inquiète. Tu feras attention ? Les yeux de Creja s’adoucirent et il tendit la main pour caresser la douce joue de sa compagne du revers des doigts. Son visage sévère exprimait le danger et la difficulté de la tâche qui l’attendait. Il recula lorsqu’il entendit à nouveau les cors retentir. Son regard se posa sur ses deux jeunes fils. Ils le regardaient avec des yeux émerveillés emplis d’excitation tandis que le symbiote de leur père se dissipait pour former une amure protectrice autour de lui. — Que se passe-t-il, père ? demanda Cree, curieux. Le village est attaqué ? — On peut aider, ajouta Calo en souriant. On est très rapides, Cree et moi. — Non, répondit sèchement Creja en ouvrant la porte de leur petite maison. Restez avec votre mère. J’ai besoin que vous la protégiez. Calo hocha la tête, déçu, tandis que Cree touchait le couteau à sa taille. Le mois précédent, pour leur douzième année de vie, leur père leur avait donné à chacun un couteau parfaitement affûté avec une lame forgée spéciale et un manche en os finement sculpté autour duquel venaient s’enrouler deux dragons assortis. Calo et lui s’étaient entraînés avec leur père pour apprendre à s’en servir. Ils protègeraient tous les deux leur mère au prix de leur vie. — On la protégera, dit Calo en jetant un rapide coup d’œil à son frère. On ne laissera rien lui arriver. — Creja, commença à dire Lyla avant de se mettre sur la pointe des pieds et de déposer un bref b****r sur ses lèvres. Reviens-moi. — Je te le promets, répondit Creja en sortant de la petite maison. Garde les garçons à l’intérieur. Je ne veux pas qu’ils voient ça. — Je te le promets, murmura Lyla en regardant, le cœur lourd, son compagnon se transformer en son dragon. — Mère, appela Cree derrière elle à voix basse. Qu’est-ce qui ne va pas ? Pourquoi les cors sonnent ? Le village est attaqué ? Lyla se retourna pour regarder son fils aîné d’à peine une minute. — Oui, le village est attaqué. Ton père et les autres mâles vont s’occuper de… la situation. Allez, rentrons, dit-elle. — Qui nous attaquerait ? demanda Calo en jetant un coup d’œil par la fenêtre. Et pourquoi ? — Éloigne-toi de la fenêtre, Calo, ordonna Lyla. Viens m’aider à nettoyer la cuisine. — C’est un travail de femme, grogna Calo. On devrait aider père et les autres à protéger le village. Lyla se retourna et jeta un regard noir à son fils cadet. Elle le fixa, les mains sur les hanches, jusqu’à ce qu’il danse d’un pied sur l’autre ; ses lèvres étaient pincées en signe de désapprobation. — Je m’excuse, mère, marmonna Calo en baissant la tête. Ce n’est pas ce que je voulais dire. — Nettoyer et cuisiner sont des compétences tout aussi importantes que savoir se battre, le réprimanda Lyla d’une voix douce mais ferme. Si la déesse vous bénit, vous vivrez plus souvent une routine quotidienne simple que vous ne vous battrez. Ton père serait déçu d’entendre que tu as dit une telle chose. — J’ai dit que je m’excuse, protesta Calo en jetant un coup d’œil à Cree pour trouver du soutien. — On va nettoyer, proposa Cree. Viens, Calo. Calo ouvrit la bouche pour se plaindre, mais hocha la tête lorsqu’il aperçut l’expression calculatrice dans les yeux de son frère. Il jeta un coup d’œil à sa mère et lui adressa un sourire en coin décontracté. Celui qui la faisait toujours sourire. — Si vous en êtes certains, répondit Lyla en regardant les deux garçons avec des yeux légèrement suspicieux. J’ai du raccommodage à faire. Vous n’êtes pas tendre avec vos vêtements. — Nous allons nettoyer en un rien de temps, promit Calo. — Très bien, si vous en êtes certains, répondit Lyla. Merci. Cree et Calo regardèrent leur mère sortir de la pièce et monter les marches en bois poli qui montaient vers le premier étage en décrivant une courbe. Cree attrapa le bras de Calo et le tira dans la cuisine. Lorsqu’il fut certain qu’ils étaient seuls, il se tourna vers son jumeau. — Il faut qu’on se dépêche, murmura-t-il. — Pourquoi ? Et pourquoi tu as dit qu’on nettoierait ? Tu sais que je déteste le ménage, grommela Calo en donnant un coup de pied dans l’une des chaises. Qu’est-ce qu’il se passe d’après toi ? Pourquoi quelqu’un attaquerait notre village ? — Je lui ai dit qu’on nettoierait la cuisine pour t’éviter de te faire passer un savon par père, fit remarquer Cree en débarrassant la table des assiettes vides. — Ce n’est pas ce que je voulais dire quand j’ai dit ça, marmonna Calo sur la défensive. Ils passèrent l’heure suivante à travailler en silence, nettoyant la cuisine jusqu’à ce qu’elle soit étincelante. Leurs yeux ne cessaient de revenir vers la fenêtre par laquelle ils voyaient de grandes volutes de fumée noire s’élever au-dessus des arbres et de la brume. Le village se trouvait à plusieurs kilomètres de la petite maison et pourtant, les tremblements du sol provoqués par les explosions faisaient s’entrechoquer les assiettes. Bien que les cors qui avaient sonné l’alarme plus tôt fussent à présent silencieux, les rugissements de dragons se battant se faisaient entendre à travers les fenêtres fermées. Calo s’était mis à chanter l’un des chants guerriers afin d’aider à masquer sa nervosité. Il s’arrêta net lorsqu’une bruyante explosion fit trembler le sol. Celle-ci était bien plus puissante que les autres. Il écarquilla les yeux un instant avant de se précipiter vers la fenêtre. — Qu’est-ce que c’était ? demanda-t-il en regardant Cree par-dessus son épaule. — Je ne sais pas, répondit Cree, poussant Calo sur le côté afin de pouvoir regarder lui aussi. Ils se retournèrent tous deux quand ils entendirent un bruit sourd derrière eux. Leur mère se tenait dans l’embrasure de la porte, le visage tendu et pâle. Sa main trembla lorsqu’elle repoussa une mèche de cheveux noirs. L’une des chemises de Calo pendait mollement dans son autre main. — Vous devez rester ici les garçons, murmura-t-elle. — Qu’est-ce qui se passe, mère ? demanda Calo d’un ton hésitant. — Votre père… Je dois retrouver votre père, répondit Lyla d’une voix étourdie. — Père, commença à dire Cree, mais leur mère s’était déjà tournée vers la porte d’entrée. Mère… — Protégez-vous l’un l’autre, murmura leur mère avant d’ouvrir la porte et de se transformer en un dragon aux écailles couleur lavande pâle. — Cree, grogna Calo de frustration. Est-ce que tu penses que quelque chose est arrivé à père ? Cree regarda son jumeau avec des yeux or foncé inquiets. Les yeux de Calo reflétaient la même émotion. Leurs deux symbiotes, pas tout à fait arrivés à leur taille définitive, vinrent à côté d’eux. Hochant silencieusement la tête, ils tournèrent tous deux les talons et se dépêchèrent de franchir la porte. En quelques secondes, des dragons topaze et noir identiques recouverts d’une armure en or s’élevèrent dans les airs. Les dragons ne faisaient plus qu’un alors qu’ils traversaient à toute vitesse l’épaisse forêt enveloppée de brume longeant la base des Grandes Montagnes du Nord en direction des bruits de la bataille.
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