Chapitre 1-1

1130 Words
CHAPITRE 1 Corey Il y avait trois types de parieurs qui dépensaient beaucoup à ma table de roulette. Il y avait le gars qui se prenait la tête. Il était silencieux, son langage corporel fermé. Il était assis, les épaules voûtées, et croisait à peine mon regard. Il suivait les probabilités, avait habituellement une méthode à laquelle il restait religieusement fidèle. Par exemple, il jouait toujours le rouge et doublait son pari quand il perdait. Puis il y avait le parieur téméraire. Il planait sur l’émotion, la drogue ou l’alcool. Il était l’opposé du premier genre. Pas de méthode, totalement au hasard. Il pouvait demander à la femme à côté de lui son numéro préféré et le parier. Enfin, il y avait le parieur à l’instinct, mon préféré. Il apportait une électricité qui déchaînait souvent toute la table. C’était le type qui avait trouvé la magie. Dame Fortune, la niaque, leurs étoiles alignées… allez savoir ce que c’était, mais il avait une énergie qu’il suivait. Il restait dans le rythme, suivait son intuition et pariait juste à chaque fois. Souvent, il ressemblait au parieur téméraire : tous deux étaient extravertis, sociables. Ils engageaient le dialogue avec les gens autour d’eux, y compris moi, leur croupière. La baleine – c’était comme ça qu’on appelait les flambeurs à Las Vegas – à ma table ce soir-là n’était ni un téméraire ni un parieur à l’instinct, même s’il en avait le style et la personnalité. Il était superbe dans un costume bien coupé, d’une élégance européenne, comme s’il était sorti des pages d’un magazine italien pour hommes. Il flirtait effrontément avec moi et baratinait les gens autour de lui. Je récupérai et empilai les jetons puis attribuai les gains avec une finesse exercée, effectuant d’une main une séparation, un empilement et bougeant à la vitesse de l’éclair. — Et voilà, la beauté et le talent. C’était ringard, mais je lui lançai un sourire. J’aimais bien l’avoir à ma table, j’adorais son charme et son élégance, les gros pourboires, et pourtant mon sixième sens ne cessait de s’agiter. Quelque chose clochait chez lui. Il ne lui restait plus que deux mille dollars à cet instant. Il glissa ses jetons sur la table à la dernière minute, juste au moment où j’agitais la main et annonçais que les jeux étaient faits. Il les avait mal disposés, en plus. Je n’arrivais pas à dire s’il les voulait sur la case pour Troisième douzaine ou Impair. — Laquelle, monsieur ? Je me penchai en avant pour attirer son attention alors que la roue tournait. Il buvait pas mal, mais il ne semblait pas ivre. Ses yeux filèrent sur mon décolleté – que je réussissais toujours à mettre en valeur malgré l’uniforme masculin –, puis revinrent sur mon visage avant qu’il ne me lance un lent sourire aimable. — Impair, s’il vous plaît. Excusez-moi pour ça. — Pas de débordement, l’avertis-je avant de décaler les jetons alors que la boule se stabilisait. Il gagna. Il me glissa en guise de pourboire deux jetons de cent dollars sur la table. Quand j’attirai ses jetons, je vis qu’il avait inséré un jeton de dix dollars au milieu à la place d’un de cent. Je levai les yeux et vis qu’il me regardait. Il me lança un clin d’œil. Enfoiré. Je fis subtilement signe à la sécurité de venir. Ce n’était pas la première fois qu’un client me proposait de tricher. Cela arrivait assez souvent. Cela me laissait assez perplexe qu’il ait dépensé deux cents dollars en m’achetant pour en gagner quatre-vingt-dix. Mais je supposai que c’était un test. Une fois qu’il aurait découvert si je cédais là-dessus, il essaierait encore et encore. Vincent, le gérant de la sécurité dans la salle ce soir-là, se rapprocha et se tint près de moi, penchant la tête pour écouter. — Ce gars joue le débordement et essaie de glisser des jetons de valeur inférieure dans sa pile. Plus tard, je me rendrais compte que Vincent avait semblé un peu trop content de moi, mais cela ne me marqua pas. J’ignorais simplement les papillons dans mon ventre lorsqu’il fit le tour pour escorter le mec dehors. Je n’étais pas désolée. J’avais fait ce qu’il fallait, c’était sûr. J’étais simplement déçue parce que le gars était attirant, que je le trouvais plutôt fascinant, et j’avais fantasmé un instant sur l’idée qu’il me demande de sortir avec lui. Mais peu importait. Je n’allais pas risquer de perdre ce travail, même pas pour un homme sexy dans un beau costume. Travailler au Bellissimo, c’était le boulot, l’éducation et la vie sociale réunis en un ensemble glamour. C’était la propriété du célèbre Nico Tacone, de la famille criminelle Tacone de Chicago, qui dirigeait la boîte d’une poigne de fer. Je ne l’aurais pas cherché même s’il n’avait pas été amoureux de ma cousine. Je terminai mon service et me dirigeai vers les vestiaires des employés. Quand je passai devant le couloir menant aux bureaux de la sécurité, je m’arrêtai net. Vincent avait une posture décontractée, à taper la discute avec nul autre que l’homme sexy en costume qui avait été à ma table. — Corey, dit-il en souriant et en me faisant signe d’approcher. Viens là, je veux te présenter à quelqu’un. Oh Seigneur ! C’était un client mystère. Ou quel que soit le nom d’un test de sécurité. Je ne savais pas pourquoi ça m’énervait, mais c’était le cas. Mon estomac se serra alors que je m’approchais à grands pas. — Corey, voici Stefano Tacone, notre nouveau chef de la sécurité. Je levai la main pour gifler Stefano. Je ne sais pas pourquoi je le fis. Oui, j’avais le tempérament d’une rousse et j’avais grandi dans une famille violente. Tout de même, je devais être plus maligne que ça. Il attrapa mon poignet et l’utilisa pour m’attirer tout contre lui. — Je ne ferais pas ça à ta place. Son avertissement était davantage une gronderie murmurée et rauque qu’un grognement. Comme s’il me chuchotait des mots salaces ici même dans le couloir. Mon corps répondit immédiatement, mon épicentre entrant en fusion. Bien sûr, mes fichues joues s’échauffaient aussi. Et croyez-moi, chez une rousse, on ne peut pas se méprendre sur un rougissement. — Personne ne frappe un Tacone sans le regretter. C’était une menace, pourtant ce fut encore prononcé aimablement, avec le même charme époustouflant qu’il avait utilisé dans la salle en essayant de me faire tricher pour lui. Merde. Venais-je de lever la main sur un boss de la mafia ? Un frisson se faufila le long de mon dos. J’allais vraiment perdre mon boulot. Sauf que Stefano n’avait pas l’air en colère. Il avait l’air de vouloir me dévorer pour le déjeuner. Je pensai qu’il était plus sûr d’admettre mon erreur. — Pardonnez-moi.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD