Chapitre 10 Guet-apan

1396 Words
Ji-Han Le passage chez le directeur s’est déroulé sans surprise. Gérald m’a fait passer pour un jeune homme très curieux, dû à mes années de coma qui m’auraient privé de faire des bêtises de jeunesse. Heureusement que cet humain ne connaît pas mon âge réel... Je suis né en même temps que leur lune, ça commence à en faire des bougies. Nous nous sommes dirigés vers la cafétéria pour mon petit-déjeuner. Gérald m’a dit que l’on se verrait plus tard avec Ariel pour établir au moins notre planning de « punition ». Au détour du couloir avant la cafète, nous sommes tombés sur le docteur Miranda. Elle venait d’arriver, plus tôt que prévu. Elle n’arrive jamais avant huit heures trente, et là, elle est déjà là une heure en avance ? Gérald l’interpelle. — Docteur, bien le bonjour ! Vous êtes matinale, je vois ! Vous avez dû sentir aussi que certains de nos pensionnaires allaient faire des bêtises, lui dit-il, un air énervé sur le visage. Miranda le regarde, surprise, et tourne les yeux vers moi. — Ah bon ! Ji-Han, qu’as-tu fait ? Ce n’est pourtant pas ton genre de causer des problèmes. Gérald ne me laisse pas répondre et m’attrape par l’oreille avant de dire : — Ce jeune monsieur a fait le mur cette nuit. Ils devaient être plusieurs, mais nous n’en avons attrapé que deux. Je compte sur vous, Docteur, pour découvrir, parmi les patients, leurs complices. Au vu des traces dans le parc, je pense qu’ils étaient au moins cinq. Je vous fais confiance, vous trouverez les trois qui nous manquent, ajoute-t-il avec une pointe de défi dans la voix. Je sais que tout le monde a peur de Gérald. Il est impressionnant et fait tout pour paraître féroce. Le docteur Miranda ne fait jamais la fière devant lui. C’est donc naturellement qu’elle tente de répondre avec un léger sourire hypocrite : — Oh, M. Gérald, vous me flattez. Je ne suis pas une aussi bonne détective que vous. Mais qui est l’autre complice qui a été attrapé ? — Il s’agit de la jeune Ariel. On ne sait pas s’ils étaient ensemble, mais Iris l’a attrapée en train de grimper par le lierre de sa chambre ce matin à l’aube. En ce moment, elles sont chez le directeur pour la sanction. J’espère qu’elle aura au moins la même chose que ce garnement, dit-il. Pas de sortie pour Halloween ce soir. Il va travailler avec moi, et il a une centaine d’heures d’intérêt général pour la construction des studios étudiants du troisième. Encore quelques patients punis comme ça, et j’aurai toute la main-d’œuvre nécessaire pour attaquer les travaux dès le mois de janvier ! ajoute-t-il avec un large sourire. Je vois une drôle d’expression passer sur le visage de Miranda, mais elle le cache vite avec un air de surprise. — Ariel ? Oh mon Dieu, comment a-t-elle pu escalader la façade ? Surtout avec le traitement qu’elle prend. C’était dangereux, elle aurait pu tomber... — Pas d’inquiétude, Doc. Iris a eu la même réaction que vous, et la connaissant, elle va la surveiller comme le lait sur le feu tous les jours à partir de maintenant. Mais nous en saurons plus quand elles sortiront de son bureau. Je connais ce vieux renard de Gérald. Je sais qu’il a fait exprès de donner toutes ces indications à Miranda pour qu’elle ne puisse plus rien mettre au point. Il me pousse vers la cafétéria en disant : — Allez, dépêche-toi de déjeuner et rejoins-moi directement à l’atelier. On va occuper ton temps libre pendant ces vacances. Je presse le pas et entre dans le réfectoire. Je regarde par-dessus mon épaule : il continue à parler avec Miranda. Il l’occupe pour laisser le temps à Iris de mettre en place la punition d’Ariel et, peut-être, son entrée au lycée. J’attends ça depuis un moment. Ça me déchire le cœur chaque fois que je quitte le sanatorium en la laissant seule. Je sais que Gérald et Iris la protègent au mieux, mais cela fait quatre ans qu’elle subit la maltraitance de sœur Hélène et de Miranda. Rien de trop visible, mais elles ont commencé par la droguer pour en faire un légume. Il a fallu plus de six mois à Gérald pour la sortir de là. Puis, il y a eu les « soins » violents et les injections dans ses perfusions. Iris a dû intervenir pour soigner les escarres qu’elle avait aux fesses et aux épaules. Maintenant, il faut la sortir de « l’éducation de sœur Hélène » et lui permettre d’avoir accès au gymnase pour renforcer son corps. Heureusement, le directeur est un humain sans parti pris. Il agit toujours dans l’intérêt de ses patients. On va réussir à aider Ariel, même si, depuis cette nuit, je pense que cela va être beaucoup plus compliqué pour les Grow et leurs adeptes de s’en prendre à elle. J’ai pris deux plateaux de petit-déjeuner : un avec un grand café au lait d’amande, de la saucisse, des œufs et du jambon ; l’autre avec un grand café noir, des fruits et des croissants. Alors que je m’installe à une table légèrement en retrait, je sens qu’elle arrive. Je tourne la tête vers le couloir et je la vois entrer en sautillant, un grand sourire sur le visage. Elle ne prend pas le temps de me chercher et se dirige directement vers moi. Elle saute sur une chaise en face et attrape le bol de café noir. Elle le porte à son nez et inspire en fermant les yeux. — Humm ! Enfin mon café. Je la regarde sans dire un mot. Je sais qu’elle n’aime pas parler tant qu’elle n’a pas avalé sa première dose de café. Elle repose son bol, vide, et saisit un croissant. — Merci, mon petit démon, me lance-t-elle. Je lui souris. Simplement la voir heureuse me rend heureux aussi. Elle est mon tout, ma vie, l’air que je respire. On se complète, et cela fait tellement longtemps qu’on se connaît que les mots sont souvent superflus. Je meurs d’envie de la serrer dans mes bras, de respirer son odeur. Elle m’a manqué. — Alors ? me dit-elle. Pas de sortie ce soir avec les sorcières. Elles ne pourront pas me faire assassiner à la chasse aux bonbons. Du coup, elles vont vite trouver autre chose pour m’atteindre. Tu as une idée ? — Tu savais pour le guet-apens de ce soir ? Pourquoi je lui demande ça ? Bien sûr qu’elle le sait. Depuis qu’on est rentrés, elle doit savoir beaucoup de choses. Elle est la Créatrice, après tout. Elle me fait un grand sourire en mordant dans son croissant, ses yeux ont des reflets mauves. Elle est joueuse. — Tu parles du fait que sœur Hélène a insisté pour que je ne la quitte pas de la soirée, pendant qu’on accompagne les plus petits ? Du fait qu’elle a choisi un itinéraire pas toujours bien éclairé, ou des deux voies rapides que nous devons longer ? Sans oublier Miranda, qui m’a dit que le cachet de ce soir devait m’empêcher d’avoir des terreurs ou des crises de panique. Je la vois devenir très sérieuse d’un seul coup et me dire : — Ji-Han, hier soir, je pensais encore que sœur Hélène était une gentille bonne sœur un peu dépassée qui prenait soin d’une enfant de quinze ans, et que le docteur Miranda ne faisait que son travail. Mais grâce à toi, j’ai retrouvé une partie de mes capacités, donc le don de vision d’âmes. Et ces deux sal... sont noires comme la nuit. Je n’accepterai jamais que l’on s’en prenne à des enfants, peu importe les raisons. Elles vont payer ce soir. J’ai récupéré ma mémoire, la capacité d’appeler Fénhir et la manipulation des élémentaires. Le directeur va voir avec ma mère humaine pour que je rentre au lycée. Je compte sur toi pour l’entraînement. Il faut que l’on découvre ce qu’ont prévu les Grow cette fois. Ils ne faut pas les sous-estimer et rallier le plus d’alliés possible. Je ne me sacrifierai plus, sauf pour les anéantir complètement cette fois. Je vois ses yeux complètement mauves. Ils me transpercent. Un frisson parcourt ma nuque. Maintenant, j’en suis sûr. Ma Créatrice est de retour. Elle est en colère, et elle va remettre tout le monde au pas.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD