Chapitre 1-2

2001 Words
Il marqua une pause. — Surtout, ne me la brisez pas ! Sous ses airs parfois hautains, c’est une femme fragile qui ne demande qu’à être aimée ! ajouta-t-il. — Assurément, lui répondis-je. Il me jeta un clin d’œil et je compris que la conversation s’arrêtait là. Jane me fit signe de me retourner discrètement. La mégère, comme la surnommait Karl, nous faisait face. Le regard moqueur, elle attendait pour faire son effet. C’était donc pour cette raison que Carter s’était éloignée si rapidement. Cette fuite pouvait-elle signifier qu’elle puisse m’accorder de quelconques sentiments ? Qui voulait-elle préserver ? J’étais en phase de réflexions lorsque Katy et Carter revinrent. Elle avait la mine défaite. Elle me faisait penser à une enfant triste, perdue dans sa douleur. Elle ne disait pas un mot. Elle s’était nichée dans les bras de Karl. Quand Marlène fit son apparition, son visage changea. Elle adopta une attitude détendue, crispa un sourire à son encontre, l’invitant même à se joindre à nous. Nous fûmes tous étonnés de ce revirement de situation. Alors, d’un commun accord, nous nous sommes soudés. — Veux-tu prendre un verre avec nous Marlène ? lui suggéra Carter. Cette dernière acquiesça en s’asseyant à mes côtés. — Que fais-tu là ? enchaîna Carter. — Je pourrais vous retourner la question ! répondit-elle sèchement. Sans attendre de réponse, elle débitait des mots auxquels je n’attachais aucune importance. J’étais trop préoccupée à surveiller les mimiques de Carter. — J’espère que vous m’inviterez à danser un slow aussi langoureux, m’adressa-t-elle. Devant ma confusion, Jane prit la parole. — Désolée, la prochaine m’est réservée ! — Oh, je ne m’inquiète pas, il y en aura d’autres ! répondit-elle en m’octroyant un sourire. Piquée au vif, je m’étais ressaisie. — Je danse par affinité et je pense n’en déceler aucune chez vous ! lui répondis-je d’un ton cinglant. — Comme bon vous semble ! me répondit-elle en fusillant Carter du regard. Elle dégaina son portable et s’éloigna. — Que nous mijote-t-elle donc encore, la p*****e ? pesta Katy. — Oh, je l’ignore, mes chéries ! Je pense qu’on le saura assez tôt, elle m’a semblé bien déterminée, répliqua Karl. — Bon ! Ce n’est pas tout, il fait soif ! Je vais commander une autre bouteille, ajouta Katy pour clore l’incident. — T’as raison chérie, fais donc ça ! l’encouragea Karl. La musique s’était radoucie. L’heure d’honorer mes promesses était venue. Je pris donc Jane par la main. J’aperçus Marlène en compagnie d’une jeune femme, laquelle semblait désavouer ses propos. Je vis aussi Katy adossée au bar, porter un vif intérêt pour cette inconnue. Elle était plutôt séduisante, petite, blonde et assez bien de sa personne. — Ça va chauffer ! me souffla Jane à l’oreille. En effet, je vis Katy se déplacer d’un pas décisif vers les deux jeunes femmes. Interloquées, elles reculèrent vers nous. Marlène protesta et lui fit face : — Qu’est-ce qui te prend ? Ça ne va pas non ? — Non, en effet, ça ne va pas ! Que fait-elle là, celle-là ? beugla Katy. — Laura. J’ai un prénom ! proclama-t-elle. — Ne la ramène pas toi ! renchérit Katy. — Eh bien, j’ai pensé qu’il serait bon qu’elle rencontre Carter avant le séminaire. Tu sais qu’il a lieu la semaine prochaine, lui déclina Marlène. — Comment ? Tu y es invitée ? s’étonna Katy. — Moi non, toi non plus que je sache ! Cependant, Laura y est conviée, tout comme Carter. Le destin fait bien les choses parfois, tu ne trouves pas ? railla-t-elle. Elles étaient si proches que l’on pouvait suivre leur conversation. Cela divertit beaucoup Jane. Pourtant, la vérité n’était pas si amusante. — Toi, désignant Laura, tu ne l’approches pas ! Compris ! lui précisa Katy en la menaçant du doigt. Elle retourna au bar, s’empara de la bouteille et leur fit un pied de nez en passant. Nous attendîmes quelques instants avant de rejoindre nos amis. — Ah, vous voilà ! On vous attendait pour sabler le champagne, clama Karl. — Champagne ! s’écria Katy. Elle paraissait bien remontée, et je ne fus pas la seule à m’en rendre compte. — Qu’est-ce qui t’arrive ma chérie ? Tu as rencontré le diable ou quoi ! ironisa Karl. Après un long soupir, elle lâcha le morceau en pesant soigneusement ses mots. Elle fit court : — Marlène est en compagnie de Laura. La bombe était lâchée ! Devant ce malaise, je pris une longue gorgée. — Où puis-je aller fumer ! m’empressai-je de demander. — Sur la terrasse, me répondit Karl. Je vous accompagnerais bien, mais je travaille sur un sujet très pointu qui exige une attention toute particulière. En fait, il avait repéré depuis quelques jours un jeune serveur. Il s’était mis en quête de le charmer. Un vrai séducteur, ce Karl ! — Carter, tu devrais lui montrer le chemin. De plus, l’air te fera du bien, ajouta-t-il à son adresse. Sans un mot, elle s’exécuta en m’ouvrant le passage. — Carter ! Je t’en prie, accorde-moi une minute ! * Laura, encore elle ! Carter la dévisagea. — Viens ! me susurra-t-elle en me prenant par la main. Et nous continuâmes notre chemin. Elle m’avait tutoyée. Était-ce pour impressionner Laura ? Ou pour la rendre jalouse ? Existait-il encore en elle des sentiments pour cette Laura ? Je m’en inquiétais ; cela me rendit nerveuse. Aussi, lorsqu’elle se retourna pour m’ouvrir la porte, je me dirigeai prestement vers la terrasse afin de lui cacher mon trouble. La vue était magnifique. J’aimais Paris la nuit. Je restais là, à contempler toutes ces lumières un long moment. — Une cigarette ? me proposa-t-elle. J’en avais presque oublié la raison de ma venue ! Je sursautai au son de sa voix. Je l’aperçus alors adossée au mur me fixant sans retenue. Elle dégageait une telle sensualité que j’en oubliais les mots. La pluie me surprit. J’avais froid et je tremblais. J’étais tétanisée. — Venez ! Ne restez pas là, me suggéra-t-elle. Elle fumait, moi aussi j’en avais envie. Toutefois, ce n’était pas ce que je m’apprêtais à faire. Je la rejoignis. Délicatement, je me saisis de sa cigarette et aspirai une bouffée avant de l’écraser. Je lui caressai la joue et déposai un doux b****r sur ses lèvres. Elle ne dit pas un mot et m’offrit un sourire. L’orage se faisait menaçant. Nous courûmes nous mettre à l’abri dans un petit recoin non loin de là. Un déluge s’abattit sur nous ! Elle tremblait. Innocemment, je l’enlaçai. Je sentis son cœur battre et presque naturellement nos lèvres s’unirent. Une tendresse démesurée nous envahit, rendant nos baisers effrontément sensuels. L’orage grondait de plus en plus fort ; la foudre frappait ! Un éclair traversa le ciel. Nous tressaillîmes. Je lus son inquiétude et l’invitai à rentrer. Nous marchâmes lentement vers la porte, comme si l’on voulut s’imprégner de cette magie, comme si l’on put retarder le temps… Lorsque nous redescendîmes les escaliers, nous vîmes Marlène qui nous fusilla du regard. Carter l’ignora. — Hello les filles ! On vous croyait parties, ricana Karl. — Champagne ! répondit Carter, en se blottissant dans mes bras. Katy interpella le jeune serveur. — Le même, lui pria-t-elle en lui désignant le magnum. — Il pleut, semble-t-il ? nous adressa-t-il. — En effet, je crois bien, répondis-je humoristiquement. — Vraiment ? souligna Carter. Je ne me suis aperçue de rien. — Bon les filles, si l’on allait s’encanailler un peu ! Je vais rouiller à rester sur place. — Oui. On arrive, s’empressa de dire Katy en retenant Carter par le bras. Karl était déjà parti à la rencontre de son bel apollon. Il voletait autour de lui tel un papillon et déployait tous ses atouts pour le séduire. Il faisait son show ; cela en était presque féerique. Il était tout simplement magistral ! La musique s’emballa. Il se livra à un délire de transe. Je le suivis. L’alcool aidant, je n’avais plus aucune inhibition. Nous tournoyions comme des fous en totale apesanteur. Rien ni personne ne pouvait nous en faire redescendre ! Jane se mêla à nous et se prêta à notre jeu. Nous étions les seuls à danser. La mégère et sa belle se divertissaient de notre « folie ». Plus rien n’avait d’importance pour moi, je m’étais enivrée de Carter et cela suffisait à ma conscience. Je savais que mon état second était furtif, alors… je tournais, tournais et tournais encore ! « Tel un peintre elle est ma muse, tel un poète elle est ma plume ! », me répétais-je. — Ça va ? me demanda Jane. — Oui. Du moins, je crois. — Alors, pourquoi pleures-tu ? Je n’avais même pas senti les larmes couler sur mes joues. J’avais juste ressenti une vive douleur à la poitrine. — J’ai peur, lui chuchotai-je. — Mais de quoi ? — De mes... demains. Elle m’invita dans ses bras. — Il ne faut pas ma puce ! Tes demains feront la force de tes hiers. Vis ton aujourd’hui ! me susurra-t-elle. Je l’embrassai. Elle savait si bien transcender toutes mes peines. Pour cela, je l’admirais et je l’aimais tout simplement. Marlène avait assisté à la scène, je la voyais jubiler et prendre Laura à témoin : — Tu vois, ça commence toujours comme ça avec Carter ! — Carter ! murmurai-je. Je m’étourdis, Karl me réceptionna. — Allons prendre l’air ! suggéra immédiatement Karl. Il fit signe à Jane de n’en souffler mot à personne. En retournant à notre table, Jane croisa Marlène qui se hâta d’assouvir sa curiosité. — Pas trop grave, j’espère ? Un effet secondaire peut – être ? — En effet. Le champagne a des vertus que la raison ignore. Vous ne pouvez pas comprendre ! lui balança Jane. Katy et Carter discutaient du séminaire quand Jane se présenta à leur table. — Hello ! Vous avez largué nos amis ? Ou se sont-ils faits la belle ? demanda Katy. — Je pencherais plus pour la belle ! Ah ! Ah ! s’efforça de répondre Jane avec un léger rictus. — Pas de mauvaise rencontre au moins ? répliqua Carter suspicieuse. À ce moment même, Laura intervint : — Arrête de jouer, Carter. Mets ton orgueil de côté et vois la vérité en face. — Et quelle vérité je te prie ? s’insurgea Carter. — La nôtre bien sûr ! lui soumit Laura. — Pff ! Foutaise. — Tu ne m’as pas oubliée, j’en suis sûre ! Comment le pourrais-tu après ce que l’on a vécu, renchérit Laura. — Justement, le plus simplement du monde, lui déclara Carter. — Très bien, je serai ta mémoire ! J’ai trois jours pour cela. N’oublie pas, nous avons rendez-vous au congrès. Elle tourna les talons si vivement qu’elle se jeta pratiquement dans mes bras. — Non, merci ! Pas pour le moment, j’ai déjà trop dansé, lui dis-je ironiquement. Vexée, elle se dégagea en marmonnant des mots inaudibles. — Bien joué, Jamie ! dit Katy. * Karl m’invita auprès de lui. Il me servit un verre et partit dans une conversation irréaliste. Je rassemblai mon énergie pour le suivre afin de ne pas repenser aux propos de Laura. Carter semblait décontenancée. Elle savait que j’avais entendu leur dialogue et qu’un doute m’avait envahie. Jane se trémoussait sur son fauteuil ; l’envie de danser était grande chez elle. L’apercevant, Karl lui suggéra de l’accompagner ; lui aussi trépignait et n’avait de cesse de charmer son élu. Profitant de cette opportunité, je me faufilai sans que personne ne s’en aperçût. Je me dirigeai vers le bar pour prendre un grand verre d’eau. J’avais besoin de mettre mes idées au clair et d’éponger cet abus d’alcool. Absorbée par mes pensées, je ne prêtai pas attention à Marlène. Elle m’observait, me parlait et je me surpris à l’écouter. Elle était calme. Elle employait un ton suave. Elle me dévoila discrètement son décolleté en frôlant ma main l’air de rien. Je ne réagis toujours pas, j’étais dans un ailleurs ! Elle continuait son numéro de charme pensant certainement que je n’y étais pas insensible. J’aurais dû l’ignorer ou la remercier poliment. Pourtant, je n’en fis rien. De ce fait, elle devait penser que j’étais réceptive à ses avances. Je bus mon verre, j’émergeai tout doucement. Je la fixai à mon tour, j’en fis mon constat : c’était une grande femme, je dirais un mètre soixante-quinze. Elle avait la chevelure blonde et portait à outrance ses formes de femme, contrairement à Carter qui était brune, longiligne, moins pulpeuse, mais tellement plus sensuelle. J’aimais deviner les formes chez une femme ! Carter était sexy tandis que Marlène était provocatrice, limite vulgaire ! (…) Je ne vis plus mes amis. Je les cherchai un instant et me ravisai lorsque Marlène me proposa d’aller danser. Ne lui répondant pas dans l’immédiat, elle anticipa en me suggérant un cocktail. — Non, merci. — Un soda peut-être ? insista-t-elle. Décidément, elle ne voulait pas lâcher l’affaire ! J’optai pour un coca ; j’avais vraiment soif. De plus, je ne me sentais pas suffisamment prête pour faire face à mes amis. Il me fallait encore un peu de temps. Je devais rassembler mes idées et cacher impérativement mon trouble. — Je pense qu’il va y avoir du changement dans la vie de Carter la semaine prochaine, me signifia-t-elle. Et voilà qu’elle passait à l’attaque ! Je me disais aussi qu’elle devait bien avoir une idée en tête, outre de me séduire. Je m’étais échappée de notre petit cocon pour éviter d’y penser, et voilà qu’elle me giflait dans mes incertitudes. — Vous savez, elles deux, c’est une longue histoire. Je crois n’avoir jamais vu deux êtres s’aimer autant. Il existait une telle fusion entre elles, que même les amis n’avaient plus leur place. Katy en a beaucoup souffert du reste. — Et vous ? rétorquai-je d’un ton narquois. — Je vois ! On vous a briefée sur le sujet. Cela n’a été qu’une passade. Carter aurait dû le savoir. Elle a préféré ne pas lui pardonner ; ce qui prouve bien l’amour exclusif et démesuré qu’elle lui porte. Et ce, quoique l’on en pense, ou quoiqu’elle en dise, je vous garantis que c’est toujours d’actualité. Elle ne s’en défend que trop, si vous voyez ce que je veux dire ! Je m’étourdis, je voudrais tant qu’elle s’arrêtât de parler.
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