Chapitre 2 : Des initiatives qui tombent à l'eau

1253 Words
Je restais une semaine entière à l'infirmerie, cloîtrée entre quatre murs, ne prenant pas la peine de sortir. Si j'avais pu choisir, j'y serais resté le reste de l'année à venir mais c'est au bout du huitième jour que j'ai compris, au regard d'Harold, que je ne pouvais me cacher plus longtemps ici. Mon temps de repos était écoulé et je devais faire face à la réalité qui me terrorisait tant, j’avais peur d’être une paria, d’être jugée et surtout d’avoir à répondre aux multitudes questions qui m’attendaient dehors. Je n’étais pas prête à parler de ce qui s'était passé, en réalité, je comptais bien me taire à jamais. Avec Harold, on s'était alors mis d'accord, je devais rejoindre ma nouvelle chambre lorsque tout le monde serait en cours, de la sorte, je n'aurais pas à croiser tout le monde d'un coup. On devait y aller piano piano. Il m'avait informé que je partageais mon dortoir avec cinq autres filles, dont Gaia, pour que je ne sois pas trop dépaysée, je pourrais, plus tard, changer de chambre si cela ne me convenait pas. Le professeur m'avait acheté tout un tas d'affaires, à Solaris. Tout était rangé dans l'armoire, la chambre n'avait attendu que ma venue, l'homme déposa sur mon bureau tous les effets importants : mon téléphone, ma carte bancaire et mes papiers. Narah ne m'avait jamais renié et de ce fait, j'avais hérité de toute sa fortune. - N'oublie pas qui tu es Cassiopée, Une femme forte : une survivante. Je n'allais pas laisser une bouchée de jeunes-adultes me terroriser, non, j'avais déjà tout prévu pour mon retour. En envoyant Harold m'acheter des vêtements, j'avais été si minutieuse dans ma liste de course que la nouvelle Cassie était prête à vivre, je ne pouvais pas lui faire défaut. - Merci, Il se retira, me laissant seule dans ma chambre. C'est alors que la sonnerie retentit, elle ne m'avait définitivement pas manqué celle-là. Peu à peu, je prenais mes marques, dès ce week-end, je me rendrais à Solaris pour rendre la chambre un peu plus vivante. Selon Harold, alias Harry, la fille séjournant dans la chambre attenante à la mienne était Aurora, j'avais déjà entendu parler d'elle plus jeune, c'était l'héritière du royaume magique. Dès que le cri strident de la sonnerie s'arrêta, je me prépara, attrapant ma nouvelle trousse de maquillage, je commençais par le teint. Avec une dose assez élevée de maquillage, j'arrivais sûrement à camoufler toutes mes brûlures intérieures. J'attachai mes cheveux en une queue de cheval ni trop haute, ni trop basse, pile poil à la bonne place, un coup de rouge à lèvre écarlate plus tard, je pouvais passer à ma tenue.  Rouge était le mot d'ordre, un collier à perle, un haut bustier de la même couleur et je terminais la tenue avec une jupe noir, assez courte pour que l'on puisse voir les trois quarts de mes jambes. Une fois devant le miroir, je travaillais mon sourire. Je ne devais ni le surjouer, ni le forcer. Je finis par abandonner la deuxième option, je n'arriverais jamais à sourire naturellement, il valait mieux pour moi de faire semblant. C'est alors que l'on toqua à ma porte. Combien de filles étaient de l'autre côté ? Je sentis 5 esprits différents. Je me levai de ma coiffeuse, allant leur ouvrir, leur offrant mon plus beau faux sourire. - Waw. Papa ne t'avais pas décrite comme ça, commenta Gaia. Oh désolée, je ne sa.. - Vous vous attendiez à quoi exactement ? la coupais-je alors, déjà exaspérée. Elles se regardèrent alors, cherchant une réponse. - C'est juste que tu sais.. Après avoir disparu pendant aussi longtemps on s'est dit que.. - Que débarquer à 5 devant ma porte n'était pas du tout effrayant ? Je vais bien, vous allez bien, je vous remercie d'être venues mais je ne suis pas encore un animal de foire, ça doit sûrement être la porte à côté le cirque. Venir en troupe avait été une mauvaise idée, sûrement la pire qu'elle avait eu depuis une décennie. - On essaye seulement d'accueillir notre nouvelle colocataire comme il se doit, dit Aurora. - Et je vous remercie sincèrement mais je.. Je préfère être seule pour le moment. Je refermais aussitôt la porte. Qu'est-ce qu'il m'avait pris d'être aussi froide ? Au moins, je n'avais pas à subir leur regards plein de pitié, je n'allais rien faire avec leurs sentiments, je n'étais ni un petit chien en détresse ni une femme à sauver. Autrefois, je l'avais été mais personne n'avait été là pour m'aider, j'étais restée des années durant, dans mon obscurité, à me battre contre mes démons, sans que personne ne viennent jamais malgré mes hurlements. Ce n’est pas maintenant que j’allais demander de l’aide.  La pitié ne m'avait pas sauvé. Aux alentours de vingt heures, mon ventre commençait à crier famine. Après avoir tenté de l’ignorer pendant plus d'une heure, je me décidais à sortir des quatre murs de ma chambre. Je trouvais les filles assises dans le salon, discutant entre elles. Dès que je croisais le regard de Gaia, elle se leva. - On t'attendais justement, ça te dit d'aller dîner avec nous ? Les derniers souvenirs que j'avais de nous remontaient à un hiver, nous jouions dans la neige avec son père tandis que Narah s'occupait de Galiléa d'une main de fer. Elle passait beaucoup de temps dans son bureau, une femme aussi forte qu'elle ne pouvait se permettre de perdre quelques précieuses heures à jouer dans la neige même si parfois, elle se laissait tenter par une après-midi enneigée. - Et on dit pas ça parce qu'on a pitié de toi, dit Mélodie. - Juste parce qu'on a faim, continua Merra. - Genre vraiment vraiment faim, ajouta Felicia. - Si vous avez vraiment faim, pourquoi vous n'êtes pas allé manger plus tôt ? - Aucune des filles ne voulait toquer à ta porte et elles m'ont empêché de le faire, dit Aurora froidement, visiblement pas contente d'avoir attendu. Je fronçais les sourcils, pourquoi étaient-elles aussi bêtes ? - Et toi, tu les as écouté, dis-je avec un rictus avant de tourner les talons. Contrairement à la future héritière, je n'avais besoin d'attendre ni autorisation, ni nouvelle élève pour aller dîner. Une fois à l'extérieur de l'appartement, je me trouvais en zone hostile mais cela ne devait pas pour autant me faire peur.  Fake it until you make it. J'avais lu cette phrase dans un livre, faire semblant jusqu'à qu'on y arrive réellement. C'était ça, mon mantra et ce, jusqu'à ce que j'aille mieux, réellement mieux. Pour l'instant, je devais juste faire semblant d'être une rouquine un peu trop sûre d'elle, personne ne viendrait poser des questions sensibles si personne n'osait m'adresser la parole. Et j’allais y arriver, c’est ce que je comptais faire croire à mon cerveau, ce n’est pas quelques malheureux élèves trop curieux qui allaient m’effrayer, moi ? Non, absolument pas, j’étais une femme forte et j’étais justement en train de le montrer en allant dîner.  Et puis, après tout, c’est ce que Narah aurait souhaité, non ? Que je ne me laisse pas mourir de faim dans ma chambre, que je reprenne ma vie en mains, petit à petit : je finirais par reconquérir tout ce qu’on m’avait volé. Piano piano.
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