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1139 Words
La journée avait pourtant si bien commencé. Je préparais mon petit-déjeuner, un véritable festin, j'avais enfin reçu mon virement et j'avais pu faire des courses malgré les nombreuses restrictions alimentaires. Mon employeur avait tardé à me l'envoyer, à dire vrai, ces temps-ci les humains, ma race, ne pouvaient plus subvenir à leur besoin. Nous étions trop occupés à essayer de survivre, alors, les denrées alimentaires se faisaient de plus en plus rares. Nous vivions dans une petite ville, essentiellement agricole. Les champs d'exploitations afin de se développer, avaient besoin d'une attention toute particulière ainsi que d'un travail acharné de jour comme de nuit en plus d'une météo clémente, en bref, c'était une mission délicate et sensible. Mais avec cette chasse à l'homme à la tombée de la nuit, nous n'étions plus capables de produire suffisamment, nous manquions atrocement de temps et surtout de mains d'oeuvres, en bref, c'était une mission impossible. Cependant, notre ville n'était pas la seule touchée, c'était le cas de nombreuses autres villes du monde entier. La moitié de la population mondiale avait été décimée, rien que ça. Les couples ne voulaient plus avoir d'enfant, ou ils ne pouvaient plus ? Avoir un enfant était synonyme de mort, d'une mort certaine, alors, la population vieillissait à vue d’œil. Si nous n'étions plus capables de nous défendre, alors le sacrifice était de ne plus enfanter, de ne plus donner à manger à ces monstres, de ne plus perdre des enfants, des nièces ,des neveux, des petits cousins et des proches. C'était en quelque sorte, une revanche que nous prenions sur ces démons, la seule que nous étions capables de contrôler à l'heure actuelle. Mais ce n'était pas non plus un choix, la malnutrition, la peur qui transcendait les générations, les conditions de vie précaires avaient fini par nous changer, d'abord physiquement, puis, plus lentement, dans nos esprits, jusqu'à s'insinuer au plus profond de nos tripes, de nos âmes, notre ADN, nous arrachant le pouvoir pourtant essentiel de procréer. La plupart des femmes ne pouvaient tout simplement plus enfanter, leurs corps s'étaient éteints. Comme si, le corps humain préférait se laisser mourir que de survivre jour après jour. Pour celles qui le pouvaient encore, ce qui sortait de leur corps n'avait plus rien d'humain, ce n'était que des mort-nées, des malformations, des créatures ignobles qui n'avaient aucune humanité, encore et toujours. Face à cette réaction en chaîne, les gouvernements mondiaux, après s'être concertés pendant de longues années, avaient mis au point une procédure. Une procédure qu'ils qualifiaient de « révolutionnaire », « miraculeuse » C'était le grand jour, ils devaient nous l'annoncer, le rendez-vous était à vingt heures sur nos petits écrans dans nos foyers. Nous avions hâte, ils allaient enfin agir! Après tout ce temps, ils avaient retroussé leur manche pour nous faire sortir de cet enfer, de cette pauvre vie sans but. Pour cette occasion, j'étais chez mon fiancé, en compagnie de ses parents. Cela relevait du miracle, il était pratiquement le seul de la ville à avoir encore ses deux parents en vie. La raison ? ils ne sortaient jamais. JAMAIS, SOUS AUCUN PRÉTEXTE. Aucun. C'était Luc, ou alors moi-même qui leur apportait leurs courses, ils avaient coupé contact avec toute interaction sociale, hormis moi, leur future belle-fille. J'avais toujours été avec Luc, nous avions grandi ensemble, mes parents étant morts lorsque j'étais jeune. Nous avons eu un accident bête, très bête. J'avais perdu ma peluche dans le parc, et j'en avais fait un caprice, alors même que l'heure avançait à grands pas forçant le soleil à se cacher, nous n'étions qu'aux dernières lueurs, et pourtant. C'était tout, ils étaient morts dévorés par un démon qui passait par là, j'avais couru si vite, et il était si occupé à déchiqueter mes parents qu'il m'avait laissé partir, moi l'enfant à l'âme pure. J'ai atterri chez mon meilleur ami de l'époque : Luc. Ses parents m'avaient élevé comme leur fille, mais leur fils nourrissait des sentiments pour moi qui ne rentraient pas dans le cadre d'une relation frère-sœur. C'est tout naturellement qu'après de longues années, il m'avait fait sa demande, et c'était en toute logique que j'avais acceptée. Nous étions tous assis sur le canapé familial, Luc à côté de moi. Sa mère avait préparé un repas, un maigre repas, nous faisions avec les moyens du bord. Je picorais dans quelques plats, sous les regards insistants de mon beau-père. Je le comprenais, cela devait être dur pour lui de voir sa famille s'affamer de jour en jour, alors j'avais décidé de ne plus rien manger de la soirée. A présent, il paraissait satisfait. Luc ne remarquait jamais ce genre de chose. Il était le genre d'homme un peu hagard, un peu perdu, certainement quelque peu immature, il ne se rendait pas réellement compte de la dureté de la vie que nous vivions. C'était le fruit de vivre entouré de ses deux parents, c'était un luxe, qui lui permettait de fermer les yeux sur la vie extérieure. Il avait essayé de venir travailler avec moi aux champs, mais il était trop chétif, il se cassait à la tâche, alors c'était moi et moi seule qui ramenais de l'argent ou de la nourriture dans la famille. Je me sentais redevable envers eux, et je l'étais, ils m'avaient accueilli et avaient nourri une bouche en plus durant tant d'années. Je leur devais bien ça. Notre président allait commencer son discours d'une minute à l'autre. Il se tenait devant nous, dans son costume flamboyant, il avait les cheveux plaqués en arrière et paraissait exténué, il tenait un paquet de feuilles dans les mains sali par d'anciennes traces de café, posées sur un pupitre en bois, un micro était installé dessus. La première chose qui m'a frappé était l'endroit du discours, l'environnement, notre président semblait être sous terre, caché, dans une sorte de bunker. On ne voyait personne d'autre que lui à l'écran, pas de conseiller, pas de secrétaire ou autre chef d'État. Lui et lui seul, au premier plan, face à nous, nous tous. Il allait commencer à parler, il avait les yeux brillants, il devait être excité, fier de ce qu'il allait prononcer, dans son bunker, sous terre si loin de nous et pourtant, il ne nous avait pas abandonnés, il était là, droit comme un piquet, éreinté des négociations qui avaient dû durer de longs mois. J'avais le cœur qui battait et un grand sourire sur mes lèvres, Luc me tenait la main, le sourire aux lèvres aussi. « Chers humains, Après concertation avec les plus grands dirigeants de ce monde actuel, et après négociation avec .. il toussa pendant de longues secondes, s'excusa et reprit. Après concertation avec les plus grands dirigeants de ce monde actuel, et après négociation avec le roi, nous avons convenu d'un arrangement (…) « négociation avec le roi » quel roi bordel ?
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