RIM

19

Des douleurs lancinantes.

Des douleurs dévastatrices.

Jamais je n'avais pensé souffrir autant.

Dans mes souvenirs, je n'avais pas été si durement touché, je n'aurais pas dû souffrir autant.

C'était quoi ? un coup à la tête seulement.

Non, ce n'était pas ça.

Pas seulement.

Baal m'avait torturé.

Oui, ce fils de p**e.

Je m'étais fait avoir.

Comment ai-je pu perdre à ce point, tout sens de jugement ?

Comment ai-je pu me faire avoir aussi facilement ?

Par un homme, non, un monstre, un démon, une créature de l'enfer.

Voilà la réalité, la réalité que j'avais voulu éclipser.

Il m'avait fait sienne, et pour quoi ? pour que je porte ses enfants.

Est-ce qu'il m'aimait ? non, bien sûr que non.

C'était être naïf que de penser ça, je n'étais plus une gamine, j'avais la réalité en face de moi, je ne devais pas me laisser attendrir par lui, par son beau regard et ses intentions déguisés.

Je m'en voulais beaucoup, énormément même, d'avoir été aussi tendre avec lui.

Je ne me ferais plus avoir, jamais.

La douleur me réveilla, j'ouvris grand les yeux en criant de toutes mes forces.

Face à moi : X.

Il semblait être désemparé par la situation.

Nous étions dans une chambre, il faisait sombre.

Tellement sombre que je n'ai pas vu tout de suite la présence de Baal, au coin de la pièce.

Seuls deux yeux rouges me fixaient de loin.

Je ne craignais plus cette vision.

X me parlait, je ne comprenais pas ce qu'il me disait.

- J'ai mal, terriblement mal.

- Je ne peux rien faire de plus Rim, je t'ai donné tout ce que j'avais mais la douleur ne semble pas s'atténuer. Peut-être qu'il s'agit d'autres choses, peut-être que c'est la transformation qui commence, je n'en sais rien, il faut que j'étudie ça.

La transformation, en quoi j'allais me transformer bordel ?

- Il s'est passé quoi ce fameux soir Rim ?

La voix de Baal était grave, empreinte de menace, j'en concluais que X ne lui avait rien dit pour le moment.

Mais combien de temps ?

Combien de temps avant qu'il tienne ? Après tout, Baal était le roi.

Il ne pourrait pas lui tenir tête indéfiniment.

Il n'avait pas non plus lâché l'affaire, il voulait savoir ce qui s'était passé, il n'en démordrait pas.

Il fallait que je lui dise, n'importe quoi, mais quelque chose.

Je pris une grande respiration, essayant de me redresser, X m'avait aidé sous le regard plus que menaçant de Baal.

Il se tenait face à moi, bras croisés, signe indéniable de son agacement.

Il essayait depuis de longues minutes de rentrer dans mon esprit, de visualiser lui-même la scène, enfin j'imagine, à vrai dire je n'en savais rien, je voyais seulement ces deux yeux qui ne bougeaient plus, depuis de longues minutes.

- Il a failli me v****r.

C'est tout.

Ni plus, ni moins.

Aucune réaction visible sur son visage, il avait gardé la même position, attitude.

Était-il insensible à ce point ?

Avait-il connaissance de la douleur que pouvait causer un tel crime à une femme ?

Autant physique que psychologique, c'est une douleur qu'une femme se souviendra toute sa vie.

Ce sera la première chose à laquelle elle pensera le matin, en se levant.

Ce sera la dernière chose à laquelle elle pensera le soir, en s'endormant.

Elle prétendra que tout va bien, qu'elle est forte, et c'est peut-être même le cas, mais une partie d'elle, qu'elle le veuille ou non, qu'elle soit forte ou non, qu'elle s'en convainc elle-même ou non, sera brisé à jamais.

Cette petite partie vide en elle, la suivra partout, toute sa vie.

- Et la pièce réduite en cendre ?

Effectivement j'avais oublié ce détail, ce trop gros détail pour ne pas avoir d'importance à ses yeux.

C'était trop tard pour dire que c'était X qui m'avait aidé, comment je pouvais me sortir de là ?

Mon cerveau réfléchissait à la vitesse de l'éclair, mais aucune solution.

- Je ne sais pas, j'ai crié fort et l'instant d'après tout avait brulé.

Il s'était avancé vers moi, il était à présent sur mon côté gauche, si proche que j'avais dû lever la tête vers lui pour pouvoir le regarder dans les yeux.

A mon contact visuel, son visage s'adoucit immédiatement, il leva sa main vers mon visage pour le caresser, j'évitais tout contact avec lui désormais, j'avais détourné la tête de l'autre côté.

- Je t'ai fait si mal que ça ?

Je ne voulais pas qu'il me laisse seul avec lui, je voulais qu'il me protège au cas où, j'essayais désespérément d'entrer en contact avec lui, je me concentrais du mieux que je pouvais.

Faire le vide,

Inspirer et expirer,

Ramener mon rythme cardiaque à une vitesse lente, très lente.

X

Il s'est retourné vers moi avec de gros yeux ronds.

- Quoi ? Baal regardait X avec curiosité.

- Rien, je vous laisse à présent.

Il avait quitté la pièce, alors que mon cœur commençait à se serrer de plus en plus,

Ne lui dis pas que tu peux communiquer de cette façon, jamais.

- Tu ne me réponds pas ? Tu as quoi avec lui ?

J'étais revenu à la réalité.

Je le regardais droit dans les yeux.

- Je suis désolé d'avoir employé la force, mais j'étais fou de rage Rim, je pensais que j'allais te perdre toi aussi, et savoir que tu t'es joué de moi m'a fait perdre l'esprit.

Je n'ai pas su me contrôler.

J'avais détourné mes yeux au loin, je ne voulais plus le voir, plus lui parler.

- Tu sais, tu n'es pas la première humaine que j'ai en ma possession.

C'est bien, tu t'enfonces encore plus là.

Il y a très longtemps, avant même que je sois le roi, je n'étais qu'un tout jeune adulte, et mon père m'avait envoyé dans le monde des humains.

Là-bas je suis tombé fou amoureux d'une humaine, et elle aussi, c'était le coup de foudre.

Je l'ai ramené avec moi, dans mon monde, je, j'ai fait l'empuse sur elle-aussi.

A cette époque on ne connaissait pas vraiment les risques, alors je l'avais fait sur elle sans aucune once d'inquiétude, prêt à passer ma vie entière, l'éternité avec elle.

Elle ne s'est jamais réveillée, jamais.

Elle s'en est allé dans des cris et des hurlements d'effrois, je les entends toujours dans un coin de ma tête, l'amour de ma vie était parti.

Alors, j'ai changé du tout au tout, je me suis endurcie.

C'est ce que voulait mon père, il voulait que je connaisse le grand amour et que cet amour me détruise, pour que, je sois comme lui, plus fort, puissant, indestructible et intouchable.

C'est comme ça que j'ai été éduqué, par la haine, par la violence, par la force.

Je ne sais pas, je ne sais plus faire autrement, alors je m'excuse de t'avoir fait du mal.

Je te promets de bien te traiter à partir de maintenant, si tu me laisses une chance de me rattraper.

Je ne disais rien, je m'en foutais de son histoire.

Un démon.

Voilà ce qu'il était, voilà ce qu'il restera.

- Tu sais, je peux aussi te forcer.

Je suis un démon.

Pire encore, je suis le Roi.

Les nouvelles résolutions n'auront pas tenu très longtemps finalement.

- Je te laisse te reposer, je reviendrai, tous les jours s'il faut, je veux que tu me parles, je veux que tu me pardonnes, et je suis sûr que tu me pardonneras, avec le temps.

L'instant d'après il n'était plus dans la pièce.

J'avais cru, l'espace d'un instant, pouvoir faire ma vie ici, avec Baal à mes côtés.

A présent, je suis plus que lucide quant à mon futur, je vais partir.

Le plus tôt possible, je partirai, sans me retourner, sans aucun regret et si je dois le tuer pour m'enfuir, alors je le ferai, sans aucune once d'hésitation, sans aucun regret.