Le vent s’était subitement levé et les creux des vagues prenaient de plus en plus d’ampleur au fil des minutes.
Daichi hurlait des ordres aux marins quand une lame vint s’écraser sur le pont du navire, déséquilibrant les matelots surpris par la vague.
Cho courait de tous les côtés, lançant des cordages aux membres de l’équipage n’ayant pas encore eu le temps de s’attacher.
« p****n, Cho ! Attache-toi ! »hurla Genbu en direction de la jeune femme.
Elle se tourna rapidement vers lui et mit les mains devant les lèvres en porte-voix :
« Ne t’inquiète pas ! Je sais nager ! »
Il fronça les sourcils, surpris par sa réponse. Cependant, l’inquiétude montait dans sa gorge. Le seigneur du Nord secoua la tête, surprit de l’angoisse qu’il éprouvait pour ce moussaillon qu’il avait lui-même ramassé.
« Gen’, tu penses que ça va durer encore longtemps ? » dit Daichi en courant vers son maître. Il devait faire un effort colossal pour maintenir son équilibre tant les creux avaient encore prit en amplitude. « Gen’ ?! »
Genbu eut un sursaut et se rendit compte de la présence de son quartier maître à ses côtés.
« Oh… euh… oui ?
_ Oui ?
_ Oui… ?
_ m***e. Gen’ ! Tu as entendu ce que je t’ai dit ? »
Genbu fit un sourire gêné à son ami avant de serrer plus fort la barre entre les doigts. Devant eux, une vague gigantesque se rapprochait à une vitesse impressionnante. Le seigneur du Nord eut l’impression que l’air ne passait plus dans ses poumons. Loin sur le pont, il avait vu Cho courir vers un marin et lui lancer la dernière corde qu’elle portait autour du bras, la laissant sans moyen de se maintenir sur le pont.
La lame s’écrasa sur les matelots, pile quand Jun, qui avait vu Cho donner sa corde à un autre, avait retiré la sienne pour la passer autour de ses épaules. Or, il avait été trop lent et le jeune homme avait été emporté par la vague. Cho, elle, était parvenue à s’accrocher à un mat.
L’horreur s’était dessinée sur le visage de la jeune femme. Sans prononcer une seule parole, elle avait attrapé la corde qu’il avait voulu lui donner et la passa en lasso sous un bras et sa nuque.
« Oh p****n ! » hurla Genbu. Il venait de comprendre ce que ce moussaillon allait faire et avait attrapé Daichi par le col. « Tu tiens cette p****n de barre ! Cho est complètement taré ! »
Le quartier maître n’eut même pas le temps de réagir qu’il vit le seigneur du Nord se précipiter sur le pont.
« Cho ! Tu restes ic… ! » hurla Genbu.
Mais trop tard.
Elle avait reculé et avait pris de l’élan pour se lancer dans le vide. Elle entra tête la première dans l’eau, ayant repéré, un peu avant, où se trouvait Jun.
« m***e ! Mais qu’est-ce que tu fous là ? Hurla le jeune homme.
_ La ferme et accroche-toi à moi ! »
Jun serra les dents et passa les bras autour d’elle.
Genbu entra dans une rage noire qu’il ne comprenait pas lui-même. Il aurait pu arracher les bras de Jun à ce moment s’il n’y avait pas la hauteur du navire qui les séparait. Plus sa rage augmentait, plus la tempête semblait diminuer. C’était comme si la nature même tentait de se faire oublier.
Des marins avaient couru et poussaient des hauts hisses pour se coordonner la remontée de leurs camarades à bord.
Le seigneur du Nord prit, lui aussi, la corde entre les mains et tira avec force dessus. Son intervention déséquilibra complètement les membres de l’équipage et ils tombèrent en arrière sous la force de leur maître.
Des cris d’enthousiasme sur le navire résonnèrent. Genbu suffisait à lui seul à remonter les deux marins sur le navire.
Lorsque Jun et Cho posèrent pieds sur le navire, le jeune homme perdit équilibre et s’écroula sur elle.
Cho partit d’un fou rire, trop heureuse d’avoir retrouvé le pont du navire.
Un craquement sonore se fit entendre et des murmures de surprise s’élevèrent.
Genbu avait brutalement soulevé Jun et l’avait jeté sur le côté, le faisant percuter de plein fouet des tonneaux.
« Gen’ ? » demanda, inquiet, Daichi.
Jun posa la paume des mains au sol, passablement sonné et secoua la tête pour tenter de reprendre ses esprits.
Le seigneur du Nord se pencha de manière menaçante au dessus de Cho et l’aida à se relever d’un bras.
« p****n, c’était quoi ça ? Demanda-t-il en serrant les dents.
_ Quoi ? Demanda timidement Cho.
_ Cette prise de risque à la c*n !
_ Je… je sais nager… Je n’ai pas pris de risque… j’étais attachée… »
Genbu fit un -o- muet du bout des lèvres et poussa un cri de rage. Il attrapa d’une main ferme le col de la chemise en coton de la jeune femme et lui hurla dessus.
« JUN AUSSI SAIT NAGER ! TOUS MES HOMMES SAVENT NAGER ! TU NE SAUTES PAS PAR DESSUS BORD COMME BON TE SEMBLE ! ET S’IL T’ÉTAIT ARRIVÉ QUELQUE CHOSE ?! »
Cho et les marins autour eurent un léger sursaut de surprise. C’était la toute première fois qu’il le voyait en colère après l’un des leur. Pourquoi donc était-il si inquiet qu’il lui arrive quoi que ce soit ?
« ET TOOOOOIIIIIII…. » hurla Genbu en tournant la tête vers Jun. Il s’approcha rapidement de lui avant de poser la main sur la tête et lui faire des tapes amicales sur le sommet du crâne. « Bien joué. Tu as vu que Cho n’avait pas de cordes et tu as tout de suite voulu le protéger. Ooooooow c’est mon Jun à moi ça ! » dit-il en pinçant les joues du jeune homme.
« Mais qu’est-ce que… »commença Cho mais elle s’interrompit en entendant Daichi pousser un soupir d’agacement.
Le quartier maitre se tenait l’arrête du nez et grommelait à voix haute devant le comportement du Seigneur du Nord.
« Cho, dit-il.
_ Oui, Daichi.
_ Tu ne sautes pas comme ça du navire. Encore moins pendant les tempêtes. En cas de soucis, tu laisses Gen’ gérer quand on est sur l’eau.
_ Oui, Daichi, répondit-elle tristement. Elle pensait bien faire et se retrouvait déjà à devoir faire face aux remontrances de ses supérieurs.
_ On a une manière de fonctionner particulière ici. Pose les questions quand elles te viennent à l’esprit.
_ Daichi ?
_ Ouais.
_ Pourquoi Gen’ a dit « le protéger » en parlant de moi ? »
Daichi cligna des yeux et regarda vers leur maître. Il se mit à rire et regarda Cho :
« Je crois que ce gros nigaud pense que t’es un homme ! »
Cho se mit à rire aussi mais ne dit rien de plus. Les marins autour d’eux donnèrent une tape amicale sur l’épaule de la jeune femme avant de reprendre leurs postes attribués.
*
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« p****n, Cho est génial ! » déclara Genbu en faisant des grands mouvements de bras à son quartier maître.
Les deux hommes s’étaient retrouvés dans sa cabine et faisaient le point sur la journée.
Daichi prit une gorgée de thé et écouta son meilleur ami vanter les mérites de leur nouvelle recrue.
« Déjà quand je suis arrivé sur l’île, il fallait le voir pour le croire ! Ce nabot faisait face à un démon ! Tu te rends compte, Daichi ? Un démon ! Wow ! Pour protéger des enfants… et là ! Boum ! Pas une seconde il hésite, il voit Jun à l’eau et il saute ! Touche mon cœur, Daichi ! Tu sens comme il bat la chamade !
_ Alors de un, tu lâches ma main, fit rageusement le quartier maître, et de deux, calme-toi.
_ Oooow Daichi ! Il est tellement cool ! Tu vois c’est clairement le genre de fille qu’il faut que je me trouve !
_ Et Cho ne convient pas parce que… tenta Daichi.
_ Bah parce que c’est un garçon ! Répondit Genbu en lui faisant les gros yeux.
_ Et depuis quand ça t’arrête ? »
Le quartier maître s’amusait beaucoup trop de cette situation et n’osait pas corriger son ami. Il n’osait pas non plus lui rappeler que Genbu avait appelé Cho « princesse » lors de leur premier échange. A tous les coups, son esprit avait effacé ce moment, prouvant que quelque chose dans la réponse de la jeune femme avait dû le contrarier.
Genbu se laissa tomber sur le matelas duveteux de sa cabine et fixa le plafond.
« Je veux me marier. Koko est tellement heureux depuis qu’il a donné une Dame à l’Ouest. Je veux ça aussi. Quoi que… je pourrais aussi me marier et me taper Cho sur le côté ! »
Daichi s’étrangla à moitié en avalant de travers le thé brûlant. L’immoralité de son maître avait encore parlé.