II - La maison de paille-1

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II La maison de pailleUn des plus fidèles habitués du Sabot rouge était le beau-père du cabaretier lui-même, un vieil ouvrier carrier nommé Cantain, qui depuis son veuvage se prétendait attaquer de la maladie du sable, pour donner un prétexte à sa paresse, et combattait cette affection chimérique par un traitement que la régie des alcools eût sans doute beaucoup mieux apprécié que la Faculté. Pour l’intelligence de ce qui va suivre, il est nécessaire de remonter de quelques années dans la vie de ce personnage, dont l’histoire sert, pour ainsi dire, de point de départ à ce récit. Cantain avait épousé une fille de la commune de Pontisy, située à un quart de lieue de Saint-Clair. Cette fille, nommée la Roussotte, sans doute à cause de son teint et de ses cheveux, était alors servante au Sabot rouge, chez le prédécesseur de Pampeau. Elle y avait été fort compromise par un garçon appelé Claudet, dont le père était garde du prince de ***, alors propriétaire du château de Pontisy. Cantain et sa femme n’étaient pas riches ; ils ne possédaient pour tout bien que la maison qu’ils habitaient. Cette méchante masure, dont une tolérance municipale laissait encore subsister la toiture de chaume, si dangereuse en cas d’incendie, s’appelait dans le pays la Maison de paille. Elle n’avait d’autre attenance que quatre ou cinq perches d’un terrain sablonneux, dont la culture ingrate était d’un rapport presque nul. Les Cantain n’avaient, en outre, aucun avantage futur à espérer de leurs parents, tous deux étant nés de familles qui, de père en fils, ne laissaient à leurs héritiers que leur ombre au soleil. Ils s’étaient mariés sans amour, et Cantain lui-même n’ignorait pas les propos tenus sur le compte de la servante du Sabot rouge. La Cantain n’était rien moins que jolie ; rousse et marquée de petite vérole, elle offrait le type rustique dans son aspect lourd et quasi difforme, mais elle avait des cheveux pour lesquels une duchesse aurait donné son écrin. Physiquement mieux doué qu’elle, son mari était un grand et vigoureux garçon, dont la force apparente annonçait qu’il appartenait à cette race de bœufs humains asservis nativement au joug des fatigues exceptionnelles. L’union de ces deux êtres qui n’avait été ni une affaire de sentiment, ni une affaire d’intérêt, fut pourtant heureuse. – On avait dit d’eux que c’était la famine qui épousait la misère ; ils donnèrent dès les premiers mois de leur mariage un démenti à ces prédictions, par la scrupuleuse probité qu’ils mirent chacun de son côté dans l’apport des qualités réciproques qui formaient leur unique dot à l’un comme à l’autre. Cantain trouva dans sa femme une créature active, ne laissant jamais à la mousse le temps de croître dans sa main, selon une locution proverbiale. Économe, sobre, soigneuse d’elle-même et de son intérieur, elle réalisait toutes les vertus domestiques, qui rendent possible l’existence de certains ménages pauvres et déroutent les calculs de l’arithmétique. – Son mari se montra reconnaissant à sa manière du bien-être nouveau qu’elle introduisait dans sa vie. Sans effort, presque à son insu, il modifia certaines rugosités de sa personne et de son caractère. – Sa bouche, habituée à mâcher le juron, en devint moins prodigue. – Bien qu’il eût toujours été laborieux autant par goût que par nécessité, étant garçon, il n’avait pu échapper complètement aux entraînements de l’âge et de l’exemple et passait pour un des meilleurs gobelets de l’endroit, mais à gobelet plein, bourse vide, dit un proverbe qui n’est pas bourguignon. Cantain cessa de paraître le dimanche au cabaret, et se montra fort indifférent aux plaisanteries que cet éloignement, attribué à la volonté de sa femme, lui attirait de la part de ses anciens camarades. Il passait dans son ménage tout le temps qu’il ne donnait pas à son travail, et, sans chercher à lui donner un nom, il éprouvait un sentiment de plaisir lorsqu’au retour de la carrière, en descendant les chemins de la forêt, il voyait de loin fumer le toit de sa maison. – Sans le remarquer lui-même, il marchait alors d’un meilleur pas qu’à l’époque où il savait ne devoir trouver chez lui que la solitude, et s’il fredonnait encore en marchant quelque refrain emprunté au licencieux répertoire des chantiers, il s’arrêtait instinctivement en approchant du seuil de sa demeure. La Cantain, dont la nature un peu fière ne s’était pas soumise sans en souffrir à la servitude chez les étrangers, puisait dans le sentiment de sa liberté la jouissance qu’éprouve l’esclave affranchi à supporter des fatigues contre lesquelles il eût protesté au temps de son esclavage, et qui lui semblent moins pénibles parce qu’elles ne lui sont imposées que par lui-même. Quant au carrier, il n’avait pas tardé à comprendre le bénéfice de la vie régulière, et lorsqu’il comparait sa situation actuelle avec le passé, il ne pouvait s’empêcher de trouver douce la tyrannie de l’ordre. Une sorte d’affection placide existait dans le ménage et se prouvait quotidiennement entre les deux époux, moins par les paroles que par un échange de bons procédés, dont les étrangers, bien plus qu’eux-mêmes, auraient pu apprécier la délicatesse. Cantain gagnait soixante-dix ou quatre-vingts francs par mois, selon les époques où l’exploitation plus ou moins active de la carrière réclamait un plus ou moins grand nombre de bras. C’était avec ce gain modeste qu’il fallait faire face à toutes les dépenses que comportent les besoins de deux personnes. Tous les samedis, le carrier remettait à sa femme l’argent qu’il avait reçu pour son travail de la semaine, et se réservait seulement une somme modique destinée à son tabac et à la petite mesure d’eau-de-vie qu’il avait coutume d’emporter au chantier. À une époque où les récoltes donnaient quelques inquiétudes, il y eut sur les grains une hausse subite. En revenant du marché la Cantain ne put s’empêcher de se plaindre de cet enchérissement qui atteignait le ménage dans une consommation de première nécessité et devenait plus menaçante aux approches de l’hiver. Elle craignait d’être obligée de demander une taille au boulanger, et ce petit morceau de bois rayé quotidienne ment l’effrayait plus qu’une grosse maladie. – Farine à crédit fait du pain amer, disait-elle à son mari. Il existe encore dans les campagnes de ces probités rétives pour lesquelles devoir et une humiliation, et qui ne la subissent que lorsqu’elles y sont contraintes par les plus impérieux besoins. Pour ces natures lentes à se dépouiller de leurs sains préjugés, la dette dans la pauvreté, c’est une ronce dans un champ de pierres. Revenant un soir de la carrière, où il avait reçu sa paye, Cantain la remit tout entière à sa femme, et comme elle lui faisait observer qu’il oubliait de garder l’argent nécessaire à son tabac et à son eau-de-vie, il refusa de le prendre. – Faut se nourrir avant de nourrir ses défauts, répondit-il, – et tirant de sa besace sa pipe et sa petite fiole à eau-de-vie, il alla les serrer dans un coin de l’armoire. Cette privation, celle de fumer surtout, devait lui coûter cependant ; c’était son unique plaisir, sa distraction unique, et on renonce difficilement à une habitude, que le temps a naturalisée besoin. Mais si peu coûteuse qu’elle fût, cette habitude occasionnait une dépense, et il n’y a pas de petits chiffres pour les petits budgets. L’argent du tabac et de l’eau-de-vie aidait à rétablir dans celui du ménage l’équilibre dérangé par la cherté du pain. Cependant, les premiers jours, après son repas, Cantain, en se levant de table, tournait machinalement dans la maison avec l’attitude d’un homme auquel il manque quelque chose, et son regard, qui de temps en temps s’arrêtait sur l’armoire où sa pipe était serrée, disait assez de quoi il manquait. Au chantier, les camarades du carrier n’avaient pas été sans remarquer qu’il ne fumait plus, et cette abstinence, dont celui-ci n’avait pas cru devoir leur expliquer la cause, était devenue de leur part un motif de plaisanterie. Un des carriers prétendit un jour que c’était la Cantain qui avait cassé la pipe de son mari, parce que l’odeur du tabac lui était désagréable. Cette supposition, accueillie par de grossiers éclats de rire, fut suivie d’autres propos du même goût, auxquels Cantain paraissait vouloir rester sourd ; assis sur un quartier de roc, il mangeait tranquillement un morceau de pain avec du fromage aigre. Son mutisme dédaigneux encouragea les agressions de ses camarades, et l’un d’eux, un de ses voisins, nommé Roussel, qui semblait prendre à tâche de faire sortir le carrier de son indifférence, s’avisa de dire, en lui jetant un coup d’œil narquois : – Bah ! la Roussotte est une délicate qui n’aime pas la pipe parce qu’elle a été habituée à l’odeur du cigare. Ces paroles étaient à peine achevées, que celui qui les avait prononcées se recula instinctivement de plusieurs pas, comme l’artificier s’éloigne du projectile dangereux auquel il vient de mettre le feu. Un silence général avait accueilli cette remarque, dont le sens injurieux ne pouvait échapper à personne, puisqu’elle rappelait par allusion, au souvenir de tout le monde, l’époque où la Roussotte était courtisée au Sabot rouge, par le fils Claudet, le seul garçon du pays qui fumât des cigares. Tous les regards des carriers étaient fixés sur Cantain et Roussel, qu’une dizaine de pas séparaient à peine l’un de l’autre. Cantain s’était levé subitement et tout droit, comme mû par un ressort. À ce mouvement déjà agressif, Roussel avait encore reculé, et, se trouvant arrêté par un énorme bloc de grès sur lequel étaient posés ses outils, il s’y appuya après avoir eu la précaution de passer la main derrière son dos, et de s’emparer d’un marteau à manche très court, mais d’un poids de quinze kilogrammes, et qui sert à enfoncer dans le rocher le coin de fer destiné à le faire éclater. Cette attitude défensive n’arrêta cependant point Cantain, et Roussel, voyant qu’il continuait à s’avancer, éleva sa masse de fer au-dessus de lui dans une position de garde haute, qui allait placer le mari de la Roussotte, s’il faisait un pas de plus, sous la perpendiculaire menaçante du pesant marteau. Ce dernier pas, Cantain le fit cependant de la même allure tranquille dont il avait fait les autres. – Prends garde ! lui crièrent ses camarades, pétrifiés par cette sorte d’attention anxieuse qui paralyse les mouvements. Roussel et Cantain étaient souffle à souffle. Assurant dans sa main, par une vigoureuse pression des doigts, le manche du marteau dont la masse carrée profilait un angle d’ombre sur le front découvert de Cantain, Roussel lui dit à voix basse : – Ne me touche pas. Roussel était de cette race de méchants hargneux qui sont le tourment des faibles. Même dans ses querelles de cabaret, lorsqu’elles se terminaient en lutte, il ne portait jamais le premier coup, et, pour montrer quelque énergie dans ces pugilats grossiers, il fallait qu’il irritât par des injures ses faux instincts belliqueux, passagèrement puisés dans l’ivresse. En prenant une attitude défensive qui devait rendre toute lutte inégale avec lui, Roussel espérait que le carrier dépenserait sa colère en paroles ou en vaines menaces. Dans le premier moment où, obéissant à un machinal instinct de défense, il s’était emparé du dangereux outil, peut-être en eût-il fait usage pour repousser une agression instantanée. Mais le silence qui régnait autour de lui, la lenteur mesurée des mouvements de son adversaire, l’incertitude où il était sur ses intentions, le dédaigneux défi que celui-ci lançait par les yeux à l’arme mortelle dont son approche était menacée, en alourdissaient déjà le poids dans la main de Roussel, effrayé par l’idée qu’il allait peut-être être mis en demeure de répondre à une provocation par un meurtre. Un instant, il pensa à accepter une lutte dans des conditions égales, mais il comprit qu’il ne se relèverait pas vivant d’un combat où il n’aurait pas d’autre arme que son courage ; il se sentait pour ainsi dire le cœur sous la dent de Cantain, dont la figure avait cette effrayante placidité que donne la certitude de la vengeance. – Que me veux-tu, Cantain ? demanda-t-il au mari de la Roussotte, avec une voix étranglée par le râle de la peur. – Fils du guillotiné, tu es blanc, dit Cantain, je veux te faire rougir. Et il lui cracha au visage. Un cri sortit en même temps de toutes les poitrines, et tous les témoins de cette scène crurent voir le terrible marteau s’abaisser pour répondre à la terrible injure. Roussel n’avait pas bougé ; les paroles de Cantain, et l’acte qui les avait accompagnées, semblaient l’avoir immobilisé. Au moment où il allait frapper Cantain, le souvenir de son père exécuté pour crime d’assassinat avait évoqué dans son imagination une vision rapide, où se mouvait le sinistre appareil de la justice criminelle, et comme ses yeux, perdus dans le brouillard de l’épouvante, erraient vaguement autour de lui, il aperçut sa femme qui se dirigeait vers la carrière, en tenant son enfant par la main. L’enfant montra de loin à son père sa petite marmite dans laquelle il lui apportait son goûter. Cette apparition acheva de paralyser Roussel, qui réalisait déjà la prédiction de Cantain, car son visage avait passé de l’extrême pâleur à une coloration extrême. On vit l’artère du bras roidi par une tension fatigante, se gonfler soudainement comme un ruisseau sous l’orage et précipiter à flots bleus dans les veines du col la foudroyante congestion apoplectique qui se répandit bientôt sur la face, où elle injecta les yeux d’un filet pourpre, en même temps qu’elle amenait à la bouche, vainement ouverte à l’aspiration de l’air, la première écume de ce flux s******t. Cantain, attribuant à la colère l’état dans lequel il voyait son ennemi, conservait sa position. Solidement arc-bouté sur une de ses jambes, il avait pris une attitude qui lui permettait de tenter une volte rapide pour éviter le coup terrible dont il pouvait se croire menacé. Voyant l’immobilité de Roussel et n’en soupçonnant pas la cause, il ajouta en faisant allusion à l’injure qui venait de souiller son visage : – Lâche ! faut donc encore que je t’essuie ! Et il leva la main pour le frapper. En ce moment, à travers les mortelles ténèbres qui envahissaient sa vue, Roussel apercevait sa femme entrant dans le chantier avec son fils. L’attitude agressive des deux hommes lui faisait seulement deviner une querelle ; elle accourut auprès d’eux pour les séparer, accompagnée de tous les ouvriers carriers. Mais avant qu’ils fussent arrivés, la main de Cantain était retombée sur la figure de Roussel, et celui-ci, trouvant un dernier cri dans sa gorge étranglée par l’étau de l’apoplexie, abaissa son bras sur le mari de la Roussotte. Le lourd marteau échappant à sa main mal dirigée par ses yeux, que voilaient déjà l’agonie, effleura seulement du manche dans sa chute l’épaule de Cantain, et tomba, en rebondissant, sur la tête du petit garçon de Roussel, qui s’était approché, sa petite marmite à la main. L’enfant s’affaissa sur le sable, et mourut en même temps que son père, tué par la congestion cérébrale. Une enquête fut ouverte à la suite de ces évènements, et Cantain fut arrêté provisoirement, mais on le relâcha sur la déposition des témoins. Bien qu’il eût été renvoyé par la justice, l’opinion publique, excitée par la veuve de Roussel, n’en attribua pas moins à Cantain ces deux morts dont la fatalité seule avait été la cause. Elles devinrent le principe d’une répulsion instinctive qui se manifesta contre les hôtes de la Maison de paille et qui devait encore s’augmenter lorsqu’on vit, dans deux autres circonstances, le même hasard intervenir en faveur de Cantain, et l’entourer d’une de ces protections sinistres que la superstition populaire croit achetées par un pacte sacrilège. Pendant une saison rigoureuse qui avait provoqué le chômage dans les chantiers, la Cantain ayant épuisé toutes ses ressources, vainquit ses scrupules et se décida à recourir au crédit. Sans en instruire Cantain, elle se rendit un jour chez le boulanger de Pontisy. La boulangère n’osa prendre sur elle de lui donner une taille sans le consentement de son mari ; mais lui voyant sur les bras un enfant chétif, elle lui offrit un pain de seigle en lui disant : – Tiens, prends, c’est pour faire du lait à ton innocent. – Dieu t’amène le tien sans te faire souffrir ! répondit la Roussotte en regardant la taille de la boulangère, qui était grosse. Ainsi que l’avait prévu celle-ci, son mari refusa d’ouvrir un crédit aux Cantain. – Son mari n’a pas d’ouvrage, dit la boulangère ; elle a un petit enfant ; ça m’a fait de la peine ; je lui ai donné un pain. – Tu as eu tort, dit le boulanger ; c’est autant de perdu pour nous. – Mais ils meurent de faim ! répondit la femme. – Eh bien, qu’ils meurent ! ça débarrassera le pays du mauvais monde, répliqua le boulanger, ordinairement humain, mais qui partageait l’animosité commune propagée contre le ménage de la Maison de paille. Dans le méchant terrain qui entourait leur masure, les Cantain avaient, pendant la moisson précédente, récolté quelques masures de seigle, dont la plus grande partie avait été attaquée de cette maladie particulière qu’on appelle l’ergot. L’ergot est une sorte de superfétation corrompue, de couleur noire, qui s’attache à l’épi. On lui a donné, dans quelques campagnes, le nom de blé de corneilles, parce que ces oiseaux s’en montrent très friands. Lorsque cette maladie a sévi avec rigueur sur une moisson, la récolte est à peu près perdue, car il faut beaucoup de temps et de soins pour opérer le triage de cette ivraie d’avec le bon grain. Oublié, même à petite dose, dans la farine, l’ergot peut rendre l’alimentation malsaine, car il renferme un principe vénéneux qui l’assimile à la famille des poisons végétaux. La médecine l’emploie dans certains cas. Dans la profonde détresse où elle se trouvait, la Cantain se rappela qu’il lui restait deux ou trois mesures résultant du triage de sa dernière récolte, attaquée par l’ergot, et ne connaissant qu’à demi les propriétés malfaisantes de cette farine avariée, elle résolut d’en faire usage. – Nous n’avons pas le droit d’être délicats, dit-elle à son mari ; pendant que nous mangerons ce pain-là, le bon Dieu nous en enverra peut-être d’autre. – Comme elle faisait ce souhait hasardeux, la boulangère de Pontisy, qui venait d’achever sa distribution à Saint-Clair, entra dans la Maison de paille. Les Cantain remarquèrent qu’elle n’avait pas arrêté sa voiture devant leur maison, et qu’elle était entrée par la porte qui ouvrait sur la plaine. – Vous avez peur qu’on ne sache dans le pays que vous êtes venue chez nous, lui dit Cantain. – Je ne suis pas maîtresse dans mon ménage, répondit-elle ; – il ne faut pas m’en vouloir. – Tu viens peut-être chercher de l’argent de ton pain, dit la Roussotte en rougissant. – Non, répondit la boulangère. Mon mari est parti en Beauce acheter du blé, – il restera trois jours. – J’ai profité de son absence pour augmenter la fournée de deux miches et je te les apporte. Tu me rendras ça quand tu pourras… – Merci, fit Cantain avec un geste de refus. Je ne sais pas quand nous pourrons… – Ton mari pourrait le savoir, et tu aurais des raisons, ajouta la Roussotte en confirmant, avec un geste de reconnaissance, le refus du carrier. – Ne faites pas les fiers, – c’est pour votre enfant. – Il nous reste un peu de seigle, fit la Rousotte, entrouvrant le sac où se trouvait la farine avariée. – Ça ? – fit la boulangère avec dégoût ; – mais c’est du blé de corneilles ! – et elle ajouta : On dit que ça fait mourir. – Bah ! reprit Cantain, – les corbeaux vivent cent ans.
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