Chapitre 10 Jusqu’à ce jour, la disposition naturelle de mon esprit m’avait tenu éloigné des plantations où les noirs travaillaient. Il m’était trop pénible de voir souffrir des êtres que je ne pouvais soulager. Mais, dès le lendemain, mon oncle m’ayant proposé de l’accompagner dans sa ronde de surveillance, j’acceptai avec empressement, espérant rencontrer parmi les travailleurs le sauveur de ma bien-aimée Marie. J’eus lieu de voir dans cette promenade combien le regard d’un maître est puissant sur des esclaves, mais en même temps combien cette puissance s’achète cher. Les nègres, tremblants en présence de mon oncle, redoublaient, sur son passage, d’efforts et d’activité ; mais qu’il y avait de haine dans cette terreur ! Irascible par habitude, mon oncle était prêt à se fâcher de n’en