Guinée / Région forestière
Jamal
On venait de poser nos valises à l'hôtel Nimba dans le quartier « Au sud ».
Ici c'est N'zérekoré la plus grande ville de la région forestière et troisième de la Guinée . C'est le domaine de la forêt sacré, du vin de Palm et des bananes plantains.
La population y est cosmopolite , Toma , kissi, Guerzés, Manon , koniankés et quelques rares peuhls cohabitent en symbiose.
À l'image du pays, la ville est à connotation laïc.
On y trouve de tout, des chrétiens , musulmans, et une minorité animiste qui ne s'en cache pas d'ailleurs.
Comme vous le savez notre venue n'étant pas fortuite , alors ce que je m'en vais vous relater relève du mystique.
Jusque-là j'en ai encore des sueurs froides...
Notre déjeuner se fit en silence, le menu était atypique un mélange de riz et sauce tobögui. Une spécialité de la région, faite à base d'aubergines. Habitué à une nourriture moins épicée, un combat de titan se déroulait dans ma bouche, cependant le goût que je percevais forçait l'appétit.
Joanna de son côté engloutissait les bouchées doubles sans se soucier des composantes.
Ces derniers temps elle a un appétit aiguisé sûrement dû à la grossesse. Depuis notre départ elle n'a pipé mot se contentant d'acquiescer quand je lui parle.
Après le délicieux repas nous regagnons chacun de notre côté nos chambres pour un sommeil réparateur avant la grande randonnée.
La traversée jusqu'à samoué un petit hameau se fit sans peine, le sentier battu de terre rouge facilitait l'accès. Mais à un moment notre guide nous fit comprendre qu'on devait continuer à pieds, puisqu'il s'agissait de s'enfoncer dans la forêt.
Je voyais en Joanna que l'idée de marcher ne lui plaisait pas du tout, dans son état c'est compréhensible mais elle ne s'en plaignît pas.
Tant mieux !
Nous passions donc à travers bois et forêt, sautant parfois par dessus de petites sources d'eau... avant de quitter la ville on m'avait prévenu de payer du pain blanc qui sera donné en offrande aux génies.
Je ne comprenais pas trop pourquoi du pain blanc , en réalité je ne connais rien aux réalités des pratiques africaines. J'ai toujours pensé qu'on avait aucun pouvoir de décision sur notre destin, je m'en remettait donc à cœur joie au bon vouloir de la providence.
Dans la petite banlieue urbaine de san Fernando en Californie où j'ai fait mes études primaires, on y voyait pas grand chose. La chose la plus incroyable qui sortait de l'ordinaire et qui avait marqué mon enfance c'était la hute de sudation de nos voisins amérindiens et leurs chants de guerres (sans guerre je dois avouer) qu'ils chantonnaient à longueur de journée afin selon eux de ne pas se perdre dans le moule de la civilisation occidentale...
Compréhensible je dirai ! But who cares ?
Mon avis personne ne le sollicite autant le garder pour moi. Je disais donc tout ce que j'allais vivre dans cette forêt m'était inconnu jusqu'à alors , et pour moi plus aucun doute l'Afrique a Belle et bien ses valeurs et ses mystères.
Dans le sous bois qui nous menait à la destination finale nous vîmes une clairière... Joanna étant exténuée demanda à faire une halte là...
-Mais il se fera bientôt nuit faut qu'on en finisse au plus vite...
- Je sais Jamal mais mes pieds n'en peuvent plus ... je suis qu'à même à 6 Mois de grossesse. Allez y sans moi, je t'attendrai là.
-Pas question!
Le guide un solide garçon au visage balafré et à la carrure imposante, étira son visage d'un grand sourire et dit calmement...
Nous sommes arrivés... vous (en s'adressant à moi)continuez tout droit puis à gauche vous verrez la case où vous êtes censé aller. Quand à madame je vais rester à côté d'elle le temps qu'elle reprenne un peu de force ensuite nous vous rejoindrons.
Avec Joanna on se jaugeait du regard, je n'apprécie pas cette attitude capricieuse. Enceinte ou pas, si elle est là c'est parce que sa présence est indispensable. Sans un mot je les ai quitté.
J'étais à présent prostré à l'entrée de la case hésitant ... quand un vieil homme sortit de nul part et me tapota l'épaule. Sérieusement j'ai failli faire un infarctus mais je ne sais d'où je puisai la force de garder mon calme. L'homme me regarda intensément avant de dire dans un dialecte qui m'était inconnu « Courageux ».
C'est à la suite de cet échange que je vis derrière lui un nain qui s'empressa de me traduire ce que venait de dire le vieil homme.
Tous étaient comme notre guide les tempes lacérées laissant apparaître deux traits bien distincts( des scarifications).Le corps du vieil homme était enduit de caolin , de la terre moulée et mouillée qui donnait au corps une teinte blanchâtre.
Ils me dépassèrent ensuite et s'engouffrèrent dans la case. À leur suite je m'y introduit également, le vieil homme m'invita à m'asseoir sur une sorte de tabouret super bizarre... tandis que lui et son suivant se contentait de la terre humide. Instantanément le dialogue commença..
-Saa disait le vieil homme.. demande lui son nom et celui de ses parents...
Sans se faire prier celui à qui l'ordre a été donné s'exécuta, bien entendu j'y répondis.
Il actionna ensuite ses mains et fit des dessins sur le sol , il parlait rapidement mais par deux fois j'ai cru entendre mon nom . Il me demanda ensuite d'ouvrir ma paume, il y lu des choses totalement incompréhensibles.
À la fin je devais frotter mes paumes entre elles et frictionner mon visage.
Devant lui il déposa une calebasse rempli de vin de Palm que je reconnu à l'odeur... il y versa du sang de coq sûrement, deux noix de colas toutes rouges s'ajoutèrent à ce mélange.
Derrière il sortit une corbeille que je n'avais pas remarqué jusqu'ici... ensuite il me dit d'y plonger mes deux mains mais délicatement..
je le regardais suspicieux ... plonger ma main dans je ne sais quoi ? Faut le faire....
Lentement je m'exécutais et croyez le ou non j'avais raison d'être soupçonneux... une sorte de masse gluante s'empara de mes mains et encore une fois je réussi à garder mon calme.
Je sortis mes mains de la corbeille tissée de lianes ,quelle ne fût ma surprise de voir cet animal aux yeux rouges me fixer ...
Crier? Ou prendre mes jambes à mon cou... ni l'un ni l'autre ne me serait avantageux. Je l'observais également en silence.. sur mon front perlait une sueur que je n'avais pas encore remarqué...
Le vieil homme m'intima de lui demander ce que je voulais par la pensée... je m'exécutai sans détacher mon regard de ce Boa prêt à m'engloutir.
Dès que j'eus terminé comme s'il venait de percer mes pensées... il remua sa tête de gauche à droit puis repartit dans sa corbeille.
-Bien ... dit le vieil homme à présent nous savons que vous n'êtes pas une personne ordinaire. Vous avez su communiquer au boa, vous êtes donc l'élu.
Vous savez ce qu'il se serait passé si les ancêtres vous rejetaient ?
De la tête je fis non ...
-il vous aurait broyé les mains et cracher son venin au visage... et vous auriez perdu la vue.
Quoi??? Mais... mais vous saviez ce que je risquais et vous m'avez quand même laissé prendre le risque ?
-Hahahaha Hahahaha... son rire sonore emplit toute la case , le nain s'y mît également.
Vous savez j'ai su que vous étiez brave dès votre venue... et si moi je l'ai senti le boa aussi.
Écoutez ce n'est pas tout, on a pas mal de rituels à faire ensemble, avez vous ramené ce que je vous ai demandé ?
- Oui tout est là..
-Parfait. Mais dites moi je sens une présence dans les alentours... Humm une femme oui c'est cela. Seriez vous venu accompagné d'une femme ?
Oups ah oui je venais enfin de me rappeler de la présence de Joanna... c'est agacé que je lui répondis oui.
-Pourquoi cet air mauvais quand vous parlez d'elle ?
- C'est compliqué
-En effet... mais prenez garde cette femme c'est votre étoile ..
Mes yeux s'arrondirent et ma bouche forma un O..
Elle sera très importante lorsque vous prendrez le pouvoir, parce que oui soyez sûr que la présidence est à vous. Prenez soin d'elle et de l'enfant qu'elle porte. La vie du bébé est en danger... un danger imminent. Je me répète cette femme est votre étoile... lorsque votre étoile s'éteint vous ne serez plus que l'ombre de vous même. Tout tourne autour d'elle... sa descendance a été béni , parmi elle n'en sortira que des hommes forts qui feront parler d'eux partout dans le monde. Vous êtes chanceux en êtes vous conscient?
Allons y ... maintenant les ancêtres n'aiment pas qu'on les fasse attendre.
Joanna
Jamal ayant duré je décidai de me dégourdir les jambes en visitant l'alentour. De la forêt à perte de vue sauf à un endroit... cet endroit plus dégagé semblait sortir tout droit d'un conte de fée ou de la mythologie grecque... des statuettes énormes faites en bois ou même en terre rouge cuite étaient disposés ça et là ... par curiosité je m'avançais lorsque Emmanuel notre guide me stoppa...
-Madame si j'étais vous je ne m'y risquerais pas... c'est un lieu sacré... seuls les initiés ou les invités y sont admis. Si par imprudence un curieux s'y aventurait il serait frappé d'une foudre et transformé en pierre sur le champ.
Je regardais Emmanuel et c'est au prix d'un effort surhumain que je me retenais de rire... il y croit dur comme fer... et franchement ce que je vois est ... comment dire sort de l'ordinaire il me faut le filmer et le montrer à Oumar. Je suis sûr que tout comme moi il n'en reviendra pas.
Je m'avançai sans tenir compte des mises en garde d'Emmanuel lorsque....
Réagissez rapidement et je vous mets la suite ...