Une visiteNous étions arrivés dans ma ville natale.Près du chemin de fer finit le cimetière.C’était le dernier soir des dernières cigales…Elle voulut aller au tombeau de ma mère. Les trains avaient noirci les cyprès de fuméeEt nous montions, parmi les marchands de couronnes,Une mélancolique et longue et blanche allée…Et tout était désert, sur tout planait l’automne… Elle avait un bouquet d’œillets à son corsage.Ses yeux étaient plus bleus dans l’oblique lumière.Elle passait avec son manteau de voyageDans le marbre et le fer des fastes mortuaires. La tombe se cachait sous d’anciens chrysanthèmes.Nous ne priâmes pas, n’ayant pas de croyance…J’ai dit du fond du cœur : « Voilà celle que j’aime ! »Elle a mis son bouquet sur la pierre, en silence… Et nous sommes partis, timides, tout de suite…Le soir versait aux morts son ombre accoutumée…Alors ma mère a dit : « Douce est cette visite !Enfant, comme j’aurais aimé ta bien-aimée… » Ces mots ont-ils atteint son âme trop humaine ?Elle ne pressa pas ma main dans la pénombre…Pour la première fois je la sentis lointaine,L’ombre de ces cyprès fut notre première ombre…