Chapitre 4

2912 Words
Chapitre 4 Poussé par une curiosité certainement malsaine, le commissaire Lucien Workan accepta de rencontrer Maximilien Lachamp. Ils avaient pris rendez-vous, l’après-midi même, au pied de l’église de Saint-Sulpice-la-Forêt, une bourgade située au nord de Rennes. Workan se préparait à quitter le 22 boulevard de la Tour d’Auvergne, siège de la PJ rennaise, quand le lieutenant Roberto s’y précipita un sandwich à la main. Ancien bégayeur repenti, après un long travail passé sur les genoux de son orthophoniste, le jeune homme de vingt-huit ans accumulait les échecs en tout genre, y compris, et surtout, amoureux. Était-ce le fait d’avoir vu le jour dans les Ardennes à Charleville-Mézières ? De nombreux anthropologues se posaient la question. L’esquive préférée de Roberto était d’éviter Workan et ses conseils. Manque de chance, il tomba nez à nez avec le commissaire. Il tenta de passer en force, mais Workan le coinça, avec un genou dans le ventre, sur la porte vitrée de l’accueil. — Où courez-vous si vite, lieutenant ? demanda le commissaire. Roberto répondit avec un bout de couenne de jambon qui lui pendouillait à la commissure des lèvres : — Je vais faire le rapport de notre action, rue Anièle, c’est le capitaine Lerouyer qui m’a demandé de le faire. — Eh bien, venez avec moi en voiture, vous allez me raconter tout ça en chemin. Je suis friand de vos opérations suicides. Rennes, la seule ville du monde où la police tente un coup de filet antidrogue toujours dans la même rue, à la même heure et le même jour de la semaine. — C’est le capitaine Lerouyer qui décide, c’est pas moi. — Peut-être, mais vous participez à la honte et à l’opprobre général qui rejaillit sur les vaillants soldats de la République que nous sommes… (le brigadier Prioul passa à proximité, il fut alpagué par Workan)… Brigadier ! ? Prenez le sandwich du lieutenant et mangez-le. — Moi ? Mais j’ai pas faim, dit Prioul. — Je ne veux pas le lui donner, j’ai faim, moi, renâcla Roberto. — Je ne veux pas de miettes dans ma voiture, alors démerdez-vous, débarrassez-vous de ce p****n de sandwich ! Workan écouta le conciliabule entre Roberto et Prioul où il était question que Prioul enveloppe le sandwich dans du papier-alu et que, lui, Roberto le mangerait au retour. Le jeune lieutenant traîna des pieds et suivit le commissaire (deux pas derrière) jusqu’à sa voiture. Ils traversèrent le centre-ville en silence avant de déboucher sur le boulevard George S. Patton. — Alors ? demanda Workan. — Alors quoi ? L’opération ou les nanas ? chicana Roberto, connaissant son commissaire comme sa poche. — Commençons par votre coup de filet habituel. — On a chopé Mouloud et Kaboul… — Toujours les deux mêmes, à ce que je vois. Ils sont vraiment cons ces deux-là de ne pas avoir imprimé le jour du défilé poulaga. L’avenue Patton se terminait sur le pont qui enjambait le périphérique Nord, près de la porte de Maurepas. Après un rond-point ils passèrent à Maison-Blanche où habitait Maximilien Lachamp, ce qu’ignorait le commissaire. Voyant qu’il sortait de la ville, Roberto s’enquit : — Je peux savoir où on va ? Workan le dévisagea du coin de l’œil. — Ça vous importe ? — Ben oui, quand même. — Dans la forêt. — Qu’est-ce qu’on va foutre dans la forêt ? — Vous avez peur ? ricana Workan… Vous, le sanglier des Ardennes, le marcassin de ces dames… — Arrêtez, commissaire, geignit Roberto, c’est relou. — Relou ? — Oui. — OK, vous avez un flingue ? J’ai oublié le mien. — Pou… pourquoi ? — Parce qu’on va rencontrer un mec dans la forêt qu’a pas tous ses neurones alignés sur le même fuseau horaire. Vous imaginez le bordel ?… Peut-être qu’il est armé, je n’en sais rien ; mais vu qu’il vient d’enterrer un cadavre et qu’il veut le déterrer devant nous, je m’attends au pire. — Qu’est-ce c’est que ce type ? s’inquiéta Roberto. — Ah ça ? Quand vous saurez qu’il traque les mandibules des pédés et que sa femme chante Le Fin Diseur en alexandrins, vous aurez tout compris. Le visage de Roberto exprima une incompréhension totale, il choisit de ne pas répondre à cet amphigouri. Workan avait érigé le double amphigouri au rang de philosophie propre à la police rennaise : celui qui parlait ne comprenait pas ce qu’il disait et celui qui l’écoutait était noyé dans un océan d’incertitudes. Workan guettait, à sa droite, l’intersection qui devait le conduire à Saint-Sulpice. L’appel de Lachamp lui avait remonté le moral. D’abord incrédule, il commençait à sentir The affaire. Du genre de celle où son supérieur, le divisionnaire Armel Prigent, faisait fondre la calotte glaciaire par l’excès d’adrénaline dégagée de ses surrénales. Il n’y avait pas que le CO2 dans la vie. À ce titre, Prigent payait une triple taxe écologique : la carbone, la surrénalienne, et la glibule à cause de ses effets dévastateurs sur la moquette des WC. Workan n’aimait pas le nom des nouveaux impôts, trop chimique, trop métallique ; il aurait voulu vivre au temps de la gabelle, de la dîme, de la corvée… Ça, c’était poétique ; on payait quand même mais en chantant, accompagné par les troubadours et leurs orchestres. Workan fit sursauter Roberto qui avait une propension à l’endormissement par ce jour ensoleillé. — Vous avez ramené de la came ? — Hein ! ? fit Roberto, foudroyé par l’organe vocal de son patron. — De la came… Vous en avez trouvé ? Oui ou merde ! ? — Heu… Ouais, un peu. — Accouchez ! — Ben, on est sur une grosse livraison qui doit avoir lieu au Blosne et là… — Lerouyer est toujours sur une grosse livraison… Je vous demande ce que vous avez ramené ce matin. — Un peu de résine de cannabis, cent grammes environ. Cent cinquante grammes d’herbe et quarante grammes de cocaïne. — C’est pas mal. Lerouyer emmène toujours sa petite balance ? — Oui. — Qui ne va pas au-delà de deux cent cinquante grammes ? Roberto haussa les épaules pour se dégager de toute responsabilité. — Ça révèle le niveau de ses espérances, persiffla Workan… Sachez lieutenant qu’à cause de ses histoires de drogue, je me fais souffler dans les bronches par le divisionnaire ; aussi, je ne vais pas tarder à prendre personnellement cette affaire en main. Et là, croyez-moi, ça chiera dans leurs frocs à rallonge. — Des baggys, précisa Roberto. — Si vous voulez. La voiture pénétra dans le petit bourg désert de Saint-Sulpice-la-Forêt. Une brume de chaleur émanait des toits ardoisés posés sur d’épais murs de terre et de pierre. Workan trouva sans difficulté l’église et ses parkings. Seule une Audi break y stationnait avec, à ses côtés, un homme déguisé en coureur cycliste professionnel. — Qu’est-ce que c’est que ça ? s’inquiéta Roberto. — Ça doit être notre loustic. Je crois que nous n’avons pas fini d’être étonnés, précisa Workan. L’homme vint à leur rencontre, la main en avant, dès qu’ils descendirent du véhicule. — Je suis Maximilien Lachamp, enchanté de vous voir, commissaire, dit-il en serrant la pogne de Roberto. — C’est moi le commissaire, maugréa Workan. — Ah ! ? Excusez-moi, j’ai cru que vous étiez le chauffeur. — L’un n’empêche pas l’autre. — Non, évidemment… Ah ! ah ! mille pardons, monsieur le commissaire. Workan le détailla. Malgré sa tenue vestimentaire surprenante, Lachamp était plutôt bel homme. Les yeux bleus, le crâne presque rasé, agrémenté d’un pansement ; la peau était bronzée, signe d’une activité de plein air. L’image qu’il donnait ne correspondait pas aux propos incohérents tenus au téléphone. Bien sûr le pansement faisait soupçonner une chute ou un coup sur la tête, de là venait peut-être le mal. — Que faisons-nous ici ? lui demanda Workan. — Connaissez-vous la forêt domaniale de Rennes, monsieur le commissaire ? — Ouais un peu… — C’est la plus grande forêt domaniale de Bretagne, elle s’étend sur plusieurs communes ; essentiellement sur Liffré ainsi que… — Monsieur Lachamp ? — Oui ? — Nous sommes de la police, pas des gardes forestiers. Alors venez-en aux faits. Où avez-vous enterré votre cadavre ? Lachamp, gêné, dansa d’un pied sur l’autre ; ses mollets exhalaient une odeur d’huiles essentielles qui monta aux narines des deux policiers. Il baissa la tête et murmura : — Vous n’allez pas me croire… — Bien au contraire, je ne demande que ça, dit Workan. — Si on allait sur les lieux ? proposa Lachamp. — Avec plaisir, c’est loin ? — Non. J’ai mon vélo et mes instruments dans la voiture, vous allez me suivre. On va se garer près de l’étang des Maffrais. Lachamp grimpa dans son Audi break. Workan et Roberto en firent autant avec leur véhicule. Les deux voitures sortirent de Saint-Sulpice par une petite route en direction de Liffré, ils passèrent devant une ancienne abbaye et au bout de quelques centaines de mètres pénétrèrent dans la forêt. Quelques secondes plus tard, Lachamp tourna à droite et se gara sur ce qui ressemblait à un parking forestier. Les policiers firent de même. Un étang à leur droite jouait au lac endormi. Vif comme un paléoanthropologue chassant le Cro-Magnon, Lachamp ouvrit son hayon arrière et en sortit une pelle et une pioche. Workan et Roberto, indécis, éberlués, restaient cramponnés à leur siège. — Je descends pas, moi, dit Roberto, il est fou ce mec-là… Se faire occire par un coureur cycliste en pleine forêt, ça la fout mal sur son CV. — J’avoue que c’est assez hallucinant comme spectacle, ajouta Workan, mais allons-y quand même. La forêt était triangulée de grandes allées ombragées de plusieurs kilomètres de longueur dont certaines étaient goudronnées mais interdites d’accès par des barrières cadenassées. Voies réservées aux employés de l’Office National des Forêts. Certaines d’entre elles se rejoignaient dans un grand rond-point central appelé Mi-Forêt, lieu de promenade bien connu des Rennais. De nombreux petits sentiers perpendiculaires à ces chemins permettaient de s’enfoncer dans les bois, à la plus grande joie des vététistes et des joggers du dimanche. Depuis quelques années, cette forêt était cisaillée, (saignée ?) en son milieu par l’A84 (Autoroute des estuaires) qui reliait Rennes à Caen : de La Bretagne à la Normandie. Bien entendu Lachamp sortait des sentiers battus et empruntait ses chemins à lui, des tapis de feuilles sans traces véritables : « je me repère aux arbres », cria-t-il, la pelle et la pioche sur l’épaule, aux policiers qui le suivaient cinq bons mètres derrière ; Roberto, la main sur la crosse de son pistolet. « Tous les arbres se ressemblent », constata Workan en direction de son lieutenant. Au bout d’une demi-heure de marche, ils débouchèrent dans une minuscule clairière. Lachamp balança sa pelle et sa pioche sur le sol et d’un ton péremptoire, déclara : « c’est ici ! » Les policiers restèrent sur leur garde. N’allait-il pas sortir une arme de son maillot bariolé ? Et leur faire creuser leur propre tombe ? Sur un signe de Workan, Roberto mit en joue Lachamp et lui demanda de lever les mains. Celui-ci obéit, Workan s’approcha et le palpa du cou jusqu’aux genoux, là, où s’arrêtait le cuissard. — C’est bon, dit-il, en direction de Roberto. — Je ne suis pas un assassin, monsieur le commissaire, je suis Maximilien Lachamp, paléoanthropologue mondialement reconnu. Je suis victime d’une future erreur judiciaire… — C’est ça, l’interrompit Workan, on verra plus tard. Où est le corps ? — Sous mes pieds ! Workan s’approcha de Lachamp, le prit par le col, et d’une voix doucereuse et non moins menaçante, lâcha : — Écoutez-moi bien, Maximilien, j’espère que vous savez ce que vous faites ; car s’il y a un macchabée sous vos pieds, vous serez le premier suspect. On est bien d’accord ? (il ne lui laissa pas le temps de répondre). Deuxièmement, s’il n’y a personne et que vous vous foutez de notre gueule, vous êtes bon pour l’article 433-5 du code pénal… Vous savez : outrage à agent dans l’exercice de ses fonctions, tout ça… Et là, vous n’avez pas de bol, c’est mon article préféré, car c’est celui où je m’autorise à mettre des beignes… Je sais c’est illégal, mais je m’en fous comme de ma première couche-culotte comme vous vous foutez de votre première mandibule. Maintenant, creusez ! Il lâcha le maillot trempé de sueur du cycliste. Lachamp, à l’aide de ses pieds, écarta des paquets de feuilles pour former un rectangle de terre nue d’à peu près deux mètres sur quatre-vingts centimètres. Satisfait, il saisit sa pioche et commença à creuser. Workan s’approcha et saisit une poignée de terre qu’il égrena dans sa main. Il s’approcha de Roberto et murmura : — Cette terre est bien meuble, elle a été remuée récemment. Attendons-nous au pire. Lachamp s’activait. Il avait délaissé la pioche, pour déblayer une première couche de terre à la pelle. — On voit que c’est un paléo… machin, parce qu’il creuse bien, remarqua Roberto. Workan, les mains dans les poches de son pantalon, approuva. Soudain, Lachamp s’arrêta en souriant et prit appui sur le manche de pelle pour reprendre sa respiration : « Ça rentre comme dans du beurre », lança-t-il aux policiers. La petite clairière émanait d’un déboisement hivernal créé pour de futures plantations. Un tronc de hêtre élagué y était encore couché à proximité de la « tombe ». Workan et Roberto s’assirent sur l’écorce. Le commissaire alluma un cigarillo sous les réprobations du lieutenant : il faisait chaud et il allait mettre le feu à toute la forêt avec ses cendres, ce à quoi Workan répondit que le sous-bois était humide mais que, par mesure de précaution, il déposerait les cendres et le mégot dans les poches du jean de son subordonné. Roberto ferma sa gueule. Pendant ce temps-là, Lachamp piochait et plus il creusait, plus son visage blêmissait. Quand il devint exsangue, il murmura pour lui-même : « Où est-ce qu’il est ? Nom de Dieu ! » Workan s’approcha. — Monsieur Lachamp, s’il y avait du pétrole dans cette forêt ; ça se saurait. Il y a un Néo-Zélandais qui vient de me téléphoner ; il entend des coups dans sa cave qui viennent des entrailles de la terre, alors s’il vous plaît : arrêtez, et venez vous asseoir près de nous et vous allez tout nous raconter. Maximilien Lachamp, les larmes aux yeux, escalada son tas de terre et jeta rageusement la pelle et la pioche. Il vint s’asseoir en silence sur le tronc du hêtre entre Workan et Roberto. La voix terne et inexpressive, Lachamp se lança : — Je faisais du vélo comme tous les samedis matin ; j’étais légèrement en retard et je pédalais fort lorsque je suis arrivé dans cette clairière. Deux hommes cagoulés s’y trouvaient, j’ai freiné brusquement en dérapant sur les feuilles. Je n’avais pas fait attention, mais l’un des hommes tenait un pistolet ou un revolver dans une main ; il m’a menacé en le pointant sur moi. Je leur ai dit que je n’avais pas d’argent, ils se sont mis à rire comme des fous ; là, j’ai commencé à avoir peur. J’ai demandé ce qu’ils voulaient de moi. « Enterrer un cadavre ! » m’ont-ils répondu. J’ai paniqué à mort en disant : « qu’il n’en était pas question ! », et là, un des types m’a tiré une balle au ras du pied. J’ai dit : « d’accord, j’enterre ! », en pensant à une sale blague. Le plus grand est parti ; quelques secondes après, j’ai aperçu un véhicule qui reculait, là, derrière le rideau d’arbre (il désigna un taillis vers le nord), je pense que c’était un 4x4, je n’ai pas bien vu. Le type, le grand costaud, est revenu avec quelque chose d’enveloppée dans une bâche noire portée sur son épaule et l’a laissée tomber sur les feuilles. Il y avait du sang qui coulait d’une extrémité du plastique, j’ai bien vu que c’était un corps. Dans l’autre main, des vrais battoirs ses mains, il tenait la pelle et la pioche et m’a dit : « creuse ! » J’ai exécuté son ordre. Qu’auriez-vous fait à ma place ? — J’aurais creusé, dit Workan. — Ah ! vous voyez ! ? Alors j’ai creusé sous la menace du plus petit, celui qui tenait l’arme, qui m’a dit : « Mets bien tes empreintes sur les manches des outils, Lachamp, on en aura besoin si tu vas voir la police, avec l’analyse de la terre qu’ils feront tu n’y couperas pas. » Une fois l’excavation terminée, j’ai aidé le grand à balancer le corps dans le trou. J’ai rebouché et ils m’ont dit : « dégage ! » Je croyais qu’ils allaient me tuer, je ne comprenais rien, j’ai pédalé comme un fou et deux cents mètres plus loin, alors que je regardais l’heure à ma montre, je me suis étalé pour le compte pendant plus de soixante-douze heures. Voilà, vous savez tout. Je me suis réveillé à la clinique et depuis, j’essaie de reconstituer mon emploi du temps avant ma chute. Vous me croyez commissaire ? — Non ! — Pou… pourquoi ? — Où est le corps ? — Ah ça ! Si je le savais ? Lachamp étant assis à la gauche de Workan, c’est donc une beigne de la main gauche qui partit en premier et atterrit sur la joue du fossoyeur. Ce qui lui redonna des couleurs. Il fit un bond et s’éjecta du tronc. — Monsieur Lachamp, dit Workan, rebouchez votre trou ; vous allez nous accompagner au poste, signer votre déposition… — Vous n’avez pas le droit de me frapper, grogna Lachamp en se frottant la joue. — J’ai frappé monsieur Lachamp ? demanda Workan à Roberto. — Non, dit l’Ardennais. Lachamp secoua la tête, désabusé. Alors qu’il pelletait la terre pour remplir la fosse, Lachamp s’écria : « Ils me connaissaient, monsieur le commissaire, ils ont prononcé mon nom, ça devrait vous mettre la puce à l’oreille. J’étais personnellement visé, on a voulu me faire endosser un crime. » Même sans cadavre, Workan joua le jeu afin que le déshonneur qui s’abattait sur le paléoanthropologue ne soit pas complet. — Quand vous faites du VTT, demanda-t-il, vous passez toujours au même endroit ? — Oui. — À la même heure ? — À peu près. Workan se retourna vers Roberto et lui confia : « La routine et l’habitude sont les meilleures amies du crime, combien de drames évités si l’être humain ne sacrifiait pas à ses sacro-saintes manies. » — Alors, vous me croyez ? s’inquiéta Lachamp. — Pas de corps, pas de crime… c’est le moindre mal qui puisse vous arriver… — Mais puisque je vous dis… Si j’étais moins cartésien, je dirais que c’est le diable en personne… Roberto se leva et s’interposa : — N’insistez pas, monsieur Lachamp. Les deux voitures se suivirent jusqu’à Maison Blanche au domicile de Lachamp. Les policiers relevèrent toutes les coordonnées concernant le paléoanthropologue, son lieu de travail, le sujet de ses recherches, ainsi que celles concernant l’activité de sa femme. Ce qui fit frémir Lachamp : son épouse ne devait rien savoir de tout ça afin de ne pas l’inquiéter. L’adresse de la clinique des Cygnes en poche, les deux policiers se dirigèrent vers Cesson en banlieue de Rennes. — Qu’en pensez-vous, commissaire ? s’enquit Roberto. — Je ne sais pas, j’aurais presque envie de le croire ce zigoto, ce qui, entre parenthèses, lui a évité une garde à vue et des tas d’autres désagréments. — Il paraît sincère. — Entre le paraître et la sincérité, il faut se méfier. Non, c’est juste une intuition de ma part, je ne sais pas pourquoi. Vous retournerez faire une discrète enquête de voisinage pendant que je me chargerai de vérifier son travail et ses recherches éventuelles. — Ça ne rime à rien, son scénario. — Justement ! Un homme intelligent, un chercheur comme lui (nous allons le vérifier), ne s’aventurerait pas à nous déblatérer un scénario aussi débile. Si c’était un mystificateur, il aurait élaboré une histoire aux petits oignons, un truc crédible. Et là, il nous raconte le Far West avec Robin des Bois en 4x4… Si on ne trouve rien, on aura perdu une journée. Qu’est-ce que c’est, une journée ? Hein ! Roberto ? — Pas grand-chose. — Dites-moi, Roberto. Vous n’avez rien senti dans la forêt ? — Senti. Comment ça ? — Je ne sais pas, à cause de mes yeux, j’ai comme un sixième sens. Une présence, Roberto. Outre nous trois, je sentais une autre présence… qui nous observait. — Le diable ? — Qui sait ! ?
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