I - Souvenirs.

717 Words
I Souvenirs. Pays du nopal et du maguey, terre de Montézuma et de Malinché ! ton souvenir me domine ! Les années peuvent finir, ma main se dessécher, mon cœur vieillir, mais moi vivant je ne t’oublierai jamais. Pour rien au monde je ne voudrais t’effacer de ma mémoire. Que ton nom soit béni entre tous ! Brillant pays d’Anahuac ! mon esprit monte sur les ailes de l’imagination, et je me retrouve encore sur tes rivages ! Dans tes vastes savanes, j’anime mon noble coursier, dont le joyeux hennissement dit que lui aussi est inspiré. Je me repose à l’ombre des palmiers, et bois à longs traits le vin de l’acrocomia. Je gravis tes montagnes de porphyre, tes rochers de quartz, d’argent et d’or. Je traverse tes champs de lave aux contours raboteux et couverts d’une végétation étrange, d’acacias et de cactus, de yuccas et de zamias. Je parcours tes plaines hérissées d’aloès gigantesques. Je touche aux neiges éternelles, tandis que je contemple dans la vallée profonde le palmier, l’oranger et les feuilles brillantes du pothos, de l’arum et des bananiers. Pays de Montézuma ! tu m’as laissé encore d’autres souvenirs plus vifs que ces tableaux de paix ; tu me rappelles des scènes de guerre. J’ai traversé tes champs en ennemi, l’épée à la main, et aujourd’hui, après de longues années, plus d’un épisode barbare de ma vie de soldat surgit devant moi avec toute la puissance de la réalité. Le bivac ! La nuit, je m’assieds au feu du camp, devant des formes guerrières et des figures martiales. Le bois flambant éclaire les armes et les costumes ; des carabines, des pistolets, des gourdes jonchent le sol ou pendent aux branches des arbres. Les chevaux, attachés aux pieux, prennent de vastes proportions dans l’obscurité et se dessinent vaguement sur le fond de la forêt. Près de là croît un palmier solitaire dont la tête courbée paraît blanchir sous les rayons du feu. Cette lumière brille sur les troncs cannelés des cactus, des agaves et sur les tillandsias argentées qui drapent les arbres d’une sorte de toge. Les échos de la forêt répètent les cris rauques qui effrayent le perroquet craintif et le loup affamé. Là, ces hommes chantent, plaisantent et rient sans souci du lendemain.... L’escarmouche ! L’aurore luit. La forêt odoriférante est silencieuse et les lueurs du matin colorent la cime des arbres. Un coup de feu retentit : c’est le signal d’alarme de la sentinelle perdue qui arrive au galop vers la garde. L’ennemi approche ! A cheval ! La trompette éclate en notes sonores. Les dormeurs se lèvent en hâte, saisissent leurs carabines, leurs pistolets et leurs sabres, s’élancent à travers les foyers presque consumés en soulevant des nuages de cendre. Les chevaux piaffent et hennissent ; en un instant ils sont sellés, bridés, montés, et la troupe se précipite à travers la forêt. L’ennemi est en vue : c’est une b***e de guerilleros revêtus de leurs mangas pittoresques et de leurs serapés écarlates. Les lances aux pointes luisantes et les étendards apparaissent au-dessus des arbres. La trompette sonne la charge, couverte par les cris des assaillants. Nous rencontrons face à face nos ennemis basanés ; les coups de pistolet répondent aux coups de lance ; nos sabres, s’entre-croisent et résonnent, mais nos chevaux reculent... Nous faisons volte-face et nous nous rencontrons avec une nouvelle énergie. Nous frappons sans remords, nous combattons pour la liberté !... Le champ de bataille ! Je renonce à dépeindre les colonnes serrées, le bruit du canon et le roulement du tambour, les sons retentissants de la trompette, les cris, la charge, la lutte corps à corps, les gémissements des blessés, la déroute, la retraite et les hourras de victoire.... Terre d’Anahuac ! tu me rappelles d’autres scènes bien différentes. La lutte est terminée ; le tambour de guerre a cessé de battre ; la trompette ne retentit plus ; le cheval se repose et le vainqueur folâtre dans les salles du vaincu. Terre charmante ! tu ne m’as pas laissé que de gais souvenirs ; mais le temps a adouci les émotions tristes et donné de nouvelles forces aux réminiscences joyeuses ; dans tes bosquets aussi il n’y a point de roses sans épines : j’oublie les épines et ne vois plus que les fleurs.
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