– Pas pour tous ! et c’est bien là ce qui fait le malheur du marquis… Il y a deux Coulteray qui sont morts assez mystérieusement à l’étranger… vous savez qu’ils étaient grands coureurs d’aventures… Certains sont nés à l’étranger et il est exact que certains papiers ne sont pas d’une authenticité absolue, mais vous savez qu’aux deux siècles passés, c’était là chose courante, même en France, et que les naissances, les mariages, les morts étaient prouvés, surtout dans les grandes familles, moins par des documents que l’on négligeait d’établir ou que les révolutions avaient pu faire disparaître que par le témoignage des contemporains… La marquise est au courant de cette particularité… On n’a pas pu lui prouver la mort des Coulteray, ni leur naissance… d’une façon formelle à ses yeux… car j’ai toutes ses confidences… et le marquis, d’autre part, a mis à ma disposition tous les documents dont il disposait… Voilà où nous en sommes… C’est inimaginable… – Mais enfin, si elle était saine d’esprit… comment la première idée d’une chose pareille lui est-elle venue ?… – La première idée… la première idée… Mon Dieu ! mon cher monsieur Bénédict Masson, je ne pourrais pas vous dire… je n’en sais rien, moi !… » Il y avait de l’hésitation dans sa réponse… Sans doute avais-je fait, sans le savoir, allusion à cette autre chose dont elle ne m’avait encore rien dit et qui était au nombre de ces grandes misères dont le marquis ne faisait point part à tout le monde et dont, au surplus, il paraissait fort bien se consoler… Pendant toute la fin de cette conversation, Christine avait eu la tête penchée sur un ouvrage de ciselure assez délicat et semblait très absorbée par le trait que son stylet creusait, avec une aisance singulière, dans la plaque toute préparée… Je me penchai au-dessus d’elle, pour voir. « C’est pour vous que je travaille, fit-elle de sa voix harmonieuse et calme… Vous incrusterez cette plaque dans votre reliure des Dialogues socratiques… » Alors je reconnus certain profil apollonien, l’œil fendu en amande, le dessin de la bouche, l’ovale parfait du type qui avait peut-être été celui d’Alcibiade ou de quelque autre disciple se promenant sous les ombrages du dieu Académos, mais qui ressemblait « comme deux gouttes d’eau » à Gabriel...
8 juin. – Christine avait encore raison. J’ai revu la marquise. Elle est méconnaissable. Trois jours ont suffi pour cette transformation. Maintenant, c’est bien une personne vivante. En tout cas, elle semble reprendre goût à la vie… Elle sort… ou on la sort en voiture découverte, une voiture attelée… Elle adore, paraît-il, les chevaux… Elle revient du Bois les joues fleuries… Son regard cependant est toujours triste, inquiet, mais le sang circule à nouveau dans ses veines… L’esprit est toujours malade… mais le corps va mieux… Elle sort avec sa dame de compagnie anglaise… Sangor conduit. Il a à côté de lui Sing-Sing… Elle ne reçoit jamais de visite… Christine me dit que c’est elle qui ne veut recevoir personne… Elle refuse d’aller dans le monde… Et le monde n’insiste pas… Le bruit a commencé à se répandre que la pauvre jeune femme n’avait pas une cervelle très, très solide… Ses silences, ses bizarreries… son air de plus en plus lointain ont détaché d’elle, peu à peu, toute la société du marquis. Dans les premiers mois de son retour en France, le marquis a donné quelques fêtes dans son hôtel et puis tout ce mouvement qui ressuscitait le quai de Béthune a cessé assez brusquement. On plaint Georges-Marie-Vincent. Néanmoins, ses amis se félicitent qu’il ait « pris le dessus » sur ses malheurs domestiques. Je tiens naturellement tous ces détails de Christine. Elle est très renseignée. « Le sang des Coulteray est plus fort que tout ! me dit-elle. Ils en ont vu bien d’autres !… Un petit bourgeois serait écrasé par cette infortune. Lui, il prend des maîtresses. Il aurait voulu me mettre dans sa collection… ça n’a pas réussi. Il est déjà consolé, ou du moins je l’espère. Je ne suis, je ne puis être que son amie et l’amie de la marquise… ils ont besoin de moi entre eux deux. Vous avez le secret de ma situation ici. » Sur ces entrefaites, le marquis est entré, un flacon et des gobelets d’argent à la main. Ses yeux brillaient. « Il faut que je vous fasse goûter, dit-il, ce que Saïb Khan vient de trouver pour la marquise. Elle y a goûté. Elle a déclaré cela excellent ! Je vous crois, on dirait du cocktail !… Et savez-vous ce que c’est ? Un mélange de sang de cheval, d’hémoglobine, de je ne sais quoi !… Goûtez-moi cela, je vous dis !… aucune fadeur… au contraire… une saveur capiteuse… et chaud à l’estomac comme un vieil armagnac ! Ça réveillerait un mort !… Et ça vous donne un appétit ! » Nous bûmes. C’était, en effet, tout ce que disait le marquis. « Avec cela, ma petite Christine, nous la remettrons debout en quinze jours !… » Il se tourna vers moi : « Vous étiez là quand on est venu la chercher pour le docteur ?… Christine vous a raconté ?… Vous êtes un ami… La pauvre enfant ! si nous pouvions la sauver !… Bah ! que le corps se porte bien et la tête ira mieux !… » Il s’est frappé le front et s’en est allé avec son flacon et ses gobelets, enchanté, rayonnant !… « C’est chaque fois la même chose ! me dit Christine… chaque fois il s’imagine que sa femme est sauvée ! En attendant, il va aller ce soir rejoindre sa Dorga ! – Sa Dorga ? – Oui, la danseuse hindoue !… – Décidément, il a beau en être revenu, il ne sort pas de l’Inde, cet homme-là !… – Il l’a ramenée de là-bas en même temps que sa femme… – Vous m’aviez dit qu’il adorait la marquise ! – Êtes-vous naïf !… Un Coulteray peut adorer sa femme et avoir dix maîtresses… Celle-ci lui fait honneur… elle fait courir tout Paris… » 9 juin. – J’ai vu Dorga… Oui, moi qui ne sors pas le soir dix fois par an, j’ai eu la curiosité d’assister aux danses de la belle Hindoue… Je suis allé au music-hall. Il y avait, comme on dit dans le jargon des communiqués de théâtre, une salle « resplendissante ». Je m’attendais à une petite danseuse demi-nue, avec quelques bijoux sur la peau, des disques aux seins, une ceinture de métal et de lourds bracelets aux chevilles ; je m’attendais encore à quelques déhanchements rythmés dans un décor de pagode, enfin « le genre » si ennuyeux qui a débarqué en Europe avec la dernière exposition. J’ai vu apparaître une superbe créature, au teint à peine ambré, dans une toilette de gala à la dernière mode. Mâtin ! le marquis aime les contrastes ! La marquise et Dorga, c’est le jour et la nuit, un jour blême, à son déclin, à son dernier rayon sous un ciel du nord au crépuscule anémique, et voici la nuit chaude, brûlante, fabuleuse où flambent tous les feux de l’Orient ; mais plus que les bijoux qui l’étoilent, plus que la ferronnière qui étincelle sur son front dur, éclatent les yeux de cruelle volupté de Dorga. L’Orient dans une robe de la rue de la Paix, les jambes de la déesse Kali dans des bas de soie et dansant un shimmy que l’on écoute dans un silence oppressé. Après la dernière danse, quand la salle put respirer, une foudroyante acclamation a attesté la satisfaction des spectateurs qui « en voulaient encore »… Mais la belle danseuse avait disparu, assez méprisante, et ne revint plus… Les lumières jaillirent sur les visages pâles ou cramoisis, au gré des tempéraments, et j’aperçus le marquis, écarlate, qui sortait d’une loge avec Saïd Khan… Il daigna me reconnaître : « Vous avez vu ? me jeta-t-il… hein, vous avez vu ?… Quelle merveille !… » Et, à ma grande stupéfaction, il me prit sous le bras : « Allons la féliciter !… » Je me laissai entraîner. Nous fûmes bientôt dans sa loge, assiégée, mais qui ne s’ouvrit que pour nous… Cette fois, elle était demi-nue au milieu des fleurs. Le marquis me présenta : « M. Bénédict Masson, un grand poète ! » Je ne protestai pas… J’eusse été incapable de dire un mot. Je la regardais à la dérobée, honteusement et l’air mauvais… un air que je prends souvent avec les femmes pour masquer ma timidité. Quant à elle, elle m’avait jeté un coup d’œil dans la glace et ne s’était même pas retournée… Quelques vagues paroles de politesse. Elle devait me trouver très mal habillé. Elle réclama du champagne, passa derrière un paravent, et je m’enfuis, la tête chaude, les oreilles sonnantes… Je me sentais une haine farouche pour le marquis… et pour tous les hommes riches, qui n’ont qu’à se baisser et à se ruiner pour ramasser de pareilles femmes !… Et moi ! moi ! qu’est-ce que j’aurai jamais ?… L’image de Christine en moi… charmante et subtile effigie !… Ah ! Seigneur Dieu ! j’ai envie de me tatouer la peau comme un colonial… comme un « joyeux »… Un cœur avec une flèche, et, autour : « J’aime Christine !… » Quand je me regarderai dans la glace de mon armoire, je croirai peut-être que c’est arrivé !…
10 juin. – Le spectacle que me donnait Dorga m’avait empêché de prêter la moindre attention au médecin hindou, au fameux Saïb Khan, qui se trouvait dans la loge avec le marquis. C’est à peine si je me rappelai ses yeux de femme, des yeux noirs de houri dans un masque barbu. Mais le marquis est descendu aujourd’hui dans la bibliothèque avec Saïb Khan, et j’ai pu observer celui-ci tout à mon aise. Saïb Khan a plutôt le type afghan. Il est beau. Ils sont très beaux dans ce pays-là. Il est moins bronzé que les princes indiens des bords du Gange. Son visage sévère est entouré d’une barbe de jais, très soignée, qui se termine en pointe. Il a une stature puissante qui rappelle celle de Sangor, de larges épaules, une taille fine. Il est admirablement habillé, chaussé : élégance simple, impeccable. Je comprends sa puissance sur les femmes, le trouble qu’il inspire. Il paraît si sûr de lui qu’il est à peu près impossible que l’on reste sans inquiétude en face du double mystère de ces yeux de femme et de cette bouche carnassière… Où donc ai-je déjà vu ce dangereux sourire, aux dents de tigre ?… Eh ! mais dans les portraits !… surtout, surtout dans celui de Louis-JeanMarie-Chrysostome, le premier des quatre… et ce sourire, toujours un peu féroce, mais à une moindre puissance, il erre encore de temps à autre sur les lèvres de ce bon vivant de Georges-Marie-Vincent !… Tous deux se sont intéressés à mes travaux qui consistent pour le moment à faire un relevé des documents les plus rares, les plus précieux qui se trouvent accumulés, en pagaille, dans un coin de la bibliothèque, et qu’il faudra classer, réunir, suivant un plan que je suis libre d’établir à mon gré et suivant mes goûts… Le marquis est loin d’être une brute. J’ai trouvé en lui non un collectionneur « averti », car cette collection ne lui doit rien, ou à peu près, mais un véritable érudit, très au courant du mouvement littéraire depuis deux siècles : ceci, je ne puis le nier, je ne puis le nier… un homme qui, dans ses voyages, s’est toujours intéressé aux bibliothèques… Nous avons eu une longue discussion sur celle de Florence et sur le manuscrit de Longus et sur la fameuse tache d’encre de Paul-Louis Courier… Il ne donne pas raison à Paul-Louis, qui traite bien à la légère un pareil crime !… Je ne savais pas le marquis si amoureux de Daphnis et de Chloé. Mais tout cela, c’est de la littérature… la réalité, c’est Dorga !… Ainsi pensai-je et telle était aussi sans doute la pensée de Saïb Khan, dont le sourire s’élargit sur l’éclatante menace de sa mâchoire de bête fauve… Ils s’en allèrent et ils durent quitter aussitôt l’hôtel, car j’entendis le bruit d’une auto qui s’éloignait dans la cour d’honneur… Presque aussitôt, la porte qui donnait sur le petit vestibule s’ouvrit et la marquise parut : « Où a-t-il appris tout cela ? me souffla-t-elle… Où a-t-il appris cela ?… Pourriez-vous me le dire ? Georges-Marie-Vincent a eu une instruction très négligée… d’après même ce qu’il raconte. Il n’a jamais su me dire le nom de son précepteur… Alors ?… » Elle avait écouté derrière la porte… C’est donc en vain que, physiquement, elle se portait mieux ! L’idée était toujours là… cette idée absurde qui me faisait la regarder maintenant avec une tristesse infinie… Elle ne se méprit point à mon air : « Je vous fais de la peine, n’est-ce pas ? Christine a dû exciter votre pitié !… » Et plus bas : « Elle n’est pas ici, Christine ? – Non ! elle vient de partir !… – Oh ! tant mieux, fit-elle, nous allons pouvoir causer… Elle vous a dit, bien entendu, « l’idée »… Ils me croient tous folle ici… Il y a des moments où je voudrais être morte !… oui, morte !… mais j’ai peur même de la mort !… Oui, il y a des moments où j’ai peur de la mort plus que de tout !… et je vous dirai pourquoi, un jour… à moins que vous ne le deviniez d’ici là !… j’ai peur de la mort ; j’ai peur de la vie, j’ai peur de Saïb Khan !… Celui-là est tout-puissant… Il peut tout ce qu’il est possible de pouvoir… s’il avait pu m’arracher l’idée du corps comme on arrache une dent, ce serait chose faite depuis longtemps… je l’ai connu aux Indes… aucune idée ne lui résiste !… Pourquoi n’a-t-il pas réussi avec moi ?… parce que, chez moi, l’idée n’est pas seulement une idée, c’est le reflet de la réalité… Vous comprenez bien… ce n’est pas une imagination sur laquelle un homme comme Saïb Khan puisse agir… c’est la vérité vivante et naturelle… contre laquelle il n’y a rien à faire… Saïb Khan commanderait à une montagne de disparaître que l’Himalaya n’en serait point remué sur sa base, n’est-ce pas ?… Eh bien, il n’est pas plus en son pouvoir de disperser le bloc inséparable, indestructible… jusqu’à ce jour… le bloc des Coulteray !… M’avez-vous comprise ?… M’avez-vous comprise ?… » Elle posa sur ma main sa main brûlante : « Je vous dis que c’est le même ! » Ses yeux immenses cherchaient les miens… je n’osais la regarder pour qu’elle ne vît pas toute la pitié qu’elle m’inspirait ! « Madame ! madame ! comment pouvez-vous ! comment une femme comme vous, de votre intelligence !… Madame, prenez garde ! Il n’y a rien de plus redoutable au monde que le merveilleux. C’est un domaine où se sont perdus les esprits les plus solides. Il y a des idées, madame, avec lesquelles il ne faut pas jouer ! – Jésus-Marie ! s’écria-t-elle, ai-je l’air de jouer ? Je parle sérieusement. Ceci est un fait. Georges-Marie-Vincent n’a reçu aucune instruction. Seul, le premier des quatre, disons des cinq, avec celui d’aujourd’hui… Seul Louis-Jean-Marie-Chrysostome, qui était l’un des plus débauchés seigneurs de la cour de Louis XV, fut aussi une sorte de savant. – Je sais, fis-je, avec cela beau parleur. Il tenait tête à Duclos. Il brillait chez d’Holbach. Il a écrit des articles pour la Grande Encyclopédie. – Je ne vous apprends donc rien de nouveau, acquiesça-t-elle. Il avait été élevé par les soins de son oncle, l’évêque de Fréjus. Eh bien, monsieur Masson, je vous affirme que la conversation que vous avez eue tout à l’heure avec Georges-Marie-Vincent n’aurait pas été possible si Louis-MarieChrysostome n’avait pas reçu cette éducation-là ! » Je sursautai. « Tout de même, madame, permettez-moi de vous dire que Paul-Louis Courier n’avait pas encore taché d’encre le manuscrit de Longus au temps de Louis XV ! » Elle pinça les lèvres. « Il ne me manquait plus que vous me prissiez pour une sotte ! laissa-t-elle tomber. J’ai voulu dire que, sans cette éducation-là, sans les souvenirs classiques qu’elle comporte, Georges-Marie-Vincent ne s’intéresserait guère aux trésors de la bibliothèque de Florence.
– Excusez-moi, madame !… Il y a une chose en tout cas que je puis vous dire et qui m’a, en effet, toujours étonné… c’est la solidité de cette instruction classique chez le marquis. – N’est-ce pas ?… » De nouveau ses yeux brillèrent… de nouveau elle me prit la main… « Ah ! si vous vouliez être mon ami… mon ami !… » Je prononçai quelques paroles de dévouement… Son agitation subite m’inquiétait… Je regrettais d’être seul avec elle… J’aurais voulu voir apparaître Sangor et même Sing-Sing… « Oui !… je le sens !… vous me comprendrez, vous, vous !… Il le faut ou je ne suis plus que la plus misérable chose du monde, entre la vie et la mort ! Ni Saïb Khan, ni Christine ne veulent me comprendre !… Christine me prend pour une folle… Saïb Khan pour une malade… et il me ressuscite… malgré moi !… Ah ! pourquoi me ressuscite-t-il ?… Pourquoi me ressusciter pour l’autre ?… À moins qu’il ne soit son complice !… ce que je finirai bien par croire… car enfin… J’ai horreur de toute la vie que Saïb Khan me redonne, au prix de quelles douleurs !… Et cependant il m’est défendu de mourir ! Ah ! mon ami, mon ami !… Êtes-vous jamais allé au château de Coulteray ? Vous ne l’avez pas visité, non ?… C’est un château comme on dit : historique… là-bas… entre la Touraine et la Sologne… La chapelle est un chef-d’œuvre comparable à l’église de Brou… Mais je vous prie de croire que ce ne sont point ses dentelles gothiques qui m’ont attirée… non… il faut descendre dans la crypte… Là sont les tombeaux des Coulteray… Monsieur Bénédict Masson, le tombeau de Louis-Jean-Marie-Chrysostome est vide !… Vide, je vous dis !… Comprenez-vous ? – Mais non, je ne comprends pas ! » Elle parut excédée de mon insistance à ne pas comprendre : « Vide ! et c’est le dernier tombeau des Coulteray !… Il n’y en a plus d’autre. On ne meurt plus chez les Coulteray… – Mais, madame, s’ils sont morts à l’étranger !… – Évidemment ! Évidemment !… Mais je vous répète que le tombeau est vide !… – Eh bien… la Révolution est passée par là… et combien de tombeaux… – Ce n’est pas cela ! ce n’est pas cela !… La Révolution n’a rien à faire là-dedans… Le lendemain du jour où l’on a descendu le corps de LouisJean-Marie-Chrysostome dans la crypte, on a trouvé la pierre déplacée et le tombeau vide !… – Et alors ? – Comment et alors ?… Mais vous ne connaissez donc pas l’histoire des Coulteray ?… Je vous croyais plus renseigné sur Louis-Jean-MarieChrysostome… Vous me disiez tout à l’heure qu’il avait écrit des articles pour la Grande Encyclopédie… Il n’a écrit qu’un article… un seul… et vous ne savez pas sur quoi ? Vous n’en connaissez pas le sujet ? Attendez-moi ici, je vais vous le chercher ! » Elle se sauva et je restai là, étourdi par cette conversation ahurissante et qui me choquait par son manque de liaison… Que cette femme fût tout à fait folle, cela ne faisait plus maintenant pour moi l’ombre d’un doute !… Elle revint quelques minutes plus tard, haletante : « Vite ! vite ! me jeta-t-elle… emportez tout cela chez vous. Dissimulez ce paquet !… Lisez et vous saurez tout !… Sing-Sing est dans l’escalier !… Sangor arrive !… Adieu ! » Elle m’avait laissé sur la table, devant moi, un petit paquet enveloppé dans un journal de modes et noué d’un ruban noir… Je le glissai sous mon veston et je rentrai chez moi… J’étais persuadé que j’allais enfin savoir ce que c’était que l’autre chose…