Chapitre 3

3267 Words
– Régine ! s’écrièrent en même temps Sinnamari, Gosselin et Eustache Grimm, cependant que Philibert Wat faisait entendre un grognement au fond de sa belle barbe d’or ouverte en éventail sur sa poitrine trop plate. Régine, aussitôt délivré de son bâillon et de son bandeau, avait voulu se ruer sur les deux laquais qui l’avaient « accompagné », mais ceux-ci avaient disparu. Retourné maintenant du côté de ses amis, Régine, suffoqué, finit par dire : – Comment êtes-vous là ?… Je me croyais victime d’un guet-apens ! – Qui vous dit, fit Sinnamari en s’avançant, qui vous dit que ce n’est pas un guet-apens ?… Nous n’en savons rien !… L’entrée un peu brutale de Régine avait naturellement fort intrigué ces dames. Elles demandèrent des explications. La vue de ses amis n’avait pas tout à fait calmé la colère du chef de cabinet du ministre de la guerre, et c’est d’une voix méchante qu’il leur raconta sa mésaventure. Voici, pour lui, comment les choses s’étaient passées : Il était au Théâtre-Français avec sa femme et, durant un entracte, il était allé se promener seul dans le foyer, quand il fut abordé par un homme en habit, insignifiant, très correct, qui lui demanda s’il se souvenait de lui. Cet homme prétendait lui avoir été présenté autrefois par un camarade commun, le colonel Marage. Or, Marage était de retour d’Algérie, de passage à Paris pour vingt-quatre heures, et devait souper justement ce soir-là avec l’inconnu qui se présenta alors comme étant un capitaine Finot. Le souper devait avoir lieu après la sortie du théâtre, à côté même du Théâtre-Français, au Bœuf à l’Anglaise. Marage serait dans une grande joie de revoir son vieux camarade de Saint-Cyr. Car Régine était un ancien soldat. Il avait donné sa démission de colonel pour faire de la politique. Et le capitaine Finot prenait la liberté de l’inviter. Le capitaine avait ajouté qu’il y aurait à ce souper de jolies femmes, ce qui ne gâte rien. Régine désirait beaucoup revoir son ami Marage. Il mit donc, à la fin du spectacle, sa femme dans sa voiture et suivit l’ami de Marage dans la rue étroite et déserte qui sépare le Palais-Royal du restaurant du Bœuf à l’Anglaise. Il n’était pas plus tôt entré dans cette rue que l’ami de Marage et trois autres amis de Marage, sans doute, qui se trouvaient justement là à point, dans une encoignure du Palais, le surprenaient, l’emportaient, l’emballaient dans un coupé qui se trouvait là, lui aussi, comme par hasard. Un ami de Marage monta sur le siège à côté du cocher et les trois autres montèrent avec Régine dans le coupé. C’est dans ces conditions qu’on était allé tous ensemble faire une promenade au Bois qui dura de minuit jusqu’à quatre heures du matin ; lui, très inquiet, ne sachant pas ce que cet enlèvement voulait dire, ses compagnons, très silencieux, ne lui expliquant rien. Au Bois, on lui avait enlevé bandeau et bâillon ; en rentrant à Paris, on les lui avait remis. Enfin, il était enchanté de se retrouver au milieu d’amis, et l’aventure, toujours incompréhensible, se terminait mieux qu’un instant il avait pu le craindre. Mais où se trouvait-il ? Dans quel lieu de plaisir ? Dans quel restaurant à la mode ?… – Mon cher, dit le Procureur de la République, vous êtes tout simplement place de la Roquette… Vous avez pris un chemin un peu long pour y venir, voilà tout… – Place de la Roquette ! se récria Régine. Ici, place de la Roquette !… – Regardez ! fit Sinnamari en soulevant le rideau de la fenêtre… Régine s’était précipité à la fenêtre. – Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-il d’une voix défaillante. – Ça, mon cher, c’est la guillotine. – Qui guillotine-t-on ce matin ?… – Comment !… Tu as déjà oublié… Desjardies !… Régine devint plus pâle que la nappe sur laquelle il s’appuya pour ne pas tomber. – Oh, mais cela te produit de l’effet, la guillotine, mon cher !… Ça n’est pourtant qu’un morceau d’acier et tu es soldat… – J’aime mieux voir un sabre, dit Régine en essayant de plaisanter et faisant un effort visible pour recouvrer tout son sang-froid. – La guillotine, c’est notre sabre à nous ! Ne la méprise pas si tu m’aimes ! fit Sinnamari d’un air goguenard, et il frappa sur l’épaule de Régine. Allons, mon vieux camarade ! Pas d’émotion… Si quelqu’un s’est moqué de nous… qu’il se hâte d’en rire… car il n’en rira pas toujours !… L’homme que Sinnamari appelait « mon vieux camarade », Régine, n’avait pas dû être déplaisant à voir sous l’uniforme. Svelte, élancé, et cependant la poitrine bombée, à l’allemande, un fin profil, une jolie bouche qu’ornait une moustache restée naturellement blonde, des yeux un peu froids, cyniques, un habituel sourire de sceptique au coin des lèvres ; ç’avait été un bel officier et quelques-unes de ses bonnes fortunes avaient été retentissantes : mais, dans le moment qui nous occupe, le colonel Régine n’était pas très brillant. Était-ce l’humiliation qu’il venait de subir, un malaise purement physique devant la vision de la guillotine à laquelle il ne s’attendait pas ? Toujours est-il que son émoi était extrême, quoi qu’il fît, d’ailleurs, pour le dissimuler. Il voulut savoir comment ses amis se trouvaient là. – Pour Marcelle et moi, fit Gosselin, c’est bien simple. Nous soupions à la maison Dorée quand un chasseur est venu nous apporter un petit mot nous invitant à venir resouper ce soir « chez un ami », place de la Roquette. Notre aimable correspondant ajoutait que l’exécution de Desjardies devait avoir lieu cette nuit. J’ai imaginé qu’un camarade, renseigné par la préfecture de police, avait loué un cabinet dans quelque cabaret borgne, payé une fenêtre, que sais-je ?… Enfin, Marcelle a voulu absolument venir… ce mystère l’intriguait… Songez donc qu’on nous disait qu’il faudrait frapper cinq coups sur une porte, prononcer un mot de passe : R. C. ! On marcherait dans les murs, comme dans les drames de 1830… Enfin, on est tragédienne ou on ne l’est pas !… Et puis, Marcelle n’a encore jamais vu d’exécution… – Et puis, il y avait encore autre chose, fit Marcelle Férand, qui s’était assise devant la cheminée et qui présentait au feu la pointe de ses souliers, autre chose que vous ne dites pas… vieux jaloux… à propos de ces initiales R. C. – Oui, interrompit Gosselin en riant, figurez-vous que, le soir de la répétition des couturières, l’avant-veille de la première des Martyrs,Marcelle, en remontant dans sa loge, l’a trouvée pleine des plus rares fleurs du monde… des orchidées magnifiques… il y en avait pour une somme fabuleuse… Ces fleurs lui promettaient déjà un triomphe… – Vous en faisiez un nez !… interrompit la tragédienne. – Et devant la psyché, sur la table de toilette, on avait déposé un petit bouquet de violettes de deux sous avec une carte de visite… carte de visite étrange que Raoul vous montrait tout à l’heure. Fleurs rares, bouquet de deux sous, carte de visite, on n’a jamais pu savoir comment tout cela était venu… – Et vous, Grimm, comment êtes-vous ici ? interrogea Sinnamari. Tous les yeux se tournèrent vers le gros homme qui, jusqu’alors, semblant somnoler, n’avait rien dit. – Figurez-vous, dit-il, qu’il se passe en ce moment à l’Assistance publique des choses incroyables. Un livre de comptabilité des plus importants a disparu ; à la place qu’il occupait, on a trouvé ces deux lettres à la craie : R. C. ; ce n’est pas tout ! Trois employés supérieurs, auxquels on n’avait jamais rien eu à reprocher, sont venus m’avertir avant-hier qu’ils donnaient leur démission. Je les ai interrogés, ne cachant pas mon étonnement. Ils m’ont répondu : « Nous nous en allons à cause de R. C. ; c’est tout ce que nous pouvons vous dire. » Alors, quand, en ouvrant ma serviette, ce soir, au moment de dîner, j’en vis échapper un mot signé R. C. qui m’invitait à venir assister à l’exécution de Desjardies, je me suis dit : « Voilà une occasion de faire la connaissance avec ce fameux R. C. ne la manquons pas ! » Et je suis venu… Il ajouta, placide : – Maintenant, si vous voulez savoir mon opinion, je finis par croire qu’il existe !… Je ne lui reproche qu’une chose : c’est de se faire un peu attendre… J’ai faim, moi ! Et le directeur-gérant de l’Assistance publique jeta sur la table des yeux dévorateurs. – Qu’il se montre ! Qu’il arrive ! Qu’on le voie ! soupira Marcelle Férand, impatiente. Le procureur fronça ses épais sourcils et dit : – Regardez-le bien, mesdames, car sitôt que vous l’aurez vu, il pourrait bien redevenir invisible. – Il retournera dans son royaume ? demanda l’artiste. – Non ! répliqua Sinnamari avec un gros rire inquiétant. Dans le mien !… Dans le même moment, un grand tumulte se fit dans le corridor et, la porte ayant été une fois de plus brusquement poussée, un individu se précipita dans le salon, suivi de deux laquais qui restèrent sur le seuil. À son allure, à son chapeau de feutre mou, à son ample pèlerine dont le col relevé lui cachait encore les oreilles, on eût pu reconnaître l’homme qui, sur la place de la Roquette, faisait quelques instants auparavant des recommandations aux officiers… – Dixmer ! s’écria Sinnamari. L’homme ôta son chapeau et d’une voix haletante : – Enfin, vous voici, monsieur le procureur impérial… Vous avez bien fait de me donner le mot de passe !… Mais j’ai cru que ces gens-là allaient m’étrangler… Enfin, je vous vois… il faut sortir d’ici !… Vite ! Vite ! Tout de suite… tout le monde… ce rendez-vous est un abominable traquenard… Quand je vous disais qu’il était capable de tout !… Les chauffeurs de la Villette, les lions de Montrouge, les Titis de Pantin, les Ravageurs d’Aubervilliers, je vous dis qu’il commande à tous… qu’il les a tous dans sa main !… Et s’il n’avait que ça !… Enfin, il faut s’attendre à un coup pas ordinaire !… Mes hommes m’ont signalé tous les chefs de b***e… Depuis une demi-heure, ils rôdent de la place du Prince-Eugène au PèreLachaise ! Leurs troupes ne doivent pas être bien loin… Vous savez bien ce que l’on vous a écrit… les menaces que l’on vous a faites… – Eh bien ? demanda Sinnamari en regardant de toute sa hauteur le divisionnaire de la préfecture de police. – Quand je pense qu’hier encore, continua Dixmer, on s’est moqué de moi à la préfecture !… Si, au dernier moment, je n’avais pas apporté des preuves indéniables, jamais on ne m’aurait chargé du service d’ordre, et nous serions propres aujourd’hui… on ne sait pas ce dont il est capable !… – Mais vous, monsieur, vous êtes capable de nous défendre ?… – Est-ce que je sais ? Je ne suis arrivé jusqu’à vous que parce qu’ils l’ont bien voulu… Cette maison est truquée comme un château de féerie. Ils peuvent à leur gré couper toute communication avec le dehors… J’ai voulu faire envahir la maison par mes hommes… Nous avons pénétré partout avec des lumières… Nous n’avons rien découvert. Nous n’avons vu personne… De la cave au grenier, nous avons cherché votre piste… Inutile !… – Alors, comment êtes-vous ici ? – J’ai fait ressortir tout mon monde, je me suis présenté seul à la porte… J’ai fait comme vous… j’ai donné le mot de passe… On s’est emparé de moi dans l’obscurité… on m’a apporté ici… Ah ! de grâce, monsieur le procureur impérial, messieurs, mesdames, je ne sais pas ce qui va se passer, mais ce sera très grave… Vous n’êtes pas là pour rire, croyez-moi… il faut sortir d’ici, tout de suite, s’il en est temps encore !… par les fenêtres, si c’est nécessaire !… Une voix fit se retourner tout le monde, une voix mâle, ardente, souveraine : – Non ! Par la porte !… Que l’on jette cet imbécile à la porte !… Trois laquais s’emparèrent de Dixmer et l’emportèrent comme une plume. L’homme qui avait prononcé la phrase d’expulsion, un être dans toute la force, toute la grâce, toute la splendeur, toute l’aimable majesté de la jeunesse, s’inclinait déjà devant les deux femmes extasiées, qui ne trouvaient pas un mot pour le remercier des fleurs merveilleuses dont ses mains tendues vers elles étaient pleines. Tous comprirent qu’ils avaient devant eux le roi Mystère ! Le roi des Catacombes ! En même temps, un maître d’hôtel parut et commanda : – Le service du roi !… Il serait peut-être temps de revenir à M. Prosper et à M. Denis, que nous avons laissés dans la petite salle du Lapin-qui-fume,tout étonnés de se trouver entourés par des ouvriers terrassiers qui, assis aux tables voisines, les contemplaient dans un étrange silence. Pour comprendre tout ce que cette invasion d’un cabinet particulier retenu par nos deux honorables gentilhommes avait d’insolite, il serait peutêtre bon que nous fussions au courant de ce qui s’était passé quelques minutes auparavant dans la première salle du cabaret où était entré Cassecou. Cassecou, debout devant le comptoir, dégustait son grog, à petits coups, ayant en vain essayé d’engager la conversation avec le patron, qui ne lui répondait que par des grognements. Sans doute, M. Martin – c’était le nom du propriétaire du Lapin-qui-fume – était-il fort mécontent de la mauvaise tournure que prenaient les affaires « une nuit d’exécution ». L’heure exceptionnellement tardive à laquelle on s’était enfin décidé à monter la machine de mort était certainement la cause de toute la tristesse qui régnait ce matin-là dans une salle où, à l’ordinaire, la nouvelle du transport des « bois de justice » de la rue de la Folie-Regnault à la place de la Roquette apportait tant de gaieté. À un moment, la porte de la cuisine s’ouvrit et le garçon passa rapidement en portant une casserole d’où s’échappait un fumet fort appétissant de lapin sauté. Cassecou, dans une petite glace qui se trouvait en face de lui, paraissait moins occupé à contempler les traits inharmonieux de son visage étique qu’à suivre tous les mouvements du garçon. Celui-ci avait couru à une porte vitrée qui faisait communiquer la pièce principale du cabaret avec la petite salle. Puis, ayant tiré de sa poche une clef, il ouvrit la porte, disparut, revint presque aussitôt sans sa casserole, referma la porte à clef et s’enfuit dans la cuisine. Il y eut quelques exclamations goguenardes parmi la clientèle, et Cassecou se retourna. Son premier regard se croisa avec celui d’un jeune homme de haute taille, un ouvrier dont le cou de taureau était entouré d’un mouchoir rouge. Mais ce qui frappait tout d’abord dans cet athlète de vingt ans, c’était moins la puissance de sa musculature que l’aspect singulièrement troublant de son profil aigu. Ce profil était féroce, farouche, formidable ; cela n’était plus un profil d’homme, un nez d’homme, cela était un nez de proie, un bec d’oiseau carnassier ; cette sombre figure de vautour s’éclairait par instants du regard étonnamment pur de deux admirables yeux bleus. L’homme-vautour, en ce moment à moitié affalé sur un banc, jouait négligemment au « zanzi » avec un camarade dont la figure, incroyablement décharnée, avait des rides si marquées qu’on eût pu les croire dessinées au pinceau. – À toi, Patte d’oie ! fit-il en passant le cornet et les dés à son partenaire. Quatre ouvriers terrassiers, taillés en hercules, regardaient cette partie mélancolique. À deux autres tables, une demi-douzaine de consommateurs fumaient et bavardaient. Ils n’avaient point des mines précisément recommandables, avec leurs casquettes, leurs cheveux plaqués en accroche-cœur, leurs sourires cyniques, mais le Lapin-qui-fume en avait vu fumer bien d’autres. À la dernière table qui touchait presque la porte vitrée de la petite salle, un client ayant les allures honnêtes d’un petit bourgeois du quartier qui se serait levé de bonne heure pour une circonstance aussi importante que celle d’une exécution, vidait un verre de café noir. Il connaissait le patron, car, lorsque le garçon eut soigneusement refermé la porte vitrée sur ses mystérieux clients, il dit : – Ah bah, monsieur Martin ! Vous faites des cabinets particuliers, maintenant… mes compliments ! Le petit bourgeois se leva, et avant que m’sieur Martin ait eu le temps de l’empêcher, il était allé à la porte, avait soulevé le rideau de cretonne qui cachait la vitre et regardé dans le cabinet. – Peste, dit-il, des hommes en redingue et en chapeau haute-forme, s’il vous plaît… Le patron était déjà derrière l’indiscret, si furieux qu’on eût pu croire qu’il allait le frapper de son poing fermé, mais il se contenta de grogner dans ses dents, cependant que l’honnête petit bourgeois, tout défaillant et soudain pâle, murmurait le doigt tendu vers la vitre : – Mais… mais, m’sieur Martin… mais ce sont les aides du bourreau !… Aussitôt, il paya rapidement sa consommation et s’en alla, comme si une telle promiscuité lui avait donné des nausées, poursuivi d’ailleurs par la mauvaise humeur de m’sieur Martin, furieux de ce qu’on eût dévoilé publiquement la qualité exceptionnelle de ses mystérieux clients. – Eh bien quoi ! Faut bien qu’ils mangent ! dit Cassecou. C’est pas des purs esprits. Un observateur attentif eût été profondément étonné que, dans cette salle de cabaret, l’annonce du voisinage des aides du bourreau n’eût point provoqué la moindre curiosité, le plus petit signe d’étonnement. Les clients continuaient de causer avec une nonchalance telle qu’elle en devenait suspecte. Et comme ils avaient tous le même air, « celui de n’en avoir pas », le patron lui-même finit par s’en apercevoir. Mais, dans le même moment, l’homme dont le cou s’entourait d’un mouchoir rouge, et qui avait un profil de vautour, ayant échangé un rapide regard avec Cassecou, frappa brutalement la table de son cornet à dés et s’écria : – J’ai perdu !… Patron, une bouteille, mais du bon !… Ce que vous avez de meilleur dans votre cave… – François ! Donne une bouteille de cacheté vert à ces messieurs… Le garçon expliqua qu’il fallait aller le chercher dans la cave. – Mais je ne sais pas où il est. C’est toujours vous qui y allez, patron !… – Possible !… Mais je suis fatigué aujourd’hui, mon garçon !… Allons !… Dégrouille-toi… Au fond, à droite, la troisième case… Pendant que François ouvrait dans le plancher, à côté même du comptoir, la lourde trappe de la cave, le patron ne cessait de regarder l’homme au mouchoir rouge, son camarade Patte d’oie et les terrassiers qui les entouraient. Décidément, leur allure a tous ne lui « revenait pas », et, machinalement, il donna un tour de clé au tiroir de sa caisse. Cassecou, lui aussi, lui paraissait inquiétant. Il en était à son troisième grog et il n’avait pas lâché le paquet qu’il portait sous le bras gauche, du geste du tailleur qui s’en va livrer au client « le complet » enveloppé dans la serge professionnelle. Le garçon était remonté de la cave et disposait des verres sur la table des joueurs de zanzibar. La demi-douzaine de clients qui se trouvait à l’écart, des gars qui n’avaient pas, comme nous l’avons fait remarquer, trop bonne mine, se levèrent pour sortir, mais, arrivés à la porte, ils se ravisèrent, et telle une escouade à l’exercice qui fait soudain demi-tour, ils s’approchèrent du comptoir à l’invitation qui leur était faite par l’un d’entre eux de prendre une dernière tournée. Ils se firent servir sur le zinc debout près du comptoir.
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