Avertissement
AvertissementLe Paris dont il est question dans cet ouvrage ne ressemble guère, je l’avoue, au Paris actuel. À tous les incrédules qui trouveraient mes réformes trop radicales et impossibles à réaliser, je ne répondrai qu’un seul mot : c’est que d’ici à l’an 2000 il s’écoulera 131 années, et que, pendant ce long laps de temps, il pourra survenir plus d’une révolution et se faire bien des changements.
Cependant, il est une chose qui ne changera pas de sitôt : c’est le fond même de la nature humaine, et longtemps encore les hommes seront des êtres égoïstes et sensuels. C’est pourquoi, contrairement aux autres Socialistes, je me suis abstenu de prêter toutes les qualités et toutes les vertus aux habitants de ma République idéale. Ceux-ci sont des hommes ni meilleurs ni pires que ceux d’aujourd’hui ; parfois même j’ai exagéré à dessein leurs défauts, tant j’avais peur de tomber dans l’utopie si ridicule de la perfection universelle.
Toutes les réformes que j’ai indiquées portent donc, non sur les hommes eux-mêmes, mais sur les institutions qui les régissent. Pour les mettre en pratique, il ne serait pas nécessaire d’attendre que les citoyens soient devenus plus éclairés, plus vertueux et plus désintéressés qu’ils ne le sont présentement, mais il suffirait de faire quelques lois nouvelles, d’en supprimer quelques autres, et la République sociale fonctionnerait avec les Français actuels tout aussi bien qu’avec ceux de l’avenir.
Dans tout le cours de mon livre, j’ai supposé que nous vivions en l’an 2000 et que mes réformées, acceptées déjà depuis longtemps, avaient porté tous leurs fruits. C’est là un procédé littéraire pour donner aux idées une forme plus saisissante et mettre les choses mêmes sous les yeux. En comparant la Société de l’an 2000 avec celle d’aujourd’hui, le lecteur pourra aisément – en faire la différence et choisir celle des deux qui lui semblera la meilleure.
Mais, me dira-t-on, quand est-ce que se fera la rénovation sociale que je propose ? Sera-ce dans un siècle seulement ou à une époque beaucoup plus rapprochée ? C’est là une question qu’il ne m’appartient pas de décider et qui doit être tranchée par les Parisiens eux-mêmes, puisqu’il s’agit de la ville qu’ils habitent. C’est à eux de voir s’ils sont satisfaits de leur situation présente, ou si au contraire ils désirent un changement et sont résolus à faire tout ce qu’il faudra pour l’obtenir.
CHAPITRE PREMIERTransformation de Paris