Livre premierLa nuit était déjà fort avancée, lorsqu’un certain vieillard, qui s’appelait Valentin, sortit d’un château de Bourgogne avec une robe de chambre sur le dos, un bonnet rouge en tête et un gros paquet sous le bras. Que si, contre sa coutume, il n’avait point ses lunettes, qu’il portait toujours à son nez ou à sa ceinture, c’est qu’il allait faire une chose qu’il ne désirait point voir, de même qu’il ne voulait pas que personne la vît. S’il eût fait clair, il eût même eu peur de son ombre ; si bien que, ne cherchant que la solitude, il commanda à ceux qui étaient demeurés dedans le château qu’ils haussassent le pont-levis ; en quoi ils lui obéirent, comme en étant le concierge pour un grand seigneur auquel il appartenait.
Après s’être déchargé de ce qu’il portait, il se mit à se promener aux environs, aussi doucement que s’il lui eût fallu marcher dessus des œufs sans les casser ; et comme il lui sembla que tout le monde était en repos, jusqu’aux crapauds et aux grenouilles, il descendit dedans les fossés pour faire en secret quelque chose qu’il avait délibéré. Il y avait fait mettre, le soir de devant, une cuve de la grandeur qu’il la faut à un homme qui se veut baigner. Dès qu’il en fut proche, il se dépouilla de tous ses habits, hormis de son pourpoint, et, ayant retroussé sa chemise, se mit dedans l’eau jusques au nombril. Il en ressortit incontinent et, ayant battu un fusil, alluma une petite bougie, avec laquelle il alla par trois fois autour de la cuve, puis il la jeta dedans, où elle s’éteignit. Il y jeta encore quantité de certaine poudre qu’il tira d’un papier, ayant en la bouche beaucoup de mots barbares et étranges qu’il ne prononçait pas entièrement, parce qu’il marmottait comme un vieux singe fâché, étant déjà tout transi de froid encore que l’été fût prêt à venir. Ensuite de ce mystère, il commença de se baigner et fut soigneux de laver principalement son pauvre outil de génération, qui était plus ridé qu’un sifflet à caille. Après être sorti de la cuve, il s’essuya et se revêtit ; tous ses gestes et toutes ses paroles ne témoignèrent rien que de l’allégresse en remontant sur le bord des fossés.
– Voici déjà le plus fort de cette besogne achevé, dit-il ; plaise à Dieu que je puisse aussi facilement m’acquitter de celle de mon mariage ! Je n’ai plus qu’à faire deux ou trois conjurations à toutes les puissances du monde, et puis tout ce que l’on m’a ordonné sera accompli. Après cela, je verrai si je serai capable de goûter les douceurs dont la plupart des autres hommes jouissent. Ha ! Laurette, dit-il en se retournant vers le château, vraiment tu ne me reprocheras plus les nuits, que je ne suis propre qu’à dormir et à ronfler. Mon corps ne sera plus dedans le lit, auprès de toi, comme une souche ; désormais, il sera si vigoureux, qu’il lassera le tien, et que tu seras contrainte de me dire, en me repoussant doucement avec tes mains : « Ha ! mon cœur, ha ! ma vie, c’est assez pour ce coup ! » Que je serai aise de t’entendre proférer de si douces paroles, au lieu des rudes que tu me tiens ordinairement !
En faisant ce discours, il entra dans un grand clos plein de toutes sortes d’arbres, où il déploya le paquet qu’il avait apporté de son logis. Il y avait une longue soutane noire, qu’il vêtit par-dessus sa robe de chambre ; il y avait aussi un capuchon de campagne, qu’il mit sur sa tête, et il se couvrit tout le visage d’un masque de même étoffe qui y était attaché. En cet équipage aussi grotesque que s’il eût eu envie de jouer une farce, il recommença de se servir de son art magique, croyant que par son moyen il viendrait à bout de ses desseins.
Il traça sur la terre un cercle dedans une figure octogone, avec un bâton dont le bout était ferré, et, comme il était prêt à se mettre au milieu, une sueur et un tremblement lui prirent par tous les membres, tant il était saisi de peur à la pensée qui lui venait que les démons s’apparaîtraient à lui bientôt. Il se fût résout à faire le signe de la croix, n’eût été que celui qui lui avait enseigné la pratique de ces superstitions lui avait défendu d’en user en cette occasion, et lui avait appris à dire quelques paroles pour se défendre de tous les assauts que les mauvais esprits, lui pourraient livrer. Le désir passionné qu’il avait de parachever son entreprise, lui faisant mépriser toute sorte de considérations, le contraignit à la fin de se mettre à genoux dedans le cercle vers l’Occident.
– Vous, démons qui présidez sur la concupiscence, qui nous emplissez de désirs charnels à votre gré, et qui nous donnez les moyens de les accomplir, ce dit-il d’une voix assez haute, je vous conjure, par l’extrême pouvoir de qui vous dépendez, et vous prie de m’assister en tout et partout, et spécialement de me donner la même vigueur pour les embrassements qu’un homme peut avoir à trente-cinq ans ou environ. Si vous le faites, je vous baillerai une telle récompense, que vous vous contenterez de moi.
Ayant dit cela, il appela par plusieurs fois Asmodée, et puis il se tut en attendant ce qui arriverait. Un bruit s’éleva en un endroit un peu éloigné ; il ouït des hurlements et des cailloux qui se choquaient l’un contre l’autre et un tintamarre qui se faisait comme si l’on eût frappé contre les branches des arbres. Ce fut alors que l’horreur se glissa tout à fait dedans son âme, et j’ose bien jurer qu’il eût voulu être à sa maison et n’avoir point entrepris de si périlleuse affaire. Son seul recours fut de dire ces paroles ridicules, qu’il avait apprises pour sa défense :
– Ô ! qui que tu sois, grand mâtin qui accours à moi tout ébaudi, la queue levée, pensant avoir trouvé la curée qu’il te faut, retourne-t’en au lieu d’où tu viens et te contente de manger les savates de ta grand-mère.
Il se figurait qu’il y avait là-dessous quelque sens mystique de caché ; et ayant craché dans sa main, mis son petit doigt dans son oreille, et fait beaucoup d’autres choses qui étaient de la cérémonie, il crut que les plus malicieux esprits du monde étaient forcés de se porter plutôt à faire sa volonté de point en point qu’à lui méfaire. Incontinent après, il vit un homme à trente pas de lui, qu’il prit pour le diable d’enfer qu’il avait invoqué.
– Valentin, je suis ton ami, lui dit-il, n’aie aucune crainte ; je ferai en sorte que tu jouiras des plaisirs que tu désires le plus. Mets peine à te bien traiter dorénavant.
La joie que ces propos favorables donnèrent à Valentin modérèrent la peur qu’il avait en l’âme à l’apparition de l’esprit. Enfin, comme il fut disparu, sa frayeur s’évanouit entièrement. Un pèlerin, dont le vrai nom était Francion, lui avait encore ordonné une chose à faire, dont il se souvint, et s’en alla en un endroit désigné pour l’exécuter.
Il lui était avis qu’il embrassait déjà sa belle Laurette ; et parmi l’excès du plaisir qu’il sentait, il ne se pouvait tenir de parler lui tout seul et de dire mille joyeusetés, se chatouillant pour se faire rire. Étant arrivé à un orme, il l’entoura de ses bras, comme le pèlerin lui avait conseillé. En cette action, il dit plusieurs oraisons, et après se retourna pour embrasser l’arbre par derrière, en disant :
– Il me sera aussi facile d’embrasser ma femme, puisque Dieu le veut, comme d’embrasser cet orme de tous côtés.
Mais, comme il était en cette posture, il se sentit soudain prendre les mains, et, quoiqu’il tâchât de toute sa force de les retirer, il ne le put faire : elles furent incontinent liées avec une corde ; et, en allongeant le cou, comme ces marmousets dont la tête ne tient point au corps et qu’on élève tant que l’on veut avec un petit bâton, il regarda tout autour de lui pour voir qui c’était qui lui jouait ce mauvais tour.
Une telle frayeur le surprit, qu’au lieu d’un homme seul qui se glissait vitement entre les arbres après avoir fait son coup, il croyait fermement qu’il y en avait cinquante, et, qui plus est, que c’étaient tous des malins esprits qui s’allaient égayer à lui faire souffrir toutes les persécutions dont ils s’aviseraient. Jamais il n’eut la hardiesse de crier et d’appeler quelqu’un à son secours, parce qu’il s’imaginait que cela lui était inutile et qu’il ne pouvait être délivré de là que par un aide divin, joint qu’il était vraisemblable, à son opinion, que, s’il se plaignait, les diables impitoyables redoubleraient son supplice et lui ôteraient l’usage de la voix, ou le transporteraient en quelque lieu désert. Il ne cessait d’agiter son corps aussi bien que son esprit, et, pour essayer s’il pourrait sortir de captivité, il se tournait perpétuellement à l’entour de l’orme, de sorte qu’il faisait beaucoup de chemin en peu d’espace ; quelquefois il le tirait si fort, qu’il le pensa rompre ou déraciner.
Ce fut alors qu’il se repentit à loisir d’avoir voulu faire le magicien, et qu’il se souvint bien d’avoir ouï dire à son curé qu’il ne faut point exercer ce métier-là, si l’on ne veut aller bouillir éternellement dedans la marmite d’enfer. Ayant cette pensée, sa seule consolation fut de faire par plusieurs fois de belles et dévotes prières aux saints, n’osant en adresser particulièrement à Dieu, qu’il avait trop offensé.
Cependant, la belle Laurette, qui était demeurée au château, ne dormait pas ; car le bon pèlerin Francion la devait venir trouver cette nuit-là par une échelle de corde qu’elle avait attachée à une fenêtre ; et elle se promettait bien qu’il lui ferait sentir des douceurs dont son mari n’avait pas seulement la puissance de lui faire apercevoir l’image.
Il faut savoir que quatre voleurs, ayant un peu auparavant appris qu’il y avait beaucoup de riches meubles dedans ce château dont Valentin était le concierge, s’étaient résolus de le piller, et, pour y parvenir, avaient fait vêtir en fille le plus jeune d’entre eux, qui était assez beau garçon, lui conseillant de chercher le moyen d’y demeurer quelque temps pour remarquer les lieux où tout était enfermé, et pour tâcher d’en avoir les clefs, afin qu’ils pussent ravir ce qu’ils voudraient. Ce voleur, prenant le nom de Catherine, était donc entré il y avait plus de huit jours chez Valentin pour lui demander l’aumône, et lui avait fait accroire qu’il était une pauvre fille dont le père avait été pendu pour des crimes faussement imposés, et qu’elle n’avait pas voulu demeurer en son pays à cause que cela l’avait rendue comme infâme. Valentin, étant touché de pitié au récit des infortunes controuvées de cette Catherine, et voyant qu’elle s’offrait à le servir sans demander des gages, l’avait retirée volontiers dedans sa maison. Ses services complaisants et sa façon modeste, qu’elle savait bien garder en tout temps, lui avaient déjà acquis de telle sorte la bienveillance de sa maîtresse, qu’elle avait eu d’elle la charge du maniement de tout le ménage. On se fiait tant en elle, qu’elle avait beau prendre les clefs de quelque chambre, voire les garder longtemps, sans que l’on craignît qu’elle fît tort de quelque chose et que l’on les lui redemandât.
Le jour précédent, en allant à l’eau à une fontaine hors du village, elle avait rencontré un de ses compagnons qui venait pour savoir de ses nouvelles, pendant que les autres étaient à un bourg prochain, en attendant l’occasion favorable à leur entreprise. Elle lui avait assuré que, s’ils venaient la nuit, ils auraient moyen d’entrer dans le château pour y piller beaucoup de choses qui étaient en sa puissance, et qu’elle leur jetterait l’échelle de corde qu’un d’eux lui avait baillée en secret il n’y avait que deux jours. Les trois voleurs n’avaient donc pas manqué à venir à l’heure proposée ; et, comme ils furent descendus dans les fossés du château, ils virent avaler une échelle de corde par une fenêtre qui était à côté de la grande porte. L’un d’eux siffla un petit coup, et l’on lui répondit de même ; ils regardèrent tous en haut et aperçurent une femme à la fenêtre, qu’ils prirent pour Catherine, encore que ce ne fût pas par ce lieu-là qu’elle leur avait promis de les faire monter.
Il y en avait un entre eux, appelé Olivier, qui, touché de quelque remords de conscience, s’était reconnu depuis peu de jours et avait promis à Dieu en lui-même de quitter la mauvaise vie qu’il menait ; mais ses compagnons, ayant affaire de son aide, parce qu’au reste il était fort courageux, ne l’avaient pas voulu laisser partir de leur compagnie, pour toutes les prières qu’il leur en avait faites, et l’avaient menacé que, s’il s’en allait sans leur congé, auparavant que d’avoir assisté au vol du château, ils n’auraient point de repos qu’ils ne l’eussent mis à mort, quand ce devrait être par trahison. Comme il se vit au fait et au prendre, il dit derechef aux voleurs qu’ainsi qu’il ne voulait pas avoir sa part du butin qu’ils allaient faire, il ne désirait pas avoir sa part de la peine et du péril. Néanmoins, lui ayant été reproché qu’il faisait cela par crainte et par bassesse de courage, il fut contraint de monter tout le premier à l’échelle de corde, craignant que ses compagnons ne lui donnassent la mort.
Quand il fut sauté de la fenêtre dedans une chambre, il fut bien étonné de se voir embrassé amoureusement par une femme qui vint au-devant de lui, et qui ne ressemblait en façon du monde à Catherine. C’était Madame Laurette, qui le prenait pour Francion parmi l’épaisseur des ténèbres de la chambre, ayant éteint la lumière.
Olivier, connaissant la bonne fortune que le destin lui voulait départir, possible pour le récompenser de la bonne intention qu’il avait de n’être plus larron, songea qu’il était besoin d’empêcher que ses compagnons ne vinssent troubler ses délices. Il quitta donc soudain Laurette, pour obéir à la prière qu’elle lui faisait même d’ôter l’échelle ; et, trouvant qu’un de ses compagnons y était attaché déjà, il ne laissa pas de la tirer à soi jusques à la moitié et de la lier à un gond de la fenêtre, par l’endroit où il la tenait. Le voleur jugeait, au commencement, que pour quelque occasion il le voulait ainsi lever jusques au haut, de sorte qu’il ne s’en donnait point de tourment en l’esprit ; mais comme il vit qu’il le laissait là, il commença d’avoir quelque soupçon qu’il lui voulait jouer d’un trait de l’infidélité qu’il avait déjà témoignée. Toutefois il monta dessus l’échelle jusques à la fenêtre de Laurette ; mais Olivier l’avait fermée tout bellement, de manière que n’osant cogner contre, de peur d’être découvert par quelqu’un du château, il lui sembla qu’il lui était nécessaire de descendre. Il se glissa le plus bas qu’il put le long de la corde, qui n’était pas assez longue pour le mener jusques à terre ; et, par hasard, en passant par devant une fenêtre qui était remparée d’un treillis de fer, il y demeura attaché par son haut-de-chausse qui fut traversé d’un barreau pointu, où il s’empêtra si bien, qu’il lui fut impossible de s’en retirer.
Sur ces entrefaites, Francion, ne voulant pas manquer à l’assignation que sa maîtresse lui avait donnée, s’était approché du château, et, ayant vu d’un autre côté Catherine avec une échelle à une fenêtre, il crut que c’était Laurette. Il fut prompt à monter jusques en haut et se mit à b****r cette servante :
– Qui est-ce ? lui dit-elle. Est-ce toi, Olivier, ou un autre ? Es-tu fou de faire tant de sottises en un temps où il nous faut songer diligemment à nos affaires ? Laisse-moi aller aider à monter à tes compagnons. Crois-tu qu’avec l’habit que j’ai, j’aie aussi pris le corps d’une fille ?
Francion, qui avait déjà connu qu’il se méprenait, en fut encore rendu plus assuré par ces paroles, qu’il oyait bien n’être pas proférées par la bouche agréable de Laurette. Il ne s’amusa guère à chercher ce qu’elles voulaient signifier, parce qu’il s’imaginait qu’il n’y avait point d’intérêt. Seulement, il dit à Catherine, qu’il reconnaissait pour la servante, que sa maîtresse lui avait accordé qu’il passerait cette nuit-là avec elle, et qu’il était venu pour jouir d’un si précieux contentement. Catherine, qui avait autant de finesse qu’il en faut à une personne qui exerce le métier dont elle faisait profession, chercha en son esprit des moyens de se défaire de lui, sur l’imagination qu’elle avait qu’il nuirait à son entreprise. De le mener droit à la chambre de sa maîtresse, ainsi qu’il désirait, elle ne le trouva pas fort à propos, d’autant qu’il lui sembla qu’il faudrait, possible, qu’elle fût employée à faire la sentinelle ou quelque autre chose à l’heure que ses compagnons viendraient pour accomplir leur intention. Elle lui fit donc accroire que Laurette était malade, et qu’elle lui avait donné charge de lui faire savoir qu’il ne la pouvait voir pour cette fois-là. Francion, très marri de cette aventure, fut forcé de reprendre alors le chemin de l’échelle. Il était au milieu, lorsque Catherine, qui avait une âme méchante et déloyale, voulant se venger de l’obstacle qu’il lui était avis qu’il mettait à ses desseins, donna à ses bras toutes les forces que sa rage pouvait faire accroître, et se mit à secouer la corde pour le faire tomber. Comme il se vit traité de cette façon, après s’être glissé un peu plus bas, il connut bien qu’il lui fallait faire le saut, de peur que ses membres ne fussent froissés en se choquant contre la muraille. Ses mains quittent donc la prise de l’échelle, et tout d’une secousse il s’élance pour se jeter à terre ; mais il fut si malheureux, qu’il tomba droit dans la cuve où Valentin s’était baigné, contre les bords de laquelle il se fit un grand trou à la tête, dont il sortit tant de sang, qu’en peu de temps l’eau en devint entièrement rouge. L’étonnement et l’étourdissement qu’il eut en cette chute le mirent en tel état, qu’il demeura évanoui et n’eut pas le soin de s’empêcher d’avaler une grande quantité d’eau, dont il pensa être noyé. Catherine, qui entendit le bruit qu’il fit en tombant, se réjouit en elle-même de son infortune et retira soudain son échelle en haut, pensant que ses compagnons ne viendraient pas de cette nuit-là.
Le voleur qui était demeuré en terre, voyant qu’Olivier qui était entré dans le château ne songeait point à lui et que son autre compagnon était attaché en l’air en un lieu dont il ne se pouvait tirer, n’eut point espérance que leurs desseins eussent une bonne issue. Il se figura que l’on trouverait encore ce pendu le lendemain au même lieu, et qu’il n’y avait rien à gagner à demeurer proche de lui, que la mauvaise fortune de se voir pendre, après, d’une autre façon en sa compagnie.
Une certaine curiosité aveugle et conçue sans aucun sujet le convie à se promener par tout le fossé avant que d’en sortir. Étant arrivé à la cuve où était Francion, il voulut voir ce qui était dedans. Ayant connu que c’était un homme, il le tira par le bras et lui mit la tête hors de l’eau ; puis, étant poussé d’un désir de rencontrer de la proie, lequel il ne quittait jamais, il fouilla dedans ses pochettes, où il trouva une bourse à demi pleine de quarts d’écus et d’autre monnaie avec une bague dont la pierre précieuse avait un éclat si vif, que l’on apercevait sa beauté malgré les ténèbres. Cette bonne rencontre lui bailla de la consolation pour tous les ennuis qu’il pouvait avoir, et, sans se soucier si celui qu’il dérobait était mort ou vivant, ni qui l’avait mis en ce lieu-là, il s’en alla où le destin le voulut conduire.