Monsieur Corbeau-2

3024 Words
Je sollicitai et j’obtins la faveur, peu recherchée d’ailleurs, comme bien vous pensez, de faire partie du conseil de guerre qui devait juger le petit homme noir. Le jugement commença sans grande cérémonie. C’était la place même qui servait de salle d’audience. Les juges, rangés en demi-cercle, se tenaient debout, le bras passé dans la bride de leurs chevaux. Le président fit amener le prisonnier, lui notifia l’accusation dont il était l’objet, et lui demanda ce qu’il avait à dire pour sa défense. Celui-ci répondit tranquillement : – No entiendo al francès. Hagan me ustedes fusilar y dejen me tranquilo. C’est-à-dire : Je ne comprends pas le français. Faites-moi fusiller et laissez-moi tranquille : Le vœu du pauvre diable aurait probablement été exaucé à l’instant, si par bonheur je n’eusse su l’espagnol. Je proposai mon entremise au tribunal, qui l’accepta avec empressement et me nomma du même coup interprète et rapporteur. – Allons nous installer là-bas, – dit le chef d’escadron qui remplissait les fonctions de président, – sous cette jolie tonnelle qui fait le coin de la place. Vous pourrez vous y rafraîchir avec nous, tout en confessant ce gaillard-là. Aussitôt qu’il aura fini sa litanie, vous nous ferez un rapport succinct de l’affaire, nous prononcerons la sentence, dont nous laisserons l’exécution à qui de droit, et nous nous mettrons en route après avoir bu le coup de l’étrier. Il ne faut pas vous scandaliser, ni vous étonner seulement, de cette légèreté de langage et de cette façon cavalière de traiter une affaire aussi grave. L’habitude du danger et de l’imprévu imprime aux mœurs militaires quelque chose de froidement stoïque, et les plus doux caractères y prennent une trempe d’acier. On ne saurait tenir grand compte de la vie d’autrui quand on fait si bon marché de la sienne. La mort se reçoit et se donne avec la même indifférence. On alla s’établir sous la tonnelle. Mes collègues s’assirent autour d’une table et se mirent à causer entre eux en fumant et en buvant du grog. Je m’assis à une autre table avec mon prisonnier, que quatre hommes gardaient à vue, et je commençai à l’interroger en espagnol. – Je vous remercie, – me dit-il, – de la peine que vous prenez de me parler ma langue ; mais je n’ai rien à vous dire. – Cependant, – répondis-je, – il est impossible que vous n’ayez pas eu quelque raison pour faire ce que vous avez fait. – Certainement j’avais mes raisons ; mais je ne veux pas les dire. – Mais vous devez les dire ! – m’écriai-je avec chaleur. – À quoi bon ? Je n’en serais pas moins fusillé. – Peut-être. Il peut se trouver telle circonstance qui, en justifiant ou du moins en atténuant l’action que vous avez commise, vous fasse absoudre ou du moins condamner à une peine moindre. – Ah ! ah ! – dit-il avec un amer sourire, – les galères ? Je connais cela. J’en ai assez. – Vous avez été aux galères ? – m’écriai-je en reculant de dégoût et d’effroi comme on recule à la vue d’un reptile venimeux. Un moment toute sympathie s’éteignit dans mon âme. Je ne voyais plus dans cet homme qu’un assassin vulgaire, peut-être un voleur ; et je me reprochai l’intérêt que je lui avais porté et les efforts que je venais de tenter pour le sauver. Mais bientôt l’instinct de la justice et de la miséricorde reprit le dessus. La voix secrète qui me parlait en faveur de l’inconnu me dit qu’il y avait un rapport étroit entre la condamnation infamante qu’il avouait maintenant et le meurtre qu’il avait accompli tout à l’heure, et que l’une devait être le motif et l’explication de l’autre. Sous l’apparence d’un crime il n’y avait sans doute qu’une vengeance. Une fois frappé de cette idée, je ressentis un désir plus vif et comme une soif ardente de la vérité. Mais j’interrogeai vainement le prisonnier. Il opposa un silence obstiné aux questions les plus pressantes. Pendant cinq minutes je ne pus tirer de lui d’autres paroles que celles-ci : – J’ai fait la seule chose que j’eusse envie de faire. Je ne tiens plus à la vie, et je suis prêt à mourir. – Comme j’insistais de nouveau : – En voilà assez, – me dit-il avec hauteur, – je vous ai dit que je voulais bien être fusillé, mais non tourmenté. – Et il se leva pour aller se remettre entre les mains des soldats. Je trouvai dans l’imminence de la crise une heureuse inspiration ; et, arrêtant le prisonnier par le bras, je lui dis vivement : – Vous voyez que nous sommes obligés de vous juger séance tenante. Eh bien ! si vous êtes un homme de cœur, vous ne laisserez pas des officiers, des gens d’honneur, condamner un accusé sans savoir s’il est innocent ou coupable. – J’avais trouvé le joint. Mon homme se rassit, après un instant de réflexion, en disant : – C’est juste. Je n’ai pas le droit de troubler votre conscience. Je parlerai. – Je poussai un soupir de soulagement. Il garda quelque temps le silence, puis il ajouta : – Aussi bien, après tout, je n’en suis pas fâché. Ce n’est pas que je croie, en parlant, changer rien à mon sort. Je suis convaincu que je n’en serai pas moins fusillé, et peu m’importe. Mais voilà des années, bien des années, que je n’ai ouvert mon cœur à personne, et cela me fera du bien de le décharger avant de mourir. Je remercie Dieu de m’avoir envoyé, à l’heure dernière, un homme de bien pour confident de mes souffrances. Écoutez-moi donc. Mais auparavant permettez-moi de vous demander un service. – Parlez. – C’est de me faire rendre mon tabac et mon papier de fil que l’on m’a enlevés en me fouillant. J’ai tout à fait perdu l’habitude de parler ; et, si je ne fumais pas, j’aurais beaucoup de peine à débrouiller mes idées. – J’étais trop fumeur moi-même pour m’étonner d’une telle demande et n’y pas obtempérer sur-le-champ. Je fis rendre au prisonnier son tabac et son papier : je demandai du feu, et nous allumâmes, moi un cigare, lui une cigarette. Certes, à voir en ce moment la tonnelle qui nous abritait, on n’eût pas dit qu’il y avait là des juges et un accusé, mais seulement des amis devisant ensemble après boire, Le petit homme noir commença son récit de la sorte : – Je suis Aragonais. Ma famille possède de temps immémorial une petite maison située sur le bord de l’Èbre, près de la ville d’Ixar. Je l’habitais avec ma mère, qui était veuve, quand éclata la guerre de l’indépendance. Tous les hommes en état de porter les armes partaient pour la guérilla. J’avais près de vingt ans. C’eût été une honte de regarder les autres faire et de rester tranquille sur le seuil de ma porte. Pas une femme de la province ne m’aurait regardé si je ne fusse pas allé à la montagne ; pas une fille n’aurait voulu danser la jota avec moi. Je dis à ma mère que je voulais aller faire le coup de feu pour le roi Ferdinand. – C’est bien, – me répondit ma mère. – Prends le fusil de ton père, qui est là pendu à la cheminée, et va avec Dieu. – Je l’embrassai, et je partis. Nous fîmes la guerre avec des chances diverses : une cruelle guerre, Monsieur, dans le genre de celle que vous faites avec les Arabes, mais plus triste encore, puisque cela se passait entre chrétiens. On ne faisait quartier d’aucun côté. Tout Espagnol pris était fusillé, tout Français pris était pendu. N’ayant pas beaucoup de poudre, nous étions obligés de faire des économies. Dans la b***e dont je faisais partie, il y avait un fermier de nos voisins, nommé don Pedro Ferrer, que je connaissais et que j’aimais depuis mon enfance. Pour venir à la guérilla, il avait quitté sa jeune femme, qu’il adorait, et son unique enfant, dont il raffolait, un garçon de trois ou quatre ans, appelé Manuel, beau comme un ange, malin comme un démon, gentil comme rien au monde. Don Pedro Ferrer fut pris dans une reconnaissance. Il demanda pour unique grâce la permission de voir avant de mourir un de ses parents, homme pacifique et tranquille, disait-il, afin de lui confier ses dernières volontés. L’officier qui commandait le détachement français était un bon diable, ne demandant pas mieux que de rendre service, selon son pouvoir, à ses prisonniers. Il lui était défendu de faire grâce de la vie, mais non de donner des sauf-conduits. Il en donna un, qu’un gamin vint m’apporter avec une lettre de don Pedro, contenant ces mots : « Je voudrais te parler avant de mourir. Viens vite. » Je cachai mon fusil dans un trou, et je suivis le gamin les mains dans mes poches. Je trouvai don Pedro assis au milieu d’un cercle de soldats. Il avait les bras liés derrière le dos, la tête penchée sur la poitrine, l’air abattu. À ma vue, il releva la tête et poussa un cri de joie. – Sois le bienvenu, José, – me dit-il, – je suis inquiet de ce qui arrivera après ma mort. Si ma femme vient à mourir aussi, Manuel sera orphelin. Si ma femme vit, étant pauvre, elle sera obligée de se remarier ; et je crains que Manuel ne soit malheureux avec un beau-père. – Meurs tranquille, Pedro, – lui dis-je ; – tant que je vivrai, ton fils aura un père. – Dieu te bénisse, José ! – me répondit-il. Embrasse-moi et eux pour moi. – Je lui sautai au cou. – Assez, – reprit-il au bout d’un instant, – et adieu. – Puis, s’adressant à l’officier : – Je suis prêt, – dit-il d’une voix haute et ferme. – Seulement je voudrais mourir libre. – L’officier le fit délier et placer en face du peloton chargé de l’exécution. – Merci deux fois, capitaine, – lui dit don Pedro. – Que Dieu vous rende ce que vous avez fait pour moi ! Ensuite il se retourna fièrement vers les soldats qui le couchaient en joue, et s’écria en lançant son chapeau en l’air : – Vive le roi Ferdinand ! et meurent les Français ! – Vingt balles lui répondirent. J’étais tombé à genoux et je priais pour le martyr. L’officier français s’approcha de moi, et, me frappant sur l’épaule : – Ah çà ! mon camarade, – me dit-il, – je crois qu’il serait prudent d’aller faire vos prières plus loin. Pour un homme pacifique et tranquille, vous avez la paume de la main droite un peu noire, et des gens soupçonneux pourraient supposer qu’elle est parfois en contact avec la poudre. – Ému par la vue du cadavre encore palpitant de mon ami, je ne pus me contenir et je répliquai vivement : – Ces gens-là ne se tromperaient pas. Quiconque en Espagne, à cette heure, ne met pas de la poudre dans sa main droite et une carabine dans sa main gauche, n’est pas un homme. Faites-moi fusiller comme celui qui repose là, la face baignée dans son sang, si vous ne voulez pas que je le venge. – À Dieu ne plaise, jeune homme ! – repartit l’officier en souriant. – Ne vous figurez pas que vos compatriotes aient le monopole de l’honneur. Vous êtes venu sous la sauvegarde de ma parole, et vous vous en retournerez sain et sauf. Seulement faites-moi le plaisir de vous dépêcher. Il pourrait passer ici quelque officier supérieur, qui n’entendrait pas de la même oreille que moi, et qui, ne vous ayant rien promis, ne se ferait aucun scrupule de vous envoyer en paradis. Bon voyage donc, et au plaisir de ne jamais vous revoir ! – Oui, Monsieur, ce fut ainsi qu’il me parla. Car je ne vous comprends vraiment pas, vous autres Français ; rien ne vous empêche de plaisanter ; et je crois, si Dieu le père descendait sur terre, que vous lui ririez au nez. C’était au reste un brave homme que cet officier. Comme tous les braves gens, il eut du malheur. À quelque temps de là, je vis son corps pendu à un arbre. Ramené à la prudence par le souvenir de l’engagement solennel que je venais, de contracter, je m’occupai de tenir parole à don Pedro Ferrer. J’écrivis à ma mère ce qui venait de se passer, et je la priai de veiller à ma place, en attendant mon retour, sur la femme et sur l’enfant de mon ami. Un mois après, elle me répondit qu’elle avait fait enterrer convenablement la femme, qui était morte de chagrin, et recueilli l’enfant. Je continuai à me battre comme je devais. Dieu vint en aide au bon droit, et fit encore une fois triompher David de Goliath. L’air sacré de la patrie double les forces de l’homme qui combat pour elle. Les bergers de l’Espagne abattirent ces géants qui avaient foulé l’Europe sous leurs pieds. L’aigle impériale fut obligée d’ouvrir les serres et de lâcher sa proie. La liberté avait vaincu la gloire. Conquise par tous, l’indépendance nationale fut la récompense de tous. Chacun se trouva assez payé de ses efforts en se retrouvant Espagnol, et, la besogne faite, retourna à sa condition première : les riches à leur fortune, les pauvres à leur misère, sans regret et sans plainte. Ceux qui avaient pris goût au métier des armes restèrent au service. Les grades échurent non aux plus dignes, tous l’étaient également, mais aux plus heureux. Le sort m’avait favorisé : je fus nommé lieutenant au régiment de Ferdinant VII. Mais je m’étais trompé en croyant aimer l’état militaire ; je n’aimais que la guerre. Je m’ennuyai bien vite de traîner un sabre inactif sur le pavé des garnisons. Mon cœur avait besoin de vivre par quelque côté. Privé des violentes émotions du combat, il aspira aux douces jouissances de l’affection. À défaut du camp, il me fallait la famille ; et, dès que je n’entendis plus gronder le canon des champs de bataille, je rêvai au silence éloquent de la maison paternelle. L’organisation militaire de l’Espagne est double. Il y a d’une part les troupes royales, qui représentent la force d’action du gouvernement ; de l’autre les troupes provinciales, qui représentent la force de résistance de la nation. Les troupes royales, qu’elles appartiennent à la garde ou à la ligne, sont placées immédiatement sous la main du pouvoir, qui les fait mouvoir à son gré, les plaçant dans telle garnison qu’il lui plaît, les promenant au besoin d’un bout à l’autre du royaume, les lançant à l’invasion au-delà des frontières. Moins haut placées dans l’échelle hiérarchique, moins bien traitées sous le rapport de la solde, les troupes provinciales trouvent dans leurs privilèges une compensation suffisante à ces désavantages. Le nom de corps francs, qu’elles portent généralement, donne une idée approximative de leur constitution. Elles sont spécialement chargées de garder et de défendre la province à laquelle elles appartiennent, et n’en sortent que dans les grandes crises, aux jours de guerre civile ou étrangère, en cas d’insuffisance des troupes royales. Chaque homme, officier ou soldat, n’a de la sorte à subir que la moitié des charges de la vie militaire, et participe dans une certaine mesure aux bénéfices de la vie civile. Ne se trouvant exposé qu’en de rares occasions et à de longs intervalles à ces déplacements qui rompent tous les liens de l’habitude, il peut, sans inconvénient et sans crainte, s’attacher à ce qui l’entoure et prendre racine dans le sol. Les loisirs ne lui manquent pas pour être propriétaire et mari. Le temps se partage entre la caserne et la maison, et après le tour du fusil vient celui de la bêche. Du moins c’est ainsi que se passaient les choses de mon temps, du temps où j’étais un homme. Je ne sais presque rien de ce qui a été fait depuis quinze ans. Il me semble cependant avoir entendu dire que la condition des corps francs avait beaucoup changé depuis la révolution, et que la part importante par eux prise dans la guerre contre les carlistes les avait mis sur le même pied que les régiments de ligne. Mais peu importe. Je n’ai à vous parler que de ce qui me regarde. De mon temps donc, les ambitieux et les amateurs de parades préféraient le service du roi ; les partisans du bonheur modeste et solide, celui de la province. Comme les fous sont partout en majorité, je n’eus pas de peine à échanger mon grade de lieutenant dans la garde royale contre celui de capitaine au régiment provincial d’Aragon. Je réussis à me faire assigner la ville d’Ixar pour lieu de séjour et de garnison. J’avais trente ans quand je revins m’établir au pays natal ; je l’avais quitté à vingt. Dix ans d’absence interrompus seulement par de rares congés. Ah ! Monsieur, je ne peux pas vous dire ma joie en reprenant possession de cette vieille maison où j’étais né, où mon père était mort, où vivait ma mère, où j’espérais vivre et mourir aussi. Je m’agenouillai avant d’entrer et je baisai le seuil. Ma mère m’aperçut, vint à ma rencontre, étendit ses mains ridées sur ma tête et me dit : – Que Dieu te bénisse, José, pour t’être souvenu de ma vieillesse ! Maintenant, je peux mourir tranquille, j’ai mon fils pour me fermer les yeux. – Puis elle me releva et m’embrassa. À quoi servent les bénédictions ? C’était la seconde fois que j’étais béni de cette façon si solennelle par un cœur fervent et sincère ; autant eût valu que je fusse maudit ! Ce que je dis là, Monsieur, j’ai malheureusement le droit de le dire ; ce n’est pas un blasphème, c’est une vérité. Mais alors je n’avais pas le cœur ruiné et la vie perdue. Les paroles de ma mère excitèrent en moi un profond attendrissement qui s’épancha eh larmes. Pénétré d’une douce émotion, où la tristesse se mêlait délicieusement à la joie, je visitai en détail l’étroit domaine où avait tenu toute l’existence de mes aïeux, saluant le toit vénérable qui dormait sous la mousse, admirant les grands arbres qui inclinaient sur moi leurs ombres amies, écoutant la chanson du ruisseau qui semblait célébrer mon retour. Il n’y avait rien de changé depuis mon départ, si ce n’est que ma mère avait vieilli et mon fils adoptif grandi. Triste sort de l’homme ! Le temps tourne comme une roue, élevant ceux-ci, précipitant ceux-là ; et le soleil ne se lève pour les uns qu’à la condition de se coucher pour les autres. Manuel avait quatorze ans, et son adolescence tenait toutes les promesses de son enfance. On voyait revivre à la fois, dans son heureuse physionomie, et la grâce de sa mère et la fierté de son père. Il était aussi intelligent que beau, et faisait l’admiration du pays. Ma mère l’adorait. Il fallait voir sa mine triomphante lorsque, devant des étrangers, elle s’entendait traiter par lui de grand-maman. L’orphelin s’était habitué à nous regarder comme sa vraie et seule famille. Le nom auguste et sacré de père qu’il me donnait ne me causa pas moins de joie qu’à ma mère son titre d’aïeule. Comme elle, je me pris à aimer Manuel d’une affection sans bornes, et je le gâtai comme elle. Nous nous efforcions à qui mieux de flatter ses goûts, de satisfaire ses désirs, de réaliser ses fantaisies : jamais un refus, jamais un reproche ; ses fautes mêmes, nous trouvions moyen de les excuser en les mettant sur le compte de la jeunesse, et ses folies nous paraissaient charmantes. Parmi les officiers du provincial, il y en avait un avec lequel j’avais fait toute la guerre de l’indépendance. Nous nous étions mutuellement sauvé la vie, et l’on nous appelait au régiment les frères d’armes. Séparés pendant quelque temps par la paix, nous nous étions retrouvés au pays avec un vrai bonheur, et nous avions repris notre ancienne intimité. C’était un homme singulier, ne croyant ni à Dieu ni à diable, méprisant les femmes, se défiant des hommes, se moquant de tout, comme les Français, dont il avait pris les façons : irréprochable du reste, loyal pour tout le monde, excellent pour ses amis et brave comme son sabre. Il se nommait Sanchez.
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