Diana s'allonge sur la civière.... Une question la hante : « Qui a fait ça ? Et surtout pourquoi ? » D'accord, c'est une dame un peu « vieille peau » lunatique et avec une langue de vipère mais dans le fond, elle n'est pas si méchante que ça...
Des larmes coulent discrètement sur sa joue , elle ferme ses yeux marrons un instant.
Elle aimerait tant que ce lundi se soit passé différemment... Il avait si bien commencé avec la petite Lya... Elle repense à ses beaux yeux gris-bleu et sa bouille d'ange avec ses bouclettes déjà si dures à coiffer.... Mais le teint pâle de Madame Coussin , ses cris et tout ce sang reviennent envahir son esprit... Elle n'a qu'une envie, c'est oublié.... La route qui mène à l'hôpital est plus rapide en ambulance qu'en voiture. Elle arrive à l'entrée des urgences où Jean- Pierre l'aide à descendre, ses jambes trembles , une infirmière arrive avec un fauteuil roulant.
« Votre collègue secrétaire a appelé, elle arrive avec votre sac à main pour les papiers, on va vous examiner quand même et vous faire une perfusion pour vous réhydrater vous avez beaucoup vomi... Asseyez vous, ça va ? Vous n'avez pas froid ?
- Non... J'ai des affaires de rechange dans ma voiture, je veux me changer. C'est dans mon coffre
- D'accord, je vais le dire à votre collègue, elle vous les emmènera. On va vous mettre la chemise de l'hôpital de toute façon parce qu'on va sûrement vous garder une nuit. »
L'infirmière l'emmène dans le bureau :
« Alors vous êtes Diana Roux ?
- Oui
- Votre date de naissance ?
- 1 er novembre 1994
- D'accord... Alors vous avez vécu un choc, vous avez vomi, est-ce-que vous avez encore envie ?
- Non je crois pas
- Je vais prendre votre tension.... Alors .... C'est bas tout ça, vous êtes épuisée... Bon... Ha ! Votre collègue est là... Vous avez ses papiers ?
- Oui oui j'ai trouvé, je suis désolée Diana, j'ai du chercher dans votre sac à main..
- Hum... Dans mon coffre, y'a des vêtements de rechange, il me les faut s'il vous plait..
- Oui, je vais aller les chercher »
L'infirmière parle avec sa collègue, Diana est ailleurs, elle ne sent pas quand un infirmier vient pousser le fauteuil pour la mener dans une chambre d'examen .
Elle sort de ses pensées quand elle entend une aide soignante lui parler :
« Vous voulez que je vous aide à vous déshabiller ? Je peux vous accompagner aux toilette vous laver un peu, vous êtes encore couverte de sang... Je vous ai apporter une chemise..
- Oui je veux bien ... »
Diana quitte avec empressement ses vêtements, le sang a traversé jusqu'à ses dessous....
« On aurait du vous emmener aux WC avant, je vais vous emmener à nos vestiaires, vous allez prendre une douche ...
- Non ça va, je me doucherais plus tard
- Je ne comprends pas pourquoi on vous laisse aux urgences et pas dans une vraie chambre avec salle de bain
- En fait, je veux juste rentrer chez moi, je veux pas rester ici... Je suis autiste, je n'aime pas les autres gels douche, je n'aime que le mien
- Ha ... Oui je comprends, mais il faut vous réhydrater un peu et faire les papiers pour l'arrêt et on vous donnera sûrement un calmant.. Pour l'instant, venez, vous allez au moins vous laver aux WC. Je vais vous porter une autre chemise.
- D'accord... »
Diana, soutenue par la gentille dame, arrive jusqu'au lavabo des sanitaires, elle quitte la chemise d'hôpital et l'utilise comme éponge pour essayer d'enlever un peu de sang , elle lave frénétiquement ses mains et avants bras, le sang s'est mis sous ses ongles... Tout ne part pas.
L'auxiliaire revient avec une nouvelle chemise et la raccompagne dans le lit du box des urgences.
Un médecin l'attend :
« Bonsoir Madame
- Bonsoir ?
- Oui il est 18 h déjà... Vous pensiez qu'on était plus tôt ?
- Heu... Oui, je suis arrivée à 13 heures chez ma bénéficiaire et...
- Oui, vous avez perdu un peu la notion du temps c'est normal, ne vous inquiétez pas, alors votre tension est un peu basse et votre cœur bat un peu lentement...
- C'est normal c'est héréditaire ça, mon père est pareil
- Ha... Petite bizarrerie familiale d'accord , vous avez pleuré et beaucoup vomi d'après les pompiers, une heure inconsciente ? Ça fait quand même un peu. Vous avez encore envie de vomir ?
- Non, enfin sauf si je repense à ....
- Oui je vois... On va vous donner un anti vomitif et un anxiolytique pour la nuit
- Je peux rentrer chez moi ?
- Hum... Je préfèrerais vous garder...
- Je suis autiste... Je suis bien que chez moi, je veux mon casque anti bruit et écouter mon chat ronronner...
- Ha oui... Effectivement, c'est peut-être angoissant ici... Mais je peux aussi vous faire interner quelque jours si vous voulez ?
- Non je sais me gérer, vous savez le psychiatre qui me suis ici peut vous le dire, l'internement serait inutile pour moi.
- Ha oui oui, c'est noté dans votre dossier en effet. Bon par contre, vous ne pouvez rentrer seule
- Ma collègue attend à l'entrée, elle pourra me raccompagner sûrement
- On va vérifier ça, sinon je ferais un bon pour qu'un taxi vous raccompagne. Je reviens avec les papiers d'arrêt de travail et de sortie, en attendant, on va vous mettre une perfusion pour vous réhydrater, je vous garde quand même une heure ou deux... D'accord ?
- J’ai froid
- Ha… Attendez, je vous prends la température … 36,4 hum…Bon un effet du choc. On va vous amener une couverture
- J’ai mal partout
- Oui ça risque de durer quelques jours, à tout à l'heure, reposez vous. »
L'aide soignante remonte l'oreiller et, après avoir souhaiter bon courage à Diana, part s'occuper d'un autre patient. Un infirmier à l'air sympathique vient lui faire une perfusion, Elle est tellement fatiguée qu'elle ne sent même pas la piqure mais elle sent le tube qui se refroidit un peu au passage du liquide. Elle attend seule. Les yeux fixés sur les néons du plafond. Les murs blancs, les paravents qui séparent un patient d’un autre. Les voies parfois lointaines, parfois proches. Elle voit la perfusion se terminer petit à petit. Elle veut rentrer ! On lui apporte une couverture, mais elle a toujours aussi froid. Elle entend des pas qui se rapprochent de la porte et, avant que quelqu’un puisse l’en empêcher, le lieutenant entre suivi d’une petite infirmière :
« Monsieur ? ! Vous n’avez pas le droit !
- Police ! Lieutenant Blake… Je viens voir si la demoiselle va bien..
- Ho… D’accord… Bon …5 minutes pas plus ! C’est pas un commissariat ici ! Les patients ont besoin de tranquillité!
- Je ne suis pas un monstre .. » L’infirmière le regarde d’un air suspicieux et finit par les laisser. Diana n’arrive pas à soutenir le regard du policier qui l’observe d’un air embêté :
« Est-ce-que vous serez sortie demain ? » Diana hoche la tête pour acquiescer, le jeune homme n’était plus censé être en service à cette heure-ci, mais il voulait voir de lui-même si la jeune femme serait en état d’être interroger rapidement car c’était la seule témoin pour le moment. Bien sûr, il était aussi désolé qu’elle soit dans cet état, elle était toujours très pâle et son regard semblait vide.. Il lui avait fait un drôle d'effet quand il l'avait vu sur la scène, ensanglantée et apeuré mais en même temps forte, courageuse et ..lumineuse :
« Je suis navré de vous embêter, mais j’aimerais vous interrogez rapidement au poste..
- Hum.. » Diana ne peut s’empêcher de soupirer d’agacement, le lieutenant faisait son travail mais elle était épuisée, sale.. Et ne souhaitait pas revivre la scène…William sourit intérieurement, elle a froncé ses sourcils en poussant son petit grognement, elle ressemble à un chaton qui essaie de feuler :
« Vous n’avez pas eu froid aux yeux en tout cas… J’aurais jamais cru ça de vous, avec vos ongles bien manucurés…
- ….
- Je sais où je vous ai déjà vu.. Vous êtes la personne qui m'aviez fait déplacer pour rien.." Son sourire moqueur fit remonter un souvenir à Diana... Ho non... Il y a quelques temps, elle était intervenue chez une famille très aisée pour du ménage, ils n'étaient pas chez eux pour l'intervention. Diana avait du désactivé une alarme.. Sauf qu'elle n'avait pas réussi à la désactiver à temps.. Personne ne lui avait dit qu'elle n'avait que trente secondes pour le faire.. L'alarme était reliée au portable de la personne qui avait oublié qu'elle venait et qui avait contacté la police.. Elle s'était retrouvée face au lieutenant et ses hommes qui avaient failli l'embarquée.. Heureusement, la personne morte de honte d'avoir oublié qu'elle venait avait confirmé ses dires. Si aujourd'hui le policier riait, à l'époque, la jeune fille avait subi ses foudres.. Il l'avait sermonné comme une enfant, la traitant d'incapable pas f****e de gérer une alarme et en retour elle lui avait crié dessus en disant que c'était pas de sa faute si les gens étaient à ce point trouillards, et qu'elle ne venait pas d'une famille de Bourges, les alarmes chez elle, c'était les commères du quartier, et qu'à cause de ce contre temps , elle devrait travailler plus vite si elle voulait tenir son planning. Elle se souvient avoir trouvé ce jour la, ce lieutenant particulièrement irrespectueux et antipathique..
"C’est une passion chez vous le social ? J’espère que ça ne vous en dégouttera pas ..
- …
- Vous étiez plus bavarde lors de notre dernière rencontre.. Vous m'aviez presque insulté
- Hum.." Bon.. Il n'en tirerait rien.. Il observe ses petites lèvres qui se sont serrées à l'évocation de cette mésaventure. Dans ses souvenirs, elles étaient presque rouges :
" Vous avez les lèvres bleues ? » Il s’approche de la jolie rouquine et lui touche le front :
« Vous êtes gelée… » Il quitte sa veste de costume et lui tend :
« Tenez… Allez, mettez la sur vos épaules… Vous me la rendrez demain... » Diana la prend et enfile son bras de libre. Elle sent un peu le tabac mais le parfum du lieutenant prend le dessus. William appuie sur la sonnette pour appeler une infirmière, une fois, deux fois… Cinq fois… Sept fois à la suite.. La petite infirmière revient l’air mécontent :
« J’arrive ! Ho ! C’est vous ? Vous voulez quoi ?
- Cette jeune femme est gelée.. Je lui donnerais bien ma chemise en plus mais j’ai rien en dessous…
- Je vais voir ce que je peux faire… Mais ne touchez plus à cette sonnette » Elle part aussi vite qu’elle est venue, elle a autre chose à faire que trouver une couverture bon sang ! Ce policier se croit tout permis… Le jeune homme croisa le regard de Diana :
« Merci.. » Lui dit-elle presque en chuchotant
« Pas de quoi.. Vous savez, c’est ma première affaire en tant que lieutenant, alors je tient à la résoudre rapidement, j’espère que vous aurez des choses intéressantes à me raconter… Essayez d’y penser cette nuit.. Car il est probable que vous ne dormiez pas beaucoup..
- …
- Je dis pas ça pour vous faire peur, bien sûr mais personnellement sur ma première scène de crime, il y avait beaucoup de sang une vraie boucherie, j’en ai pas dormi pendant plusieurs jours …
- …
- Je vous fait chier ?
- Hum… » Il n’était pas vraiment doué pour être « sympa » dans ce genre de moment… Mais il n’était pas insensible pour autant.. Il s’était un peu inquiété pour sa témoin cette après-midi :
« J’aimerais vous laisser le temps de vous remettre mais malheureusement, personne n’était présent à part vous.. D’ailleurs, je pourrais vous arrêter si je voulais, qui me dit que vous n’y êtes pour rien ? » Il sait que sa question n’est pas très classe mais il sent que cette jeune fille est quelqu’un d’honnête et franche, si elle cache quelque chose, c’est sûr qu’il le verra dans ses yeux.. Vu le regard noir qu’elle lui lance, elle n’y est pour rien, c’est certain… Il est bien content qu’elle soit perfusée et faible car il se serait certainement pris une gifle. Elle a l’air d’avoir un sacré caractère sous ses airs d’ange..il se souvient que lors de leur altercations, il l'avait distinctement vu lui faire un doigt d'honneur dans son rétro :
« Bon… Je ne vais pas vous agacer plus longtemps. On se voit demain Miss… J’espère que vous serez plus bavarde »
Le lieutenant partit comme il était venu. Au moins, sa visite lui avait fait passer un peu le temps… Son portable était resté dans sa voiture, impossible de savoir l’heure mais sa perfusion était quasi vide. Elle allait s’endormir quand quelqu’un frappa à la porte.
La secrétaire entre :
« Voici les affaires propres, comment vous sentez vous Diana ?
- Fatiguée, j'ai envie d'être chez moi avec mon chat dans ma maison
- Le médecin m'a dit que vous rentrerez dès que vous serez bien réhydrater, je vous raccompagnerais avec votre voiture et je me suis arrangée avec mon mari pour qu'il vienne me chercher chez vous. Comme le lieutenant de tout à l'heure voudra sûrement vous revoir, vous l'aurez
- Et... Madame Coussin... ? Vous avez des nouvelles ?
- Oui pour l'instant, elle est au bloc, la balle a touché des organes et a fait des dégâts... Ils font le maximum, elle supporte bien l'anesthésie apparemment, ils en ont pour un moment encore mais elle devrait survivre...
- Ils savent qu'elle est malvoyante ? Si elle se réveille? Elle saura pas où elle est elle va paniquer.
- Oui rassurez-vous, c'est dans son dossier médicale
- Et son fils ? Ils ont pas de bons rapports mais il doit être au courant
- La police l'a appelé, il s'est mis en route des qu'il a su, il arrivera dans la nuit. Ne vous inquiétez pas de ce genre de choses, vous avez réussi à éviter le pire à cette dame en faisant un point de compression pour stopper l'hémorragie, si elle s'en sort, c'est grâce à vous vous avez fait ce qu'il fallait. Maintenant, c'est aux autres de gérer, vous vous devez vous reposer.
- Je pourrais pas me reposer tant que je serais ici...
- Vous reprenez des couleurs, la perfusion fait effet. »
Le médecin rentre avec des papiers à la main :
« Bon... Vous avez meilleure mine déjà , vous devez boire ce soir un bouillon, un thé n'importe mais faudra continuer à vous hydrater. J'ai les papier pour l'arrêt, ainsi qu'une ordonnance pour un anxiolytique léger si vous avez besoin de plus, vous prenez rendez vous avec le psychiatre de ma part. Je vous ai mis aussi un anti vomitif pour les nausées, n'hésitez pas à manger léger les jours qui viennent mais à manger quand même, votre corps et votre cerveau doivent se remettre d'un choc, ils ont besoin d'énergie mais pas de choses difficile à digérer. Et il serait bien de ne pas rester seule vous avez de la famille à proximité ?
- Oui oui mes amies aussi » C'était un mensonge mais elle ne se sentait pas d'expliquer qu'elle préférait être seule, elle est comme un loup solitaire qui a besoin de se cacher au fond des bois pour échapper à la folie des hommes.
« Bon... Surtout n'hésitez pas à appeler votre psychiatre, bon courage et bravo pour votre geste
- Merci.. »
Il laisse la place à une infirmière qui vient enlever la perfusion. L'infirmière demande à Madame Bouffet de sortir le temps qu'elle s'habille avec ses habits de rechange. Elle hésite à remettre la veste du lieutenant… Finalement, elle l’enfile , le tissus est chaud et il ne gratte pas.
« Que voulez vous faire des vêtements tachés ? » L’infirmière n’est pas celle de tout à l’heure, elle est plus douce :
- ... C'est possible de les jeter ?
- Vous êtes sûre ? La police peut peut-être vous les demander ?
- Ha oui .... Peut-être...
- Je vous les mets dans un sac fermé, appelez les demain, ils vous diront quoi en faire
- Merci »
Diana frotte le pansement de la perfusion par habitude, elle se frotte toujours cet endroit pour se calmer ou s'aider à réfléchir.
Elle rejoint sa collègue et toutes deux se dirigent vers sa voiture.
« Merci de me raccompagner j'espère que ça ne vous dérange pas
- Non du tout c'est normal, c'est notre responsabilité aussi de vous accompagner au mieux. Vous pouvez joindre les psychologues de l'association si vous voulez.
- Je verrais oui »
Le trajet se passe en silence, Diana lutte pour ne pas s'endormir car si elle ferme les yeux, elle a peur de revivre la scène et elle n'est pas prête. Elle regarde son portable et voit plusieurs appels en absences, et beaucoup de messages de ses copines qui lui demandent pourquoi elle vient pas papoter sur leur groupe de copines, elle envoie un petit message pour dire qu’elle est encore au travail et que c’était un grosse journée puis l’éteint.
Il est presque 21 h quand elles arrivent enfin à l'entrée du petit village:
« C'est où votre maison ?
- Ce sera à gauche la première rue, on peut pas se tromper
- Ha oui, celle la ?
- Oui, c'est la deuxième maison sans portail
- D'accord, je la vois »
La secrétaire gare la voiture et envoie les indications à son mari par messages pour qu'il vienne la chercher.
Diana descend et cherche ses clefs dans son sac. Elle monte ses escaliers et ouvre avec soulagement la porte de sa maison.