Chapitre 5

2753 Words
Darkos s'extirpa de son lit en marmonnant. On ne pouvait même plus faire la grasse matinée en toute tranquillité. Quelqu'un était entrain de s'acharner avec hargne sur la pauvre sonnette de son appartement. Le judas lui renvoya l'image d'Eleni. «Par tous les dieux et déesses de l'Olympe, qu'est-ce-qu'elle fout ici celle-la ?» il jura entre ses dents. Il poussa un grognement et l'envie le prit d'ignorer la jeune femme mais la connaissant, elle n'allait pas s'en aller de si tôt. _ Dark mon chéri, ouvre-moi... Je sais que tu es là. Je t'ai apporté des pâtisseries. Il roula des yeux. Le prenait-elle pour un gamin. Il ouvrit soudainement la porte. Il reçut aussitôt une boîte rectangulaire en plein torse avec un bisou léger à l'appui. _ Cadeau ! Pourquoi es-tu parti hier comme un voleur ? s'enquit aussitôt Eleni en investissant les lieux d'un pas sautillant. _ Qu'est-ce que tu veux ? _ Je suis venu voir mon fiancé. _ Attends. Fian... quoi ?! Qui t'a donné mon adresse ? _ Je l'ai clandestinement cherché dans le registre du centre vu que tes coéquipiers ne voulaient pas me la donner pour je ne sais quelle raison. Joli appartement au passage. Ça manque juste de touche féminine, mais je vais arranger ça lorsque j'aménagerai. _ Pauvre folle, tu ne vas emménager nulle part, encore moins chez moi. Dehors ! il cingla en lançant la boîte au hasard sur une table. _ Quelle est cette façon de m'accueillir ?! _ Ici c'est chez moi, je t'accueille comme je veux. D'ailleurs tu n'es pas la bienvenue. Elle leva les yeux au ciel sans pour autant bouger. Cette fille était vraiment têtue. Chez elle c'était énervant alors que avec Érika, c'était amusant. Que de différences entre elles. Soudain une idée germa dans son esprit. Eleni allait peut-être lui être bénéfique au final... _ Eleni ? _ Oui chéri ? minauda-t-elle. Darkos se retint de ne pas la remettre à sa place en lui hurlant dessus. S'il voulait ces informations, il fallait la jouer "gentil". _ Tu sais, ton amie... _ Quelle amie ? elle questionna soudainement sur les gardes et avec un regard soupçonneux. _ La brune élancée avec qui tu as brièvement parlé hier. Elle est danseuse je crois. Sais-tu où elle réside en ce moment ? _ Pourquoi tu veux savoir ? Elle te plaît c'est ça ? Dans ce cas, je ne te le dirai pas. _ Ne sois pas ridicule. _ Je te connais bien Darkos, s'énerva la rousse dont les yeux brillaient de larmes. Quand tu as une femme dans le viseur, tu demandes des informations sur elle. Dois-je te rappeler que tu as fait la même chose avec moi il y'a de cela quelques semaines ? Tu demandais des informations sur ma personne à qui était capable de t'en fournir. Et il n'aurait pas dû. C'est vrai qu'il avait agit en connard par le passé, mais avec Érika c'était différent, tout était différent. Elle était entrain de le ramollir, c'est fou. Lui qui ne poursuivait jamais les femmes après avoir passé une nuit avec elles était entrain de piétiner sa règle sacro-sainte. _ Et moi qui pensais que tu avais changé. On m'avait prévenue que tu étais un vrai connard, j'aurais dû les écouter. _ Si tu essaies de me faire culpabiliser, c'est raté. Je ne t'ai jamais promis monts et merveilles. Tu t'es fait des illusions toute seule. Tu as alimenté des ragots sans mon avis. Alors fais-moi plaisir et efface ces larmes. _ Pourquoi faut-il que tu sois si dur avec moi ? elle geignit doucement. Je t'aime sincèrement. Si seulement tu- _ Si seulement rien du tout. Rentre chez toi maintenant. _ Dark ! _ J'ai dit: rentre chez toi ! _ Tu verras, tu finiras par tomber amoureux de moi, assura Eleni avant de marcher vers la sortie. _ Et je ne veux plus voir tes pieds chez moi, l'avertit-il alors qu'elle claquait sauvagement la porte d'entrée. Une petite boule de poils vint se frotter à ses pieds et il se calma instantanément. Darkos le porta et le cala contre son torse en lui caressant la tête. _ Hey Bad-boy, tu as faim ? Tu as envie d'une douceur hein champion ? En réponse à la question de son maître, l'animal aboya à trois reprises. Avec sa main libre, Darkos ouvrit agilement le paquet d'où s'échappait une agréable odeur de beignets. Il prit un tout petit morceau de fruit rouge se trouvant dans un des donuts et l'approcha au niveau de la truffe noire de l'animal. Après l'avoir reniflé, le chien s'empressa de le grignoter. Au moins si Eleni avait ensorcelé ce cadeau, c'est Bad-boy qui allait lui courir après, pensa-t-il avec amusement. En pénétrant le bureau de Charis le lendemain matin, Darkos vit que ses coéquipiers étaient déjà présents. Il fit des accolades à ces derniers. _ Coach, salua-t-il simplement son oncle avant de s'allonger nonchalamment sur le divan vu que les deux sièges en face du bureau étaient occupés par Yannis et Homer. Il soupira longuement. Il aurait préféré être ailleurs qu'ici, c'est certain. Tout à l'heure après cette réunion insensée et fort inutile, il avait une obligation auprès des cadets qu'il devait entraîner. Si cela n'avait pas été le cas, il ne serait peut-être pas venu. Il n'avait même pas pu dormir cette nuit. Érika l'avait malmené dans ses rêves les plus fous. Comment allait-il faire pour la retrouver dans tout Athènes ? _ Tu daignes enfin nous honorer de ta présence. Qu'ai-je dit à propos des retards ? Il ouvrit paresseusement un œil pour considérer son oncle. Encore un peu et on aurait pris ce dernier pour un lieutenant de l'armée. Il se montrait parfois si dur, surtout lors des entraînements. Mais seuls ses proches savaient que sous cette carapace se cachait un homme tendre. En attendant, Darkos allait devoir justifier son retard de trente minutes. _ Désolé, Bad-boy était malade alors j'ai dû l'emmener de toute urgence chez sa vétérinaire. Yannis ricana alors Homer arborait silencieusement une mine amusée. Ce n'était pas la première fois que Darkos mentait sur le compte de son pauvre petit westie afin de se tirer d'affaire. À chaque fois ça passait comme dans du beurre auprès du coach qui avait un faible pour ces animaux de compagnie. Mais ses coéquipiers eux n'étaient pas dupes. _ Mais bien-sûr. En passant, la vétérinaire était bonne ? Dark lui renvoya un sourire carnassier de tombeur. _ La ferme Yann. Si tu veux tout savoir, je l'ai effectivement goûtée et à deux reprises. Elle est sacrément bonne en plus. Je te refile son numéro puisque c'est ce que tu désires. _ Ordure, s'exclaffa Homer. Leur entraîneur gronda en soupirant. _ Messieurs, je réclame le silence car nous ne sommes pas là pour vos chamailleries de gamins. Vous vous raconterai vos aventures de bourreaux des cœurs à un autre moment. Bien, commençons la réunion. Comme je l'avais brièvement souligné auprès de Dark et je suis sûre qu'il vous en a parlé, fit-il en regardant les deux autres, nous allons accueillir un nouveau membre au sein de l'équipe. Sa phrase fut achevée par le rire sarcastique de son neveu qui, un bras plié derrière la tête, s'amusait à tripoter une balle décorative préalablement posée sur la table basse. Charis préféra l'ignorer. _ Quand arrivera-t-il ? Demanda Homer. _ Pour le moment je n'ai pas encore parlé avec lui. Cependant j'ai enfin pu avoir le contact de son père et je comptais l'appeler devant vous. _ Alors vas-y mon oncle. Appelle-le et que le cirque commence, railla le capitaine. Une serviette au cou, Érika retira ses chaussons de danse. Après avoir nettoyé sa figure en sueur, elle ouvrit une bouteille d'eau et bu de longues gorgées désaltérantes. L'entraînement d'aujourd'hui l'avait épuisée. Érika avait pris l'habitude de s'exercer avec acharnement tous les jours et sans exception. Mais avec son voyage et ses quelques soucis, elle avait relâché. Hier elle avait été contactée par Adelwin Kooijman qui voulait s'assurer qu'elle répétait toujours les pas de danse. Le vieilln homme n'était pas tranquille de la savoir si loin de la troupe alors que les répétitions se faisaient ailleurs. Pourtant Érika connaissait déjà par cœur le ballet qui allait être joué à Berlin. Pendant des mois, Kooijman en personne lui avait enseigné les moindres mouvements et pas de ce spectacle unique en son genre. Ça n'allait pas être une représentation classique, ni du déjà vu. Ce ballet, Kooijman l'avait imaginé en s'inspirant d'elle comme muse. Érika avait été emue lorsque l'ancien danseur étoile la lui avait racontée. L'histoire tragique "la ballerine écarlate" était celle d'une princesse au cœur de pierre. Personne ne comprenait d'où lui venait cette méchanceté surtout que le roi et la reine étaient tout le contraire de leur fille. Pour empêcher celle-ci d'étendre sa noirceur au monde extérieur, ils la cachèrent dans le château. Enfermée dans sa tour de verre, elle trouvait son salut uniquement à travers le ballet. Mais hélas, elle n'avait connu que l'obscurité régnant dans son être. Ses mouvements aussi gracieux soient-ils restaient dénués de vie et de lumière. L'amour donné par ses parents n'avait jamais pu chasser cette obscurité qui planait au dessus d'elle. Du haut de sa prison dorée, elle ne pouvait rien faire d'autre qu'admirer l'horizon. Un jour, une vieille femme s'arrêta au château pour demander l'asile d'une nuit. Afin de remercier le couple royal pour son hospitalité et ayant entendu parler des dons de la princesse en matière de danse, elle décida de confectionner à cette dernière une robe et une paire de chaussures d'un vermeil unique. La princesse enfila la robe et les chaussons de danse mais resta insensible devant ces merveilles. D'un air dédaigneux, elle refusa de danser avec. La vieille femme qui s'avérait être une sorcière entra dans une colère noire avant de lui jeter un sort. Pour avoir osé lui jeter son bienfait à la figure, la princesse fut condamnée à danser à tout jamais sans pouvoir enlever sa robe et ses chaussons rouges qui étaient devenus sa seconde peau. Son seul espoir pour lever la malédiction serait de trouver un prince charmant capable de lui faire éprouver l'amour, le vrai. En encore faut-il que l'élu tombe amoureux d'elle sans être au courant de ces conditions. Commença la danse macabre. C'est ainsi que la princesse se mit à danser encore et encore, traversant les vallées, les plaines, les montagnes, les forêts et autres à la recherche de l'amour. Ses pieds lui faisaient mal, mais elle n'y pouvait rien. Arrivée dans une clairière enchantée, elle fut prise pour cible par un prince qui la confondit avec un flamant rouge. Il ne pu s'empêcher de tirer et la flèche blessa gravement mais la malédiction ne s'effaça point. La princesse continua de danser tout en se vidant encore plus de son sang. Prise de pitié pour elle, le prince chasseur la conduisit jusqu'à son château pour la soigner. Incapable de lui révéler les conditions dans laquelle sa malédiction serait effacée, elle dû se résoudre à rester aux côtés de cet homme pour qui elle avait ressenti de l'amour dès le premier regard. Petit à petit, son cœur glacé commença à se réchauffer. Au fil des jours, son enveloppe de pierre s'effritait. Quand au prince, il était tombé amoureux à force de la voir danser si merveilleusement. Mais son besoin constant de bouger ne permettait pas à sa blessure de guérir vite. Au contraire, plus le temps passait, plus sa santé s'aggravait. Aux portes de l'agonie et de la mort, elle décida d'ouvrir son cœur au prince car elle savait que de toute les façons, il n'y aurait plus d'espoir après ça. Mais lorsque la réponse de ce dernier fut favorable, sa blessure commença à se cicatriser au point de disparaître complètement. Son corps arrêta ses mouvements de ballet, sa peau et ses cheveux retrouvèrent vie. Sa robe et ses chaussons prirent une couleur dorée, la malédiction fut levée, anéantie par le b****r qu'ils échangèrent. Malheureusement, William son partenaire de danse n'avait rien d'un prince charmant. Lors des répétitions datant d'il y a environ deux semaines, ce danseur capricieux aux allures de diva avait laissé Érika tomber au sol alors qu'ils essayaient une figure où il devait la porter haut avec la force d'un seul bras et tout cela en faisant plusieurs rotations sur lui-même. Par chance elle s'en était sortie sans rien de cassé. Cependant Adelwin son bon vieil ami refusait de lui trouver un autre partenaire sous prétexte que William avait le profil idéal. En tout cas c'était bientôt la fin de sa carrière alors elle pouvait bien supporté cela une toute dernière fois, à condition bien-sûr qu'il ne la laisse pas échouer au sol devant le public le jour J venu. Hier soir, une ambiance froide avait pris place autour de la table de la salle à manger alors qu'elle dînait en compagnie de ses parents. Comme Érika s'y était attendue, Izabel et Stravos avaient tenu à savoir où elle avait passé la journée et avec qui. Le pauvre Dimitri avait dû décrocher leur appel pour confirmer l'alibi d'Érika. Heureusement qu'elle n'allait pas les supporter aujourd'hui, ni demain, ni durant la semaine à venir. En effet, Izabel et Stravos allaient fêter leur jubilé de rubis. Et pour célébrer leurs trente-cinq années de vie commune, ils avaient décidé de se payer un séjour à Hawaï. Érika n'était pas descendue leur souhaiter bon voyage. À quoi bon puisqu'elle n'en avait rien à foutre. Cependant ce voyage tombait à point nommé car durant leur absence, elle allait en profiter pour déménager en catimini. Dimitri lui avait proposé de venir s'installer chez lui durant son séjour vu qu'il avait assez de place. Érika avait tout de suite sauté sur l'occasion. Non seulement ça lui fera moins d'argent à dépenser, mais aussi elle allait constamment être avec lui. Quand ses parents seront de retour, ils trouveront la maison vide de leur fille chérie et elle ne comptait pas leur fournir des explications ou leur communiquer sa future adresse. Au moment où elle reposait sa bouteille vide, le téléphone sonna en bas. Elle enfila un déshabillé blanc cassé sur son justaucorps puis descendit. La gouvernante avait déjà décroché. _ Allô, résidence des Sthathi ?... Non, monsieur Sthathi et son épouse sont absents. Qui les demande ?... Actuellement il n'y que leur - _ Qui est-ce ? intervint Érika avec curiosité. _ Une seconde je vous prie, dit-elle à la personne avant d'écarter le combiné pour répondre à Érika. Un certain monsieur appelé Kostas cherche à parler à votre père. _ Je ne connais personne de ce nom mais passez-le moi. Vous pouvez disposez. _ Bien mademoiselle, s'inclina la femme avant de la laisser seule. _ Bonjour, je suis Érika, la fille de Stravos. Que puis-je pour vous ? _ Oh... J'ignorais que ce cher Stravos avait également une fille. _ Vous voulez que je lui délivre un message? _ En fait..., hésita l'homme. Votre frère était-il là ? C'est surtout avec lui que je veux converser. Érika eut une grimace silencieuse. Encore un qui ignorait que Christos n'était plus de ce monde. À combien de personnes son père avait-il caché ça et pourquoi ? Ce n'était pas une honte de perdre un fils. C'était certes douloureux, mais ça arrivait à des milliers de gens chaque jour. Cependant elle se voyait mal jeter d'emblée à la figure de cet homme que son frère n'était plus sans savoir d'abord ce qu'il lui voulait exactement. _ Pourquoi vous voulez parler avec mon frère ? fit-elle méfiante. Et puis d'abord, qui êtes-vous ? _ Veuillez m'excuser, je manque à tous mes devoirs. Je suis Charis Kostas, coach de polo. Votre père et moi avions d'ailleurs joué de nombreuses fois ensemble mais c'était il y a de cela des années. Il se trouve que actuellement j'ai urgemment besoin d'un joueur. Et vu que autrefois il me racontait les prouesses de son fils, je me disais que peut-être votre frère serait intéressé. Érika faillit lâcher le téléphone. Il voulait que Christos joue pour lui. Comment une telle chose était-elle possible ? Une chose était sûre, s'il apprenait que son frère était en réalité décédé depuis treize ans, il allait raccrocher après s'être confondu en excuses. Elle tenait là sa chance. Sans réfléchir à deux fois, elle fit la chose la plus folle qu'il lui ait été donné de faire tout au long de sa vie. Après s'être assuré qu'aucun employé n'était dans les parages, elle se lança.
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