Chapitre 2

3812 Words
Érika écoutait distraitement sa mère faire ses éloges auprès du fils du gouverneur Californien, un certain Damian Ewing ou Lewis, peu lui importait. Elle savait ce que Izabel Sthathi essayait de faire : lui trouver un mari. En quelques sortes, elle forçait sa fille à payer sa dette. En se mariant, Érika lui donnerait la possibilité d'avoir des petits enfants qui remplaceraient Christos. Christos... _ ... Ensuite elle a fait ses preuves au conservatoire national de Paris, elle a également dansé sur les podiums des plus grands théâtres. Même le président français l'a vu à l'œuvre. N'est-ce pas fabuleux mon cher ? _ Effectivement, approuva l'homme d'une trentaine d'années. J'aimerais beaucoup vous voir danser mademoiselle Sthathi... Érika, vous m'écoutez ? La jeune grecque revint à la réalité lorsque sa mère lui pinça la jambe avec un air de reproche à l'appui. Elle ne supportait pas sa mère dans ce genre de situation. Par chance, son père n'avait pu venir ce soir sinon ils auraient été deux à lui pourrir l'existence, comme si la soirée n'était pas assez éprouvante pour elle. Érika se tourna vers le blond qui posait sur elle un regard charmeur. Cela faillit la faire grimacer. Avec un sourire poli, elle se força quand-même à converser. _ Pardon mais vous disiez ? fit-elle en manquant de soupirer une énième fois. _ Je disais que ça serait un honneur pour moi de vous voir prester. Quand est-ce que vous vous produirai à nouveau ? _ Oh... Je l'ignore. En fait elle voulait arrêter la danse pour reprendre l'équitation. Cependant elle craignait la réaction de ses parents. La plaie qu'avait causé la disparition de son frère était toujours béante pour eux. Ils risquaient fortement de ne pas apprécier ce choix. _ À vrai dire, je ne sais pense pas que ce soit possi- Izabel sut qu'Érika allait refuser alors elle se racla la gorge afin de la couper. _ Elle était sur scène à Shanghaï cet été pour prester dans l'adaptation sous forme de ballet du "Fantôme de l'Opéra". Elle a su sublimer le rôle de Christine Daaé en chantant et en dansant. Vous ai-je déjà dit que ma fille était une chanteuse hors-pair ? Un air ennuyé peint sur le visage, sa fille faillit répliquer qu'elle n'était pas si douée que ça en chant. En effet, elle n'avait fait que synchroniser les mouvements de ses lèvres sur une musique pré-enrégistrée et chantée par une artiste de renom. Mais Izabel blablatait tellement qu'elle ne put en placer une. _ Si je ne me trompe pas, le prochain spectacle est prévu à Berlin avec la troupe du célèbre Adelwin Kooijman. Nous comptons sur votre présence. _ Eh bien je serai honoré de me déplacer en personne pour venir y assister. Érika ne les écoutait déjà plus. Elle en avait marre de tous ces discours élogieux. Elle était un être humain avec des défauts nom de Dieu ! Pas une poupée barbie parfaite et bonne à danser. D'ailleurs, comment sa mère avait-elle fait pour être au courant de son planning ? Son agent lui en avait certainement parlé. Elle soupçonnait ces deux là d'être de mèche. Après tout c'est Izabel qui l'avait engagé. Portant son verre presque vide à ses lèvres, la jeune femme but lentement le liquide frais. Celui-ci fit du bien à sa gorge nouée. Elle n'avait fait que boire durant toute la soirée et n'avait pas touché à ses plats. Izabel avait semblé ravie, elle qui souhaitait tant voir sa fille conserver son corps filiforme de danseuse étoile. Alors qu'elle allait reposer sa flûte, un frisson parcourut sa nuque gracile. Elle se sentait observée. Étant habitué à l'être sur scène et à attirer l'attention des spectateurs, elle avait développé une sorte de sixième sens. Tournant la tête sur le côté, elle croisa le regard marron d'un homme assis un peu plus loin. Son expression était à la fois dure et remplie de... désir ? Qui était-ce ? Sûrement un homme d'affaires comme la majorité des mâles présents dans la salle ce soir. Encore un cancrelat qui avait décidé de la prendre pour son goûté. N'aimant pas la façon dont il la fixait comme si elle n'était qu'un bout de chair à pâté, elle lui jeta un regard rempli de dédain. D'habitude elle excellait dans cet art. Un seul regard meurtrier de sa part et l'homme le plus coriace battait en retraite. Mais il semblerait que ce soir, son pouvoir de dissuasion ne fonctionne pas. L'homme parut plus amusé qu'effrayé par sa tactique d'intimidation. Elle leva les yeux au ciel et décida de fuir la salle quelques minutes car l'air y était devenue irrespirable. Sa mère était plongée dans une conversation "passionnante" avec le jeune Californien. Pourquoi était-elle venue ici d'ailleurs ? Ah oui, étant des amis proches de la famille Loverdou, Izabel et elle se devaient d'accepter l'invitation. D'ailleurs en parlant des Loverdou, leur fille Eleni ne se gênait pas pour faire du charme à l'homme de tout à l'heure. Érika avait vaguement entendu dire qu'elle était en couple avec un célèbre joueur de polo. Était-ce lui ? Elle se rappelait du ton que sa mère avait employé au téléphone la semaine dernière lorsqu'elle avait refusé d'assister à ce cirque. Elle avait dit :«Oh que si tu viendras. Et peut-être que tu devrais prendre exemple sur Eleni. Tu te souviens d'elle ? C'était ton amie d'enfance. Elle s'est trouvé un homme figure toi. On entend dire que des fiançailles sont prévus.» Oui, Eleni et elle s'étaient brièvement côtoyées dans l'enfance, uniquement parce que leurs parents se connaissaient. Mais elle n'avait jamais pu supporter les manières de la rousse. Celle-ci n'avait jamais été désagréable, au contraire elle était même très gentille. Mais Érika n'avait jamais pu avaler ses manières de fille de bonne famille bien éduquée. D'ailleurs son compagnon -si c'était lui- semblait tout aussi agacé par ses gestes et piailleries incessants. Malheureusement si elle voulait se rendre dehors, il fallait qu'elle passe à côté de la table du couple. Voyant qu'Izabel n'avait pas son attention sur elle, Érika se leva discrètement. Après avoir lissé le bas de sa robe, elle prit la direction du balcon en implorant les dieux de l'Olympe pour que Eleni ne la reconnaisse pas. Elle baissa la tête en voulant tracer son chemin mais la voix stridente de la fifille chéri des Loverdou l'arrêta. Par chance Izabel était trop loin pour la percevoir car elle aurait compris que ça fille chérie tentait de s'échapper. _ Érika, c'est toi ?! Vu qu'on avait appelé son prénom et que l'attention de toute la table -y compris celle de l'Apollon- était braquée sur elle, la brune ne pouvait pas ne pas s'arrêter. Avec un sourire forcé, elle se stoppa et se retourna vers la petite rousse. _ Oh mon Dieu, que tu as changé ! Je ne t'aurais presque pas reconnue. Comment vas-tu depuis le temps ? Eleni faisait certainement allusion au fait qu'elle n'était plus joufflue comme avant, qu'elle n'avait plus de tâches de rousseur et d'appareil dentaire. _ Euh... Bien merci, répondit la brune avant de se mettre à triturer nerveusement son fin collier ras du cou. L'homme contre qui Eleni était collé gardait toujours le silence sans la lâcher des yeux. Il la fixait intensément comme s'il voulait lire au tréfonds de son âme. Malgré elle, Érika détailla brièvement son accoutrement. Il portait un simple costume fait sur mesure mais qui voulait conférer une apparence négligée et c'était réussi car ça le rendait plus sexy. Les deux ou trois premiers boutons de sa chemise étaient ouvertes et laissaient deviner un torse saillant à la musculature impressionnante. Cet homme devait à coup sûr passer sa vie dans les salles de sport. Peut-être même était-ce son métier. Elle remonta les yeux et croisa son expression froide mais amusée. Le goujat était sûr de son charme et affichait un sourire en coin qu'elle avait envie d'effacer avec une gifle. Mais elle ne pouvait nier qu'il était beau avec ce visage en diamant abritant des yeux perçants et son nez grec. Elle se força à détourner les yeux des lèvres tentantes de l'homme. _ Et toi ? se sentit-elle obligée de demander par politesse. _ À merveille comme tu peux le constater. J'ai appris pour ta carrière de danseuse étoile. Bravo. _ Merci, fit-elle platement en n'ayant aucune envie de s'éterniser. Après un «veuillez m'excuser» et une très légère inclination de tête, elle poursuit sa route. Elle prit le soin de choper au passage une nouvelle flûte remplie sur le plateau d'un serveur passant à côté d'elle. Tandis qu'elle quittait la salle, son dos la brûlait, il la fixait toujours et elle le sentait. Quelques secondes plus tard, elle se retrouva enfin sur le vaste balcon donnant sur le vaste terrain de jeu se trouvant un peu plus loin. La propriété des Loverdou avait été établie dans l'enceinte même du centre équestre. Alors qu'elle se dirigeait vers la balustrade, ses talons aiguilles claquèrent sur le sol carrelé de blanc et de noir comme un échiquier. Avec tous ces pots de fleurs posés un peu partout et ces arbustes palissés et montants, on se serait presque cru dans un jardin. Érika leva les yeux et contempla la noirceur du ciel nocturne. Une lune parfaite, des étoiles à perte de vue, tout était propice pour une atmosphère romantique. Malheureusement Dimitri n'était pas présent. L'air frais enveloppa agréablement sa peau peu couverte. La jeune femme déposa sa coupe sur la surface marbrée et épaisse de la balustrade. Remontant sa robe jusqu'à mi-cuisses, elle l'enjamba habilement grâce à son corps assouplie par toutes ces années passées à pratiquer de la danse. Elle frisonna lorsque la matière froide toucha sa peau. Après avoir trouvé l'équilibre en s'asseyant confortablement, elle reprit sa soupe de champagne aux framboises. Elle se mit à réfléchir en faisant balancer ses pieds dans le vide. Elle ne pouvait détourner son regard du terrain qui lui rappelait des événements tragiques : une chute, une mort, du sang, un coup de feu... Revenir en Grèce après toutes ces années d'absence l'avait chamboulé. Parfois, elle se disait que si elle avait obéi à Christos, ce dernier serait toujours vivant. Certainement qu'il aurait réalisé le rêve de Stravos leur père en devenant un grand joueur. Il aurait aussi fondé sa famille à lui... Ou peut-être qu'il aurait continué à collectionner les petites copines comme il savait si bien le faire, pensa Érika triste mais amusée. Ça fait longtemps qu'elle n'était plus montée à cheval. Elle n'avait pas développé une peur quant-à ces animaux, mais elle n'avait juste plus eu l'occasion de faire ça. Si on lui en donnait l'opportunité... Et surtout, si seulement son frère était encore de ce monde... _ Où que tu sois, je te dis "santé frérot", trinqua la jeune femme en levant son verre vers le ciel et en portant un toast. Elle vida d'un trait le liquide rose bulleux avant de saisir le fruit rouge avec ses doigts. Elle l'approcha de sa bouche pour le croquer. _ La nuit est belle n'est-ce-pas ? lança une voix dans son dos. Elle faillit avaler sa framboise de travers et en recracha un morceau sous l'effet de la peur. Sans sa légendaire aptitude à anticiper les chutes sur scène, elle aurait pu tomber. Érika tourna la tête en arrière pour voir à qui appartenait cette voix sombre et grave. Sans aucune surprise, elle découvrit l'homme qui n'avait cessé de l'épier. Il l'avait suivi. _ Si votre intention est de vous suicider, je pense que vous devriez y réfléchir à deux fois. Une beauté sauvage telle que vous devrait être immortelle comme les déesses Athéna et Aphrodite. Elle ne put empêcher une rougeur de se reprendre sur son visage. D'habitude, même le plus merveilleux des compliments n'arrivait pas à lui faire perdre ses moyens. Que lui arrivait-il ce soir ? Heureusement la nuit masqua sa peau cramoisie. Les yeux de l'homme brillaient d'un drôle d'éclat tandis qu'il marchait dans sa direction avec la lenteur d'un prédateur. _ Je n'avais pas l'intention de mettre fin à mes jours. Alors de quoi vous vous mêlez ? Et puis d'ailleurs qu'est-ce que vous faites ici ? _ Bonsoir. Je me présente : Darkos Antoniadi. Elle le fixa d'un air perdue et perplexe. _ Et ? _ Vous le savez déjà n'est-ce-pas ? _ Non et je m'en moque. _ Vous n'avez jamais entendu parlé de moi ?! s'indigna-t-il un peu outré. Il se demanda si elle jouait la comédie. Certaines femmes faisaient semblant de ne pas le connaître afin de cacher leurs jeux. Par ce moyen, elles tentaient vainement de camoufler leurs visages de croqueuses de diamants. Pourtant il ne lisait que sincérité chez celle-ci. _ Je devrais ? _ Oui, je suis le capitaine de l'équipe nationale de polo. "Oh" pensa-t-elle simplement. Ainsi donc la rumeur disait vrai et elle avait également vu juste lorsqu'elle s'était dit que ça devait être lui le fameux fiancé d'Eleni. _ Eh bien toutes mes félicitations monsieur le joueur de baballe. Mais ça ne m'impressionne pas du tout. Je pense même qu'avec toute cette présomption qui émane de votre personne, vos couilles ont dû éclater depuis fort longtemps à force d'enfler, cingla-t-elle platement avant de se remettre à admirer la lune. Elle entendit un rire grave juste derrière elle. Sans qu'elle ne s'y attende, deux grandes mains fermes se posèrent sur sa taille. La seconde d'après, elle fut tirer en arrière malgré elle. _ Hey! Mais qu'est-ce que vous faites. Ne me touchez pas espèce de mufle, je suis une dame. La mâchoire anguleuse de Darkos tressaillit lorsqu'il réprima un rire. Amusé, il la reposa délicatement au sol alors qu'elle se débattait pour se soustraire de ses bras. Elle avait l'air si fragile et pourtant si forte. _ Je n'ai jamais insinué le contraire ma jolie. Je veux juste m'assurer que vous ne tombiez pas par inadvertance. Les balcons peuvent parfois être dangereux, susurra-t-il sans lâcher sa taille fine. _ Je vous ai dit d'ôter vos pattes. Pour qui vous vous prenez ? _ Pour votre prochain amant. Érika voulut le gifler mais il anticipa le geste et l'arrêta avant que la paume de sa main n'entre en contact avec sa joue. _ Pas de coup. On ne vous a jamais appris la politesse ? _ Et vous, on ne vous a jamais appris à ne pas déranger une femme qui veut être seule dans son coin? _ Pourquoi ? _ Pourquoi quoi? _ Pourquoi voulez-vous être seule dans votre coin Érika ? Sa question sembla la déstabiliser et Darkos s'en félicita. Enfin une faille dans le système de cette divine femme. _ Je vous observe depuis tout à l'heure et vous m'avez l'air bien soucieuse. _ Ce ne sont pas vos affaires monsieur Antoniadi. _ Appelez-moi Darkos. _ Je m'en contrebalance de votre prénom à la noix monsieur le snobinard. Laissez-moi tranquille. _ J'aime bien votre caractère de feu Érika. Mais avec moi, vous allez vous éteindre bien vite. Il avait hâte de dompter cette chatte sauvage. _ Vous m'avez l'air trop sûr de vous. Je ne suis pas une jument à dresser et personne ne me domine monsieur Antoniadi. Encore moins un homme imbu de sa propre personne, le narga-t-elle avec le menton fièrement levé en signe de défi. Il partit dans un rire guttural qui fit bouger sa pomme d'Adam. Érika ne rata aucun des mouvements de celle-ci. Physiquement, ce Darkos était un homme, un vrai. Seul bémol, c'était un coureur de jupons donc il ne devait pas rester grand chose de son cerveau. Et rien que pour ça, elle le trouvait détestable. _ Comment pouvez-vous dire une telle chose alors que vous ne me connaissez même pas ? _ Oh mais je n'ai pas besoin de vous connaître pour savoir que vous êtes un don Juan s'amusant à sauter sur tout ce qui bouge, elle feula en le pointant du doigt. J'ai vu la façon dont vous traitiez Eleni Loverdou et ça me suffit pour me faire ma propre opinion sur votre personne. _ Nous-y voilà. Que ce soit bien clair, il n'y a rien de sérieux entre Eleni et moi c'est à ce que la presse s'évertue à faire croire au gens. C'est juste une histoire de sexe et ça s'arrête là. _ Vous n'avez pas besoin de vous justifier. On ne se parle que depuis cinq minutes, je n'ai pas besoin de connaître votre vie privée. D'ailleurs j'en ai ma claque de cette conversation. Adieu. Quand elle voulut le dépasser, Darkos la prit habilement par les deux mains et la cloua au mur le plus proche. Érika eut le souffle court. Les feuilles de l'arbuste lui chatouillèrent le dos. Le visage de Darkos n'était plus qu'à quelques centimètres du sien. _ Vous restez là, il ordonna d'une voix suave mais ferme qui la fit frémir. _ Non mais quel forceur vous êtes ! s'exclama Érika intimidée par sa taille et son aura. En cet instant précis, il aurait pu faire tout ce qu'il voulait d'elle. Il aurait même pu la v****r. Elle se rendit compte de la dangerosité de la situation. Mais bizarrement, elle n'avait pas peur. Au contraire, elle avait cruellement envie de sentir les lèvres de cet "inconnu" sur les siennes. Darkos parût percevoir son désir égal au sien. Avec un sourire, il pencha un peu plus son visage d'elle. Érika ferma les yeux et entrouvrit légèrement ses lèvres charnues dans l'attente d'un b****r fougueux. Cependant la bulle de passion qui les avaient enveloppée éclata lorsqu'on prononça son prénom au loin. _ Érika ?... _ C'est ma mère, chuchota-t-elle à la fois affolée et amusée. Si Izabel la voyait dans cette position fort compromettante, ça allait barder. Les pas de cette dernière raisonnèrent non loin d'eux. D'où ils étaient, elle ne pouvait les voir à moins de s'avancer jusque sur la plate-forme. _ Bon sang où est-elle passée ?! Érika ! continua Madame Sthathi visiblement énervée. Si tu m'entends, tu as intérêt à revenir à table. _ Je dois y aller, la danseuse murmura dans un soupir à l'endroit de Darkos. _ Non. Laissez-la vous chercher. Venez avec moi, je vais vous faire visiter la ville. _ Je vous rappelle que je suis une grecque, je n'ai donc pas besoin d'un guide touristique. _ D'après les dires d'Eleni, vous avez passé beaucoup de temps en Europe. Vous avez donc dû oublier certains coin d'Athènes. Érika perdit subitement sa bonne humeur à l'entente prénom de sa maîtresse. _ Je ne peux pas. Elle risque de s'inquiéter, fit-elle sèchement avant de se dégager. À contrecœur Darkos laissa la belle Érika filer. En empruntant le couloir qui menait à la salle de balle, elle faillit percuter sa mère. _ Où étais-tu encore passée ? _ Désolée mère, j'étais juste partie me refaire une beauté. _ Damian Ewing demande d'après toi. Reviens t'asseoir pour faire connaissance avec lui, siffla-t-elle avant de la forcer à avancer. Ce type était vraiment borné. Ne voyait-il pas qu'elle ne voulait pas de lui? Malheureusement il avait le soutient d'Izabel. Érika tenta de résister mais les ongles de sa mère pénétrèrent sa peau. Il n'y avait personne dans le couloir pour entendre ses protestations alors qu'elle se faisait tirer comme une poupée de chiffon. _ Mamá me afísei na páo me pligotheís ! Stáseis ! (Maman lâche-moi, tu me fais mal ! Arrête ! ) _ Óchi arkeí, stamatás na káneis to paidí (non ça suffit, toi cesse de faire l'enfant), gronda Izabel. Je veux juste ton bonheur. _ Il me semble l'avoir entendu vous dire d'arrêter, fit la voix grave et tonnante de Darkos dans leur dos. Tel un jaguar noire, il venait de surgir de l'obscurité. Madame Sthathi sursauta en lâchant instantanément le bras de sa fille. Darkos tentait de maîtriser sa fureur. Quelle genre mère était cette femme pour traiter son enfant de la sorte ? Érika frotta son bras endolori tandis que sa mère posait un regard étonné sur Darkos. Elle qui aimait agir comme une dame en société venait d'être prise sur le fait. Embarrassée, elle se mit à bafouiller lorsqu'elle reconnut Darkos. Cependant elle se maîtrisa assez vite. Darkos put constater à quel point les deux femmes étaient identiques. C'est donc à ça que Érika ressemblera dans vingt ans? Intéressant... S'insultant mentalement pour avoir eu de telles pensées, il se reprit immédiatement. _ Monsieur Antoniadi, quel plaisir de vous rencontrer enfin. Nous n'avons pas été présentés il me semble. Je suis Izabel S- _ Y'a t'il un problème mademoiselle ? coupa-t-il en s'adressant à Érika et en ignorant Izabel. _ N-non je- _ Veuillez nous excuser pour ce léger... problème. Il se trouve que ma fille Érika ici présente est une vraie tête de mule par moment. _ Et est-ce une raison pour la traiter ainsi ? Elle est majeure et maîtresse de ses décisions il me semble. _ Eh bien elle- _ Votre mère est-elle entrain de vous importuner Érika ? Cette dernière fut partager entre l'envie de dire "oui" et celle de ne pas humilier sa mère qu'elle aimait malgré tout. Cependant pouvait-elle se permettre de préférer un étranger à sa propre génitrice ? Sur elle, le regard de Darkos se faisait insistant au même titre que celui d'Izabel. Elle s'arma d'un masque de neutralité puis répondit : _ Non, tout va bien monsieur Antoniadi. Nous ne faisions que discuter. Déçu par la lâcheté de la jeune femme qui n'osait pas tenir tête à sa mère, Darkos décida de les laisser seules. Après tout, il n'était pas du genre à imposer ses envies aux femmes aussi belles soient-elles, et ce n'est pas avec cette Érika que ça allait commencer. Au départ il l'avait cru différente de toute ces filles de bonnes familles, toutes ces potiches robotisées désireuses de s'aligner derrière l'éthique aristocratique. Apparemment il s'était lourdement trompé à son sujet. _ Bien, dans ce cas je vous laisse. Bonne soirée. Il les dépassa en entendant brièvement Izabel chuchoter quelque chose de cinglant à sa fille. Les hostilités reprirent entre elles mais Darkos décida de s'en laver les mains. Il venait déjà d'essayer de l'aider mais sans succès. Voyant qu'Eleni était accaparée par ses amies, il décida d'en profiter pour se sauver. Alors qu'il allait ouvrir sa portière pour s'asseoir sur le siège avant, il entendit quelqu'un dévaler les marches de la gigantesque bâtisse des Loverdou. Il tourna la tête dans la direction du bruit pour savoir qui faisait autant de vacarme. Croyant au départ qu'il s'agissait d'Eleni, il s'apprêtait à la rembarrer mais se pétrifia en apercevant Érika au loin. Elle courait sur ses talons vertigineux, un véritable exploit et régal pour les yeux du grec. Dans la nuit éclairée par la lune, son corps mouvait avec grâce et élégance. _ Monsieur Antoniadi attendez, ne partez pas ! J'ai changé d'avis, emmenez-moi avec vous.
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