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KIT
Chaque habitant de Cutthroat avait entendu la nouvelle à propos d’Erin. Parmi les vingt-mille habitants, je ne pouvais pas connaitre tout le monde, mais tout le monde connaissait Erin Mills, ou au moins le nom de Mills. La nouvelle s’était répandue comme un feu de paille. Chacun cherchait à alimenter la rumeur, auprès de moi. Ils se moquaient que cela soit cruel, qu’Erin soit mon amie, ou que sa tête ait été fracassée. Après qu’on m’ait laissé quitter l’hôpital et ramenée à ma voiture—avec les consignes strictes de ne pas quitter la ville avant qu’un inspecteur ait pu prendre ma déposition—j’étais allée au bureau.
Je n’avais nulle part d’autre où aller. Je n’habitais avec Erin que provisoirement. Je voulais économiser un peu d’argent et chaque sou gagné atterrissait dans la caution et le premier mois de loyer. Je n’avais pas grand-chose à moi, la tendance de ma mère à l’accumulation m’avait amenée à l’opposé et je ne gardais que l’essentiel. J’avais une télé et un canapé, un lit même, mais ils étaient stockés dans un garde-meuble en attendant que je trouve un chez-moi. Et cela ne serait pas pour tout de suite, ou du moins pas pour quelque chose de décent ni même de définitif.
« On ne parle que de ça. » Ma mère était inquiète et cela n’était pas bon signe. Sa voix déjà tendue d’ordinaire était stridente dans le téléphone.
« Oui, je sais, » répondis-je en faisant les cent pas le temps de la laisser parler. Je l’avais appelée pour lui dire que j’allais bien et qu’elle ne devait pas s’inquiéter. Oh, elle s’inquiétait, mais pas pour moi.
« Tu ne penses pas qu’ils vont venir chez moi, n’est-ce pas ? »
Je fronçai les sourcils. « Qui ? Le meurtrier? »
Elle haleta. Merde, boulette. « Je n’avais pas pensé à ça. Je suis seule. »
Je roulai des yeux. Elle était seule de son plein gré. Sa maladie mentale ne lui laissait pas d’autre possibilité. Ses médicaments lui donnaient un équilibre mais à peine plus qu’un funambule. Un pas dans la mauvaise direction et elle sombrerait dans la démence. Non, sa fièvre accumulatrice avait atteint de telles proportions que personne ne pourrait s’en prendre à elle, tant il était impossible de l’atteindre physiquement. Je ne m’inquiétais pas qu’un malade vienne s’en prendre à elle et lui défonce le crâne. Non, je craignais davantage un incendie.
« Tu es en sécurité. Vraiment. Ce devait être quelqu’un qu’Erin connaissait et avec qui elle s’est disputée. »
Du moins, c’est ce que j’espérais.
« La police ne va pas venir alors ? »
« Ils n’ont aucune raison de le faire. »
« Mais tu n’as pas dit que tu étais là ? »
« Non. » Je m’effondrai sur le canapé en essayant de repousser l’image d’Erin gisant au sol. « Maman, rien ne change pour toi, et rien ne changera. »
« Tu as pris mon billet de loterie ? Et la facture d’électricité ? »
Je soupirai aussi silencieusement que possible. « Oui, pour les deux. Je dois y aller. Je t’appelle demain. » Je raccrochai et laissai tomber mon téléphone sur le coussin à côté de moi. Je me demandai comme j’allais payer ses factures sans travail.
Je ne pouvais manifestement pas habiter chez ma mère. Ce n’était plus une option depuis que j’avais quitté le lycée. Son anxiété était trop grande pour me supporter dans sa maison, et son accumulation frénétique avait rempli ma chambre de bazar. Je ne pouvais pas prendre le risque de la faire rechuter. Si un meurtre ne ravivait pas l’instinct maternel de ma mère, rien n’y ferait.
M’approchant du bureau, j’avisai un élastique à cheveux et coiffai les miens en queue de cheval. p****n, quelqu’un accepterait-il seulement de me prendre comme locataire ? Nix ne m’avait interrogée que quelques minutes mais ça allait venir. J’étais au bout du couloir quand elle avait été tuée. Pourquoi n’avais-je rien entendu ?
Les urgences avaient pris plusieurs échantillons de mon ADN. Ainsi que des photos. On m’avait examinée pour vérifier que je n’avais pas été blessée, ensuite une gentille infirmière m’avait laissée prendre une douche et m’avait donné des vêtements propres. Je regardai mon t-shirt blanc, mon sweat-shirt et mes tongs. Pas la dernière mode, mais au moins, ils n’avaient pas de taches de sang.
Le téléphone de la société avait sonné toute la journée. J’avais craint au début qu’un de nos évènements ait eu un problème mais j’avais rapidement compris que toute la ville cherchait à apprendre des détails salaces sur Erin, de son coiffeur au journal local.
Après ça, j’avais décroché le téléphone pour pleurer un bon coup. J’avais pour habitude d’être seule, mais là… j’avais franchi une autre étape.
Je passerais la nuit ici, le canapé en cuir était suffisamment confortable—Erin n’aurait pas toléré qu’il ne le soit pas—et aviserais de la suite demain. J’essayerais de sauver ce qui était encore possible des événements que nous avions en préparation. Si les gens voulaient toujours travailler avec nous.
Pas nous. Moi.
Putain. Erin était morte. C’était sa société.
Je bondis sur mes pieds en entendant frapper à la porte.
« Kit, c’est moi, Nix »
Mon cœur manqua un battement et je me redressai, tirai le verrou et lui ouvris. Il avait la même apparence que ce matin, son regard affuté m’analysait. Toujours séduisant à sa manière, grand et large d’épaules. La barbe se dessinait sur ses joues et je me demandai si elles étaient douces ou rugueuses. Mon dieu, quelles sensations laisseraient-elles contre mes cuisses ?
« Tu vas bien ? » demanda-t-il en refermant la porte derrière lui. Il me dévisagea, assez longtemps pour voir que j’étais une épave et que j’avais pleuré. Mais au moins, je n’étais plus couverte de sang.
Je ris, à la fois parce que je réalisais qu’il me dévisageait, mais aussi parce qu’après une telle journée, je pouvais difficilement aller bien. Alors je soupirai. « Mon amie est morte. Je n’ai nulle part où aller. Mon salaire doit être sous séquestre, et je n’ai plus de travail. La seule chose qui pourrait arriver de pire serait que tu viennes m’arrêter. »
Son regard sombre soutint le mien, mais il ne répondit rien.
« Oh mon dieu, tu es venu m’arrêter. » Je me léchai les lèvres, gagnée par un début de panique. Alors que je l’imaginais me plaquer contre le mur pour mon propre plaisir, lui ne voulait que—
« Je ne suis pas venu pour t’arrêter. Mais je ne vais pas te mentir. Tu fais partie des suspects. »
J’eus encore envie de pleurer mais je ravalai mes larmes. Non. « Tu es venu me chercher pour m’interroger ? » Ma petite voix était nerveuse. Je n’avais pas d’argent pour prendre un avocat.
Il secoua la tête. « Demain. »
« Alors pas de pistes ? Personne n’a été pris la main dans le sac. »
« Nan… Tiens, je t’ai apporté une partie de tes affaires. » Je reconnus mon petit sac de voyage. « J’ai trouvé ça par terre devant ton placard. Je n’étais pas exactement sûr de ce dont tu avais besoin. Ça devrait te permettre de tenir le temps que les scellés soient levés sur la maison et ensuite, tu pourras tout récupérer. »
Je rougis en l’imaginant en train de farfouiller dans mon placard et, oh mon dieu, dans mon tiroir à petites culottes. Ses grosses mains glissant entre la soie et la dentelle. Rien de tape à l’œil et tout acheté en solde mais j’aimais les jolis sous-vêtements.
« Merci. »
« Je suis aussi venu te chercher pour te ramener à la maison. »
« Je peux rester ici. J’ai déjà fait la sieste sur ce canapé. Il est confortable. »
Son regard acéré parcourut la pièce. « Ce n’est pas une scène de crime, mais nous mènerons une perquisition demain. »
Je regardai autour de moi. « Oh. » Bien sûr. Ils devaient enquêter sur tous les aspects de la vie d’Erin. Son ordinateur était là, ainsi que toute la paperasse. Ce n’était certainement pas bon que je reste là. Cela ne ferait qu’aggraver mon cas. Mais qu’allais-je bien pouvoir faire ?
Il hocha la tête sans dire un mot.
« Son état a encore empiré. Son univers est un château de cartes, ou une maison de papier journal, d’achats sur internet et de pièces remplies de foutoir jusqu’au plafond. Le moindre changement dans sa routine quotidienne et elle rechute. Je lui ai rendu visite quelques fois depuis mon retour mais jamais plus de quelques minutes, cela fait grimper son anxiété. Notre seule interaction reste que je paye ses factures en ligne et que je lui parle au téléphone. »
Je lus de la compréhension plus que de la sympathie dans ses yeux. L’école avait été rude, les autres enfants se moquaient de moi à cause de ma mère foldingue. Mais jamais Nix, pas une seule fois. « Pas chez ta mère. Tu vas venir chez moi. »
Je le fixai la bouche grande ouverte. J’aurais été moins surprise s’il m’avait annoncé qu’il était venu m’arrêter. « Chez toi ? »
Il acquiesça.
Je fronçai les sourcils avant de me tourner vers la fenêtre et de regarder la rue en contrebas. La vie suivait son cours, sans problème, les gens profitant de la soirée d’été dans les restaurants et les petites boutiques. Aller chez lui était un de mes fantasmes depuis des années, mais non. Non. Je devais arrêter de m’imaginer des bêtises sur lui en train de me dévorer, moi ou toute autre femme. Il devait y avoir une meilleure explication, une explication rationnelle.
« Tu as peur que je m’enfuie, n’est-ce pas ? »
Je l’entendis soupirer. « Le meurtrier est en cavale. Je ne veux pas que tu sois seule ici. »
Je me retournai si vite que le monde vacilla un instant. Je croisai le regard sombre de Nix. « Tu penses…. Tu penses qu’il va s’en prendre à moi ? » Je posai une main sur ma poitrine. p****n de merde.
Il haussa ses larges épaules. « Nous n’avons aucune raison de le penser, mais tu étais là. p****n, il s’est peut-être simplement trompé de maison. Avant d’en être sûrs, je veux que tu sois en sécurité. »
Il s’avança vers moi, trop près, et repoussa derrière mon oreille une mèche de cheveux oubliée. Un geste simple mais pas de ceux qu’un inspecteur devrait avoir envers un suspect.
Le fait de penser que Nix veille sur moi était séduisante et j’en eus très envie. Je ne voulais pas affronter cette situation toute seule. Je le ferais, comme toujours. J’avais pris soin de ma mère et non l’inverse. C’était encore le cas. Mais avoir l’aide de Nix ? Qu’il me serre contre lui ? Qu’il veille sur moi et me débarrasse de ces ennuis ?
« Je serai en sécurité, » répétai-je d’une voix neutre.
Non, cela n’arriverait pas. Nix était du genre à résoudre les problèmes. Il faisait ce qu‘il fallait. C’était son métier. En tant qu’inspecteur. Je ne voulais pas de ça. Ou plutôt je ne voulais pas me contenter de ça. Je voulais plus de lui, tellement plus. J’en pinçais pour lui depuis le lycée et je bavais quasiment sur lui à chaque fois qu’il rentrait de la fac. Nous nous étions vus quelques fois pour parler de l’organisation du bal annuel de la police. Un dîner. Un café. Il ne m’avait jamais ramenée chez lui, pas plus qu’il ne m’avait embrassée en douce dans sa voiture. Un b****r sur la joue à la porte de mon appartement, mais je lui avais offert mon cœur—bien qu’il n’en ait jamais rien su. Un amour non réciproque.
Mais j’avais compris, compris qu’il ne voudrait jamais de moi. Je n’étais pas son genre, et cela m’avait fait mal. Tellement que j’avais décidé de quitter la ville.
Bien que j’apprécie sa sollicitude—je doutais qu’il invite tous les suspects chez lui—je ne pouvais pas accepter. Mon cœur ne pourrait le supporter. Une année passée loin d’ici aurait dû atténuer les sentiments que j’avais pour lui, mais non. p****n, non. Je voulais toujours de ses grosses mains sur moi. Sentir la tension de ses muscles sous mes doigts. Je me demandais ce que ses lèvres feraient sur les miennes, ou ailleurs.
Un pur fantasme et j’aurais dû en être remise maintenant. Il ne voulait pas de moi—ou de toute autre femme—du tout. J’avais espéré qu’une année apaiserait mes émotions, mais non.
La mort dans l’âme, je répondis :
« Je suis bien ici. » Je tendis le bras vers le canapé. La fortune d’Erin transpirait jusque dans la manière dont la pièce avait été décorée. Rétro chic de couleur crème et rose pâle. Du verre moderne mélangé à de vieilles briques et les poutres en bois. Elle avait même un chariot de boissons dans un coin. Haut de gamme. Tout comme Erin.
« Kit, » dit-il en soupirant, en faisant mine de s’approcher de moi. Il se ravisa, ayant certainement lu sur mon visage que ce n’était pas le moment. « Ce n’est pas la seule raison pour laquelle je veux te ramener chez moi. Je– »
« Et comment va Donovan ? » l’interrompis-je en reculant.
Il fronça les sourcils clairement surpris de cette question. « Il va bien. »
Donovan Nash était l’autre genre homme qui me faisait palpiter. L’opposé de Nix. Blond, taillé comme un char d’assaut. Tout aussi séduisant. Et beau. Et drôle. Et tant d’autres choses. Il s’était joint à nous à plusieurs occasions pour la préparation du bal, mais rien n’en était ressorti, peu importe à quel point j’en avais envie. J’avais été inconsciente de m’enticher de deux hommes. Avec le recul, tout était évident. Et je me sentais d’autant plus stupide. Stupide de penser que non seulement un homme canon pourrait s’intéresser à moi, mais deux ?
« Je ne peux pas te laisser passer la nuit ici. » Je ne l’avais jamais vu me regarder comme ça auparavant. Avec quelque chose de sombre et presque possessif.
Cela dit, c’était tout à fait déplacé.
« Je sais que tu aimes protéger les gens—»
« C’est toi que je veux protéger, » dit-il en m’interrompant. « Je pensais… je pensais qu’il y avait quelque chose entre nous. Avant. »
« Avant que je ne quitte la ville ? » demandai-je presque agacée. Il se moquait de moi.
« Pourquoi es-tu partie, Kit ? » demanda-t-il.
Comme s’il ne le savait pas.
J’ouvris grand les yeux et la bouche. « Tu es sérieux ? Tu me demandes vraiment ça maintenant ? »
« Cela fait cinq semaines que tu es revenue et la première fois que je m’en rends compte, c’est quand je te vois ce matin couverte du sang de ton amie. »
« Comme je disais, maintenant ? ». J’étais fatiguée, paniquée et tout cela transpirait sous forme de colère et de frustration.
« Je pensais que nous étions amis. » Il passa une main sur sa nuque. « Je pensais même que nous étions plus que ça. »
La porte du bureau s’ouvrit et je sursautai. Eh oui , terrorisée. Nix tendit le bras comme pour me protéger de quiconque voulait entrer.
Donovan passa la tête par la porte du bureau en souriant. Mon cœur bondit dans ma poitrine. Ce sourire enjôleur n’avait pas changé d’un iota depuis la dernière fois que je l’avais vu, un rappel instantané des raisons qui m’avaient fait quitter la ville, que je n’avais pas oublié non plus.
Ces deux hommes m’intéressaient. Encore aujourd’hui. C’était dingue. J’avais eu le temps d’y réfléchir pendant mon année d’absence. Pourquoi désirer deux hommes ? Pourquoi diable aurais-je envie de deux hommes qui ne voulaient pas de moi ? Et qui se désiraient l‘un l’autre.
« Mon petit chat, » dit-il en entrant dans la pièce avant de me prendre dans ses bras. Il était dur, partout. Chaud. Rassurant. Mon dieu, son odeur. Je pensais l’avoir oubliée mais non. Elle était accrochée à ma mémoire, tout comme le surnom qu’il me donnait. Rien n’avait changé. « Nix m’a dit que tu étais de retour, mais doux Jésus, quand tu reviens, fais-le nous savoir. »
Il ne souriait pas en prononçant ces derniers mots. Bien sûr qu’il savait. Travailler au bureau du Procureur lui donnait un accès direct à ce que Nix et ses hommes avaient pu trouver.
« Je suis désolé pour Erin, » murmura-t-il en me regardant.
Il pouvait voir à coup sûr que j’avais pleuré. Je portais des vêtements fournis par l’hôpital et j’étais dans un sale état. J’avais à peine pu me recoiffer à la main après la douche prise à l’hôpital.
« p****n, c’est terrible. »
Il recula pour se placer à côté de Nix. Les voir tous les deux—gaah !—ensemble. L’un brun, l’autre blond. Un sérieux et un… facétieux. Nix faisait cinq centimètres de plus que Donovan, mais il avait la carrure d’un joueur de football. Je les avais tous les deux dans la peau et pourtant, ils allaient me laisser là, seule, et rentrer chez eux. Ils ne voulaient pas de moi, n’avaient pas besoin de moi. Ils étaient tout l’un pour l’autre.
Il fit un signe de tête à Nix. « Il va découvrir ce qui s’est passé. »
« Je sais. » Je savais que Nix découvrirait la vérité, qu’ils trouverait l’assassin. « Que fais-tu ici ? » C’était une chose qu’un inspecteur rende visite au suspect d’un meurtre, mais le procureur ? Oh. « Oh mon dieu, j’ai besoin d’un avocat ? »
Je regardai Nix fixement.
« Quoi ? » demanda Donovan un peu perdu en arquant un sourcil. « Mon dieu, non. Je suis venu rejoindre Nix pour te ramener à la maison. D’ailleurs, allons-y. »
« Allons-y ? »
« Tu rentres avec nous, » ajouta Donovan, répétant exactement ce que Nix avait dit quelques minutes plus tôt. Alors comme ça, ils habitaient ensemble maintenant. De mieux en mieux.
Jamais de la vie je n’irais. Je ne pouvais pas vivre sous le même toit qu’eux. Mon cœur ne le supporterait pas.
« Elle n’a pas encore accepté, » lui dit Nix.
« Et pourquoi donc ? Il y a un meurtrier dans la nature. p****n, à la seule pensée que tu aies dormi au bout du couloir pendant que– » Donovan serra les poings, mais ne finit pas sa phrase. Il avait beau être un homme de loi, il n’était pas tendre.
Nulle part.
« J’étais en train de lui demander pourquoi elle avait quitté la ville, » reprit Nix.
« Ce n’est pas un interrogatoire, » répliquai-je.
« Je pense que nous méritons une explication. »
«Oui, petit chat, pourquoi es-tu partie ? »
Mon dieu, ce que je ressentais quand Donovan m’appelait ainsi…
Impossible de les regarder tous les deux. Ils étaient trop parfaits. Trop pour que mon cœur puisse le supporter. Cette journée avait été horrible. Ma vie était un cauchemar. Les choses n’allaient pas empirer si je leur racontais toute l’histoire, la vérité. Rien n’y ferait. Ils ne voulaient pas de moi. Ils partiraient, et je m’installerais sur le canapé pour la nuit. Et peut-être qu’enfin, je pourrais tirer un trait sur eux.
« Très bien. » Je me retournai et posai les mains sur mon bureau, fixant la surface vitrée. « C’est à cause de vous deux que je suis partie. »
« De nous ? » demanda Nix en fronçant ses sourcils sombres. « Tu aurais dû rester à cause de nous. »
Mes yeux s’emplirent de larmes et je secouai la tête. « Je ne pouvais pas rester en ville. J’ai été stupide. »
« De nous désirer ? » demanda Nix.
« Tous les deux ? » ajouta Donovan, dont la voix avait pris une tonalité pleine d’espoir.
J’acquiesçai en me retournant pour leur faire face. Je levai les yeux pour affronter leurs regards. « Je vous désirais tous les deux mais c’est vous qui ne vouliez pas de moi. Vous n’avez pas besoin de moi. Chacun de vous a besoin de l’autre. »
Ils se regardèrent avant de se tourner vers moi. « Mais p****n de quoi tu parles ? » demanda Nix.
« Vous voulez que ce soit moi qui prononce ces mots ? »
Donovan posa les mains sur ses hanches. Bien qu’il travaille au bureau du procureur, il ne portait pas de costume, mais un pantalon bleu marine et une chemise. Pas vraiment un cowboy mais pas non plus un citadin.
« Oui. »
« Eh bien, vous vous aimez tous les deux, » criai-je.