Prologue-1

1449 Words
Prologue Dans le présent : — La dernière règle que je vais donner est la Règle Inviolable, déclara Pearl St. Claire d’un ton ferme. Elle poussa un soupir et arqua un sourcil en regardant le guerrier balafré assis sur l’une des deux chaises dans la pièce. Il fixait le tableau qu’elle désignait avec une expression rebelle. — Qu’est-ce qu’il y a encore, Brogan ? — Je te l’ai dit quand tu as commencé. Je ne suis pas d’autres règles que les miennes, déclara-t-il en croisant les bras. — Et regarde où ça t’a mené ! Tout ce que je peux dire, c’est que tu ferais mieux de les apprendre si tu veux sortir de cette pièce…, rétorqua sèchement Pearl d’un ton plus abrupt qu’elle n’en avait eu l’intention avant d’ajouter le dernier mot à voix basse : vivant. — Pearl, l’avertit doucement Asim, qui était assis sur un banc près de la porte. Pearl compta lentement jusqu’à trente. Elle avait déjà dépassé dix et vingt. Elle ne comprenait vraiment pas pourquoi elle avait été choisie pour cette tâche exaspérante. La seule chose à laquelle elle pouvait penser, c’était qu’elle avait survécu en élevant Riley et Tina sans qu’il n’y ait de blessé. Je peux sûrement réussir à donner quelques leçons d’humilité aux deux hommes assis en face de moi, pensa-t-elle. Malheureusement, elle avait l’impression de tout reprendre à zéro, mais cette fois, depuis le stade bambin. Ayant plus de soixante ans, elle aurait pensé en avoir fini avec les enfants têtus, provocateurs et carrément récalcitrants. Sur Terre, elle avait été une grand-mère d’adoption pour les enfants du quartier. Elle avait vu et entendu beaucoup de choses au cours de cette période. Elle était tout à fait consciente d’être le genre de grand-mère que tous les enfants rêvaient d’avoir — et celle que tout parents auraient aimé pouvoir cacher dans un placard. Elle ne s’habillait pas comme une grand-mère, elle préférait le cuir et les bottes aux robes et aux perles. Elle n’allait pas à l’église ; au contraire, elle était propriétaire d’un bar. Elle n’avait jamais de cuillère en bois mais diable, elle avait toujours un fusil chargé d’halite. Ses cheveux blanc platine étaient coupés courts et elle gardait la forme en faisant du yoga, de la Zumba et des entraînements de guerrier le week-end avec son arrière-petit-fils nouvellement adopté. Jabir, le fils de Mandra et Ariel, avait capturé son cœur aussi rapidement que l’avaient fait ses propres arrière-petits-fils, Roam et Leo. Malheureusement, ces derniers vivaient sur la planète de Sarafin alors qu’elle vivait à Valdier. Vivre sur une autre planète ne posait pas beaucoup plus de problèmes que vivre à l’autre bout de la ville — enfin, excepté le fait de devoir utiliser un vaisseau spatial pour s’y rendre. Pearl parvenait tout de même à parler régulièrement aux deux garçons et ils adoraient lui rendre visite ici. Pour l’heure, elle aurait préféré être avec le petit dragonnet câlin et sa ménagerie d’animaux insolites ou ses arrière-petits-fils. Il était sacrément difficile de résister à l’envie irrépressible de prendre une batte de baseball et de faire entendre raison à deux guerriers chevronnés qui avaient décidé de n’en faire qu’à leur tête. Ils n’étaient alors que quatre — Asim, les guerriers dragons jumeaux et elle — dans la sellerie de la grange. Sa salle de classe n’était pas plus grande qu’un cabanon de la Terre de trois mètres sur trois. Il y avait juste assez de place pour la table et les deux chaises qu’Asim avait apportées plus tôt ce matin-là, plus le banc sur lequel il était assis près de la porte. Des harnais pour les pactors, des laisses pour les animaux de plus petite taille et des outils d’entretien étaient soigneusement suspendus sur deux des quatre murs. Le sol était propre et la pièce sentait la douce herbe chaude qui servait de foin aux animaux dans les box extérieurs. Les yeux de Pearl lancèrent des éclairs à son compagnon amusé lorsqu’il réprima un petit rire. Asim répondit en haussant un sourcil et tenta de paraître innocent. Elle se retourna lentement vers les dragons jumeaux en secouant la tête. Elle mit une main sur sa hanche et ses doigts pianotèrent contre son flanc. Elle allait vraiment avoir une petite discussion privée avec Asim plus tard. Elle devait lui rappeler que sa personnalité est loin d’être adéquate au métier de professeur. Pearl étudia minutieusement ses deux élèves. Elle avait rapidement appris à faire la différence entre les dragons jumeaux identiques connus sous les noms de Barrack et Brogan. Le premier avait plus de patience et de contrôle que son frère, mais cela se jouait à un cheveu. Après plusieurs heures passées à essayer d’expliquer la culture humaine aux frères, Pearl conclut que sa patience se désintégrait pour atteindre leur niveau, c’est-à-dire presque inexistante. Alors que Brogan avait remis en question ou avait trouvé à redire à chacune des règles qu’elle avait essayé d’expliquer, Barrack s’était contenté de pousser d’interminables soupirs d’impatience. Pearl leva le menton et soutint le regard d’acier de Brogan. Le temps s’écoulait rapidement pour les deux hommes. Elle allait leur botter le c*l s’ils ne se secouaient pas. Elle pointa un doigt déterminé sur Barrack. — C’est quoi la Règle Numéro Un ? demanda-t-elle sèchement. — Sers-toi de ton cerveau, c’est pour ça que tu en as un, répondit Barrack d’un ton incertain. Pearl aurait eu plus confiance en sa réponse s’il n’avait pas eu cette expression de doute et s’il n’avait pas levé la main pour se gratter la tempe. Elle acquiesça d’un signe de tête ferme à l’attention de Barrack. Bien évidemment, Brogan renifla. Elle lança un regard acéré et réprobateur au guerrier balafré. Les doigts de sa main gauche tressaillirent. Pearl prit une profonde inspiration. Elle n’aurait pas recours à la violence ! — Oui, sers-toi de ton cerveau. Tu ne peux pas te servir de ton cerveau si ta tête n’est pas attachée à tes fichues épaules, Brogan, déclara-t-elle. — Très bien, mais qu’est-ce que ça a à voir avec notre compagne ? Le Curizan nous emmène sur ton monde, Jaguin et Sara nous montrent où notre compagne vit et on la revendique. Pourquoi est-ce qu’on doit apprendre ces… règles ? demanda Brogan en agitant une main. — Parce qu’Aikaterina vous donne une deuxième chance de vivre, répondit sèchement une voix depuis le seuil de la porte. Pearl se retourna et découvrit deux grands guerriers élancés et une femme blonde et mince à l’entrée de la sellerie. Elle reconnut l’un des hommes et la femme comme étant Jaguin et Sara. Pour une réunion privée, la pièce devenait rapidement bondée. — Salut, Pearl. Merci de faire ça, dit Sara avec un sourire compatissant. — Salut, Sara. J’aurais voulu pouvoir dire qu’enseigner à ces deux têtes de nœud est un plaisir mais…, Pearl fit un clin d’œil à la jeune femme pour lui montrer qu’elle plaisantait. Salut, Jaguin. Je vois que tu as amené un ami. Est-ce que tu fais aussi parti de cette mission ? demanda-t-elle. Pearl porta son attention sur l’homme de grande taille dont un côté du visage était barré d’une cicatrice. Il dégageait véritablement un air de puissance et de danger. C’était une bonne chose qu’il soit de toute évidence un ami car elle ne voudrait certainement pas de lui comme ennemi. — Voici Adalard Ha’darra, le capitaine de notre véhicule pour nous rendre sur Terre, répondit Jaguin. — Mieux connu sous le nom d’ordure de Curizan, ajouta Brogan avec une forte dose de dédain. Pearl en avait assez de l’attitude des jumeaux, en particulier celle de Brogan. Il avait répondu à presque tout ce qu’elle avait dit avec impertinence et avait affiché une expression condescendante qui lui rappelait les preppies de l’université qui venaient au White Pearl, son bar sur Terre. Il n’avait cessé d’être un emmerdeur depuis qu’il avait mis les pieds dans la salle de classe. Sa patience avait atteint ses limites. Pearl décréta que certaines personnes devaient apprendre de la manière forte et que Brogan faisait partie de cette catégorie. Elle glissa une main dans la poche de sa veste noire en simili cuir et empoigna un appareil petit mais très pratique qu’elle avait confisqué à l’une de ses petites-filles. En arrière-plan, Pearl entendit le juron d’Asim, l’avertissement de Jaguin et le petit cri étouffé de Sara quand elle s’avança, pressa fermement le Taser contre le torse du guerrier dragon et appuya sur le bouton. — Règle Numéro Neuf : « Reste toujours vigilant et ne baisse jamais ta garde », déclara-t-elle. Cela vaut pour tout le monde, ajouta-t-elle avec un petit hochement de tête satisfait quand il grimaça et tomba par terre dans un grand bruit.
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