Chapitre 8

3544 Words
C'était d'abord les bouillons que la sœur Philomène portait de malade en malade. Agile, elle allait d’un pas rapide d’un lit à un autre, tenant devant elle l'écuelle d’étain dont l'air lui chassait la fumée au visage. En une seconde, elle était à la tète du lit, à la droite de la femme couchée. A celles-ci, elle laissait le bouillon à boire ; à d’autres plus faibles, et qui se soulevaient péniblement à sa vue, elle le faisait boire, tenant d'une main leur tête penchée et appuyée sur elle, tandis que de l’autre, allongée et tendue, elle leur levait et leur soutenait aux lèvres l’écuelle tiède qui tremblait dans leurs doigts défaillants. Après les bouillons donnés, elle distribuait le pain plus vivement encore, avec une hâte plus empressée, plus légère, plus volante, qui enlevait son voile derrière elle et faisait battre sa robe contre les rideaux. Elle était à ce lit et tout aussitôt à cet autre, ne faisant que passer. Vêtue de la c****e grise, une convalescente la suivait ; cambrant sa taille dans les lignes carrées du lainage, elle portait les pains dans une grande nappe nouée à son cou par un gros nœud, et dont elle ramenait un bout devant elle par l’effort d’un seul bras dessiné à larges plis dans l’étoffe ample. A chaque lit, la convalescente entr'ouvrait la nappe à la main de la sœur qui prenait le morceau de pain pour chaque malade et le posait vite pied du lit, sur la couverture. Venait le vin qu’une autre convalescente lui tendait dans un seau de bois ; et la sœur à chaque lit plongeait dans le seau la mesure d’étain la plus petite. Une fois, ou deux fois, ou trois fois, elle remplissait et versait la mesure dans la timbale, jetant les yeux tout en versant sur la feuille de papier attachée à sa manche qui marquait pour chaque lit la portion de vin. Et le bruit du métal qu’elle posait sur les tables de nuit, suivant son pas, courait avec elle jusqu'au fond de la salle. Après le vin, la sœur s’occupait à distribuer aux malades qui n’étaient pas encore au régime de la pleine convalescence, aux quatre portions, les aliments délicats sortant de l’ordinaire de l’hôpital : le poulet, les côtelettes, les confitures. La fille de salle, ou quelque femme qui pouvait se lever, l’aidait à ce service ; puis ellemême traînait et poussait le petit chariot roulant qui promenait devant les lits, en ne s’arrêtant que devant quelques-uns, la grande casserole de riz au lait, la terrine de pruneaux cuits, les quelques parts de bouilli si petites sur le grand plateau d’étain. Pendant tout ce temps des distributions, une activité bienheureuse animait toute la personne de la sœur Philomène. Une force ailée donnait à sa grâce une allégresse ravissante ; et elle était belle de toute la bonté de son cœur, lorsqu'avec ses manches relevées pour sa besogne sur les mains blanches, elle allait et venait ainsi, plaisantant doucement l’appétit des malades, riant avec leur faim, promettant à celleci de la recommander pour une portion, à celle-là, si elle était bien sage, de lui donner le lendemain une friandise, pensant à tout, et en causant, balayant, de ses doigts, les miettes de pain glissées entre tes draps. C’était, pour la sœur Philomène, la belle heure de sa journée. Elle s'y oubliait, elle se retrempait à la joie et aux enchantements de cette fatigue si douce. Elle y puisait l’oubli de tout ce qui était laid, répugnant, redoutable autour d’elle. Et cette matinée lui remplissait si bien l’âme qu’elle en emportait souvent du courage pour tout le reste du jour. Aux forces qu'elle tirait de cette heure et des distractions du matin, se joignaient d'autres forces plus vives et dont la source, étant en elle-même, se renouvelait sans tarir avec l'abondance providentielle des grâces d’état. Ces forces n’étaient autre chose qu’une bénédiction de son cœur, une illusion, l’illusion qui soutient, dans le premier noviciat des dégoûts de l’hôpital, les internes comme les sœurs. La sœur avait la foi de beaucoup faire contre la mort, de beaucoup faire pour la santé des malades. Elle avait cette confiance crédule et généreuse, ce bel enivrement de la charité que Dieu donne à tous ceux qui commencent à approcher la maladie, pour qu'ils puissent marcher, sans faiblir, jusqu’à l'habitude. La sœur Philomène croyait que la souffrance ne pourrait résister à ses soins, à sa vigilance, à la prévenance de ses attentions, à l'effort de toutes ses pensées, à la volonté de tout son être. Elle espérait faire des miracles en donnant sa vie aux malades, en veillant jusque sur leur sommeil, en rapportant leur état au médecin, en appelant à eux au moindre accident la visite et l’expérience de l’interne, en vérifiant et en leur donnant les médicaments elle-même, en faisant de leur guérison, son idée fixe et l’occupation de chacune de ses minutes. Elle pensait aussi les arracher au mal en les entourant de ses tendresses : elle leur parlerait, elle leur sourirait, elle les reprendrait au désespoir, elle les soulèverait vers l’espérance ; elle serait une sœur au chevet des lits, elle serait la prière d’une mère au pied des agonies solitaires, sans famille et sans foyer ; la mort ne viendrait pas chercher la vie entre ses bras ! C’était là un rêve dont le temps et la réalité lui montraient la vanité. La sœur reconnut que la vie et la mort ne sont pas dans des mains humaines. Elle vit que l’heure suprême est inexorable, et qu’il n’est prières ni soins capables de forcer ou d’attendrir la nature. Et si son devoir de dévouement ne se rapetissa pas à ses yeux, sa mission lui apparut plus humble et plus modeste, bornée à l’allégement et au soulagement des souffrances humaines. Mais quand elle eut cette déception, quand la vérité lui apparut au bout de longs mois de luttes et d’anxiété, l’affermissement était fait en elle ; elle n’avait plus besoin de l’appui ni du mensonge d’une illusion pour marcher droit et sans faiblesse dans son chemin. Les ardeurs, les élancements, l’irritabilité nerveuse de sa sensibilité, s’étaient usés dans l’effort de son premier zèle. La maladie, la mort, lui étaient devenues accoutumées, et n’avaient plus rien qui fit défaillir son regard, faiblir sa main, reculer son cœur. Tout ce qui lui restait de la femme, elle le sentit tout à coup vaincu et dompté au fond d’elle par la sœur ; et forte dans sa robe comme dans une armure, elle se jeta à genoux dans le cabinet vitré où elle se tenait le jour au bout de la salle, et elle remercia Dieu avec un élan de joie. Dès lors, elle eut une fermeté sereine, mais que l'habitude n’endurcit point. Sa douceur égale et inaltérable ne devint point banale : elle demeura tendre. Les malades recherchaient ses soins parce qu’elle s’approchait d'eux avec un air de compassion et d’intérêt répandu sur tout son visage. Ils l’aimaient pour son regard qui leur parlait, pour sa voix qui les touchait si délicatement. Ils l’aimaient parce qu’un peu d’émotion semblait encore trembler dans son dévouement. — Ah ! vraiment, vous avez eu tant de peine que cela à vous habituer à l’hôpital ?… vous, un interne… un homme ! — Oui, on croit comme ça que ça ne nous coûte rien… Tenez ! moi, ma mère, et je ne suis pas le seul… j’ai été près de quinze mois, quand j’ai commencé mon internat, à être triste… mais là, à fond… et on en a toujours un petit reste… Si je vous disais que j’ai été plus de six mois sans pouvoir manger de bon cœur ? — Ah ! ça me fait plaisir, ce que vous me dites là… On est si honteuse de soi dans les commencements… — Et puis nous… c’est encore plus horrible que vous. La première fois qu’on entame la peau d'un mort à la Clinique… je vous assure que cela fait un effet… ça vous retourne… Et les autopsies ! quand il faut fouiller dans tout cela!.. et l'odeur qui vous entre dans les mains, et qu'on porte avec soi partout… Heureusement qu'il y a la graine de moutarde pour se laver… Oui, c'est rude, allez ! Les premiers temps… pour tout le monde. Ce matin précisément, nous avons eu une scène… Comme nous avons fait un peu de train l'autre jour à l'Ecole, nous avons cru reconnaître un mouchard à la visite… un mouchard très-bien du reste, très-propre, un jeunet… une petite moustache noire… Nous l'avons poussé peu à peu contre un lit où il y avait un varioleux… et paf ! le monsieur a glissé tout de son long… Alors nous avons dit : En voilà un ! Barnier, l'interne de la salle Sainte-Thérèse, causait ainsi avec la sœur Philomène. La sœur l’écoutait en le regardant dans l'ombre de la porte ouverte au montant de laquelle il se tenait appuyé d’une épaule. Debout au milieu de son cabinet, elle était devant lui comme une lumière. Un flot de jour, entrant par les carreaux de la grande fenêtre, l'enveloppait tout entière et faisait éblouissante la blancheur de sa robe. De tous les côtés du cabinet, par les vitrages et les rideaux, le soleil lui revenait en lueurs et en reflets qui la baignaient. Et dans cette clarté qui l'entourait et l’inondait, son visage, caressé par les transparences de sa coiffe et de son voile, brillait comme entouré d'un nimbe. Son teint avait cette blancheur de transfiguration que le cloître donne parfois au teint des religieuses, cet éclat virginal et divin qui fait penser à la gloire d’un corps ressuscité. Et sur sa figure une santé céleste resplendissait. — Vous me donnez du courage, reprit-elle après un moment de silence. Et comme sortant de ses réflexions : Ah ! vous regardez le livre que je lis… Justement je voulais vous demander… Il faudra que vous m’expliquiez beaucoup de choses… — Ah ! très-bien… c’est le Manuel… Mais tant que vous voudrez, ma mère, je suis à votre disposition. — C’est qu’on a besoin de savoir… Il faut bien apprendre un peu de médecine, si on veut servir à quelque chose auprès des malades. Oh ! je ne veux plus être renvoyée comme l'autre jour… vous savez ?… où vous m’avez pris cette b***e des mains… — J’ai donc été bien brutal ? — Pourquoi ? — Parce que vous m’en voulez encore. — Mais non… puisque je vous en parle. Vous aviez peur pour moi, je sais bien… Mais maintenant, je suis brave… j’ai tant prié que la force m’est venue… Mettez-moi à l'épreuve, vous verrez… Cette grande victoire, cette possession nouvelle ou la sœur était d'elle-même, ne furent pas absolues tout d'abord. Elfes ne fui restèrent pas sans lui être disputées. De temps en temps, elle était encore surprise à l'improviste par l'instinct de sentiments et la secousse d’impressions auxquels elle se croyait échappée ; et de dernières émotions lui donnèrent un dernier déchirement. Descendant à la lingerie an matin, elle vit l'interne entrer dans la salle de consultation. Se rappelant qu'elle avait à lui demander la dose de sulfate de quinine à donner à une malade, elle pensa, au lieu de le faire appeler, à aller le trouver dans la salle où il était. Elle traversa la cour toute blanche de neige, en sentant la trace noire des pas qui faisaient le long du ruisseau un peu dégelé un petit sentier battu jusqu’au degré de la salle, et elle entra dans le cabinet de chirurgie. Au jour de la fenêtre sans rideau, par-dessus la barrière de bois qui fait faire queue aux malades, un vieillard montrait en ce moment à l’interne une grosseur formant un gros nœud sur son poignet maigre. C’était un pauvre petit vieillard, tout ratatiné par le froid dans un paletot lustré de misère dont il avait relevé le collet. De rares et longs cheveux blancs tombaient contre sa figure osseuse ; ses yeux caves n’étaient plus qu’une lueur. Il se tenait voûté, débout et humble, avec un chapeau qui lui tremblait dans la main. Lui-même tremblait comme un vieil arbre mort battu par un vent d'hiver. Barnier regarda le poignet du malade : — Vous toussez ? lui dit-il sans lever les yeux. — Oui, monsieur beaucoup, — répondit le vieillard avec une voix pareille à un souffle, éteinte et dolente, — mais c'est mon poignet qui me fait mal… — C’est… c'est que nous ne pouvons pas vous recevoir. Il faut aller au parvis Notre Dame. — Le vieillard ne disait rien, il regardait l'interne. — Et demandez la médecine, pas la chirurgie, la médecine, — lui répéta l’interne voyant qu’il semblait ne pas entendre. — Mais c’est là que j’ai mal, reprit le vieillard de sa voix faible et sourde en montrant son poignet. — On vous guérira de ça, voyez-vous, en guérissant votre toux… — Au parvis Notre-Dame, — cria presque à l'oreille du vieillard une grosse voix qui sortait d'épaisse moustaches, et qui se grossissait pour ne pas s'attendrir : c’était la voix du concierge de l'hôpital, planté derrière le vieillard, les mains derrière le dos. La neige tombait à gros flocons : on la voyait tomber par la fenêtre. Le vieillard s’éloigna sans un mot, avec son chapeau à la main toujours tremblant. — Pauvre diable ! quel temps !… c’est loin, — dit le concierge en regardant la neige. — Il n’en a peut-être pas pour cinq jours… L’interne s’était retourné vers un jeune homme qui se tenait à côté de lui : — Oui, il y a comme ça des moments durs… Mais si je l’avais reçu, mon chef de service l'aurait renvoyé demain… C’est très-difficile à placer ces pauvres diableslà … C'est ce que nous appelons en terme d’hôpital une patraque… Si nous recevions tous les phtisiques… Paris est une ville qui use tant !… nous n’aurions plus de place pour les autres, pour ceux qu’on peut guérir… Et voyant que la sœur attendait pour lui parler: — Vous désirez, ma mère ? — Je ne sais plus… — balbutia la sœur, et elle s’enfuit. — Madame Un ! — Madame Six ! — Madame Onze ! Écoutez donc un peu que je vous dise… Les malades, dans la salle Sainte-Thérèse, s’appelaient par leurs numéros de lit, se répondaient, parlaient et bavardaient. Presque toutes étaient dans leur lit. Sept ou huit, à leur première levée, se tenaient sur leur chaise. Quelques-unes faisaient à petits pas leur promenade dans la salle. L’une, assise à l'un des bouts de la grande table, écrivait sous la dictée d’une autre femme avec cet effort des coudes et cette contention du corps ordinaires aux gens du peuple qui n'ont pas l’habitude d’écrire et qui s’appliquent. L’interne finissait sa visite de quatre heures. Et d’un lit à l’autre, l’on entendait : — Aurez-vous du monde demain ? — Demain ?… ah ! oui, c’est jeudi… » Je ne sais pas. — Moi, je compte sur trois personnes… sur quatre, — dit en se reprenant une femme qui comptait sur ses doigts. — Vous n’avez pas vu mon mari l’autre fois, hein ? — Si, je l’ai vu… Vous croyez que je dormais avec une affaire comme ça sur le ventre ? — Et vous ? — Oh ! moi… il faudrait que mon mari et mes enfants fissent soixante et dix lieues… — Vous êtes de si loin ? — Pour ça oui… et pas de votre Paris, Dieu merci ! S’il n’y avait que moi pour y demeurer… Pas seulement un arbre devant les églises ! Ceux que leurs parents y sont, c’est bien… mais les autres, ils y viennent pour l’hôpital… Et c’est gai, leurs hôpitaux !… C’est y vilain, ici !… Je suis sûre que je m’en vas être triste encore quinze jours après, chez nous… — C'est-il gentil où vous êtes ? — Si c’est gentil ?… Tenez, voilà la grande rue… censé. Eh bien ! nous sommes là, nous… On entre là, n’est-ce pas ? C’est la belle pièce… Oh ! je vais avoir un ouvrage… à nettoyer ! Des hommes, vous comprenez… Et puis il y a deux chambres… alors derrière… et le jardin… A sa main gauche, dans le jardin, on a l’appentis… parce que le père et les enfants travaillent à leurs couteaux… Ils font la coutellerie, et de la fine qu’ils vendent rue Richelieu… ils travaillent comme des satyres ! Alors voilà le jardin… Nous avons un poirier d’épargne qui est chargé tous les ans… on en laisse perdre ! Et puis, voyez-vous, au bout, c’est la rivière du pays… de l’eau d’un clair ! Ça fait qu’on n’a que quatre pas à faire pour laver son linge… — Dites donc, madame Neuf, y étiez-vous déjà ici, quand il y avait cette femme du chiffonnier ? — Non. — Figurez-vous… cette malheureuse avait commencé son agonie le dimanche matin… Voilà son mari qui vient la voir dans la journée… une horreur d’homme qui passait sa vie à boire… qui lui avait tout bu… Elle s’était sauvé un petit saint frusquin qu’elle avait noué dans sa chemise… Ce gueux d’homme, sous prétexte de l’embrasser, veut mettre la main dessus… Elle crie au voleur… Ça a fait une révolution dans la salle… L’interne était aux derniers lits. En passant devant l’un, il se mit à gratter doucement sur la couverture près du pied. — Je ne suis plus chatouilleuse, M. Barnier, — dit presque gaiement la femme à laquelle on avait coupé la jambe ; et après un moment de silence, elle reprit, répondant à une voisine : — Ça c’est vrai, s’il y en a de mauvais dans les hommes, il y en a aussi de bien bons… En voilà un, M. Barnier, qui est doux… et qui fait attention aux malades… C'est la demie, n’est-ce pas ? Tiens est-ce que notre sœur ne fait pas aujourd'hui sa promenade à l'orange ?… Ça me rafraîchirait tant la bouche, un quartier… — La sœur ?… si, la voilà… elle sort de sa boîte. La sœur Philomène venait de sortir de son cabinet. Elle marchait, en tenant écartée de sa robe, au bout de ses deux bras étendus, une orange dont elle enlevait la peau. La peau enlevée, elle détacha lentement les pellicules ; puis entrant au chevet des lits, elle mit dans la bouche des femmes couchées, ouverte et appétente comme une bouche de petit enfant, un quartier transparent de jour entre ses doigts blancs. Au nom de Barnier, les louanges de l'interne s’étaient croisées dans la salle. La reconnaissance s’échappait des lits, les bénédictions montaient des bouches. — Oui, disait l'une, un bien brave garçon… et qui ne rechigne pas après son service… — C'est lui qui sait vous faire un pansement !… avec de l’eau tiède avant, qu’il vous met… ça ne vous fait pas plus de mal que rien. — Moi, il a été soigner mon homme à la maison… et c’est pas pour que ça rapporte… Toutes ces voix qui se faisaient écho arrivaient doucement à la sœur Philomène. Son pas s’était ralenti ; et elle se sentait venir pour les femmes qui parlaient ainsi des sympathies involontaires, comme une espèce de reconnaissance. — Voilà des cornets… Si la pharmacie n’en est pas contente… — disait une femme levée sur son séant à une femme couchée qui avait au bout de son lit un gros chat assoupi là tranquillement, comme aux pieds d’une vieille connaissance. — Demain… demain ! — et elle répéta encore une fois demain en chantonnant — Je vais tâcher d’avoir aujourd'hui mon bulletin par la fille de garde pour sortir dès le matin… Revoir mon petit chez moi… c’est moi qui suis contente ! Quand ce sera à votre tour, ma fille, vous verrez : on a beau avoir les jambes faibles, on se sent d’une force pour s’en aller ! Ça ne fait rien : on devrait bien sortir toutes le même jour : ça fait quelque chose de laisser les camarades… — Oh moi, ça m’est égal de rester : je ne souffre plus. Et voyez-vous, c'est tout de ne pas souffrir quand on a souffert comme moi… Et puis j’ai fait faire le marc de café à quelqu’un qui est venu me voir… Elle m’a vue sur mes deux jambes dans quelques mois… et c'est une femme qui m’a dit tout ce qui m'est arrivé… J’ai encore quelque chose, c'est de travailler : on ne s’ennuie pas. — Ça m’a l’air joliment beau, dites donc, ce que vous faites là… une broderie, excusez… pour quelque princesse, hein ? — Je vais vous dire… — dit la malade après avoir regardé si la sœur Philomène s’éloignait. — C’est pour un cadeau… Voyez-vous, c'est une b***e de jupon… Comme voilà déjà six mois que je suis ici… M. Barnier m'a si bien soignée… j’ai pensé à lui donner un petit souvenir… Ce garçon-là est trop gentil pour n'avoir pas une petite femme… Eh bien, ça lui fera un jupon, à sa dame… C'est gentil, quand on danse… — A-t-on fini de bavarder ?… On veut donc avoir la fièvre par ici ? dit la sœur Philomène en revenant, presque sévère.
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