2: Frères

1583 Words
Koryu regardait avec fascination le nouvel enfant entre les bras de sa mère. Cependant, il n’éprouvait absolument rien pour ce dernier fils qu’elle venait de lui donner. L’âme de son dragon semblait fasciné par ce bébé, toutefois, il était incapable de l’aimer. Il avait en horreur cette femme et ses yeux d’or, mais elle avait été la seule capable de lui donner trois enfants et de rester en vie. Sa première épouse, descendante d’une nymphe, était morte en lui donnant un fils portant l’âme d’un dragon. Koryu avait été pris d’une joie immense lorsqu’il avait croisé les pupilles reptiliennes dorées, pareilles aux siennes, lorsqu’il s’était approché de son premier fils. Il l’avait nommé Seiryu, le dragon d’Azur, et savait déjà qu’il en ferait le seigneur des Terres de l’Est de son royaume. Puis, alors qu’il tentait de pacifier les tribus, sa route avait croisé celle de Bibigul, l’oiseau rare du clan Burkit. Qi lui avait dit que le pouvoir de cette femme était phénoménal et qu’il aurait tord de refuser ses avances. Elle lui avait ainsi donné des jumeaux. Byakko, le Tigre Blanc, deviendrait le seigneur des Terres de l’Ouest ; tandis que son frère Genbu, la Tortue noire, règnerait sur les Terres du Nord. Koryu avait secrètement espéré qu’elle périrait en couche. Sa déception avait été incommensurable lorsqu’il avait appris qu’elle avait survécu. Cette femme nourrissait une obsession malsaine pour lui et n’hésitait pas à faire du mal à leurs fils pour qu’il se déplace en personne pour l’arrêter. C’est pourquoi il avait été si surpris d’apprendre qu’elle était à nouveau enceinte. Les hommes abritant l’âme d’une créature étaient capables de décider si oui ou non ils souhaitaient engendrer une descendance avec leur partenaire. Normalement, chaque créature possédait une moitié d’âme et ne souhaitait se reproduire qu’avec cette moitié parfaite. Mais dans le cas de Koryu, ayant été rejeté, son dragon se moquait de savoir avec qui il faisait des enfants tant que la personne était capable de lui donner un fils capable de recevoir l’esprit d’un dieu en lui. Aucune fille ne pouvait naître d’un dragon. C’est pourquoi, Koryu avait tué les épouses qui avaient enfanté des filles. Ces enfants étaient ainsi la preuve irréfutable de la trahison qu’elles avaient commises à son encontre. Pour les autres épouses, celles qui avaient échoué à lui donner des fils dignes de recevoir l’esprit d’une créature, il les laissait vivre une vie de luxe entre les murs du harem de son palais. Toutefois, il n’hésitait pas à se servir de ces fils sans dons comme messagers royaux à travers les royaumes et l’empire. Ainsi, cela lui importait peu de savoir s’ils revenaient morts ou vifs. « Quel nom souhaitez-vous lui donner, mon seigneur ? », demanda Bibigul à son époux. Koryu se contenta de regarder froidement l’enfant entre les bras de sa mère. « Ce fils est bien trop chétif par rapport aux deux autres que tu m’as donnés. S’il est encore vivant dans trois ans, peut-être lui donnerais-je un nom. Autrement, appelle-le comme tu veux. Je m’en moque », répondit-il sèchement avant de sortir des quartiers de cette épouse. Koryu gardait la mâchoire et les poings serrés. Cette femme le révulsait et il s’en voulait de ne pas être capable d’aimer un tant soit peu ce fils. Un éclair doré traversa son regard et il s’arrêta net sur ses pas. « Que fais-tu ici, Seiryu ? », demanda-t-il chaleureusement au jeune adolescent qui s’avançait vers lui. Le dragon d’Azur était l’objet de sa fierté. Tous les précepteurs ainsi que les ministres vantaient la sagesse de son fils aîné. Seiryu était un enfant calme, distingué et dont la noblesse d’âme resplendissait à travers chacun de ses actes. « Moi, Seiryu, fils ainé du vénéré et vénérable roi Koryu, salue mon père », dit-il en s’inclinant respectueusement. « Je suis venu rendre visite à ma petite mère, dame Bibigul et mon nouveau frère. » Koryu leva un sourcil et jaugea du regard son fils : « Que fais-tu donc à travers les couloirs dans ce cas ? Ne devrais-tu pas déjà être auprès d’eux ? » Seiryu se contenta de regarder sur le côté d’un air froid et distant avant de s’incliner à nouveau : « Pardonnez-moi, père. La raison de ma présence dans les couloirs se trouve justement dans le jardin. » A peine eut-il terminé sa phrase qu’il sauta par dessus une rambarde, et se précipita dans le jardin. Il se plaça sous un arbre et leva la tête avant de déclarer : « Si vous ne descendez pas tout de suite, je vous promets que mon sermon durera le triple de ce que vous avez l’habitude de subir. Amaya vous cherche de partout et est en train de retourner le palais dans tous les sens.» « Mais, Sei’ », se plaignit une voix. « Descendez immédiatement », ordonna sans aucune émotion dans la voix Seiryu. Koryu vit, surpris, les jumeaux se jeter dans le vide et atterrir parfaitement dans l’herbe. Ils se redressèrent tous les deux dans un synchronisme parfait. Le dragon jaune fut surpris de voir qu’ils étaient déjà presque aussi grands que leur frère ainé malgré les trois années qui les séparaient. Après tout, les jumeaux étaient des descendants de Khan et leur grand-père, Burkit-khan, était aussi connu pour sa taille. Byakko avait croisé les bras sur son torse et gardait la tête fière devant Seiryu. Cependant, Genbu, le plus jeune mais néanmoins copie parfaite de son jumeau, se cachait sans aucune honte derrière lui. « Êtes-vous allés saluer, dame Bibigul et notre nouveau frère ? », demanda froidement Seiryu. Les jumeaux n’eurent aucunement besoin de prononcer une seule parole. La grimace et l’air de défi qu’ils lançaient à Seiryu était bien la preuve qu’ils n’étaient pas allés à la rencontre de leur mère. « Nous attendrons que notre frère soit placé avec une nourrice pour aller le voir », grommela Byakko. « On a foutrement aucune envie de voir cette folle et de la féliciter », déclara Genbu en passant un bras autour des épaules de son jumeau. « Parle correctement, Gen’ », gronda Seiryu. Genbu eut une sorte de sursaut et tenta de tenir tête à son frère ainé. « Parle correctement, Gen’ », maugréa Byakko. « Ooooow, mais Koko… », commença-t-il à se plaindre. « Parle correctement. C’est vrai qu’elle est folle. Mais c’est aussi vrai que c’est notre mère », répondit froidement Byakko. Genbu prit la même expression placide de son jumeau et inclina respectueusement la tête vers Seiryu : « Ô sage frère ainé, la flamme du désir de voir notre génitrice provoque des flatulences intempestives en moi. Afin de préserver mes flots de chi dans une harmonie parfaite et sans perturbation gazeuses, mon jumeau et moi avons jugé vital d’attendre que notre nouveau frère se trouve dans un espace différent… » Byakko fit ce qui devait ressembler à un sourire moqueur à Seiryu. Ce dernier était resté parfaitement calme et s’était contenté de hocher la tête à la manière des sages écoutant les plaintes du peuple : « Je comprends parfaitement. Mais cela va à l’encontre du livre des Rites. C’est pourquoi vous allez me suivre de ce pas », annonça froidement Seiryu. « Hé les gars, ça ne vous dit pas qu’on aille récupérer Suzaku au passage ? », demanda joyeusement Genbu, avant de reprendre un air plus sérieux. « Je dis ça car mon coeur sait qu’il a besoin du plus de soutien possible. Savoir que mes frères se trouvent à mes côtés remplit mon âme… » « C’est hors de question. Suzaku vient à peine d’avoir un an. Nous ne pouvons gérer autant d’enfants », expliqua sans aucune expression Seiryu en continuant de marcher. Genbu plaça les mains à l’arrière de sa tête et fit une moue boudeuse : « Tu exagères de dire ça, Sei’ ! Notre nouveau frère est encore incapable de bouger et Suzaku est encore un enfant super sage… », commença Genbu. « Il parle de toi », coupa Byakko. « Tu es le pire du lot à gérer. » Genbu fit un -o muet du bout des lèvres avant d’acquiescer. « Cela ne doit pas être simple tous les jours », déclara à voix haute Seiryu. « Tu ne crois pas si bien dire, ô sage frère ainé », répondit Byakko. « De quoi vous parlez ? », demanda Genbu. « Gen’ ? » « Oui, Koko ? » « Amaya a trouvé une nouvelle épice pour un de tes plats de légumes » « Oooooow, j’ai hâte ! Hé, mais ne change pas de sujet avec moi ! » « Quel sujet ? » Genbu trottina de sorte à se retrouver en face de Byakko et il croisa les bras sur le torse pour imiter la posture de son frère. « Le sujet dont on parlait, Koko. » « Je ne vois pas de quoi tu parles », répondit froidement Byakko. Les jumeaux se toisèrent quelques secondes, miroirs parfaits l’un de l’autre. Puis, Genbu se pencha en avant et chuchota : « Qu’est-ce qu’on fout là ? » « Je ne sais pas, tu as couru pour me barer le chemin pendant que je te disais que Amaya a trouvé une nouvelle épice pour un de tes plats de légumes. » « Ooooow, j’ai hâte ! »déclara encore une fois Genbu avant de pivoter sur ses talons et de reprendre son chemin. Seiryu et Byakko échangèrent un regard avant de suivre les pas de Genbu.
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