Hey…
Mes mains tremblent alors même que je t’écris cette lettre. Oui, un an est passé et j’ai pris le temps de faire des recherches sur toi papa. J'ai découvert une boîte à secrets que peut-être, je n’aurais pas dû ouvrir. Mais à la fin, si je ne l’avais pas déclouée, mon cœur n’aurait jamais fini par éprouver de la compassion pour toi.
Benoit, c’est ça ? C’est le prénom par lequel tout le monde t'appelait dans les alentours. Pourtant, j’ai découvert que ton vrai nom était Jean Pascal Étang et que tu revenais de Binga. Père, je suis allée dans ton village et j’ai failli ne jamais y revenir.
Ça n’a pas été facile, tu t’imagines bien, de te retrouver, mais j’ai demandé de l’aide à Dieu. Tu l’as bien entendu, tu faisais partie de mes premiers vœux de prières ; mes premières réelles interactions avec Jésus. Je lui ai demandé de, par son Esprit Saint, m’aider à oser. Oser déclarer que ma douleur n’était pas la fin de ma vie. Oser entendre la vérité et décider malgré tout d’avancer.
Cela doit te surprendre que ta fille, silencieuse et faible, prenne autant en courage. Mais tu sais, j’ai bien réfléchi à tout cela. J'ai réfléchi jour et nuit sur le sacrifice du Christ.
Lorsque j’avais commencé à étudier les écritures, j’ai eu à comparer mes habitudes à la personne que le Seigneur voulait que je sois. Et même si en ces temps, je ne croyais pas encore totalement en Lui, le fait de savoir qu’il ait pu mourir pour une personne aussi imparfaite que moi, m'a fait profondément me remettre en question.
Je l’avoue, oui, son amour et sa compassion m’ont touché.
Je me suis dit, « si Lui qui est parfait l'a fait pour moi ? Qui suis-je pour ne pas essayer d’aimer, de pardonner, de me réconcilier avec un être humain qui partage pourtant les mêmes imperfections que moi ? Ne serait ce pas hypocrite d’agir ainsi ? » mais ne croit pas père que je me suis levée du jour au lendemain et que tout était facile. Non, ce fut difficile, car accepter d’embrasser pleinement l’amour, c'est se soumettre. Se soumettre à une volonté supérieure.
J’ai aussi renoncé à la croyance que l’amour rend aveugle puisque l’amour de Dieu est celui-là même qui me redonne la vue. Je vois maintenant, que sous les ailes des oiseaux se cachent de la détermination. Ils ne s’envolent pas sans but ni organisation. Ils savent où ils vont et pour quel but. Or, nous les hommes avons souvent tendance à dépenser notre énergie dans des choses éphémères et nous ignorons même pourquoi nous agissons ainsi. Nous laissons les émotions nous guider, devenant de simples marionnettes et de simples esclaves.
Je sais que la curiosité te prend de savoir comment est-ce que je t’ai retrouvé. Eh bien, un jour, j’ai témoigné de l’amour de Dieu dans ma vie, en partageant l’histoire de ma famille. Oui, c’est le témoignage qui m’a emmené à ta réelle identité, puisqu'à la fin de mon discours, j'ai prié au corps du Christ de m'aider à élucider le mystère restant derrière mon histoire. Je leur ai demandé de m'aider à chercher mes grands-parents. C'est alors que le bouche-à-oreilles, attira un homme qui semblait te connaitre un peu mieux ; Jack.
Il vint à l’église et y laissa son numéro. Je l'avais donc très rapidement contacté et nous nous rencontrions dans un café non loin de la maison. “Tu ressembles tant à ton père.” Souriait-il, face à moi.
Après un moment de silence, je lui demandais enfin, “comment avez-vous connu mon père ?” Et il baissa les yeux, avant de plonger son regard dans de douloureux souvenirs et de séparer ses lèvres pour m'expliquer.
Apparemment, lui et toi étiez de vieilles connaissances, n'ayant jamais eu le courage de s'appeler amis. Pourtant, vous saviez que votre relation était plus précieuse que ce que vous ne pouviez admettre. Il a dit qu'il était peiné de savoir que tu n'étais plus de ce monde, alors même que tu n'effleurais que quarante-neuf ans au moment de ton départ.
“J'avais rencontré ton père le jour où ses parents décidaient de repartir vivre au village.”
En voyant mes sourcils froncés, il m'a expliqué qu'en fait, il était dans un bar, en train de s'enivrer, car son entreprise venait de faire une très grosse perte lorsque tu entras dans la pièce. Tu marchas directement vers là où il se tenait et commanda au barman de te faire deux shots.
En voyant ton visage pâle, les poches sous tes yeux et ton genou mouver incessamment, il devina que quelque chose n'allait pas. Ainsi, demanda, “dure journée ?”
Et tu lui racontais ta vie – et découvrais en parallèle que vous veniez du même village, impressionné par les cartes de joker de la vie. En effet, c'était une ironie pour toi que tes parents fassent faillite lorsque pourtant ton entreprise décollait enfin.
Ces derniers étaient donc forcés de rentrer au village et tu t'étais promis de ne pas les abandonner. Malgré vos relations difficiles, il fallait que tu les aides. Et après quelques mois de camaraderies, tu suppliais de ce fait à Jack d'être un intermédiaire et d'être celui qui livrerait ce dont tes parents avaient besoin, lorsque lui aussi irait voir les siens au village.
Il s'était étonné, car, c'était tout juste avant qu'il ne se rende chez tes parents pour la première fois que tu lui avais dit ton vrai prénom. Tu savais probablement que tes parents allaient le lui dire, et il valait donc mieux qu'il l'apprenne de toi-même.
Quand j’ai appris cela, j’ai demandé à Jack s'il pouvait m'indiquer la maison de mes grands-parents et il acquiesça.
Ton père et ta mère sont morts, mais tes frères et sœurs sont bien en vie.
J’ai été heureuse de réaliser que j'ai encore des oncles et des tantes. Certains m’ont bien accueilli, puis d’autres m’ont ignoré ; m’appelant l’enfant d’une abomination. Personne ne voulait m’expliquer pourquoi au début. Mais ils m’ont tout de même invité à rester et le lendemain de ma première nuit, je suis tombée malade. J’avais une forte fièvre et je ne pouvais pas quitter le lit. Le Père André m'a appelé alors même que je me faisais nourrir. Il m’a dit qu’il viendrait me chercher, car il avait eu un ordre de Dieu. Malgré le fait que je lui mentais que j’allais bien, il est venu, a prié pour moi, et la parole m’a donné assez de force pour que je le suive. On arrivait donc dans une église et il me remit entre les mains des sœurs avant de s'en aller.
Trois jours plus tard, il revint me chercher, et ensemble avec des sœurs de l'église, on retournait chez toi.
Dans la cour, on trouvait une de tes sœurs ; Coralie. Elle ne parlait pas français, mais une des sœurs de l'église, traduisait.
Tante Coralie me priait de m’en aller. Que dans ton enfance, tu étais d’abord l’enfant préféré de tes parents, car tu étais le dernier. D'ailleurs, certains pensaient tout comme le Père André, que tu étais enfant unique parce que tes parents ne parlaient que rarement des autres.
Et ce traitement a emmené les autres, ou la plupart, a mal te traiter et te jalouser, puisqu'en plus, tu étais très intelligent et travailleur.
Mais un drame s’est produit. En pleurant, tu avais dit à tes parents qu’un homme qui prétendait être croyant t’avait touché et personne ne t’avait cru. Tu avais alors changé et étais devenu rebelle. Tu étais devenu l’homme noir de cœur que j’ai connu. Ta famille avait trouvé bon d'acheter maman pour masquer, ils pensaient, des penchants sexuels inacceptables. Puis, tu as a***é de maman, en colère que tant de choses se passent. Tu voulais que quelqu'un paie.
Vous vous êtes mariés, et te rendant compte que tes parents t'avaient toujours chouchouté, mais n'avait pas pu te croire, tu t'en es allé, loin d'eux. Ils n'ont pas essayé de te rattraper, ils te rejetaient même, avec le soutient et encouragement de leurs ngangas, qui disaient que tu étais un démon.
La vie n’a pas été facile pour toi. Ta famille ne t’a pas soutenu dans ta jeunesse, pourtant, dans leurs moments difficiles, tu les as financièrement secourus. Oui, vois-tu comment la vie est drôle ? Tes parents étaient des gens aisés, mais ont passé leurs derniers jours à dépendre de toi.
Papa, tu n'avais pas à penser que tu ne méritais pas la rédemption. En vérité, aucun de nous ne la mérite. Mais Dieu nous a fait grâce, et c'est à nous de décider d'accepter de changer et de croire en ce que dit la parole. Que par Son amour, Dieu a choisi de nous faire grâce. Bénissons-Le et Remercions-Le pour cette bonté. Et essayons d'être des hommes meilleurs pour ne plus être ce que nous étions hier ; des hommes amoureux du péché.
Il ne faut pas être des Judas ou prendre en imitation le roi Saul dans ces derniers moments, mais plutôt avoir l'humilité de l'apôtre Pierre. Il nous faut réaliser que les fautes des hommes ne sont pas celles de Dieu. Oui, lui, il est parfait. Et ce n’est pas parce qu’il laisse une chose se passer, qu’il encourage cela. Un parent qui n'aime pas que son enfant sorte tard dans la nuit ne lui couperait pas les jambes pour autant afin qu'il arrête de sortir. Non, il trouverait d'autres moyens de faire comprendre à son enfant le danger que représente la nuit.
Avant, je me demandais d’ailleurs beaucoup pourquoi il n’empêchait pas certains évènements d’arrivée et même si c’est dur, je reconnais qu’il fait en fait preuve de patiente envers nous.
Il y a des choses que l’on ne peut pas comprendre, mais une question est certainement à poser. Si la fin des temps arrivait maintenant, oui, si Dieu décidait de tout arrêter maintenant, que l’on en finisse avec ce mal qui périme la vie, combien serait sauvé ?
J'avoue que moi, je n’aurais pas été sur la liste des sauvés il y a un an, car mon cœur était encore noir.
Que le Seigneur est bon. J’en pleure, j’en tremble. J’ai arrêté de mettre la faute sur Lui parce que je vois sa bonté.
Désormais, je prie qu’il change les cœurs des hommes, je prie que nous qui sommes mauvais apprenons à vivre en esprit et en vérité. Que nous empruntons les bonnes routes.
Aujourd’hui, je comprends pourquoi tu es devenu l’homme que tu étais, papa. Je te pardonne tout comme Dieu m'a pardonné. Qui serais-je pour te garder rancune d’une peine que tu m'as causée pendant quelques années, lorsque j’ai péché chaque jour durant plus de 20 années de ma vie ?
Maintenant que la colère s'en est allée, des souvenirs plus doux reviennent. Des souvenirs probablement que mon cœur avait décidé d'effacer, car il ne voulait voir que le mauvais côté de la vie.
Je me souviens dorénavant de ces dimanches matin, où le soleil filtrait à travers les rideaux, dessinant des motifs lumineux sur les murs de ma chambre. Ces matins où, enfant, je me sentais enveloppée d'une tranquillité douce, oubliant pendant un court instant les tempêtes qui sévissaient notre vie de famille. Aujourd'hui, ta lettre et la Parole du Seigneur sont comme ces rayons de soleil, perçant les nuages de mes ressentiments pour réchauffer mon cœur endurci.
Ce chemin vers la rédemption, tu me l'as ouvert, mais c'est ensemble, à travers nos lettres, que nous l'avons parcouru. Ta confession, tes regrets, et surtout ton amour transparaissent dans chacune de tes phrases. Tes mots me rappellent que, malgré tout, il y a une beauté dans notre relation brisée, une beauté que nous avons pu encore explorer et restaurer.
Que nos vies, comme ces gouttes de pluie, puissent trouver des chemins inattendus vers la clarté et la paix.
Ta lettre, bien qu'elle soit un adieu papa, m'a offert un chemin vers la guérison, un chemin pavé de pardon et d'acceptation.
Alors, cher père, je prends ta main, même si elle n'est plus là pour toucher la mienne. Et, j'espère que tu as aimé ce voyage posthume que nous ont offert nos lettres.
Avec tout l'amour que je peux encore rassembler,
Repose en paix et salue maman. Dis-lui que je lui écrirai très bientôt.
Elizabeth.