XII
Il arriva cependant un jour où le comte crut devoir manifester quelques soupçons de volonté. Ce fut à l’occasion de l’éducation de son fils Arthur. La comtesse, si on l’eût écoutée, au lieu d’un homme, aurait fait du vaurien une femmelette. Ni ledit vaurien, ni son père n’entendaient de cette oreille-là. L’un se battait avec ses camarades ; l’autre disait tout bas qu’il faisait bien. La comtesse avait beau lever les mains au ciel quand son fils, le dimanche, lui arrivait avec un œil poché, le comte se mettait à rire : « Il en verra bien d’autres ! » murmurait-il. Cela jetait un froid dans le ménage. Ce qui faillit brouiller les deux époux, ce fut le choix des premières lectures de mon ami. La mère voulait le condamner, à perpétuité, au récit des amours d’Éponine et de Sabinus. Le père haussait les épaules. Le hasard fit qu’un jour il oublia d’ôter la clef de sa bibliothèque. Arthur avait quinze ans alors. Il choisit Paul et Virginie, les Confessions de Jean-Jacques-Rousseau, et emporta les livres sous sa veste. Le malheureux ! » ces chefs-d’œuvre causèrent sa perte. Il les lut, les relut, et, de turbulent qu’il avait été, il devint tout soudain rêveur.