Religieuse et amoureuse

Religieuse et amoureuse

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Comment une religieuse en arrive-t-elle à tomber amoureuse d'un homme ? C'est pourtant ce qui arriva à la sœur Philomène qui s'éprit d'amour pour un jeune homme, amour qui va lui causer bon nombres de malheurs...

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Chapitre 1
— Oui, nous nous sommes bien amusé, — disait l'interne à la sœur. Nous avons passé la journée dans le bois de Meudon… Nous étions Malivoire, l'interne de la salle Saint-Jean, et… et moi. Nous sommes revenus par Bellevue… Nous avons pris au bout de l’avenue du château par un chemin à droite… un petit chemin charmant… Il y avait la Seine en bas… on la voyait dans les arbres… le soir venait… c’était superbe… Et nous sommes revenus de là en canot, jusqu'à Neuilly… Une nuit d’une douceur !… C’est bien joli du côté de Bellevue… — Ah ! c’est joli ? — Vous n’y avez jamais été ? — Non, je ne connais que Saint-Cloud… Est-ce que c'est plus beau ? — Plus beau ? c’est plus gai… Il y a une vue… Connaissez-vous Saint-Germain ? — Non. — Ah! c’est là qu’il y a une vue, par exemple… De la terrasse on voit je ne sais à combien de lieues, comme sur une carte… Comment, vous n’avez été qu’à Saint-Cloud ? — Oui. — Il y a des endroits si jolis… Chatou, tenez !… et de tous les côtés… On n’a qu’à sortir de Paris et aller tout droit… Bougival, c’est encore délicieux… Je vous en dirais comme cela jusqu’à demain, des endroits que je me rappelle, tout verts, pleins d’arbres, avec de l’eau… des endroits qui ont l’air heureux, ma parole d’honneur ! et où le mauvais vin vous paraît bon… — Je ne verrai jamais tout ça, dit la sœur. La sœur, dans son cabinet, un genou sur son fauteuil, promenait d'une main alerte un petit plumeau sur le cadre en bois noir d’une lithographie coloriée de sainte Thérèse, sur les paquets de ficelle pendus au bois du vitrage, sur la tablette du petit bureau d'acajou, sur la carafe pleine d’eau coiffée d'un verre. Barnier vint à passer devant la porte. Retournant à demi la tête, elle lui jeta par-dessus l’épaule ce mot dans un sourire : — Je reste… Et comme si elle ne voulait pas en dire plus, elle se remit gaiement à faire la toilette du petit mobilier de son cabinet et à donner sur la table des coups de plumeau qui faisaient voler à terre le papier des Bons. — Savez-vous que je vous admire, ma mère ? — Pourquoi ? dit la sœur étonnée de la voix nerveuse que Barnier avait ce jour-là. — … que je vous admire et que je vous félicite de trouver des raisons de foi et des motifs d'espérance ici, dans une salle d'hôpital ?… Je voudrais bien être comme vous, je voudrais bien que cela me fît croire à quelque chose, de voir souffrir, mourir… mais il faut que je sois mal organisé, ça me fait l'effet contraire. — Vous êtes mal monté aujourd'hui, M. Barnier, je vois cela. — Voyons, franchement, il ne vous vient jamais de doute quand vous regardez cette file de lits, quand vous pensez à ce qu’il y a sous ces draps ? Ça vous parle d’une Providence, l’hôpital, à vous, ma mère ?… Mourir, encore c’est bon… Si ce n’était que mourir ! Mais pourquoi la souffrance ? Pourquoi la maladie ? Ah ! tenez, il y a des jours où cela révolte ma pensée… Vous trouvez un père à remercier au bout de tout cela… Moi je trouve celui qui empoisonne la vie qu’il donne, celui qui t*****e le corps qu’il prête, celui qui a fait la nécessité des gens qui droguent et des gens qui taillent, la nécessité de nous tous ! Oui, le Dieu que l'hôpital me fait voir, c’est un Dieu implacable et sourd, un Dieu de bronze et de sang comme le Christ qui est là accroché… — Monsieur Barnier, j’ai prononcé mes vœux lundi dernier, dit la sœur d’un ton qui ferma la bouche à l’interne. Ah ! ma mère, ce n’est pas tout près, la rue de la Bienfaisance… Je suis passé par une petite place qui est à côté : il y avait des robes qui séchaient entre deux arbres sur un cordeau, ça avait l’air des sept femmes de Barbe-Bleue… Votre cliente… ah ! c’est de la vraie misère de Paris !… elle avait pour draps et pour couverture, un tas de copeaux ! c’est là-dessus qu’on l’a accouchée ! — Mon Dieu ! est-il possible ! des copeaux ! — Ce qui n’empêche pas qu'au pied du lit… de ce lit-là… il n’y ait un enfant superbe, fort comme tout… et qui crie que c’est une bénédiction. Je l’ai examinée, ce n'est rien ce qu'elle a : un échauffement du sein, rien du tout… Je viens de le dire, en passant dans la salle, à sa mère. — Ah ! vous avez bien fait… la pauvre femme était d'une inquiétude… elle ne tenait pas dans son lit. Maintenant, vous savez ? je ne vous tiens pas quitte, il faudra que vous alliez voir l'homme de mon n° 12, vous m'entendez ? Vous ne serez pas plus payé que de la femme d’aujourd’hui… mais c’est moi qui me charge de vos honoraires. Toutes les fois que vous irez faire une visite dans la famille d'une de mes malades, je dirai pour vous une prière… mais une bonne prière… Et ça vaut toujours bien quarante sous une prière de moi, n'est-ce pas, M. Barnier ? Au mois de septembre, Barnier eut un congé. Quand il revint : — Eh bien ! lui dit gaiement la sœur en le revoyant, en voilà des vacances, j’espère !… Oh ! mais vous êtes engraissé… vous avez un teint, à la bonne heure ! Vous vous êtes bien amusé ? — Oui, ma foi oui… J’ai chassé comme un enragé… le gamin me portait ma carnassière… ça ne lui donnait pas de courbature. II grandit, ce moutard-là… il me va là à présent… Ma mère doit l'amener cet hiver passer quelques jours… vous verrez. Ce que c’est d'avoir été au grand air… il me semble que ça pue… Oh ! c'est comme les marins qui reprennent la mer… l’affaire de deux ou trois jours… — Et voilà tout ce que vous avez fait dans votre mois ? — Ah ! si… j’ai été à une noce, à la noce d’un de mes cousins… une noce, voyez-vous !… Ça se passait dans un petit bois qu’a le beau-père… Nous avons dansé huit jours… on arrivait tous les matins et on s’en allait le soir… Ça a duré comme ça tant qu’il y a eu de quoi boire et de quoi manger… Le dernier jour, on a fait un feu de joie avec les futailles… — Cela ne vous a pas donné envie de vous marier ? — Moi ?… Ah ! quand cette envie-là me prendra ! — Oh ! vous vous marierez… C’est dans votre état, voyez-vous de se marier… Ça doit être si bon, quand on a passé depuis le matin à voir de vilaines choses, des gens qui souffrent, tout ce que les médecins voient, de trouver en rentrant, quelque chose qui vous ôte tout cela de la tête… un intérieur… une femme au coin du feu qui vous attend… C’est que vous devez en avoir besoin de tous ces bonheurs-là chez vous, quand vous revenez de visites… Et des enfants !… c’est ça qui est fait pour vous… des enfants qui font bien du bruit… et qu’on fait prier le soir pour ses malades… sœur manqua tout à coup un matin. Elle fut absente quelques jours de la salle Sainte-Thérèse et n’y parut point. Depuis près d’un mois, on l’avait entendue se plaindre de maux de tête insupportables. Quand elle fit sa rentrée, elle était pâle comme une femme qui vient d’être saignée. Elle reprit son service avec sa même ardeur, toujours active et vive ; et elle sembla avoir retrouvé la plénitude et la régularité de sa santé d’autrefois. C'était la veille du jour l’an. La sœur, prenant avec l’interne le ton moitié enjoué, moitié sérieux, d'une sœur aînée qui fait de la morale à un frère de vingt ans : — Vous étiez bien beau hier… quand vous êtes sorti à cinq heures… et bien pressé… — Je dînais en ville. — Vous avez une mine ce matin… Est-ce que vous êtes souffrant ? — Pas du tout, non… je suis rentré tard. — Vous avez passé la nuit, je parie ? — Oh ! la nuit… c’est-à-dire… — C'est M. Malivoire qui vous entraîne, j’en suis convaincue. — Malivoire ?… ah ! le pauvre garçon !… — Mais qu’est-ce que vous pouvez faire comme cela à passer toute une nuit ?… ah ! mon dieu, quand on peut dormir… C'est si bon… Moi, s’il n'v avait pas la cloche pour me faire lever, je dormirais toute la journée… C'aurait été mon péché, la paresse, si j’avais été ma maîtresse… C'est donc si amusant que cela de danser ? — Mais je n'ai pas été au bal .. — Oh ! je sais bien ce que vous avez fait alors… Vous êtes resté à fumer dans une pièce ou vous fumiez tous… c’est ça ce qui fait du mal !… et puis vous avez joué aux cartes, n’est-ce pas ?… et de l’argent, je suis sûre… Que c’est vilain ! au lieu de vous coucher de bonne heure… Mais je ne ris pas… Votre mère vous dirait comme moi. — Qu’est-ce que c’est que ça ? dit Barnier, que la conversation embarrassait, en cognant du pied par terre un paquet sous la table de la sœur. — Voulez-vous bien ne pas donner des coups de pied ?… Vous allez me casser… — et elle s’arrêta… — mes étrennes !… Vous voudriez bien savoir ce que c’est, n’estce pas ?… Oh ! c'est bien enveloppé, vous ne verrez rien… Tenez ! je ne veux pas vous faire enrager… Quand j’étais toute petite, on m'a menée à l’Enfant-Jésus, un jour de l’an, voir une petite fille. Sur tous les petits lits d’enfants, savez-vous ce qu’il y avait ? Je m’en suis toujours rappelé… Il y avait des joujoux, et des bonbons qui ne font pas de mal, des bonbons de gomme… C’était une princesse, on nous a dit, qui avait envoyé tout cela… Et c’était gentil ! ces petits enfants malades tout pâles qui étaient heureux… si vous les aviez vus jouer dans leur lit ! Eh bien, comme on ne fait rien ici ce jour-là pour mes malades, tous les enfants qui viendront demain voir quelqu’un auront un joujou et un cornet de bonbons… comme à l’Enfant-Jésus. Et vous verrez si ça ne fera pas encore plus de plaisir aux mamans qu’aux enfants ! — Nous étions quatre… moi, Dubertrand, Noël et sa maîtresse… Elle est très gentille sa maîtresse, à Noël… C’était Malivoire qui, en allumant sa bougie au bec de gaz de la salle de garde, parlait à Barnier, veillant dans la salle, attablé, le front dans les deux mains, les yeux dans un livre de médecine. — Oh ! ç’à été très gai… Le sommelier nous avait soignés… tu sais, nous l’avons eu ici, il était dans le service de Noël… Il nous a monté des vins… des vins ! ça ressemblait a du jus de pruneaux… Et Malivoire s’assit sur la table, tenant à la main sa bougie allumée. — Oui, reprit-il, elle est très gentille, la maîtresse de Noël… — Qu'est-ce que ça me fait ? dit Barnier. — Veux-tu que je te dise ce que nous avons eu à dîner. Figure-toi, nous arrivons… Il n’y avait plus de place… On nous a mis dîner dans la chambre de la femme du restaurateur… Il y avait, dans le fond du lit, sa couronne de mariée sous verre… Ça nous embêtait, cette couronne… qui était là à nous regarder… Nous en avons fait une salade, à la fin… Eh bien, ça n’était pas bon. Ah ! il y avait aussi Emma… elle m’a demandé de tes nouvelles… Ah çà, Barnier, en parlant d'Emma, saistu que c’est étonnant ? — Quoi ? — Qu'on ne t’ait jamais connu une maîtresse… une vraie maîtresse, là ? appelle ça comme tu voudras, une habitude, si tu veux… On ne t'a jamais vu garder une femme plus de douze heures… — Eh bien ! douze heures d’une femme, tu ne trouves pas ça suffisant ? Et Barnier, faisant pirouetter sa chaise et s’y asseyant à califourchon, reprit en allongeant la main vers une pipe oubliée sur la table : — Malivoire, tu me fais de la peine… Tu as des idées fausses sur les maîtresses… Sais-tu comment nos anciens entendaient la question ?… Mieux que toi. Quand ils avaient travaillé tout un mois, en se faisant porter à manger à l’amphithéâtre, pour ne pas perdre de temps… mais travaillé jour et nuit, ce qui s’appelle travailler ! jusqu’à avoir des poux dans leurs bottes, sans s’en apercevoir !… Eh bien, pour se secouer, ils descendaient dans Paris comme des loups, ils tombaient quelque part où ils trouvaient du vin, de la mangeaille et de la femme… et ça durait trente-six heures ! Une noce de marins ! C’était la vieille école, l’école de Bichat et des autres, des messieurs bâtis un peu bien, de fiers hommes qui ne buvaient pas d’eau de Seltz… Et cette école-là, c’est la bonne, mon cher ! — Eh bien, moi, je te soutiens… je vais te dire une chose bête… mais c’est vrai… je te soutiens qu'il n’y a pas d’hommes qui aient plus besoin que nous autres de mettre dans l’amour autre chose que ce que tu dis là… autre chose que… que de l’appétit. Oui… ça a l’air d’un paradoxe, tant que tu voudras… mais, pour nous, la femme, ça ne doit pas être ça du tout… C’est tout ce qu’il y a autour de la femme… les fioritures… qui sont faites pour nous… C’est la robe… les illusions, toutes les jolies blagues, enfin… tout ce qui n’est pas le corps de l’amour, quoi !… C’est tout ça qui a des chances de nous pincer… parce que, dans notre état, — il est matériel en diable, notre état, et pas poétique, — on a un grand fonds de rêves à placer. — Tiens, Malivoire, tu es platonique, ce soir, comme un homme ivre… — Moi, pas du tout… Seulement, je te dis… — Tu me dis des choses stupides ! — fit Barnier d’un ton d'impatience ; et s'animant, il reprit : Si tu me disais qu’après ce que nous voyons, nous avons besoin d'aimer un corps jeune et tout frais, une créature dans laquelle la vie éclate, la santé rayonne des pieds à la tête, un corps devant lequel la mémoire des yeux oublie la maladie, la vieillesse, les infirmités, une femme qui soit un défi à la mort, une chair qui donne envie de mordre comme un beau fruit, une peau d'où le sang jaillit sous une piqûre d’épingle… Barnier s’arrêta. Il regarda un moment vaguement sur la table les bouteilles vides, les carafes, les demi-tasses de grosse porcelaine, les soucoupes pleines de bouts de cigarettes et d'allumettes noyés dans le bain de pied, les couteaux jetés sur les serviettes, l’assiette de sucre râpé, les pipes de terre culottées éparses çà et là ; puis relevant son regard vers Malivoire : — Tu crois que je n’aime pas ? Tu crois que je n’ai jamais aimé, toi, n’est-ce pas ? A ce moment la porte vitrée de la salle de garde s'ouvrit. Il entra un homme à barbiche, dont la blouse était serrée à la taille par une ceinture. Il avait la figure impassible, cynique et blême des infirmiers. Les deux mains dans les poches de son pantalon, il dit à Barnier, en se dandinant : — C’est pour le n° 9 de la salle Saint-Paul… Vous savez… celui que vous lui avez tambouriné la paillasse ce matin 1… Il dit qu’il étouffe… et ça le gêne. 1 Tambouriner la paillasse, ausculter. — C’est affreux ! — disait un soir à Barnier la sœur Philomène, — je ne peux pas me débarrasser de ces vilaines migraines… Aujourd’hui j’en ai une… je n’y vois pas clair… Vous n’avez pas quelque chose contre la migraine ? — Pas grand'chose… Rien du tout… Au fait si… Je vais vous indiquer un remède qui me réussit assez bien… peut-être que ça vous réussira aussi… Barnier se fit apporter par une fille de garde une tasse de café noir, et prenant un flacon de laudanum : — Voilà, dit-il ; quinze gouttes de laudanum dans une tasse de café noir, c’est mon remède… — Quinze gouttes ! fit la sœur effrayée. — J’en prendrais quarante… mais tenez, je ne vous en mettrai que dix… Et laissant tomber une à une les dix gouttes de la fiole : Ce sont des contraires qui en se combattant, font… Je vous dirai entre nous que je ne sais pas ce qu'ils font, mais ce qu’il y a de sûr, c’est qu’ils enlèvent une névralgie comme avec la main… Vous serez un peu plus longtemps à vous endormir, voilà tout… Maintenant, buvez, et vous m’en direz des nouvelles… Après une gorgée, la sœur s'arrêta et lui dit gaiement : — J’espère que vous viendrez demain matin savoir si je ne suis pas empoisonnée ? — Demain ? impossible, ma mère… Je me sauve deux jours chez un ami à la campagne… Il m*a écrit qu’il y avait des canards sauvages chez lui… Vous voyez que vous ne m’inquiétez pas beaucoup.

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