CHAPITRE UN
Mackenzie était assise dans le siège passager d’une sedan appartenant au FBI et tenait en main un Glock de service – une arme qui était devenue une sorte de seconde peau pour elle. Mais aujourd’hui, le Glock lui donnait une sensation différente. En fait, après aujourd’hui, tout serait différent.
La voix de Bryers la fit sortir de son état de rêvasserie. Il était assis derrière le volant et la regardait avec l’air d’un père déçu par sa fille.
« Tu sais… tu n’es pas obligée de le faire, » dit Bryers. « Personne ne te regardera de travers si tu n’y vas pas. »
« En fait, je me sens obligée de le faire. Je me le dois à moi-même. »
Bryers soupira et regarda à travers le pare-brise. Devant eux, un grand parking était éclairé par de faibles réverbères placés sur les bords et au centre de l’espace. Trois voitures y étaient garées et Mackenzie pouvait distinguer la silhouette de trois hommes qui faisaient les cent pas d’un air anxieux.
Mackenzie tendit la main et ouvrit la portière de la voiture.
« Tout va bien se passer, » dit-elle.
« Je sais, » dit Bryers. « Mais… fais quand même attention à toi. Si quelque chose t’arrive ce soir et que certaines personnes apprennent que j’étais ici avec toi… »
Elle n’attendit pas la fin de sa phrase. Elle sortit de la voiture et ferma la portière derrière elle. Elle tenait le Glock avec le canon baissé et s’avança lentement en direction des trois hommes qui se tenaient près des voitures. Elle savait qu’il n’y avait aucune raison d’être nerveuse mais elle ne parvenait pas à s’en empêcher. Même en voyant le visage d’Harry Dougan parmi eux, elle restait sur les nerfs.
« Il fallait vraiment que ce soit Bryers qui t’amène ? » demanda l’un des hommes.
« Il garde un œil sur moi, » dit-elle. « Il n’apprécie guère aucun d’entre vous. »
Les trois hommes se mirent à rire, puis regardèrent en direction de la voiture que Mackenzie venait de quitter. Ils firent tous un signe à Bryers d’une manière parfaitement synchronisée. Bryers leur décocha un faux sourire et leur montra le majeur de sa main droite en guise de réponse.
« Même moi, il ne m’aime toujours pas, hein ? » demanda Harry.
« Non, désolée. »
Les deux autres hommes regardérent Harry et Mackenzie du même air résigné qu’ils avaient eu l’habitude d’adopter ces dernières semaines. Bien qu’ils ne soient pas vraiment en couple, ils étaient maitenant assez proches que pour créer de légères tensions parmi leurs condisciples. Le plus petit des hommes s’appelait Shawn Roberts et l’autre, un homme robuste de deux mètres de haut, était Trent Cousins.
Cousins désigna de la tête le Glock que Mackenzie tenait en main et dégaina le sien.
« Alors, on y va ? »
« On y va ! Nous n’avons probablement pas beaucoup de temps devant nous, » dit Harry.
Ils regardèrent autour d’eux avec un air de conspiration. Un sentiment d’exaltation commença à remplir l’air et Mackenzie se rendit soudain compte que ça l’amusait beaucoup. C’était la première fois depuis son enfance qu’elle était vraiment enthousiaste au sujet de quelque chose.
« À trois, » dit Shawn Roberts.
Ils frétillaient et ne tenaient plus en place au moment où Harry commença le compte à rebours.
« Un… deux… trois ! »
En une fraction de seconde, ils avaient tous les quatre disparu. Mackenzie fonça vers la gauche, en direction de l’une des trois voitures. Derrière elle, elle entendit le bruit assourdi de coups de feu tirés par les autres. Les armes qu’ils utilisaient étaient bien entendu fictives… des armes de paintball créées et conçues afin de donner l’impression d’être de vraies armes. Ce n’était pas la première fois que Mackenzie se retrouvait dans un environnement de munitions à blanc mais c’était la première fois qu’elle le faisait sans la présence d’un instructeur – et sans aucune protection.
Une traînée de peinture rouge explosa au sol, à seulement quinze centimètres de son pied droit. Elle se baissa davantage pour mieux se cacher derrière la voiture et se faufila rapidement vers l’avant du véhicule. Elle se mit à quatre pattes et vit deux paires de pieds plus loin devant elle. L’une de ces paires se dirigeait derrière une autre voiture pour s’y cacher.
Mackenzie avait analysé la disposition du terrain au moment où ils s’étaient tous retrouvés et elle savait que le meilleur endroit où se tenir était la base du pilier en pierre qui soutenait le réverbère au centre du parking. Comme le reste de la ruelle Hogan, la disposition de ce parking était aussi aléatoire que possible mais avait toujours pour but la formation de stagiaires de l’académie. C’est pourquoi Mackenzie savait qu’il y avait toujours un endroit idéal dans chaque site, qui permettait de réussir sa mission avec succès. Dans le cas de ce parking, il s’agissait de la colonne du réverbère. Elle n’était pas parvenue à s’y rendre tout de suite car deux des autres types se tenaient déjà devant au moment où Harry avait compté jusqu’à trois. Mais maintenant, il fallait qu’elle se débrouille pour y arriver sans se faire descendre.
Elle serait éliminée si elle était touchée. Et il y avait cinq cents dollars en jeu. Elle se demanda depuis combien de temps ce petit rituel de pré-graduation avait été mis en place par les stagiaires et comment c’était devenu une sorte de légende cachée parmi les premiers de chaque classe.
Alors qu’elle était absorbée par ces pensées, elle remarqua qu’Harry et Cousins avait entamé un échange de tirs de l’autre côté du parking. Cousins se tenait derrière l’une des voitures et Harry était collé sur le côté d’une benne à ordures.
Avec un sourire aux lèvres, Mackenzie visa en direction de Cousins. Il était bien caché et elle ne pourrait pas l’atteindre de là où elle se trouvait mais elle pouvait l’effrayer un peu. Elle visa le coin supérieur de la voiture et tira. Une traînée de peinture bleue explosa au moment où le coup atteignit le véhicule. Elle vit Cousins reculer brusquement, son attention détournée d’Harry. Ce dernier tira avantage de la situation et tira à deux reprises.
Elle espérait qu’il comptait ses balles. Le but de leur petit exercice nocturne non autorisé était de s’en sortir sans être touché. Chaque joueur avait la même arme à sa disposition – un pistolet qui tirait des billes de peinture – et ils avaient reçu le nombre de cartouches correspondant au type de Glock que leur arme était destinée à copier. Ils avaient donc reçu quinze cartouches chacun. Il en restait maintenant quatorze à Mackenzie et elle était presque sûre que les trois autres hommes avaient tiré au moins trois ou quatre balles chacun.
Maintenant qu’Harry et Cousins étaient occupés, il ne restait que Shawn. Mais elle n’avait aucune idée de l’endroit où il se trouvait. Malgré sa stature, il était doué pour se déplacer de manière furtive.
Elle se mit prudemment à genoux et leva la tête sur le côté de la voiture, cherchant Shawn des yeux. Elle ne le vit pas mais elle entendit le petit bruit étouffé d’une arme qui tirait à proximité. Elle se jeta rapidement en arrière au moment où une bille de peinture heurta le bord du parechoc de la voiture. Un peu de peinture verte éclaboussa sa main lorsqu’elle recula mais ça ne comptait pas.
Pour être éliminé, il fallait être touché au bras, à la jambe, dans le dos ou au torse. Les tirs à la tête n’étaient pas permis. Bien que les billes soient petites et fabriquée en plastique fin, elles pouvaient provoquer des commotions cérébrales. Et en recevoir une dans l’œil pouvait vous rendre aveugle à vie. C’était l’une des raisons pour laquelle ce petit exercice n’était pas vu d’un bon oeil au sein du Bureau. Ils savaient néanmoins qu’il avait lieu tous les ans et ils regardaient généralement ailleurs pour laisser aux stagiaires leur petit moment d’amusement.
Par contre, ce tir permit à Mackenzie de deviner où se cachait Shawn. Il s’était retranché derrière le pilier en béton et, comme elle l’avait envisagé pour elle-même, il avait maintenant tout le monde dans sa ligne de mire. Il détourna son attention de Mackenzie et tira en direction d’Harry. Il le rata de peu, atteignant le haut de la benne à ordures, à seulement quelques centimètres de la tête d’Harry qui se jeta au sol au moment où Cousins et Shawn se mirent à tirer sur lui.
Mackenzie tira en direction de Shawn et le coup faillit l’atteindre à l’épaule. Mais il se baissa promptement au moment où elle tira, évitant ainsi d’être touché. Pendant ce temps, elle entendit Cousins hurler de frustration et de douleur.
« C’est fini pour moi, » dit Cousins, en se dirigeant lentement vers le bord du parking. Il s’assit sur un banc, là où ceux qui étaient éliminés devaient attendre en silence. Mackenzie vit une tache de peinture jaune au niveau de sa cheville, à l’endroit où Harry l’avait touché.
Harry profita de cette distraction pour sortir précipitament de sa cachette derrière la benne à ordures. Il se rua rapidement en direction de la troisième voiture garée.
Au moment où il se mit à courir, Shawn sortit de sa cachette. Il tira d’abord en direction de Mackenzie pour qu’elle reste planquée, puis porta son attention vers Harry. Il tira dans sa direction et le coup atteignit le sol à seulement cinq centimètres du pied gauche d’Harry au moment où il bondissait derrière la voiture.
Mackenzie en profita pour se diriger vers l’arrière de la voiture, pensant pouvoir faire sortir Shawn de son retranchement. Elle tira sur le côté gauche du pilier en béton, au même endroit où elle avait tiré lorsqu’elle était planquée derrière l’avant de la voiture. Au moment où la bille de peinture explosa, Shawn attendit un moment avant de sortir de sa cachette et se retrouva face à l’avant de la voiture. Au moment où elle le vit, Mackenzie bondit de l’arrière de la voiture et avança rapidement et calmement. Lorsque son angle de tir le lui permit, elle tira et le coup atteignit Shawn directement à la hanche. De la peinture verte explosa sur son pantalon et son t-shirt. Il était tellement abasourdi par l’attaque qu’il en tomba assis sur ses fesses.
« C’est fini pour moi aussi, » hurla Shawn, en regardant Mackenzie d’un air renfrogné.
Au moment où il se dirigeait vers le bord du parking pour y rejoindre Cousins, Mackenzie perçut un mouvement furtif sur sa gauche.
Petit s******d, pensa-t-elle.
Elle se jeta au sol et se retrancha derrière le pilier en béton. La lumière du réverbère brillait de manière vive au-dessus d’elle, tel un spot. Mais elle savait que ça pouvait jouer en sa faveur lorsque son attaquant se trouverait dans l’ombre. La lumière pouvait être trop vive, déstabilisant légèrement son tir.
Au moment où elle se colla contre le béton, elle entendit une bille de peinture atteindre l’arrière du pilier. Dans le silence qui s’ensuivit, elle entendit Cousins et Shawn ricaner sur le banc.
« Ça va être amusant à regarder, » dit Cousins.
« Amusant ? » dit Shawn. « Je dirais plutôt douloureux. »
À travers leurs rires, Mackenzie ne put pas s’empêcher de sourire à la situation. Elle savait qu’Harry lui tirerait dessus. Ils n’avaient pas le genre de relation où il lui lècherait les bottes et aurait envie de la flatter au point de la laisser gagner. Ils étaient tous les deux dans le même bateau – ils allaient tous deux être diplômés demain et nommés agents.
Ils avaient par contre passé beaucoup de temps ensemble, tant dans le contexte de l’académie que dans d’autres situations plus amicales. Mackenzie le connaissait bien et elle savait ce qu’elle devait faire pour l’avoir. Se sentant presque mal à l’aise pour ce qu’elle allait faire, Mackenzie se pencha lentement vers l’extérieur et tira. Le coup atteignit la roue de la voiture derrière laquelle il se cachait.
Il sortit tout de suite de son retranchement et sa tête surgit au-dessus du capot. Elle fit semblant de se diriger vers la droite, comme si elle retournait se cacher derrière le pilier. Et comme prévu, c’est là où il tira. Mais Mackenzie changea de direction et roula sur la gauche. Elle se redressa sur son ventre, leva son arme et tira.
Le coup atteignit Harry sur le côté droit du torse. Dans l’obscurité où il se tenait, la couleur jaune de la peinture était presqu’aussi vive que la couleur du soleil.
Harry baissa les épaules et jeta son arme dans le parking. Il sortit de sa cachette derrière la voiture et secoua la tête, d’un air surpris.
« C’est fini pour moi. »
Mackenzie se mit sur pieds et pencha la tête en fronçant les sourcils.
« Tu es fâché ? » demanda-t-elle, en le taquinant.
« Pas du tout. C’était bien joué. »
Derrière eux, Cousins et Shawn applaudissaient. Encore plus loin derrière, Bryers sortait de sa voiture et se dirigeait vers eux. Mackenzie savait qu’il avait été inquiet pour elle mais qu’il avait également été honoré de l’avoir accompagnée. En effet, la tradition voulait qu’un agent expérimenté soit présent lors de ce petit exercice, au cas où quelque chose irait mal. Ça arrivait de temps en temps. Mackenzie avait entendu parler de ce type qui avait été touché à l’arrière du genou en 1999 et qui avait dû recevoir son diplôme en béquilles.
Bryers les rejoignit au moment où ils se retrouvèrent tous près du banc. Il glissa la main dans sa poche et en sortit les cinq cents dollars qu’il avait gardés pour eux – c’était l’argent qu’ils avaient tous versés dans le pot commun. Il les tendit à Mackenzie et dit :
« On savait tous qui allait gagner, n’est-ce pas ? »
« Bon boulot, Mac, » dit Cousins. « Je préfère que ce soit toi qui m’aies éliminé plutôt que l’un de ces bouffons. »
« Merci pour le compliment, » dit Mackenzie.
« Je déteste l’idée de passer pour un vieux con, » dit Bryers, « mais il est presqu’une heure du matin. Rentrez chez vous et reposez-vous. Ne venez pas à la remise des diplômes sans avoir dormi et sans vous être reposés. »
Un sentiment étrange de joie envahit à nouveau Mackenzie. C’était son groupe d’amis – un groupe d’amis qu’elle avait appris à bien connaître depuis qu’elle était retournée à un semblant de vie normale après la petite expérience que McGrath avait faite avec elle neuf semaines plus tôt.
Demain, ils allaient tous être diplômés de l’académie et, si tout se déroulait comme prévu, ils seraient tous nommés agents la semaine prochaine. Pendant qu’Harry, Cousins et Shawn ne s’attendaient pas forcément à débuter leurs carrières sur des affaires prestigieuses, Mackenzie quant à elle, était bien plus impatiente de passer à l’étape suivante… c’est-à-dire, le groupe spécial d’agents dont McGrath lui avait parlé quelques jours après sa dernière affaire. Elle ne savait toujours pas ce que ça impliquait mais elle était impatiente d’en savoir plus.
Au moment où leur petit groupe se dispersa et que chacun partit de son côté, Mackenzie ressentit autre chose qu’elle n’avait plus ressenti depuis longtemps. Elle eut le sentiment que le futur se trouvait devant elle, qu’il était sur le point de se dévoiler et qu’il était à portée de main. Et pour la première fois depuis bien longtemps, elle sentit que c’était elle qui choisissait la direction à lui donner.
*
Mackenzie regarda l’hématome sur le torse d’Harry et bien qu’elle sache qu’elle aurait dû ressentir de la compassion pour lui, elle ne pouvait pas s’empêcher de rire. L’endroit où elle l’avait touché était enflammé et la rougeur se répandait sur un diamètre de cinq centimètres tout autour. Ça ressemblait beaucoup à une piqûre d’abeille mais, elle le savait, ça faisait beaucoup plus mal.
Ils étaient debout dans sa cuisine et elle était occupée à envelopper un glaçon dans une lavette pour le lui donner. Elle le lui tendit et il l’appliqua sur l’endroit enflammé, d’un air un peu gauche. Il était clair qu’il était mal à l’aise mais il était également touché par le fait qu’elle l’ait invité chez elle pour s’assurer qu’il allait bien.
« Je suis désolée, » dit-elle, d’un ton sincère. « Mais tu sais, je peux peut-être t’inviter à un café avec ce que j’ai gagné. »
« Ça devra être un sacrément bon café, » dit Harry. Il éloigna le glaçon de son torse et plissa le nez en regardant vers l’endroit de l’inflammation.
Pendant que Mackenzie le regardait, elle se rendit compte que, bien qu’il soit venu à son appartement plus d’une dizaine de fois et qu’ils se soient embrassés à quelques reprises, c’était la première fois qu’il était torse nu chez elle. C’était aussi la première fois depuis Zack qu’elle voyait d’aussi près un homme partiellement dénudé. C’était peut-être l’adrénaline d’avoir gagné la compétition ou peut-être l’approche de la remise des diplômes demain, mais elle aimait ça.
Elle s’avança et plaça une main sur le côté indemne de son torse, au niveau de son cœur. « Est-ce que tu as encore mal ? » demanda-t-elle, en se rapprochant encore davantage de lui.
« Pas à l’instant présent, » dit-il, en souriant nerveusement.
Elle fit lentement glisser sa main vers la zone enflammée et la toucha délicatement. Puis, sous l’effet d’instincts féminins qu’elle avait enterrés depuis longtemps et remplacés par un sentiment d’obligation et d’ennui, elle se pencha et embrassa l’endroit où elle l’avait touché. Elle sentit qu’il se contracta aussitôt. Sa main glissa le long de ses hanches et elle l’attira plus près d’elle. Elle embrassa sa clavicule, la naissance de son épaule et son cou. Il soupira et l’attira plus près de lui.
Comme c’était généralement le cas avec eux, ils s’embrassaient avant même de se rendre compte de ce qui se passait. C’était arrivé à quatre reprises auparavant et à chaque fois, c’était comme si c’était naturel, quelque chose d’imprévu et sans aucune attente d’aucune sorte.
En moins de dix secondes, elle se retrouva légèrement plaquée contre le plan de travail de la cuisine. Ses mains à elle parcouraient sa poitrine pendant que sa main à lui remontait le long de son t-shirt. Son cœur battait à tout rompre et chaque partie de son corps lui disait qu’elle le désirait, qu’elle était prête.
Ils avaient déjà failli passer le cap auparavant – à deux reprises, en fait. Mais à chaque fois, ils s’étaient interrompus. En fait, c’était elle qui avait arrêté. La première fois, elle l’avait interrompu au moment où il cherchait à ouvrir le bouton de son pantalon. La deuxième fois, il était assez saoûl et elle était bien trop sobre. Ils ne se l’étaient jamais dit aussi clairement, mais leur hésitation à coucher ensemble venait surtout du respect mutuel qu’ils avaient l’un pour l’autre et d’une incertitude quant au futur. Elle avait une bien trop haute opinion d’Harry pour l’utiliser simplement pour satisfaire un besoin sexuel. Elle se sentait de plus en plus attirée par lui mais le sexe avait toujours été pour elle un sujet très privé. Avant Zack, il n’y avait eu que deux hommes et l’un d’entre eux avait été plutôt un cas d’agression qu’un cas de sexe consenti mutuellement.
Alors que toutes ces pensées lui traversaient l’esprit au moment où elle embrassait Harry, elle réalisa que ses mains étaient maintenant posées bien plus bas que son torse. Il l’avait apparemment également remarqué, car il se contracta et prit une profonde inspiration.
Elle retira précipitamment ses mains et s’éloigna de lui. Elle fixait le sol du regard car elle avait peur de voir de la déception dans ses yeux.
« Attends, » dit-elle. « Harry… Je suis désolée… Je ne peux pas… »
« Je sais, » dit-il, sur un ton légèrement frustré. « Je sais que c’est… »
Mackenzie prit une profonde inspiration et s’éloigna de lui. Elle détourna son regard, incapable de supporter la confusion et la douleur qu’elle pouvait lire dans ses yeux. « On ne peut pas. Je ne peux pas. Je suis désolée. »
« Ce n’est pas grave, » dit-il, sur un ton toujours clairement perturbé. « Demain est un grand jour et il est tard. Alors je vais m’en aller avant que le fait d’être abattu une seconde fois prenne trop d’importance. »
Elle se retourna pour lui faire face et hocha la tête. Son commentaire acéré ne la dérangeait pas, car elle le méritait en quelque sorte.
« C’est sûrement ce qu’il y a de mieux à faire, » dit-elle.
Harry enfila son t-shirt taché de peinture et se dirigea lentement vers la porte. « Tu as fait du bon boulot ce soir, » dit-il au moment de partir. « J’étais sûr que tu allais gagner. »
« Merci, » dit Mackenzie, sans aucune expression. « Et Harry… vraiment, je suis désolée. Je ne sais pas ce qui m’arrête. »
Il haussa les épaules au moment d’ouvrir la porte. « Ce n’est pas grave, » dit-il. « C’est juste… je ne pourrai pas faire ça encore pendant longtemps. »
« Je sais, » dit-elle, sur un ton triste.
« Bonne nuit, Mac »
Il ferma la porte derrière lui et Mackenzie se retrouva seule. Elle se tenait debout dans sa cuisine et regardait l’heure. Il était une heure et quart et elle n’était pas du tout fatiguée. Peut-être que le petit exercice dans la ruelle Hogan avait pompé trop d’adrénaline dans ses veines.
Elle essaya néanmoins d’aller dormir mais elle passa la plupart de la nuit à se retourner dans son lit. Dans un état de demi-sommeil, elle eut toute une série de rêves dont elle ne se rappela pas vraiment mais l’une des constantes dans chacun d’entre eux était le visage de son père, souriant, fier qu’elle soit arrivée aussi loin – que demain, elle soit diplômée de l’académie.
Mais malgré ce sourire, il y avait une autre constante dans tous ces rêves, quelque chose à laquelle elle s’était habituée depuis longtemps, une image qui la tourmentait souvent lorsque les lumières s’éteignaient et qu’il était l’heure de dormir : le regard fixe de son père mort et le sang qui l’entourait.