Timothée et Léa se réveillèrent de bonne heure, les yeux gonflés de larmes. Ils avaient assisté la veille à l’enterrement de leurs parents, décédés quelques semaines plus tôt des suites d’accident de circulation. Meurtris par la douleur, ils se sentaient presque complètement vidés de toute énergie. Leur oncle, Jean MOUKALLA, les pressait de faire leurs bagages, car ils devaient quitter le village IBOTI le plus tôt possible pour rejoindre la ville de Douala, où allaient désormais vivre Timothée et Léa. Ces derniers ont du mal à réaliser qu’ils vont devoir quitter la maison dans laquelle ils ont grandi. Chaque coin de la maison leur rappelle leurs souvenirs d’enfance, partagés avec leurs défunts parents. Mais malgré tout, ils savent qu'ils n’ont pas le choix. Ils vont devoir quitter la maison où ils ont grandi pour désormais habiter chez leur oncle. Ils n’y avaient jamais mis les pieds, mais leur père leur avait dit que leur oncle Jean qui habite en ville a une très belle maison. Jean n’avait jamais d’ailleurs accepté que son frère envoie ses deux enfants en congés chez lui, sans jamais donner d’explications. Il ne voulait d’ailleurs pas les recueillir chez lui après la mort de son grand-frère. Mais le conseil de famille en décida autrement, et le contraignit à les héberger pendant tout leur cursus scolaire jusqu’à l’âge adulte. Pendant qu’ils faisaient leurs bagages en pleurant à chaudes larmes, Léa marqua une pause. "Je ne veux pas partir", dit-elle en sanglotant. "Je sais, moi non plus", répondit Timothée, essayant de la réconforter. "Mais nous devons aller vivre avec notre oncle Jean et sa femme. Nous n’avons pas le choix".
Ils sortirent, et regardèrent leur oncle fermer la porte de la maison, et le suivirent dans sa voiture, accompagné de Sylvie. Le trajet jusqu'à Douala fut long et silencieux. Personne n’avait envie de parler, et chacun était occupé à quelque chose. Sylvie lisait un magazine, son mari Jean conduisait, pendant que Timothée et Léa quant à eux dormaient pour récupérer le sommeil qui les avait fuis toute la nuit.
Quand ils entrèrent dans la ville de Douala, ils furent réveillés par les klaxons de motos et de voiture. Ils regardèrent avec curiosité tout ce qu’il y avait de l’autre côté de la vitre de la voiture ; c’était leur première fois d’arriver en ville, et le spectacle que leur offraient les automobilistes, les vendeurs, les routes bitumées, les immeubles, les rues bondées, les débits de boissons, était pour eux absolument épatant.
Ils arrivèrent enfin dans le domicile de leur oncle Jean. C’était une belle et grande maison, entourée d'un jardin luxuriant. Arrivé devant le portail, il klaxonna, et quelques instants après un vigile sortit lui ouvrir le portail et lui souhaiter la bienvenue. Timothée et Léa descendirent de la voiture et se mirent à regarder autour d'eux, émerveillés. La maison avait deux étages, avec des fenêtres en bois sombre et un toit en tuiles rouges. La façade était ornée de colonnes en pierre et d'une grande porte en bois massif. "Voici votre nouvelle maison", dit leur oncle Jean, avec un sourire forcé. Timothée et Léa étaient déjà émerveillés par ce qu’ils virent à l’extérieur de la maison. Et ils le seraient encore davantage par ce qu’ils allaient voir à l’intérieur. L'intérieur de la maison était somptueusement décoré, avec des meubles en bois précieux et des tapis épais. Timothée et Léa étaient impressionnés par la beauté de la maison de leur oncle. Mais leur émerveillement fut de courte durée. Ils étaient toujours sous le choc, car en l’espace de quelque temps leur vie a complètement basculé. La douleur de la perte de leurs parents était encore vive dans leur cœur.
Leur oncle les conduisit à une petite chambre au deuxième étage. "Voici votre chambre", dit-il. "Vous dormirez ici." Timothée et Léa se regardèrent. On pouvait lire la déception sur leur visage. Quand ils entrèrent dans la chambre, la première chose qu’ils remarquèrent était l’étroitesse de la pièce. Au beau milieu de la chambre se trouvait un petit lit à étage en mauvais état. Le matelas semblait déjà avoir largement atteint sa période d’utilité. Les draps n’étaient plus tout neufs. Timothée essaya d’allumer la lumière, mais il constata que l’interrupteur était défectueux, donc ils allaient devoir passer leur première nuit dans le noir ! Pendant qu’ils étaient en train de défaire leurs bagages, Léa fut effrayée par quelques cafards qui sortirent brusquement de la commode dans laquelle elle rangeait ses habits. Les deux orphelins comprirent que cette chambre n’avait pas été habitée depuis belle lurette. Personne n’avait pris soin de la nettoyer, de la mettre en état de propreté, pourtant tous savaient qu’elle allait accueillir deux nouveaux occupants.
Pendant que Timothée et Léa s’installaient dans leur nouvelle chambre, quelqu’un frappa à la porte. Ils lui demandèrent d’entrer. Deux enfants entrèrent dans la chambre. C’était Thierry et Prisca, leurs cousins. "Bonjour, moi, c'est Thierry. Et voici ma sœur Prisca", dit le garçon, avec un air supérieur. Prisca, âgée de sept ans comme Léa, regarda Timothée et sa sœur avec dédain. "Et vous, comment vous vous appelez ?", demanda Thierry. "Je m’appelle Timothée, et elle c’est ma petite sœur Léa. Nous sommes vos cousins. Nous venons d’arriver du village." "Nous avons entendu parler de vous", ajouta Thierry. "Mais sachez que vous n’êtes pas les bienvenus ici. Nous ne voulons pas partager notre quotidien avec de pauvres orphelins. Nous allons tout faire pour vous rendre la vie difficile dans cette maison". Après avoir dit ces mots, il jeta un regard à la fois menaçant et méprisant sur ses cousins, puis sortit de la chambre avec sa sœur, non sans avoir claqué la porte. Timothée et Léa étaient à la fois inquiets et surpris par cet accueil glacial. Léa commença à pleurer. Elle n’imaginait pas que ses cousins pouvaient se comporter aussi méchamment envers eux. Timothée prit la main de Léa et la serra fort. "Ne t'inquiète pas, petite sœur", chuchota-t-il. "Ne t’en fais pas ; je ne laisserai personne parmi eux te faire de mal."
La nuit tombée, Timothée et Léa se couchèrent dans leur petit lit, se sentant seuls et abandonnés dans ce nouveau monde.