Ça faisait déjà deux semaines que Timothée et Léa étaient arrivés à Douala, une ville qui leur était inconnue jusqu’ici. Ils étaient toujours marqués par le décès brusque de leurs parents, et ils essayaient tant bien que mal de se familiariser avec leur nouvel environnement. Ils attendaient impatiemment la rentrée scolaire, pour qu’ils puissent enfin découvrir d’autres milieux et côtoyer d’autres personnes en dehors du cadre familial. Sylvie en particulier les exaspérait, parce qu’elle était prompte à leur crier dessus à la moindre erreur. Un matin, elle se rendit au marché. Mais avant d’y aller, elle ordonna à Léa de faire la vaisselle. Léa rassembla toute la vaisselle salle, puis se mit à la laver. Mais à un moment donné, elle fut distraite et laissa tomber une assiette cassable de grande valeur qu’elle tenait en main. L'assiette se brisa en morceaux sur-le-champ. Ses cousins Thierry et Prisca se mirent à rire aux éclats, en lui prédisant une bastonnade mémorable quand leur mère serait de retour.
De retour du marché, Sylvie fut accueillie par Prisca, qui lui annonça la nouvelle. "Maman ! Léa a cassé une de tes assiettes préférées !" crie Prisca. Sylvie alla regarder immédiatement dans la poubelle, et elle y vit les morceaux de l’assiette qui s’était brisée. Elle entra dans une colère noire. Elle prit un morceau de bois qui trainait au sol et se mit à battre Léa. "Tu es maladroite ! Tu vas payer pour cela !" cria-t-elle. Léa se mit à pleurer et à crier de toutes ses forces. En voyant sa sœur se tordre de douleur, Timothée se mit également à pleurer. Ça lui fendait le cœur de la voir en train de souffrir. Il avait envie de réagir, mais il comprit que cela aurait plutôt envenimé la situation ; lui aussi serait probablement battu en même temps que sa sœur. Il assista donc à la scène, complètement impuissant.
Après l'avoir battue, Sylvie ordonna à Léa d'effectuer d'autres tâches ménagères. Elle la priva également de petit-déjeuner. Timothée ne put supporter de voir sa petite-sœur mourir de faim. Il prit une part de son petit-déjeuner qu’il donna à Léa discrètement.
De retour du travail, oncle Jean remarqua que Léa et Timothée étaient assis dans leur coin, tristes. "Pourquoi êtes-vous si tristes ? Qu'est-ce qui se passe ?" demanda-t-il. Ils ne répondirent pas. Oncle Jean pensa qu’il s’agissait encore d’un de leur moment de tristesse dû à la récente perte de leurs parents. Il demanda à ses neveux de venir plus près de lui, pour qu’il les prenne dans ses bras et les réconforte. Mais quand ils furent plus près de lui, il remarqua des rougeurs et des contusions sur le bras et au dos. "Léa, qu’est-ce qui s’est passé ?" demanda Oncle Jean, choqué. Léa voulut répondre, mais elle n’arrivait pas à parler. Elle se mit plutôt à pleurer. Timothée se fit le porte-parole de sa sœur. Il répondit à oncle Jean que sa sœur Léa a été battue par Sylvie. Oncle Jean fit appeler Sylvie à l’instant. Quand elle vint, il se met à la réprimander durement devant les enfants. "Qu’est-ce qui t’a pris de mettre la main sur Léa ? Pourquoi es-tu si méchante envers mes neveux, et particulièrement la plus fragile ?" demanda-t-il. "Je t’interdis de mettre encore la main sur eux !" Sylvie essaya de se justifier. "Elle a cassé un plat qui m’a coûté très cher, et je suis sûre qu’elle l’a fait exprès !" Mais son mari ne voulut rien entendre. "Tu es déraisonnable !" dit-il. "Je ne te permettrai plus jamais de les maltraiter !" Sylvie tourna le dos et partit, les larmes aux yeux.
Avant d’héberger Timothée et Léa, Oncle Jean n’était pas très affectueux à leur endroit. Mais avec le temps, il en est venu à éprouver pour eux de la compassion. Il savait que perdre ses parents à cet âge est une expérience assez traumatisante pour un enfant. Pour réconforter Timothée et Léa, il les emmena manger dans un restaurant chic et prendre des glaces. Il leur fit ensuite une promesse qui leur redonna le sourire. "Je vais réparer tout ce qui est défectueux dans votre chambre", promit-il. Beaucoup de choses étaient en mauvais état dans leur chambre, et les deux enfants espéraient que le propriétaire des lieux ferait quelque chose pour les aider. Oncle Jean prévit de réparer le lit, de peindre les murs, de rétablir l’éclairage, de changer les rideaux et de mettre un nouveau tapis.
Aux environs de vingt heures, Oncle Jean était de retour avec Timothée et Léa, sous le regard nerveux de Thierry et Prisca. Ils brûlaient de jalousie à l’égard de leurs cousins. Ça faisait un moment qu’ils n’avaient pas fait de sortie avec leur père. Ils voulaient en faire une depuis plusieurs semaines, mais là leur père trouva plutôt le temps d’en faire une avec d’autres personnes, de surcroit des personnes pour qui ils n’avaient pas beaucoup d’affection.
Timothée et Léa quant à eux passèrent pour la première fois une bonne nuit dans leur nouvelle demeure. Ils s'endormirent contents, car ils se sentaient de plus en plus soutenus par leur oncle.