VL’île d’Ischia, qui sépare le golfe de Gaëte du golfe de Naples, et
qu’un étroit canal sépare elle-même de l’île de Procida, n’est qu’une seule
montagne à pic dont la cime blanche et foudroyée plonge ses dents ébréchées
dans le ciel. Ses flancs abrupts, creusés de vallons, de ravines, de lits de
torrents, sont revêtus du haut en bas de châtaigniers d’un vert sombre. Ses
plateaux les plus rapprochés de la mer et inclinés sur les flots portent des
chaumières, des villas rustiques et des villages à moitié cachés sous les
treilles de vigne. Chacun de ces villages a sa marine. On appelle ainsi
le petit port où flottent les barques des pêcheurs de l’île et où se balancent
quelques mâts de navires à voile latine. Les vergues touchent aux arbres et aux
vignes de la côte.
Il n’y a pas une de ces maisons suspendues aux pentes de la
montagne, cachée au fond de ses ravins, pyramidant sur un de ses plateaux,
projetée sur un de ses caps, adossée à son bois de châtaigniers, ombragée par
son groupe de pins, entourée de ses arcades blanches et festonnée de ses
treilles pendantes, qui ne fût en songe la demeure idéale d’un poète ou d’un
amant.
Nos yeux ne se lassaient pas de ce spectacle. La côte abondait en
poissons. Le pêcheur avait fait une bonne nuit. Nous abordâmes à une des
petites anses de l’île pour puiser de l’eau à une source voisine et pour nous
reposer sous les rochers. Au soleil baissant, nous revînmes à Naples, couchés
sur nos bancs de rameurs. Une voile carrée, placée en travers d’un petit mât
sur la proue, dont l’enfant tenait l’écoute, suffisait pour nous faire longer
les falaises de Procida et du cap Misène, et pour faire écumer la surface de la
mer sous notre esquif.
Le vieux pêcheur et l’enfant, aidés par nous, tirèrent leur barque
sur le sable et emportèrent les paniers de poissons dans la cave de la petite
maison qu’ils habitaient sous les rochers de la Margellina.