Et il ouvrait les yeux pour absorber tout le charme du tableau que cette pièce formait à cette minute. Au fond, à gauche, des rideaux, d’un rouge sombre et maintenant baissés, masquaient la scène, établie pour la circonstance dans la grande salle à manger qui, d’ordinaire, ouvrait sur le hall, comme l’attestaient les trois marches aperçues au bas de ces rideaux. Au milieu, une colonne de marbre se dressait, surmontée d’un buste de bronze représentant le fameux Nicolas Komof, l’ami du tzar Pierre, et, autour de cet ancêtre, quatre énormes arbustes verdoyaient, plantés dans des vases en cuivre d’un travail persan. Entre cette espèce de monument familial et les rideaux baissés de la scène, des lignes de chaises étaient rangées. En ce moment, presque toute la portion féminine de l’assistance y avait pris place, et c’était, sous le feu des lustres, comme un parterre vivant d’épaules nues, les unes maigriottes et les autres du plus admirable modelé, de chevelures blondes ou noires, de visages éclairés par des yeux bruns ou bleus, de bras robustes ou fins. Les éventails battaient, les bijoux brillaient, les paroles et les rires se confondaient en une espèce de grande rumeur indistincte. Le chatoiement des étoffes des robes faisait de cette moitié du salon, où se tenaient les femmes, un éclatant contraste à la masse sombre des habits noirs pressés dans l’autre moitié. Quelques femmes cependant étaient debout parmi les hommes, et quelques hommes apparaissaient, comme perdus entre les chaises où causaient les femmes. Toute cette société, quoique très mélangée, se composait de personnes habituées à se retrouver sans cesse, et depuis des années, dans les lieux de rendez-vous qui servent de terrain commun aux divers mondes. Il y avait là des duchesses du plus pur faubourg Saint-Germain, de celles que les goûts de sport et de charité conduisent un peu partout ; il y avait aussi des femmes de grands financiers et des femmes de diplomates, toute une série de représentantes de l’élégance cosmopolite, et même de simples femmes d’artistes, en train de poursuivre la fortune de leurs maris à travers les dîners en ville et les réceptions. Mais, pour un nouveau venu comme René Vincy, aucune des particularités sociales qui distribuaient ce salon en une série de petits groupes très distincts n’était perceptible. Il regardait ce spectacle, qui dépassait, comme première impression de luxe étalé, toutes ses chimères de jeune homme. Au milieu du brouhaha des voix, il se laissait présenter à quelques-uns des hommes qui se rencontraient sur le passage, et à quelquesunes des femmes du dernier rang des chaises. Il s’inclinait, balbutiait quelques mots en réponse aux compliments que les plus aimables lui formulaient. Mme Komof qui voyait son trouble, eut la charité de ne pas le quitter, d’autant plus que Claude, en proie sans doute à une nouvelle crise de sa passion, avait disparu. — Il devait être entré dans les coulisses, — et quand les trois coups résonnèrent, le poète se trouva tout naturellement assis auprès de la comtesse, dans l’ombre d’un des arbustes qui entouraient la colonne de l’ancêtre. Quel bonheur qu’il eût ainsi une place d’où il pouvait échapper aux regards ! L’indication de la brochure portant simplement ces mots : « Dans un jardin, à Venise, » le décor avait pu être réduit à une toile qui fermait le fond, et à un fouillis de plantes empruntées aux célèbres serres de la comtesse Deux domestiques en livrée étaient venus relever les rideaux ; et la scène apparut, minuscule.. Avec leurs formes un peu raides et la nuance lustrée de leurs feuillages, ces arbustes exotiques faisaient un cadre bien différent de celui que la fantaisie de M. Perrin avait aménagé à la Comédie-Française. Il s’était, lui, le directeur artiste, s’il en fut jamais, complu à restituer une de ces terrasses sur la lagune, qui descendent vers l’eau glauque par un escalier de marbre blanc, avec des façades de palais à colonnettes rouges sur l’horizon bleuâtre, avec des fuites de noires gondoles au tournant des canaux. Cette nouveauté de décor, la petitesse de la scène, le cercle restreint du public et son caractère d’élite, tout contribuait à augmenter le trouble de René. Il retrouva l’espèce de battement affolé du cœur qu’il avait connu derrière un des portants du théâtre, le soir de la première représentation. Des applaudissements éclatèrent, qui saluaient l’entrée en scène de Colette Rigaud. L’actrice s’inclina en souriant, dans son costume à la Watteau, et, même sous cette robe copiée d’une des fêtes galantes du grand peintre, avec ses cheveux poudrés, une mouche au coin du sourire et du rouge sur ses joues trop pâles, elle gardait ce je ne sais quoi d’attendrissant qui venait de ses yeux et de sa bouche, tout pareils, en effet, aux yeux tristement songeurs et à la bouche, mélancolique dans la sensualité, que Botticelli donne à ses madones et à ses anges. Que de fois René avait entendu Claude gémir : « Lorsqu’elle m’a menti, et qu’elle me regarde avec ces yeux-là, je me mets à la plaindre de ses infamies au lieu de lui en vouloir. » Colette commença de réciter les premiers vers de son rôle avec ses lèvres à la fois un peu renflées et fines, et l’angoisse de René fut portée à son comble, tandis qu’il écoutait autour de lui les chuchotements presque à voix haute que les gens du monde se permettent volontiers lorsqu’une artiste joue dans un salon. « Elle est bien jolie…— Croyez-vous que ce soit le même costume qu’au théâtre ? …— Ma foi, elle est trop maigre pour mon goût…— Quelle voix sympathique ! …— Non, elle imite trop Sarah Bernhardt…— J’adore cette pièce, et vous ? …— Les vers, moi, ça me fait dormir… » L’oreille aiguë du poète surprenait ces exclamations et d’autres encore. Elles furent réprimées par une bordée de « chut » ! qui partirent d’un groupe de jeunes gens, tout près de René, parmi lesquels se distinguait un personnage chauve, au nez un peu fort, à la face congestionnée. La comtesse lui envoya de la main un geste de remerciement et, se retournant vers son voisin : — « C’est M. Salvaney, » fit-elle, « il est amoureux fou de Colette. » Le silence s’était rétabli, un silence troublé à peine par le bruit des respirations, le froissement des étoffes et la palpitation des éventails. René, maintenant, écoutait chanter la musique de ses propres vers avec une griserie délicieuse, car, à ce silence et aux murmures approbatifs qui s’élevèrent bientôt, il comprenait, il sentait que son œuvre s’imposait à ce public de mondaines et de mondains réunis dans ce salon, comme elle s’était imposée à la salle de « première » au Théâtre-Français, toute remplie d’écrivains fatigués, de courriéristes blasés, de boulevardiers viveurs et de femmes galantes. Une hallucination intérieure ramenait malgré lui le jeune homme vers l’époque où il avait imaginé, puis écrit, cette saynète qui lui valait, ce soir, un nouveau et délicieux frémissement d’amour-propre, après avoir si profondément bouleversé sa vie. Il se revoyait au printemps dernier, se promenant dans les allées du jardin du Luxembourg, vers le crépuscule ; et le mystère de la nuit commençante, l’arome des fleurs, l’azur assombri du ciel apparu à travers la feuillée encore rare, le marbre des statues des reines, tout de ce paysage l’avait enivré, d’autant plus que Rosalie marchait auprès de lui, silencieuse. Elle avait une si candide façon de le regarder avec ses yeux noirs, où il pouvait lire une tendresse inconsciente et passionnée ! C’était ce soir-là qu’il lui avait parlé d’amour, ainsi, dans le parfum des premiers lilas, tandis que la voix de Mme Offarel causant avec Émilie leur arrivait, indistincte. Il était revenu rue Coëtlogon en proie à cette fièvre d’espérance qui vous met les larmes au bord des yeux, le cœur au bord des lèvres, qui vous remue jusqu’à la racine la plus intime de votre être. Il lui avait été impossible de dormir, et là, seul dans sa chambre, il s’était, par comparaison avec Rosalie, rappelé sa première et unique maîtresse, une fille du quartier Latin, nommée Élise. Il l’avait rencontrée dans une brasserie où il s’était laissé entraîner par les deux seuls confrères qu’il connût. Élise était jolie, quoique fanée, avec du noir sous les yeux, de la poudre sur tout le visage, du carmin aux lèvres. Elle avait eu un caprice pour lui, et, bien qu’elle le choquât de toute manière, par ses gestes et par ses pensées, par sa voix et par ses sensations, il était devenu son amant ; — triste intrigue qui avait duré six mois, et qui lui demeurait comme un souvenir amer. Il s’était attaché, malgré lui, à cette fille, étant de ceux que la volupté mène à la tendresse, et il avait cruellement souffert de ses coquetteries, de ses grossièretés de cœur, du fond d’infamie morale sur lequel la pauvre créature vivait. Assis à sa table de travail et songeant avec extase à la pureté de Rosalie, il avait conçu l’idée d’un poème où il mettrait en contraste une coquette d’une part, de l’autre une jeune fille vraie et tendre. Puis, comme il était un fervent lecteur des comédies de Shakespeare et de Musset, sa vulgaire aventure de brasserie avait, par une métamorphose étrange et cependant sincère, pris la forme d’une fantaisie italienne. Il avait, cette nuit même, jeté sur le papier le plan du Sigisbée et composé cinquante vers. C’était la simple histoire d’un jeune seigneur vénitien, Lorenzo, qui s’éprenait d’une froide et cruelle coquette : la princesse Cœlia. Il perdait, le malheureux, son cœur et ses larmes à courtiser cette implacable beauté, puis, sur le conseil d’un jeune marquis de Sénécé, roué français de passage à Venise, il affectait, pour piquer au jeu Cœlia, de s’intéresser à la jolie et douce comtesse Béatrice. Il découvrait alors que cette dernière l’aimait depuis longtemps ; et quand Cœlia, prise au piège, essayait de l’attirer de nouveau, Lorenzo, éclairé par cette expérience, disait non à la perfide dont il avait été le triste Sigisbée, pour s’abandonner tout entier au charme de celle qui savait aimer, — simplement. Colette parlait, jouant Cœlia. Lorenzo se lamentait. Le roué se moquait. Béatrice rêvait… Ce petit monde venu du pays de Benedict et de Perdican, de la Rosalinde d'As you like it et du Fortunio du Chandelier, allait et venait dans un rayon de poésie, caressant et atténué comme un rayon de lune. Des voix s’élevaient par instants du groupe des femmes, qui jetaient un : « Charmant !… » ou un : « Exquis !… » et René se souvenait des nuits de travail, une trentaine, consacrées à prendre et à reprendre tel ou tel de ces morceaux, cette élégie par exemple, écrite par Lorenzo sur un billet, — billet qu’à un moment Cœlia montrait à Béatrice. Comme la voix de Colette se faisait tendre et moqueuse pour réciter ces vers : Si les roses pouvaient nous rendre le b****r Que notre bouche vient sur leur bouche poser ; Si les lilas pouvaient, et les grands lis, comprendre La tristesse dont nous remplit leur parfum tendre ; Si l’immobile ciel et la mouvante mer Pouvaient sentir combien leur charme nous est cher ; Si tout ce que l’on aime, en cette vie étrange, Pouvait donner une âme à notre âme en échange ! … Mais le ciel, mais la mer, mais les frêles lilas, Mais les roses, et toi, chère, vous n’aimez pas… Et l’hallucination rétrospective redoublait encore, rappelant à René sa chambre paisible, et comme il ressentait une joie intime à se lever chaque matin, pour reprendre la besogne interrompue. Sur le conseil de Claude, et poussé d’ailleurs par l’enfantine imitation des procédés des grands hommes, — trait risible et délicieux des vraies jeunesses littéraires, — il avait adopté la méthode pratiquée autrefois par Balzac. Couché avant huit heures du soir, il se levait avant quatre heures du matin. Il allumait lui-même son feu et sa lampe, préparés de la veille par les soins de sa sœur, qui avait aussi tout disposé pour qu’il se fît du café sans presque se déranger, à l’aide d’une machine à esprit-de-vin. Le feu crépitait, la lampe grésillait, l’arome de la liqueur inspiratrice emplissait la chambre close. Il regardait pieusement une photographie de Rosalie et il commençait de travailler. Petit à petit le bruit de Paris grandissait, l’éveil de la vie se faisait comme perceptible. Il posait sa plume pour contempler quelques-unes des eauxfortes qui tapissaient les murs ou pour feuilleter un livre. Vers six heures, Émilie entrait. À travers les soucis de son ménage, cette sœur fidèle trouvait le loisir de recopier jour par jour les vers que son frère avait composés. Pour rien au monde elle n’aurait souffert qu’un manuscrit de René passât entre les mains des protes et des correcteurs. Pauvre Émilie ! Qu’elle eût été heureuse d’entendre les applaudissements couvrir la voix de Colette, et que le plaisir de René eût été entier si la sensation du changement d’âme qui s’était accompli en lui à l’endroit de Rosalie ne fût venu l’attrister vaguement, même à cette minute où la pièce finissait dans un enthousiasme de tout le salon ! — « Vous avez un succès fou, » dit la comtesse au jeune homme, « Toutes ces petites vont se disputer à qui vous aura chez elle. » — Et comme pour appuyer ce qui n’aurait pu être que la flatterie d’une gracieuse maîtresse de maison, le jeune homme put entendre, durant le tumulte dont s’accompagna la fin de la pièce, toutes sortes de phrases passer à travers le brouhaha des robes, le bruit des chaises poussées, des saluts échangés : « C’est l’auteur… — Qui ? … — Ce jeune homme… — Si jeune !… — Est-ce que vous le connaissez ? … — Il est bien joli garçon… — Pourquoi porte-t-il les cheveux si longs ? … — Moi, j’aime ces têtes d’artistes… — On peut avoir du talent et se coiffer comme tout le monde… — Mais sa comédie est ravissante… — Ravissante… — Ravissante… — Savez-vous qui l’a présenté à la comtesse ? … — Mais c’est Claude Larcher… — Pauvre Larcher ! Regardez comme il tourne autour de Colette… — Salvaney et lui vont se bûcher un de ces jours… — Tant mieux, ça leur rafraîchira le sang… — Est-ce que vous restez pour souper ? … » C’étaient là vingt propos, parmi cent autres, que René distinguait, avec cette finesse d’ouïe propre aux auteurs, et tandis qu’il s’inclinait, le rouge au front, sous les coups de massue des compliments d’une femme qui venait de l’enlever presque de force à Mme Komof. C’était une personne longue et sèche d’environ cinquante ans, veuve d’un M. de Sermoises, lequel était devenu depuis sa mort « mon pauvre Sermoises, » après avoir été, de son vivant, la fable des clubs à cause de la conduite de sa compagne. Cette dernière avait passé, en vieillissant, de la galanterie à la littérature, mais à une littérature bien pensante, et teintée de dévotion. Elle avait su vaguement par la comtesse que l’auteur du Sigisbée était le neveu d’un prêtre, et d’ailleurs, le caractère romanesque, comme répandu sur la petite comédie, lui permettait de croire que le jeune écrivain n’aurait jamais rien de commun avec la littérature actuelle, dont elle maudissait vertueusement les tendances, et elle disait à René, avec la solennité de précieuse doctrinaire qu’elle apportait à l’énoncé de ses idées, — un juge rendant son arrêt n’a pas plus de morgue implacable : — « Ah ! Monsieur ! quelle poésie ! quelle grâce divine ! C’est du Watteau à la plume. Et quel sentiment !… Cette pièce datera, Monsieur, oui, elle datera. Vous nous vengez, nous autres femmes, de ces prétendus analystes qui semblent écrire leurs livres avec un scalpel, sur une table de mauvais lieu… » — « Madame… » balbutiait le jeune homme, assassiné par cette étonnante phraséologie. — « Je vous verrai chez moi, n’est-ce pas, » continua-t-elle, « je reçois les mercredis de cinq à sept. J’ose croire que vous préférerez la société de mon salon à celle de cette excellente comtesse, qui est une étrangère, vous savez. J’ai quelques-uns de ces messieurs de l’Institut qui me font le grand honneur de me consulter sur leurs travaux. J’ai moi-même écrit quelques poésies. Oh ! sans prétention, quelques vers à la mémoire de ce pauvre M. de Sermoises… une plaquette, que j’ai intitulée simplement : Lys de la tombe. Vous me direz votre avis, mais en toute franchise… Mme Hurault, monsieur Vincy, » continua-t-elle en présentant l’écrivain à une femme de quarante ans, élégante encore de tournure et de physionomie ; « exquis, n’est-il pas vrai ? Un Watteau à la plume. » — « Vous devez beaucoup aimer Alfred de Musset, Monsieur, » dit la nouvelle venue. Elle était la femme d’un homme du monde, auteur, sous le pseudonyme de Florac, de quelques pièces, tombées à plat, malgré la prodigieuse intrigue de Mme Hurault, laquelle n’avait pas, depuis seize ans, donné un dîner auquel n’assistât quelque critique ou un personnage lié avec quelque critique, un directeur de théâtre ou quelque parent de directeur. — « Qui ne l’aime à mon âge ? » répondit le jeune homme. — « Je me le disais en écoutant vos jolis vers, » reprit Mme Hurault, « cela me faisait l’effet d’une musique déjà entendue. » Puis, son épigramme une fois lancée, elle se souvint que dans beaucoup de jeunes poètes dort un feuilletoniste futur, et elle corrigea la phrase où venait d’éclater sa cruelle envie de femme de confrère par une invitation : — « J’espère vous voir chez moi, Monsieur ; mon mari, qui n’est pas là, fera votre connaissance avec un grand plaisir, je suis toujours à la maison le jeudi, de cinq à sept. » — « Mme Éthorel, M. Vincy, » disait Mme de Sermoises en présentant de nouveau René, mais cette fois à une très jeune et très jolie femme, toute brune avec une douce pâleur ambrée sur son visage, de grands yeux de velours et une délicatesse presque fragile qui contrastait avec sa voix, presque grave. — « Ah ! Monsieur, » commença-t-elle, « que vous savez parler au cœur ! J’aime surtout ce sonnet que Lorenzo récite à un moment… voyons… Le fantôme de l’ancienne année… » — « Le spectre d’une ancienne année… » fit René, rectifiant, malgré lui, le vers que la jolie bouche citait à faux, et, avec un pédantisme inconscient, il dissimula un sourire, car c’était, ce morceau, deux strophes de six vers chacune et qui n’offraient ni de loin ni de près aucun rapport avec un sonnet. — « C’est cela, » reprit Mme Éthorel, « adorable, Monsieur, c’est adorable ! Je reçois le samedi de cinq à sept. Oh ! un tout petit cercle, si vous voulez me faire le plaisir d’y venir. » René n’eut pas le temps de remercier, et déjà Mme de Sermoises, en proie à cet étrange délire de la vanité du reflet, qui donne, à certains hommes aussi bien qu’à certaines femmes, le besoin irrésistible et presque naïf de s’instituer le cornac de tout personnage en vue, l’entraînait à une nouvelle présentation. Il dut saluer ainsi Mme Abel Mosé, la beauté la plus éclatante du monde israélite, tout en blanc ; puis Mme de Sauve tout en rose, et Mme Bernard tout en bleu. Puis ce fut un retour vers lui de Mme Komof qui vint le prendre pour l’entraîner auprès de la comtesse de Candale, la descendante aux yeux si fiers du terrible maréchal du quinzième siècle, et de sa sœur la duchesse d’Arcole.