La Réunion a toujours été notre monde : montagnes verdoyantes, plages de sable blanc, et l’océan Indien qui nous caressait à chaque promenade. Mais à bord de l’avion, la vue qui se déroulait sous nos yeux était d’une autre dimension. Les vastes étendues américaines semblaient infinies, avec des autoroutes serpentant entre des villes tentaculaires et des gratte-ciel perçant les nuages. C’était un contraste saisissant avec notre île volcanique.
« Regarde ça, Kelly... On est vraiment aux États-Unis, » murmurai-je, les yeux rivés sur la fenêtre. Mon cœur battait la chamade alors que j’essayais de m’imprégner de chaque détail. Tout était plus grand, plus vaste, plus bruyant que ce que nous avions toujours connu.
Kelly, tout aussi émerveillée, avait une pointe d’appréhension dans le regard. « Ça fait peur, un peu, non ? » demanda-t-elle en haussant les épaules, comme pour chasser cette inquiétude. Nous savions toutes deux que ce nouveau monde allait bouleverser nos repères.
L’atterrissage à l’aéroport fut un choc supplémentaire. Dès que nous avons mis le pied sur le sol américain, nous avons été frappées par l’énergie frénétique autour de nous. Les gens marchaient vite, parlaient fort, et semblaient tous pressés. Les annonces en anglais résonnaient comme une cacophonie de sons et d’accents.
Une silhouette avec une pancarte attira notre attention : « Kelly & Ella, Welcome to America ! » La femme qui nous attendait, une Américaine d’une cinquantaine d’années, avait un visage accueillant qui mettait immédiatement à l’aise.
« Hello girls! You must be Kelly and Ella, right? » dit-elle avec une voix joyeuse.
Nous nous sommes regardées, hésitantes. Kelly prit la parole en premier, son accent réunionnais marquant chaque mot. « Oui, nous sommes... um... Kelly and Ella, » répondit-elle, en appuyant maladroitement sur les mots.
L’Américaine, dont le sourire s’élargissait, éclata de rire. « Oh, don’t worry, your English is very good! A bit of an island touch, huh? I love it! »
Nous avons ri aussi, un peu nerveusement, mais son enthousiasme était contagieux. « Thank you, » répondis-je, en essayant de me souvenir des cours d’anglais à La Réunion.
Le trajet vers notre résidence fut tout aussi impressionnant. À travers la fenêtre de la voiture, nous observions le paysage urbain défiler à toute allure : immeubles immenses, avenues bondées, panneaux publicitaires géants. Tout était nouveau et intimidant, mais en même temps, excitant. Nous étions sur le point de vivre une aventure hors du commun.
« Tu te rends compte qu’on est vraiment là ? » demandai-je à Kelly, qui n’avait pas quitté la fenêtre des yeux.
« Yes... It’s crazy. I feel like I’m in a movie, » murmura-t-elle, les yeux brillants d’émotion.
Jane, notre guide américaine, était non seulement chaleureuse mais aussi pleine d'attentions. Elle nous raconta des anecdotes sur les étudiants internationaux qu’elle avait aidés, leurs défis et les moments magiques vécus ici. « You’re going to love this place, even if it’s a bit... overwhelming at first, » dit-elle en ponctuant sa phrase d’un clin d’œil complice.
Premiers Pas dans notre Nouveau Logement
Après un trajet en voiture à travers les rues animées de Cambridge, nous arrivâmes enfin dans notre nouveau quartier. C’était un mélange éclectique de bâtiments historiques et de résidences modernes, offrant une ambiance unique. Les maisons de ville en briques rouges bordaient les rues, et les jardins, petits mais soignés, ajoutaient une touche de douceur. Les passants semblaient appartenir à des univers différents : étudiants en vélo, professeurs en cartable, familles jeunes en promenade.
Notre logement se trouvait dans un élégant immeuble de quatre étages au coin d’une rue calme. Sa façade en briques rougeâtres et fenêtres blanches avait un charme ancien. Un vieux chêne dominait la petite cour devant l’immeuble, avec des bancs disposés pour les résidents.
À l’intérieur, le bâtiment respirait le calme et la sérénité. Le hall d’entrée, modeste mais décoré avec goût, avait un parquet en bois sombre brillant sous la lumière tamisée. Un grand miroir ancien ajoutait une impression de grandeur.
Nous étions dans un quartier résidentiel prisé, où les résidents semblaient être des étudiants ou des jeunes professionnels. Nous avons pris l’ascenseur, petit mais avec une âme, qui nous déposa devant notre porte, peinte en bleu pâle, avec le numéro en laiton : 303.
En entrant, nous découvrîmes notre nouvel espace de vie. L’appartement était petit mais accueillant, baigné de lumière. Le salon, meublé simplement mais élégamment, avait un canapé en lin beige, une table basse en bois vieilli, et une étagère remplie de livres et de souvenirs. Les murs étaient peints en blanc cassé, offrant une toile vierge que nous pourrions personnaliser. Un tapis en laine aux motifs géométriques ajoutait de la chaleur.
La cuisine attenante était équipée d’un petit réfrigérateur, d’une cuisinière à gaz, et des étagères ouvertes garnies de vaisselle dépareillée. Un comptoir avec deux tabourets en bois sombre faisait office de bar.
Chacune de nous avait sa propre chambre. La mienne, plus petite, était un véritable cocon. Une grande fenêtre offrait une vue sur le jardin partagé. Le lit simple, recouvert d’une couette blanche, trônait au centre de la pièce. Une armoire en bois contenait mes affaires. Une petite table de chevet avec une lampe apportait une lueur douce.
La chambre de Kelly, légèrement plus grande, donnait sur la rue. Elle avait un grand bureau en bois contre le mur, un fauteuil en osier avec un plaid en laine, et un tapis moelleux en fausse fourrure.
À peine installées, nous entendîmes frapper à la porte. Une voisine, une jeune femme aux cheveux courts et aux yeux pétillants, se présenta avec un sourire chaleureux. « Welcome to the building, girls! If you need anything, just let me know. »
Nous la remerciâmes avec notre meilleur anglais, mais notre accent réunionnais ne passa pas inaperçu. Elle sourit, amusée mais bienveillante. « Your accent is so unique! I love it! »
Kelly partageait mon émerveillement, mais une ombre d’appréhension assombrissait son regard. « C’est un peu effrayant, n’est-ce pas ? » murmura-t-elle, tentant de cacher son inquiétude. Nous savions que ce nouveau monde serait radicalement différent, et cette idée nous emplissait d’une étrange combinaison de peur et de fascination.