— Tu cuisines ?
— Juste ce qu’il faut pour ne pas mourir de faim. Qu’est-ce qui te ferait envie ?
Je secoue la tête, mais comprends qu’il ne me regarde pas.
— Je n’ai pas faim, mais merci.
Il me jette un coup d’œil par-dessus son épaule.
— Tu es sûre ?
— Oui, merci.
Je n’ai pas faim, mais je suis curieuse, et reprends :
— Pourquoi passes-tu tous les jours au café si tu as une cafetière chez toi ?
Il appuie sur le bouton pour allumer l’appareil haut de gamme et se tourne vers moi, s’appuyant au comptoir. Ses yeux me balaient une nouvelle fois, si bien que j’ai envie de frissonner.
— À cause de toi.
Je fronce les sourcils, car je ne comprends toujours pas en quoi le fait qu’il s’arrête tous les jours prendre un café a un rapport avec moi.
— De moi ?
Il s’écarte du comptoir et s’approche. Je l’observe comme un lion traquant sa proie. Cette fois, je ne peux pas contenir le frisson qui me parcourt l’échine.
Il se penche en avant et je retiens mon souffle en pensant qu’il va m’attraper, mais non, il saisit le dossier du tabouret et le fait pivoter pour me tourner entièrement vers lui. Un pas de plus et mes jambes se retrouvent coincées entre les siennes.
Il me dévisage et je ne peux détacher mon regard du sien. Je suis piégée. Figée. Comme un cerf dans les phares d’une voiture au milieu d’une route, incapable d’éviter le choc qui s’annonce.
— Lila. J’y vais tous les jours pour te voir, toi.
Il ment. C’est obligé, il ment. Pas une seule fois il n’a regardé dans ma direction depuis que je l’ai remarqué. Il doit inventer cette histoire au fil de notre conversation.
— Je ne te crois pas, murmuré-je.
Mon regard se pose sur ses lèvres joliment dessinées lorsqu’il dit :
— C’est pourtant la vérité.
Je passe la langue sur mes propres lèvres, car je me sens soudain déshydratée. Le mouvement ne lui échappe pas et il fixe ma bouche.
— Un matin, j’étais en retard et je me suis dit que j’allais juste faire un saut pour prendre un café, et j’ai remarqué que tu étais assise dans un coin, cachée derrière ton ordinateur portable. Tu avais les joues roses et un regard doux, un peu perdu dans le vide. Tu mordillais ta lèvre inférieure. Tu avais l’air si sexy à ce moment-là. J’ai su à cet instant précis qu’il fallait que je te revoie.
Quand il parle, ses phrases sonnent magnifiquement, peu importe leur sens, peu importe le contexte. À ce moment précis, j’ai envie de l’entendre prononcer un mot injurieux. Un mot brûlant, obscène. Comme « p****n ». Ce mot-là, dans sa bouche, aurait sans doute des allures de chant de colombe et de cantique d’ange.
Comme c’est bizarre. Mon fil de pensées n’est pas du tout un fil, mais un gribouillis. Un griffonnage désordonné sur un bout de papier froissé.
— Je t’attendais.
— Tu m’attendais...? répété-je, encore plus confuse.
— Tu m’observes depuis des semaines, poursuit Kane en se plaçant derrière moi, sans me toucher. Il est juste là. Une présence que je sens, mais ne vois pas.
— Pourquoi ? reprend-il.
— Pourquoi...
Mes paroles s’évanouissent. Je ne veux pas lui dire pourquoi, je ne veux pas passer pour une âme dépravée. Une traqueuse obsédée.
Mais il le sait. J’en prends soudain conscience : il s’agit peut-être d’un jeu pour lui. Il se met en scène tous les jours jusqu’à ce que je le remarque. Et dès que je l’ai compris, je suis tombée dans son piège.
Son approche était-elle une forme de préliminaires étranges ?
Je secoue lentement la tête. Je parle d’une voix basse, essoufflée.
— C’est ce que tu voulais, n’est-ce pas ? Que je te remarque ? Si oui, pourquoi ne m’as-tu jamais parlé ?
Parce que je doute que cet homme soit timide ou introverti comme moi.
Il me touche enfin, un doigt écarte mes longs cheveux de mon épaule, du côté droit de mon cou. L’air est frais contre ma peau à nu. La chaleur de son corps l***e mon dos alors qu’il se penche contre moi. Encore plus près. Puis il appuie ses lèvres dans le creux de mon cou. Un geste doux et délicat, comme un papillon qui se pose au cœur d’une fleur en train d’éclore.
— J’ai attendu longtemps de pouvoir faire ça.
Je ne comprends toujours pas pourquoi il a attendu si longtemps. Pourquoi ne pas aborder une femme qui vous intéresse ?
— Tu ne m’as pas regardée une seule fois, mais tu as attendu pour m’embrasser dans le cou ? murmuré-je, sans masquer l’incrédulité de ma question.
— Oui, dit-il contre ma peau. Chaque jour, je voyais ton corps réagir quand j’entrais. Tu fondais sur place, tu me fixais avec une ardeur impossible à rater.
Je secoue légèrement la tête, sans tenter de déloger ses lèvres qui me rappellent la soie effleurant ma peau. Puis le bout de sa langue dessine une ligne le long de ma colonne vertébrale.
— Alors, c’était un jeu.
— Je voulais m’assurer que tu étais intéressée.
— Et ma petite crise l’a confirmé.
Il pose les mains sur mes épaules et les serre doucement en approchant sa bouche de mon oreille.
— Oui. Tu as exigé que je te touche.
C’est bien ce que j’ai fait.
— Comment veux-tu que je te touche ?
— Comment ? Ou plutôt… où ?
Il relâche mes épaules et me contourne. Face à moi, il me toise de tout sa hauteur. Cet homme est intimidant sans le moindre effort.
— Les deux.
Le feu me monte aux joues. Pas à cause de l’embarras, cette fois. Au contraire, mon désir brûlant alimente ces flammes.
J’ai très envie de lui.
J'ai vraiment beaucoup trop envie de lui.
Mon corps est un brasier.
— Ne me force pas à deviner, Lila. Dis-moi. Dis-moi ce que tu veux que je fasse avec toi. Ce que tu veux que je te fasse.
Une réponse simple serait « tout », mais je doute qu’il accepte cette réponse. Il a l’air d’être très attentif aux détails.
Commence par la base, imbécile.
— Embrasse-moi.
Je lutte pour garder ma voix posée sur la fin. Je ne veux pas que mes mots ressemblent à une question, je préfère lui donner l’impression que je sais ce que je veux.
— C’est tout ?
Un rire manque alors de m’échapper, car nous savons tous les deux qu’un b****r ne suffira pas.
— Non.
Son sourire s’élargit, les coins de ses yeux se plissent. Il est amusé.
— Un café d’abord ?
— Oh non, pu...
Avant que je puisse terminer, sa bouche s’écrase contre la mienne, ses lèvres s’agitent, sa langue va à la rencontre de la mienne et se met à explorer avec force et détermination.
Ses doigts s’enfoncent dans mes cheveux et il nous rapproche. D’un mouvement de tête, il scelle nos bouches l’une contre l’autre. Un gémissement jaillit du fond de ma gorge. Mes paupières se ferment et je ne pense à rien d’autre qu’à son geste.
Son b****r me domine. Il prend le contrôle de mon corps de la tête aux pieds. Il hérisse le duvet sur ma nuque.
Par ce seul b****r, je lui appartiens.
Il prend mon visage dans ses mains et suspend notre étreinte, reculant juste assez pour que je puisse parler. Mais il n’est qu’à un souffle de moi.
Juste à un souffle. Je ne bouge pas. Je ne peux pas. J’ouvre les yeux et je croise son regard. Ses iris bleus me font frissonner parce qu’ils sont ombragés, illisibles. Et parfaitement troublants.
— Encore, murmuré-je.
Ses lèvres se recourbent légèrement et il les presse à nouveau contre les miennes, cette fois-ci plus doucement. Nos langues s’emmêlent et je pose mes mains sur son torse. La première juste sur son cœur pour le sentir battre sous ma paume. Il bat aussi vite que le mien. Ce n’est pas un rythme régulier, mais un tambour battant.
Alors qu’il descend le long de ma mâchoire, je penche la tête pour lui offrir mon cou. Sa langue, chaude et humide, glisse le long de ma gorge et je manque de ronronner. Mes tétons ne sont plus que des bourgeons douloureux, et je veux qu’il les touche, qu’il les s**e.
Je ne connais même pas son nom de famille.
Mais lorsque ses mains descendent sur mes épaules, je réalise que je m’en fiche complètement. Son véritable nom pourrait être Kane avec un K, je n’en aurais rien à foutre.
— Que veux-tu d’autre, Lila ?
Encore des questions. Je ne veux pas lui dire. Je veux qu’il comprenne mes besoins. Il me force à réfléchir, à admettre que je désire cet inconnu plus que je n’ai jamais désiré quiconque auparavant.
Ce lien et cette attirance n’ont aucun sens. C’est grisant, presque enivrant.
Il sent bon. Des épices brutes, piquantes. À ce moment-là, je sais que je dois le goûter. A-t-il un goût semblable à son odeur ? Comme un plat exotique qui titillerait mes sens ?
Je l’inspire à pleins poumons et je dis :
— Je veux te prendre dans ma bouche.
Sans un mot, il se redresse et s’éloigne. Si ses yeux étaient sombres avant, ils le sont bien plus maintenant. Dangereux et orageux.
Il n’a plus l’air d’un chaton satisfait d’avoir bu un bol de lait. Il est redevenu ce lion qui traque sa proie et m’observe attentivement, prudemment.
La plupart des hommes que je connais auraient baissé leur pantalon et sorti leur engin avant même que l’offre ne soit formulée. Pas cet homme. Il reste immobile et m’étudie, si bien que j’ai envie de gigoter sur le tabouret.
Puis, soudain, un rictus se dessine au coin de sa bouche et il me tend une main.
— On va sauter le café.
J’ignore sa main, me lève du tabouret et m’agenouille devant lui. Sur le sol de la cuisine. J’attrape la boucle de sa ceinture et ses mains tombent le long de son corps tandis qu’il écarte un peu les jambes pour se stabiliser. Je jette un coup d’œil vers le haut de son corps et le vois m’observer tranquillement. Son expression est indéchiffrable.
Je vais voir ce que je peux faire pour y remédier. Mes doigts tremblent, alors que je tâtonne jusqu’à réussir à défaire la boucle et dégrafer son pantalon. Je descends lentement sa fermeture éclair et je fixe le tissu entrouvert avec impatience. C’est comme le matin de Noël.
Je suis prête à déballer mon cadeau.
Comme il a légèrement écarté les pieds et que ses cuisses sont musclées et solides, son pantalon ne glisse pas de ses hanches. Son boxer est du même bleu que ses yeux et, d’après ce que je peux voir, il va certainement m’offrir un très, très beau cadeau.
Je déglutis difficilement et m’évertue à respirer calmement tout en passant les doigts sur le coton qui recouvre sa protubérance. Je veux le voir. Je veux le prendre en main, mais je savoure pleinement l’attente fébrile de l’inconnu.
Il ne bouge pas et ne fait pas un bruit tandis que je le prends dans ma paume et que je sens le poids et la chaleur de ses bourses enfouies dans son caleçon. Je jette à nouveau un coup d’œil vers le haut. Toujours aucune réaction.
Je glisse les doigts sous l’élastique de la taille et dévoile lentement ce que j’attendais.
Je salive à la vue du fluide qui perle au sommet de sa couronne. D’un coup de langue, je le lape. Ce délice salé a un goût de paradis et mes paupières se ferment. Mon intimité est mouillée et se contracte, j’ai tellement besoin de sentir son long membre dur, sa circonférence épaisse en moi.
Il glisse un doigt sous mon menton et relève mon visage vers lui.
— Regarde-moi quand que tu me prends dans ta bouche.
J’obtempère. Mon regard ne faiblit pas tandis que j’entoure son g***d de mes lèvres. Il ne réagit pas, si ce n’est très légèrement, un minuscule tressaillement près de son œil droit. Ce n’est pas ce que j’attends. Mais je ne fais que commencer.
J’enroule mes doigts autour de la base de sa queue et je serre. Je ne peux pas continuer à le dévisager. Je dois me concentrer pour le faire craquer.
Je le prends un peu plus profondément, accueillant autant de lui que possible. Mes lèvres s’étirent, ma langue glisse, ma bouche s**e. Mes yeux se relèvent lorsque j’entends un bruit. Je n’ai pas rêvé, j’ai bien entendu quelque chose, mais il ne me montre toujours aucune réaction. Il se retient, son contrôle est solide.
Plus déterminée, je laisse courir ma langue le long de la veine épaisse, capture sa couronne en bouche, aspire plus fort, avant de gratter légèrement de mes dents la zone la plus sensible.
Mes propres gestes me donnent envie de lui, je mouille déjà pour lui. Je ne veux plus étirer mes lèvres, je veux qu’il m’étire de l’intérieur, qu’il me remplisse complètement.
Je décris un autre va-et-vient de la base à la pointe et ses hanches sursautent. Non, pas un sursaut, seulement un léger tressaillement. Cet homme semble fait d’acier. Immunisé contre la chaleur humide de ma bouche, la douceur de ma langue.
Un autre tressaillement, un autre bruit. Il laisse tomber son masque. Ses mains s’enfoncent dans mes cheveux, les serrent, font frémir mon cuir chevelu. Je lève suffisamment les yeux pour voir les siens, maintenant à moitié fermés, ses lèvres légèrement entrouvertes. Ses doigts se crispent puis se détendent dans mes cheveux en suivant le rythme de mes mouvements.
Je fais glisser ma bouche de haut en bas plus rapidement, et j’entends enfin sa respiration se faire plus saccadée, plus superficielle. Je voudrais sourire devant mon triomphe, mais je ne peux pas, car il est toujours aussi dur, long et épais dans ma bouche.
Ses mouvements se font discrets, sans profondeur, tandis qu’il ramène ma tête vers lui. Je lutte pour ne pas paniquer lorsqu’il heurte le fond de ma gorge, encore et encore. Je déglutis et respire par le nez, mes yeux s’humidifient. Je détends ma gorge, mais je n’arrive toujours pas à le prendre en entier. C’est inconfortable, mais je veux le voir craquer. Je veux être celle qui fait naître sur son visage une expression de plaisir absolu. Je veux l’entendre crier mon nom.
Alors qu’une larme coule au coin de mon œil, je tourne la tête vers son visage. Ses yeux se ferment, sa mâchoire se crispe, ses lèvres se serrent. Lorsqu’un faible gémissement lui échappe, ses yeux s’ouvrent et il me surprend à le regarder. Ses yeux s’assombrissent tandis qu’il soutient mon regard, sa poitrine se soulève lorsque mon nom s’échappe de ses lèvres.
Et comme son corps se contracte contre moi, il est sur le point de s’effondrer. Sur le point d’être défait.
— Lila… Lila… Lila, scande-t-il à chaque respiration. Un râle brut lui échappe, puis il serre les dents et libère son sperme chaud et salé au fond de ma gorge.
Il me tient toujours fermement par la tête, son emprise puissante tandis que sa queue pulse sur ma langue. Et j’accepte tout de lui.
Parce qu’il est à moi.
Il ne le sait simplement pas encore.