CHAPITRE VIII - Métamorphose des pingouins

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CHAPITRE VIII Métamorphose des pingouinsL’archange, descendu dans l’île des Pingouins, trouva le saint homme endormi au creux d’un rocher, parmi ses nouveaux disciples. Il lui posa la main sur l’épaule et, l’ayant éveillé, dit d’une voix douce : – Maël, ne crains point ! Et le saint homme, ébloui par une vive lumière, enivré d’une odeur délicieuse, reconnut l’ange du Seigneur et se prosterna le front contre terre. Et l’ange dit encore : – Maël, connais ton erreur : croyant baptiser des enfants d’Adam, tu as baptisé des oiseaux ; et voici que par toi des pingouins sont entrés dans l’Église de Dieu. À ces mots, le vieillard demeura stupide. Et l’ange reprit : – Lève-toi, Maël, arme-toi du Nom puissant du Seigneur et dis à ces oiseaux : « Soyez des hommes ! » Et le saint homme Maël, ayant pleuré et prié, s’arma du Nom puissant du Seigneur et dit aux oiseaux : – Soyez des hommes ! Aussitôt les pingouins se transformèrent. Leur front s’élargit et leur tête s’arrondit en dôme, comme Sainte-Marie Rotonde dans la ville de Rome. Leurs yeux ovales s’ouvrirent plus grands sur l’univers ; un nez charnu habilla les deux fentes de leurs narines ; leur bec se changea en bouche et de cette bouche sortit la parole ; leur cou s’accourcit et grossit ; leurs ailes devinrent des bras et leurs pattes des jambes ; une âme inquiète habita leur poitrine. Pourtant il leur restait quelques traces de leur première nature. Ils étaient enclins à regarder de côté ; ils se balançaient sur leurs cuisses trop courtes ; leur corps restait couvert d’un fin duvet. Et Maël rendit grâces au Seigneur de ce qu’il avait incorporé ces pingouins à la famille d’Abraham. Mais il s’affligea à la pensée que, bientôt, il quitterait cette île pour n’y plus revenir et que, loin de lui, peut-être, la foi des pingouins périrait, faute de soins, comme une plante trop jeune et trop tendre. Et il conçut l’idée de transporter leur île sur les côtes d’Armorique. – J’ignore les desseins de la Sagesse éternelle, se dit-il. Mais si Dieu veut que l’île soit transportée, qui pourrait empêcher qu’elle le fût ? Et le saint homme du lin de son étole fila une corde très mince, d’une longueur de quarante pieds. Il noua un bout de cette corde autour d’une pointe de rocher qui perçait le sable de la grève et, tenant à la main l’autre bout de la corde, il entra dans l’auge de pierre. L’auge glissa sur la mer, et remorqua l’île des Pingouins ; après neuf jours de navigation elle aborda heureusement au rivage des Bretons, amenant l’île avec elle. LIVRE II Les temps anciens
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