Episode 3

2286 Words
Tiziana J'étais maintenant couchée dans mon lit et mon regard errait dans le vide. J'avais en fin de compte passé un bon weekend malgré la mésentente avec Giorgio. Je me sentais bien avec lui, mais j'avais de la peine à supporter ce côté possessif qu'il avait. J'avais parfois l'impression que nous aurions connu le bonheur absolu si nous avions été déportés tous les deux sur une autre planète, sans interaction avec le monde extérieur. C'est ce qui se passait quand nous passions une journée ensemble enfermés chez lui, tout allait super bien, nous étions carrément dans une bulle de bonheur. Mais lorsqu’il fallait sortir de cette bulle, j'avais de la peine à reconnaitre l'homme aimant et attentionné avec qui je partageais du pur bonheur il y a quelques minutes. Mon téléphone se mit à sonner à cet instant. - Hello bébé, bien rentré ? demanda Giorgio. - Oui chéri, je suis bien arrivée. Je me suis à peine mise au lit. - D'accord chérie. Tu as pu rappeler ton cousin Matteo ? - Non pas encore, je le ferai demain. - D'accord, fais-moi savoir après ce qu'il voulait. - Euh, euh, d'accord chéri, répondis-je avec consternation. - Je te laisse te reposer, bonne nuit mon cœur, murmura Giorgio. - Bonne nuit Giorgio. C'était toujours ainsi avec Giorgio, il voulait tout contrôler de ma vie. Je ne comprenais pas en quoi l'appel de mon cousin pouvait l’intéresser. Étendue sur mon lit, je repensai à ma rencontre avec Giorgio. Flash-back J'avais à peine débarqué à la gare de Brescia, il était exactement 9 h. J'y venais pour un entretien d'embauche. J'avais obtenu mon diplôme de sage-femme dans ma ville natale, Palermo. J'avais essayé de trouver un emploi pendant de longs mois avant de me décider à postuler dans d'autres villes, spécialement dans le nord de l'Italie. Une clinique privée avait répondu favorablement à ma demande d'embauche et j'avais ainsi payé un billet de train aller et retour pour la ville de Brescia. J'avais voyagé toute la nuit et étais arrivée à 9 h à la gare centrale de Brescia. J'avais mon entretien à 10 h 30 et j'avais le train de retour à 17 heures ce soir. Je devais voyager ensuite toute la nuit pour rejoindre ma ville natale. Je sortis précipitamment de la gare. Mon train avait eu près de deux heures de retard. J'avais un peu plus d'une heure avant mon entretien. Je ne connaissais pas la ville et je craignais d'arriver en retard. Je stoppai la première personne qui passait près de moi pour lui demander des renseignements. Lorsqu'il se tourna vers moi, je ne pus m'empêcher d’être troublée par son regard, malgré l'anxiété d'arriver en retard à mon rendez-vous. Mon regard se perdit un moment dans ses prunelles d'un noir profond. Il était grand de taille, brun avec un visage ovale et ses cheveux étaient soigneusement coiffés. - Oui madame, me répondit-il en me dévisageant à son tour. Je réalisai à cet instant que j'étais certainement restée là à l'observer comme une idiote. Je me raclai la gorge avant de parler. - Euh, en fait, euh, je dois aller à la clinique XX, lui répondis-je d'une voix agitée en jetant tout de même de fréquents coups d’œil à ma montre. - Je vois, vous devez retourner dans la gare et prendre la ligne de métro numéro 2, direction " Ospedale " et descendre à l’arrêt "Marconi". Vous avez d'ailleurs de la chance. Je vais dans votre direction, mais je devrais descendre deux arrêts avant vous, me répondit le jeune-homme avec un large sourire. - Merci beaucoup, rétorquai-je en lui rendant son sourire, même si le mien était crispé par le stress d'arriver en retard à mon entretien. - Suivez-moi, dit le jeune-homme en entrant précipitamment dans la gare. Je dus le suivre presque au pas de course, car il était très grand et s'éloignait en grandes enjambées. Il me montra où me procurer mon billet et quelques minutes plus tard, nous étions debout, côte à côte, dans le métro bondé. - À votre accent, je devine que vous n’êtes pas de Brescia, demanda le jeune-homme en me regardant attentivement. - Euh non, je suis sicilienne de Palermo, répondis-je embarrassée sous ce regard ténébreux. - Très belle ville Palermo, répliqua l'homme en question. J'y ai été il y a quelques années. Vous avez des plages magnifiques. - Merci beaucoup. - Nous ne nous sommes même pas présentés, je suis Giorgio, dit-il en me tendant la main. - Euh, Tiziana, répondis-je en prenant sa main. Une sensation bizarre envahit mon être et je levai immédiatement le regard vers Giorgio. Je le vis déglutir péniblement et nous restâmes ainsi quelques secondes avant que je ne jette un bref coup d’œil à nos mains encore liées. Giorgio le réalisa et libéra enfin ma main. Un bref silence chargé de sensualité régnait désormais entre nous. - Je devrais descendre dans deux arrêts, dit Giorgio. Je pourrais avoir votre contact ? - Pourquoi pas ? répondis-je. Nous réussîmes à échanger de justesse nos numéros avant que le métro ne fasse escale à l’arrêt "Vittoria". Giorgio descendit après une brève salutation de la tête à mon endroit et se perdit entre les autres passagers qui descendaient au même arrêt que lui. Je continuai mon trajet et descendis à mon arrêt de métro une demi-heure avant mon entretien. J'eus le temps de me renseigner et dix minutes plus tard, j'étais assise en salle d'attente. L'entretien se déroula rapidement et j'eus l'impression d'être appréciée. Ils promirent de me donner une réponse dans les dix prochains jours, les dix jours les plus longs de ma vie. Je sortis de la clinique et décidai de faire un petit tour touristique dans la ville. Qui sait ? Je n'aurais peut-être plus jamais l'occasion d'y revenir, ou peut-être, elle serait ma prochaine ville de résidence, pensai-je le cœur plein d'espoir quant à l’issue de cet entretien. Je me baladai dans la ville et vers 15 h 30, je repris le métro pour retourner à la gare. Je m'assis dans le petit café à l’intérieur de la gare et commandai un sandwich, je n'aurais plus l'occasion de manger une fois que mon train aura quitté la gare de Brescia. J'étais dans le train au niveau de la ville de Bologne quand mon téléphone me signala l'arrivée d'un message. " Bonjour Tiziana, j'espère ne pas vous déranger " Mon cœur se mit à battre quand je réalisai que le message provenait de Giorgio, le jeune homme que j'avais connu ce matin à la gare. Je devais admettre qu'il était vraiment bel homme et ne m'avait pas laissée indifférente malgré l'appréhension de ce matin pour mon entretien. " Bonjour Giorgio, et non, vous ne me dérangez pas. Je suis d'ailleurs dans un train et un long voyage m'attend." " Vous n'êtes donc plus à Brescia ? " " Non, j'y venais juste pour quelques heures. En fait, j'étais là pour un entretien d'embauche." " Je vois, pour quel poste avez-vous postulé" " Sage-femme" Je lui racontai brièvement mon entretien de ce matin. " J'espère que vous serez retenue, en tout cas, je vous le souhaite" Je parlai avec Giorgio pendant une bonne partie de mon voyage. Il m'informa qu'il travaillait dans une banque de la place. Il habitait pas très loin de la gare et préférait se déplacer avec le métro pour aller au boulot pour éviter les bouchons le matin. Ce jour marqua le début de notre relation. On s'appelait et s'écrivait très souvent, presque quotidiennement. J'avais l'impression qu'il était, lui aussi, intéressé par moi. Je savais désormais tout ce qu'il faisait de ses journées et lui des miennes. Je reçus une semaine après mon entretien l'appel de la clinique m'informant que j'avais été retenue. Je décidai de l'appeler à ce moment. - Je suis vraiment embêtée là, je dois venir signer le contrat dans 15 jours et je devrais commencer dans un mois. J'ai commencé à jeter un coup d’œil sur le net pour me trouver un logement. J'ai même déjà contacté quelques agences, mais jusque-là, rien de concluant. - Je vois, je vais éplucher moi aussi quelques annonces et si je trouve quelque chose de bien, je te fais signe" - Merci infiniment Giorgio. Giorgio m'envoya par la suite des annonces d'agences immobilières. J'appelai les numéros inscrit sur les annonces et optai à la fin pour trois appartements que je visiterai quand je viendrai pour signer le contrat. Je fis exactement la même chose que la fois précédente. Train de nuit et arrivée en matinée dans la ville. Je signai rapidement mon contrat d'embauche. Je sortais de la clinique quand je reçus un appel de Giorgio. - Ciao bella, dove sei ? (salut ma belle, où es-tu ? ) - Je suis à peine sortie de la clinique, - Envoie-moi ta localisation et je te rejoins, dit Giorgio. - Tu ne devais pas bosser cet après-midi ? demandai-je à Giorgio. - J'ai pris ma demi-journée, je voulais t'accompagner à tes rendez-vous. Je rougis de plaisir à ces mots. Il me plaisait énormément cet homme et cette manière gentille et prévenante vis-à-vis de moi, me conquérait. - Je suis dans la voiture rouge en face de toi, m'informa Giorgio au téléphone. J'allai vers la voiture et il baissa la vitre à mon approche. J'ouvris la porte et m'assis sur le siège passager. Je tournai ensuite le regard vers lui et une vague d'émotions me gagna. On resta un bref moment à se fixer dans les yeux. Giorgio sembla se reprendre le premier. - Buongiorno cara (bonjour ma chère), lança-t-il d'une voix détendue, rompant ainsi l'enchantement. - Buongiorno Giorgio, répondis-je d'une voix embarrassée. On se rendit au premier rendez-vous. - Ce sera tout, l'appartement nous semble assez bien, mais nous vous reviendrons quand nous aurons pris une décision, dit Giorgio à l'agent immobilier. J’étais assez décontenancée, Giorgio avait pris congé de l'agent immobilier sans me demander si j'avais des questions à poser, ni demander mon avis par rapport à l'appartement en question. Nous nous rendîmes aux deux autres rendez-vous et Giorgio se comporta exactement de la même manière. - Tu devrais prendre cet appartement, dit Giorgio une fois retournés à sa voiture. Tu devrais d'ailleurs l'appeler dès demain pour le lui confirmer avant qu'il ne te file entre les doigts. Je convenais parfaitement avec lui que le dernier appartement que nous avions visité correspondait parfaitement à mes attentes, mais c'était cette manière qu'il avait de prendre les devants qui me désarçonnait un peu. - Euh oui, je vais y réfléchir encore un peu, dis-je pour lui rappeler subtilement que la décision me revenait de droit. - Oui, mais tu devrais te dépêcher si tu ne veux pas le perdre. Si tu veux, je peux les appeler à ta place demain. - Non merci, je m'en occupe, le coupai-je un peu sèchement. Je lui étais certes reconnaissante d'avoir pris son après-midi pour m'accompagner visiter les appartements, mais j'avais l'impression qu'il en faisait un peu trop. - Que fait-on maintenant ? demanda Giorgio d'un ton un peu trop joyeux, certainement pour détendre l’atmosphère. À quelle heure as-tu ton train ? - 20 heures, j'ai préféré prendre ce train-là pour ne pas avoir de pression durant les rendez-vous. - Je vois, répondit Giorgio avec un large sourire. Il est 18 heures là, nous pourrions manger un morceau dans un bistrot sympa près de la gare et tu pourras ensuite prendre tranquillement ton train. - D'accord. Nous nous rendîmes dans le bistrot en question et passâmes un bon moment en compagnie l'un de l’autre. Giorgio n’arrêtait de me regarder d'un air qui me donnait des fourmillements dans tout le corps. - On devrait y aller, dit Giorgio en regardant sa montre. Je fis de même et me rendis compte que mon train partirait dans quinze minutes et nous étions heureusement à deux pas de la gare. Je m'étais totalement perdue dans ses yeux pénétrants que je n'avais pas vu le temps passer. Nous nous rendîmes au pas de course au quai et le train y était déjà. - Euh, euh... balbutiai-je embarrassée. - Bon beh ... dit Giorgio en me fixant dans les yeux. Nous perdîmes dans le regard l'un de l'autre et comme poussés par une force surnaturelle, nous nous jetâmes l'un sur l’autre pour une étreinte pleine d'émotion. Le coup de sifflet du personnel ferroviaire nos fit nous séparer brusquement. - Tu fais un bon voyage, murmura Giorgio en me fixant d'un air languide. - Merci, répondis-je timidement et montai précipitamment dans le train. Je m'assis et pris mon souffle un long moment. J'avais le cœur qui battait à vive allure. Giorgio m'appela quelques minutes après le départ du train et nous restâmes en ligne une bonne partie du voyage. Deux semaines plus tard, je débarquais une fois de plus à la gare de Brescia, mais cette fois, pour m'installer définitivement. Ma relation amoureuse avec Giorgio commença dès mon arrivée à Brescia et continua tant bien que mal jusqu'à ce jour. Fin de flash-back En repensant avec du recul à tout cela, je me rendais compte que je ne connaissais presque personne dans cette ville. Je n'avais même pas réussi à établir de relations amicales avec mes collègues de travail, malgré leurs invitations constantes à sortir dîner de temps à temps, Giorgio s'y était toujours opposé. Ma collègue Maura m'avait invitée une fois pour un apéritif et j'avais accepté. Giorgio m'avait appelée ce soir-là et je lui avais simplement envoyé un message lui disant que je le rappellerai plus tard, car j'étais de sortie avec ma collègue. Il en avait fait tout en plat et tout s'était terminé en grosse dispute. Ma vie à Brescia se résumait à metro-boulot-dodo et Giorgio.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD