Chapitre 17

2187 Words
Caroline Liam avait à peine ouvert la porte de l’appartement qu’il louait que sa copine Lucile déboula et se jeta dans ses bras. Ils étaient en couple depuis quelques années déjà, bien avant mon départ pour l’Italie, et je devais admettre que cette fille ne m’avait jamais inspiré confiance. Mon instinct me dictait de me méfier d’elle. - Liam, chéri, je t'attends depuis un moment, s’écrit Lucile en serrant Liam dans ses bras. Mon frère ne sembla pas particulièrement enthousiaste de la voir. - Ah, Lucile, t’es là ? dit Liam d’un air désinvolte. - Bonsoir Caroline, me salua Lucile avec deux bises rapides. Son accueil ne me surprit nullement, nous n'avions jamais été de bonnes amies. Elle salua tout aussi rapidement Bertrand et se mit ensuite en retrait un bref moment et observa attentivement Tiziana. - Elle c'est Tiziana, une amie de Caro. - D'accord, lâcha négligemment Lucile en tendant la main à Tiziana. Enchantée, Lucile. - Tiziana, répondit Tiziana en lui prenant la main. - Chéri, j'aurais voulu cuisiner quelque chose, mais malheureusement, je suis moi-même arrivée il y a peu. On pourrait regarder si les vendeuses de poissons de la rue sont encore ouvertes. J'eus envie de rire à ces mots. Lucile était simplement une bonne à rien. Elle n'était capable de rien faire de ses mains, en fait, elle ne voulait rien faire de ses mains. Elle a toujours joué à la petite princesse et quand elle venait chez mon frère, elle s'asseyait simplement au salon et ce dernier devait tout faire pour elle. Je me demandais toujours ce que mon frère lui trouvait. - T'inquiète Lucile, répondit froidement Liam, j'y avais déjà pensé. J'ai cuisiné avant de prendre la route de l'aéroport. Les filles, on va d'abord ranger vos effets dans la chambre, continua Liam en nous guidant vers la chambre que j'occupais quand je vivais ici. La chambre était juste en face de celle de Liam. Quand je quittais le Cameroun, Liam avait à peine aménagé dans cet appartement. J'avais vécu avec lui ma dernière année au Cameroun pendant que je faisais les cours de langue italienne. On retourna au salon quelques minutes plus tard. - Vous voulez manger quelque chose maintenant ? demanda Liam en regardant sa montre. Votre avion a atterri à 20 h, mais vous avez vraiment mis du temps à sortir de l'aéroport. J'avais pensé qu'on aurait pu dîner ensemble. - T'inquiète Liam, nous avons mangé dans l'avion, dis-je après avoir jeté un bref regard à Tiziana qui m'a fait un signe négatif de la tête. - D'accord, nous allons juste ouvrir une bouteille pour célébrer ta venue après toutes ces années, lança Liam d'un ton joyeux en se rendant à la cuisine. - Où sont les verres Liam ? demandai-je à mon frère que j'avais suivi à la cuisine. Je ne savais pas que Lucile serait là... - Moi non plus sincèrement, répondit Liam d'une voix étrange. Je levai le regard vers lui et il détourna simplement la tête. On retourna au salon avec la bouteille de vin, un bol contenant des arachides et nos verres. Tiziana, Bertrand et Lucile étaient installés sur le fauteuil. On déposa le tout sur la table basse et Liam ouvrit la bouteille qu'il servit dans quelques verres. - Comment vas-tu Caroline ? Ça fait vraiment longtemps là ! Ça se passe bien en Italie ? demanda Bertrand. - Je vais assez bien, merci. Ça se passe assez bien, très prise entre boulot et études. Et de ton côté ? - Je vais bien, on se bat. - Et toi Lucile, tu vas bien ? demandai-je par politesse. - Tout va très bien merci, répondit Lucile avec un large sourire aux lèvres. Je suis d'ailleurs en train de penser à ouvrir une boutique pour la vente des articles de luxe. Tu sais que je suis une passionnée de mode et j'adore les belles choses, continua-t-elle en caressant le sac dont il était bien visible le logo d'une marque de haute couture. Une autre raison qui me poussait à m'interroger sur Lucile ! Elle était toujours habillée de manière luxueuse pourtant elle détenait qu'un petit salon de coiffure au marché central et ne provenait pas d'une famille aisée. On resta à converser un bref moment. - Liam, je crois qu’on va aller se coucher, dis-je après avoir lancé un bref regard à Tiziana qui semblait somnoler. La mater (maman en camfranglais- langage utilisé dans la vie courante au Cameroun, dérivant de l’anglais et le français, les deux langues nationales du Cameroun) arrive demain à quelle heure ? - Je ne sais, elle me fera signe quand elle prendra le bus demain, elle comptait prendre le premier bus, répondit Liam. - D’accord, Tiziana on y va ? Cette dernière se leva avec soulagement. Elle avait de la peine à tenir debout. C’était tout à fait normal, il était déjà presque une heure du matin et nous étions debout depuis la veille à 3 h. Tiziana se rendit aux toilettes pour se débarbouiller et je fis de même juste après elle. Je rentrai dans la chambre pour me coucher et je m’aperçus que Tiziana dormait déjà. Je restai couchée un long moment à fixer le vide. J’étais tellement heureuse d’être de retour au Cameroun, même si c’était pour un bref séjour. Ma terre Natale m’avait énormément manquée et un sentiment de bien-être m’avait envahi quand j’avais foulé son sol à l’aéroport. Je me perdis ensuite dans mes pensées. J’avais eu de la peine à me séparer d’Alessandro hier matin à l’aéroport. Notre relation n’était pas vraiment au beau fixe, il avait de la peine à me comprendre et moi de mon côté, je le comprenais. Il me disait qu’il avait l’impression que je ne vivais pas pleinement cette relation, mais comment lui donner tort ? Je m’interdisais à me laisser aller totalement. Je me mis à fixer le plafond de la chambre et mes pensées me portèrent à ma dernière nuit au Cameroun. J’étais couchée dans cette même chambre avec maman qui avait fait le déplacement depuis Bagangté (ville de l’Ouest Cameroun), la ville où j’étais née et avais grandi avant mon départ pour Yaoundé afin d’y faire des cours de langue italienne. Maman était arrivée à Yaoundé en matinée afin de m’accompagner à l’aéroport le lendemain soir où j’avais mon vol prévu pour l’Italie. Flash-back Je suis couchée dans le lit dans la petite chambre que j’occupe chez mon frère Liam. Je suis super excitée ! Demain je m’envole pour l’Italie afin de poursuivre mes études en médecine. J’avais un test de langue et ensuite le concours d’entrée en faculté de médecine quelques jours après mon arrivée. J’étais concentrée sur mes objectifs et je savais ne pas avoir le droit à l’erreur. J’étais fille de paysans et mon voyage avait été entièrement financé par mon frère Liam qui avait à peine fini son cursus d’ingénieur et avait commencé à travailler il y a peu. Maman était venue de Bagangté avec des mets déjà préparés et beaucoup d’autre chose. - Caro, dès que tu arrives tu mets le met de pistache au congélateur, tu as compris ? dit maman en s’asseyant sur le lit près de moi. - D’accord maman, répondis-je en me tournant vers elle avec les yeux ensommeillés. J’étais extrêmement fatiguée. J’avais couru toute la semaine pour la préparation de mon voyage. - Caro, tu dors ? marmonna maman. J’ouvris un œil et répondit à maman. - Non maman, dis-je malgré tout, même si je ne rêvais que de repos. - Ma fille, je dois te parler, reprit maman. Le ton grave de maman me fit ouvrir le deuxième œil et je me redressai en la fixant. - Caro, tu vas aller poursuivre tes études en Europe, ma fille, je voudrais que tu te concentres sur tes études. - Bien-sûr maman, dis-je avec soulagement. Le ton de maman m’avait fait un instant craindre le pire. - Caro, tu es déjà une grande fille et je ne sais pas si tu as un copain, je n’ai jamais voulu m’intéresser à ça. Tu seras loin de nous et tu seras entièrement responsable de ta personne. Tu reviendras peut-être ici à ton prochain voyage pour nous présenter ton futur mari. Ma fille, j’espère que tu ne vas pas mal interpréter mes propos, mais je voudrais que tu ramènes quelqu’un de chez nous, un camerounais, tu comprends ? - Mais maman, pourquoi cela ? demandai-je d’une voix stupéfaite. Maman resta un long moment avant de me répondre. Elle semblait tout à coup perdue dans ses pensées. - Tu te souviens de ma petite sœur Bernadette ? demanda maman. - Bien sûr maman, elle était décédée en France quand j’étais encore toute petite. Ma tante serait décédée en France près de deux ans après son départ du Cameroun. J’emploie le conditionnel parce que son mari avait informé la famille de son décès, nous n’avons jamais vu sa dépouille et ne savons même pas où elle avait été inhumée. - Effectivement, Bernadette était allée en France pour ses études. Quelques mois après son arrivée, elle nous informa avoir fait la connaissance d’un homme, un français. Elle semblait heureuse et nous l’étions pour elle. Elle nous avait parlé au départ de leur mariage qui serait organisé ici au Cameroun, mais elle nous informa par la suite que son mari avait préféré le faire en France. Maman avait le regard au loin. - Quelques mois après, nous n’avions plus du tout de nouvelles de ta sœur, tu sais, nous n’avions pas toutes ces technologies que vous avez aujourd’hui. J’ai essayé d’appeler son numéro en vain. J’ai contacté son mari et après insistance, il m’informait qu’elle était décédée. Je voulus lui demander des explications, mais il ne m’en donna pas la possibilité en raccrochant et bloquant simplement mon numéro. Je rappelai à plusieurs reprises et je m’aperçus qu’il m'avait carrément bloquée. - Je vois, répondis-je d’une voix pensive. - Nous n’avons plus jamais eu de ses nouvelles. Maman commença à dépérir à vue d’œil, et cela, jusqu’à sa mort. Ma grand-mère était en effet morte un an après le décès de ma tante. J’avais toujours pensé à une simple coïncidence. - Tu sais, si Bernadette s’était mariée à un camerounais, même de l’autre bout du Cameroun, comme à l'Extreme-Nord du pays, nous aurions pu nous rendre auprès de sa famille pour demander des explications. Malheureusement, était aussi lointaine avec quelqu’un dont on n’avait aucune idée de sa famille, nous n’avons jamais pu avoir des informations sur les causes de sa mort. Ce qui m’amène à me demander si elle est encore en vie, dit maman d’un ton nostalgique. - Je te comprends maman, mais je pense tout de même que ce qui est arrivé à tata Bernadette est tout simplement une exception. - Je le sais ma fille, mais je ne pourrais pas le supporter s’il t’arrivait quelque chose. Ma famille ne résisterait pas à un autre drame. J'aimerais que tu me donnes ta parole que tu ne me ramèneras pas un étranger. - Je t’ai comprise maman et je te promets de ne pas te décevoir. Maman continua à me raconter ses souvenirs avec sa sœur, son regard s’illuminait de temps en temps même si sa voix était empreinte de tristesse et de nostalgie. Fin du Flash-back Je sortis de mes pensées et m’aperçus qu’il était déjà 2 h du matin. J'entendis tout à coup des éclats de voix. J'eus l'impression que cela provenait de la chambre de Liam, mais c'était tellement fugace que j'eus l'impression d'avoir rêvé. Je pensais ensuite à ma relation avec Alessandro et la promesse faite à maman. Que faire ? Le lendemain matin, je me levai aux environs de 9 h et la place près de moi était libre dans le lit. Je sortis et me rendis aux toilettes pour un besoin pressant et rejoignis Tiziana au salon. Cette dernière était en train de regarder la télévision. - Salut ma belle, dis-je en faisant une bise à Tiziana. Bien dormi ? - Ouais, assez bien et toi ? - Nuit un peu agitée, mais ça va. T’as déjà fait ton petit-déjeuner ? demandai-je à Tiziana. -Non, je t’attendais. Ton frère a laissé tout le nécessaire sur la table et il m'a dit que tu lui avais demandé des informations pour faire des puces. Il m’a indiqué une boutique dans le coin. - Oui, il faut vraiment qu’on se fasse des puces. J’ai impression d’être amputée sans connexion. - Haha, à qui le dis-tu ? répondit Tiziana en éclatant de rire. On prit notre petit-déjeuner en papotant gaiement. On se rendit ensuite dans la boutique où on se procura des puces. J’avais à peine remplacé ma puce italienne par celle camerounaise qu’une rafale de messages m’arriva à l’instant. Ils étaient tous d'Alessandro et un seul de Thomas. “ Bonjour mon amour, t’as passé une bonne nuit ? Comment vais-je résister toutes ces semaines sans toi ? Tu me manques déjà” Le message était suivi d’une série d’émoticônes de cœurs rouges. J’eus un pincement au cœur quand je lus son message. Dans quoi m’étais-je engagée ?
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