La recluse

PROLOGUE : Voilà un mois qu'une fille vie chez moi. Elle est arrivée début Mars. Tout ce que je lui ai dit c’est « bonjour » le premier jour. Et je n'ai même pas eu droit à une réponse. Ce que je sais d'elle ? Elle s’appelle Hiroko Mori, elle a dix sept ans, comme moi, et par la plus douce des malédictions…Elle doit vivre maintenant chez moi. Depuis… ma vie n’est plus tout à fais la même. C’est simple, je la déteste. Pas parce qu’elle est une recluse, mais juste parce qu’elle a laissé un garçon la mettre dans cet état. N’importe qu’elle fille rêverait de vengeance, ou aurait fini par tourner la page ou aurait déprimé mais pas au point de rejeter le monde. Elle reste sans rien faire dans sa chambre toute la journée. Et en plus de ça, je suis censé prendre soin d’elle et devenir son ami. Comment on deviens amis avec une personne qui ne se montre jamais ? Qui ne dit même pas bonjour, et qui passe son temps enfermés dans une chambre ? - « Maman…pourquoi on l’accueille chez nous ? - Tsume, c’est la fille d’Aeka, je ne pouvais pas refuser. On est ami depuis si longtemps, et elle ne sait plus comment s’y prendre avec elle. - Tu l'a connais d’où Aeka ? J’avais jamais entendu parler d'elle avant. - En fait c’est la cousine d'une vieille amie. Bref. Tu prendras soin d'elle. - Parce que je suis censé savoir quoi faire ? Maman… elle a mis une chaîne à sa porte ! Une chaîne p****n ! Je te le dis elle est dérangée cette fille. - Surveille ton langage. Écoute, Aeka a pensé que prendre un peu le large lui ferait peut être du bien. Voir d’autres personnes et avoir un nouvel ami. - Un…un nouvel ami ?…tu parles de qui ? ! - …de toi bien sur ! Tu seras gentil avec elle d’accord ? - Tu me connais, je suis là gentillesse même ! - Tsume, vous avez le même âge, et vous allez à la même école. Tu me promet de faire un effort ? - Ouais, je ferais de mon mieux…manquerais plus qu’on se retrouve dans la même classe… » J’avais parlé trop vite. Trois jours plus tard, jour de la rentrée…elle était assise un rang derrière moi. Je pouvais sentir son regard froid dans mon dos. Comment on en est arrivé la ? Repartons encore plus loin en arrière quand tout ça ne me regardait absolument pas… CHAPITRE 1 Sept ans plus tôt, devant une maison traditionnelle à Kyoto, deux enfants jouaient à faire des bulles de savon, une bassine remplie d’eau moussante. - « Aeka ! Regarde ! ! Je fais une énoooorme bulle ! Criait joyeusement Hiroko - C’est magnifique, ma fille ! ! ! Rétorquait-elle d’un grand sourire » Aeka buvait le thé sur la terrasse avec sa voisine, Mae, qui se délectait du spectacle. - « Hiroko ne t’appelle toujours pas « maman » ? - Non, je crois que ça n’arrivera jamais. Après tout, elle a dix ans. Elle est assez grande pour comprendre que je ne suis pas sa mère. Elle a encore des souvenirs bien précis de son visage et même de sa voix. - Elle a quand même bien grandi, elle est déjà magnifique. Elle a les cheveux bruns de sa mère. - Oui, et surtout, tout fins ! La coiffer est un véritable défi, chaque barrette finit par glisser jusqu'aux pointes, et quand j’y arrive, il suffit qu’elle saute de mes genoux pour que tout retombe. Au moins avec un garçon tu n’as pas ce problème. - Haaa ! mais c’est qu’il est coquet, Austin ! Il peigne ses cheveux blonds, tout seul, chaque matin ! - Oui, ils ont beau avoir le même âge, il la dépasse déjà. C’est fou ce qu’ils s’entendent bien ces deux là. » Pendant ce temps, Hiroko soufflait dans son cerceau à bulle tandis qu’Hotaru sautait dans chacune d’entres elles. - « Hi-ro-ko ! ! ! criait le jeune garçon heureux. Fais-en une grosse que je puisse rentrer dedans ! ! ! - Mais c’est impossible Austin…» C’est à partir de ce jour-là qu’Hiroko avait passé les semaines suivantes à chercher le moyen de faire une bulle géante. Alors qu’elle échafaudait des plans, ou plutôt des gribouillis sur une grande feuille, le ventre dodu d’Aeka se cogna contre sa petite tête. - « He bien Hiroko, qu’est ce que tu dessines ? - Je crée une machine pour faire des bulles géantes ! - Rien que ça ! ! ! Rigola accidentellement Aeka qui la trouvait vraiment mignonne, ses joues bien rondes rougissantes. Pourquoi tu veux faire des bulles géantes ? - Pour mettre Austin dedans ! - Et il est d’accord ? - Oui, c’est lui qui me l’a demandé. » Ce qui ne commençait par n’être qu’un jeu d’enfant, s’était finalement transformé, sous les yeux impuissants d’Aeka, en une réponse fréquente. Sept ans plus tard : - « Aeka ! ! Je sors faire des courses, il te faut quelque chose ? - Des courses ? Mais j’en ai fait il y a deux jours. J’ai tout ce qu’il me faut à la maison. - C’est pour Austin ! Ses parents sont encore partis en voyage d’affaire pour deux jours. Et il n’aime pas les pizzas avec des champignons ! - Laisse-moi deviner… Ses parents lui ont laissé des pizzas avec des champignons… C’est ça ? - Tu devines toujours tout hein ? ! Clama t-elle le sourire pendu aux lèvres, lui volant un b****r sur la joue avant de quitter la pièce. - Attends ! ! ! Ha… Trop tard… Elle n’a même pas mis sa veste. » Malgré ça, Aeka continuait d’éplucher les oignons du repas du soir, consciente de n’avoir pas su saisir le problème à temps. Il faisait frais ce jour là, le début de l’hiver arrivait et de la buée sortait de sa bouche. Hiroko sautillait pour se réchauffer et chantonnait jusqu’au combini. - Sérieux. Coupa un jeune garçon de son âge aux cheveux roux qui arrivait au même moment devant le combini. C’est pas une chanson pour les enfants ça ? - Hein ? ?… S’étonna Hiroko que quelqu’un lui adresse la parole. Si ! Ma tutrice est institutrice à la maternelle, je l’entends chanter tous les jours alors… Je l’ai en tête continuellement. - C'est original ! rigola instinctivement le garçon. C’est mignon. Désolé de t’avoir interrompu alors. S’excusa-t-il en remontant ses lunettes, dévoilant des tâches de rousseur sur son nez. J’étais un peu dans la lune et tu m’as sorti de mes pensées. Du coup, c’est sorti tout seul. - J’allais m’arrêter de toute façon, je pensais être seule sur la route. - Ha bon… Bah, bonne course ! - Oui, toi aussi ! » Hiroko sillonnait l’allée du surgelé, attrapait une boite en haut d’un des frigos avant que tout ne vienne lui tomber dessus dans un grand fracas. - « Ha ! ! ! Cette fille ! ! !…Tu vas bien ? ! Criait le jeune garçon inquiet, qu’elle venait de rencontrer. - Austin… - Heu… Non, moi c’est Sarim. Hey ! Tsume ! Clamait-il alors à son ami qui venait de le rejoindre. Je crois qu’elle est légèrement dans les vapes. - Ha… Lança Tsume… Je crois qu’elle aime les pizzas. - C’est pas vraiment le moment de plaisanter, aide-moi. - Tu la connais ? demanda-t-il en ramassant les boites éparpillées sur elle. - Non, je l’ai juste croisée à l’entrée. - Elle me dit quelque chose… - Vraiment ? Tu penses connaître une fille d'ici ? On est quand même à trois heures de chez nous. - Ouais, ta raison c’est stupide. Hey ! Comment tu t’appelles ? Tu m’entends ? - Quelle douceur ! Ironisa Sarim. - Quoi ? je lui demande juste son nom, je suis en train de l’aider là, tu vois. - Ho pardon. Tu es si doux que j'ai eu un doute. - C'est bon, elle est pas en sucre ! - Hein ? ! Cria-t-elle tout à coup, revenant à elle, des boites de pizza tout autour de ses mains. Ha! La pizza ! Austin attends ! » Elle se leva d’un bond, attrapa la pizza et fila en courant jusqu’aux caisses, laissant une pagaille incommensurable dans le rayon. - « …Non mais sérieux… Se plaigna Tsume. On la sort de sa prison de pizza et elle se barre sans même un merci ? - Allez c’est bon ! ! rigola naturellement Sarim. Aide-moi à ramasser tout ça. - Wow… Arrête de voler au secours de fille bizarre et égoïste. Se plia-t-il en se courbant au sol. - C’est vrai qu’elle était bizarre. Mais mignonne. - Mignonne ? Oui, ça va. Elle aurait pu se coiffer mais ça va. Les filles du genre « too much » c’est pas mon truc. - Attends. Toi, Tsume ! T'as un genre de fille ?! - Quoi… C’est pas parce que je suis sorti avec personne que j’en ai pas ! - En même temps je me demande qui voudrait sortir avec toi. Je connais pas une fille qui voudrait d'un gars qui ne peux pas s'empêcher de dire ce qui pense. Tu sais les petits mensonges pour faire plaisir, c'est pas si mal. - J'y peut rien. ça sort tout seul. je le pense, je le dis. - Bon ne changeons pas de sujet. c'est quoi ton genre de fille ? Je suis étonnement curieux la. - Le genre… Le genre… Reprit-il sérieusement… Le genre qui ne ressemble pas à tout le monde. - … Ouais genre comme cette fille ! - Je rectifie : Qui ne ressemble pas à tout le monde et qui est poli ! - Désolé, j’existe pas en version fille.» Tandis que ces deux là continuaient leur conversation en faisant leur course, Hiroko, rouge et essoufflée d’avoir couru à vive allure pour ne pas faire attendre Austin, se précipitait sur la porte de son voisin et toqua plusieurs fois avec ténacité. A peine fut-elle entrouverte qu’elle s’effondra dans les bras d’Austin qui la retint tout juste. - « Heey ! T’en a mis du temps ! - Ta… Ta… Pizza… Bégaya-t-elle en lui tendant, la main tremblante, reprenant son souffle. - Pizza jambon… Champignon… C’est une blague Hiroko… - Hein ? ? - Tu m’as pris une pizza aux champignons… Je croyais que tu m’aimais vraiment mais maintenant…. - Quoi ? ! Je me suis trompé ?! Les… Les boites sont tombées et… Je… - Haaa…soufflait Austin en lui posant la main sur la tête. Tu étais encore dans la lune hein ? A quoi tu pouvais bien penser, si ce n’est moi… Ne t’inquiète pas, je vais manger celle là. Ce n’est pas si grave quelques champignons… Cette texture si lisse et pourtant poreuse…. - Je vais t'en chercher une autre ! - Tu es sure de vouloir faire ça ? je la mangerais sinon. - Non ! J’y vais ! » Elle repartit aussitôt en courant, tandis que dans la maison… Un rire s’élevait. - « - Hiroko… Elle gobe vraiment n’importe quoi. - Dis donc Austin. Coupa son ami, Fuyuki, qui jouait à la console. T’en as pas un peu marre de te servir d’elle comme d’une servante ? - Moi ? Tu as bien entendu que je lui ai dit que je mangerais celle là, je lui ai rien demandé. - Arrête, tu sais bien que quoi que tu dises, si tu n’es pas satisfait, elle continuera de vouloir en faire plus. Et puis… Les yeux larmoyants en disant que tu allais manger des champignons… Le pire c’est que tu les aimes. - Ouais, mais ça, elle ne le sait pas. Quoi, t’es pas content de pouvoir manger des pizzas à l’œil ? - Quoi… C’est pas toi qui les paye ? - Pourquoi je le ferais, elle le fait pour moi. - T’es vraiment horrible. - Plains-toi Fuyuki ! Tu es toujours là pour en profiter quand même. Et puis c’est comme ça depuis qu’on est petit, alors c’est aussi des habitudes… - Justement… Vous êtes amis d’enfance, et ça ne te gêne pas… - Tu ne comprendras jamais notre relation. Elle est à moi. Je fais ce que je veux. - … C’est… C’est pas une chose tu sais… Qu’est ce qui te prend de parler comme ça ?… - N’empêche qu’elle est à moi. Et puis c’est pas comme si je ne l’aimais pas. - … Parce que tu l’aimes ? - … Bien sur. Je ne peux pas me passer d’elle. Qu’est ce que je deviendrais si elle n’était plus là ? - Tu veux dire… Plus là pour te servir. - La ferme tu veux. Tu ne comprends rien. » Austin s’étalait sur le canapé, dégustant sa pizza avec son ami tandis qu’Hiroko se retrouvait à nouveau sur la route du combini. - « Hey… Lança Tsume. C’est pas cette fille de tout à l’heure qui court vers nous ? - Hum… Oui. Confirma Sarim. C’est bien elle. » Alors qu’elle passait à côté sans même un regard, Tsume lui attrapa le bras, l’arrêtant dans sa course. - « Hop là. Attrapé ! Frima Tsume tandis qu’Hiroko écarquillait les yeux, surprise par cet assaut. Pas si vite, demoiselle. C’était pas très sympa de nous avoir laissé ramasser toutes ces pizzas à ta place non ? - Hein ? qui êtes-vous ? Lança t-elle en le regardant de haut en bas. - Tsume Yakatsu. Tu sais, ce gars qui t'a sortie de ta tour de pizza... - Allez… Coupa Sarim. Laisse tomber Tsume. Elle était dans la lune. - Quoi ? Je la menace pas, je lui apprends juste les bonnes manières.» ** TSUME ** Sous le regard agacé de Sarim qui incarnait la gentillesse même, j’abandonnais l’idée de sermonner cette fille quand elle se courba tout à coup devant moi. Ses cheveux désordonnés tombèrent à leur tour sur son visage et après un court silence où Sarim et moi étions restés surpris de cette soudaine réaction, elle clama : - « Je suis désolée ! - He bah voilà… J’en voulais pas plus que ça. Alors qu’elle se redressait, je plongeais mes yeux dans ses pupilles noisettes, satisfait de l’avoir fait plier. "haaa…Allez, on y va ! " Je mettais les mains dans les poches et alors que nous reprenions la route, je me retournais une dernière fois. Elle était déjà repartie en courant, ses cheveux se détachaient dans sa course, laissant apparaître ses longs cheveux châtains mal peignés et de longueur différente. - Ha, au fait ! Lança Sarim à mi-chemin. On ne lui a pas demandé son nom ! - Quelle importance ? Rétorquais-je alors que je l’avais déjà oubliée, cognant le pied dans un caillou. - Comment tu veux rencontrer une fille si tu ne vas pas vers elle ? - D’une, on est venu ici pour ta convention. Je vais pas m’intéresser à une fille qui est à trois heures de route de chez moi. De deux… Arrête d’essayer de me caser. Les filles sont stupides. Un coup elles aiment, un coup non, et après ça finit en pleurs. En plus c’est fragile et ça veut tout le temps être protégé de tout et n’importe quoi. Un coup elles sont joyeuses, le lendemain triste…Elles savent jamais ce qu’elles veulent. - Whaa… Souffla Sarim blasé. Tu fais des filles un portrait assez monstrueux tu sais ? T'es sur que tu aimes les filles ? Ta le droit d’être attiré par les garçons tu sais ! - Malheureusement, je ne suis pas trop fan non plus... Je vais sûrement finir vieux et seul avec des chats. - Déjà réfléchis avant de parler. Ca t'aideras à ne pas envoyer bouler les filles qui viennent te voir ! Bon et cette fille ?Tu as dit qu’elle te disait quelque chose quand elle était dans les vapes. - Et alors ? - Et alors ? Tu la connaissais ou pas ? - Non… Elle avait un air de quelqu’un que je connaissais, c’est tout. - Que je connais aussi ? - Non. - O-k…. Articula Sarim curieux. Tu ne veux pas m’en parler c’est ça ? - Tu te rappelle la première fois que tu as mis tes lunettes ? C’était parce qu'avec ta carrure imposante, tout le monde t’éviter pour rien. Alors tu les as mises pour casser cette allure, et tu as fini par te cacher derrière des années durant. Bah… Moi c’est pareil avec le souvenir que j’ai gardé de cette fille. Je l'ai mise dans un coin de ma tête et je ne veux plus y penser ni en parler. - …. Dé… Désolé. Je ne savais pas que ce genre de sentiment pouvait exister en toi. - il existe plein de sentiment en moi. » ** HIROKO** Une heure plus tard, chez Austin. Je m'abandonnais à mon activité favorite, le ménage. Les cheveux relevés avec un foulard, un tablier rose à dentelle, je nettoyais énergiquement la table. J’étais contente de ma soirée ! Je lui ai emmené une pizza qu’il adore et il m’a serrée dans les bras pour me remercier ! Je l’aime tellement ! Si seulement je pouvais lui dire ce que je ressentais… Mais… Il me tournait le dos et jouait à la console avec Fuyuki, son copain de classe. Je me demande… Quand est ce que j’aurais le courage de me lancer ? … Je levais la tête vers la grosse horloge de l’entrée, ne tardant pas à paniquer. - Haa ! ! ! Il est si tard que ça ! ! Aeka va me crier dessus ! Austin, je dois y aller ! Tu m’attends demain matin ? - Hum… Ouais ouais. - Tu… Tu m’attends vraiment hein ? C’est vrai… Il dit tout le temps oui, mais il ne m’attend jamais… Mais cette fois, j’ai préparé son repas en avance, comme ça demain je pourrais être à sa porte à la première heure ! - Ha…coupa Fuyuki. Austin, tu la raccompagnes pas ? - On est voisin, elle a juste à traverser le jardin. - Haa… Soufflais-je avec un grand sourire. Oui ! Inutile de se déplacer pour si peu. - Mais… S’étonna Fuyuki. T’es une fille… Et il fait nuit… - Quoi ? Pesta Austin. Tu veux la raccompagner ? Ne te gêne pas. - Ca ira, j’ai l’habitude ! Pourquoi il s’énerve ?… - Je te raccompagne Hiroko. Lança Fuyuki en posant sa manette en plein milieu de la partie. - Non, vraiment, ça… - C’est bon. T’as emmené les pizzas, je peux bien faire quelques mètres avec toi. » Austin n’avait pas tourné la tête et je le saluais une dernière fois dans son ignorance habituelle. Il faisait frais dehors. J’apercevais la fenêtre de la cuisine encore allumée, Aeka n’était pas couchée. Fuyuki n’avait pas prononcé un mot, et s’était contenté de traverser le jardin en ma compagnie. Ses cheveux orangés se reflétaient sur la petite mare qui séparait nos maisons. Comme d’habitude, je me sentais petite à ses côtés, alors que je suis de taille moyenne. Son sourire permanent n’avait pas quitté ses lèvres… Je me demandais souvent ce qui pouvait le rendre si heureux. Je le remerciais à la porte de ma maison quand, hésitant, il bredouilla une question que j’avais eu du mal à saisir : - Hiroko… Heu… Tu… Tu penses quoi d’Austin ? - … Ce que j’en pense ? c'est mon meilleur ami pourquoi ? - Tu n’as pas l’impression de te plier en quatre pour lui ? - Ha. Tu parles de ça. Soufflais-je en détournant les yeux… Pourquoi tout le monde me reprochait d’être trop attentive à ses besoins ? … Je ne fais que l’aider un peu. Ses parents partent souvent en voyage. Il est tout le temps seul depuis son adolescence alors… Ce n’est pas vraiment de sa faute s’il ne sait pas toujours utiliser les bons mots. Mais… Moi je sais qu’il y a du bon en lui. Je sais qu’il peut être gentil, même si ce n’est plus comme avant tous les deux. Je ne l’abandonnerais pas. Je ne veux pas qu’il se retrouve tout seul dans cette grande maison. C’est pour ça qu’Aeka m’a laissé faire. Je crois, qu’elle est la seule à vraiment me comprendre au fond, même si je sais que ça ne lui fait pas plaisir. Ha ! ! … Je venais de réaliser… Est-ce que… Tu t’inquiétais pour moi ? - Hiroko, je vais sûrement regretter ce que je vais te dire. Mais… Tu es une bonne poire ! hurla Fuyuki - Hein ? ! Pourquoi tu dis ça ? - Austin… Il aime les champignons. - Qu’est ce que… Pourquoi il dit toutes ses choses d’un coup ? Austin n’a jamais aimé les champignons ! Criais-je les poings serrés. Pourquoi je ferais confiance à quelqu’un d’autre qu’Austin ? ! - Crois ce que tu veux. J’aurais au moins essayé de te prévenir. J’aime bien Austin, mais… Seulement quand il n’est pas avec toi ! - Alors… Alors c’est moi que tu n’aimes pas ? Mais qu’est ce que j’ai bien pu faire pour que tu me déteste ? ! - Je ne te déteste pas. Mais ta naïveté m'énerve et Austin aussi m'énerve ! Quand il est avec toi, il devient un vrai salop, alors qu’il peut être quelqu’un de vraiment sympa dès que tu n’es plus dans les parages. - … Je sais qu’il est différent quand il n’est pas avec moi… - Toi aussi Hiroko ! Quand tu n’es pas avec lui… Tu es mille fois meilleure. Tu es… Naturelle et attentionnée. Tu es bien plus bavarde que tu ne l’es d’habitude. Tu racontes des histoires agréables et même si Austin fait souvent partie de tes souvenirs… ça reste apaisant. Et pourtant…Tu n’es plus la même quand il est là. Tu n’es plus qu’une marionnette manipulée et naïve. Je n’aime pas cette Hiroko. Alors, tu ferais mieux d’écouter ta mère. Elle n’a pas tort. - Tu... Tu ne connais rien de notre relation. je sais que je compte pour lui ! - Haaa…. Soufflait-il en se grattant la tête. Austin va se poser des questions si je tarde à revenir. Alors, juste un conseil, tu devrais prendre soin de toi au lieu de penser autant à lui. Il n’en vaut pas la peine. Clama-t-il en repartant dans l’obscurité. - Attends ! ! Je lui courais après et le rattrapais un mètre plus loin… Tu n’es pas son ami ? ! Bien sur que si il vaut le coup ! - … » Dans le plus profond silence, ses grands yeux marron me dévisageaient honteusement. - « Il y a un festival demain soir aux sources Kanamura. Invite-le puisque tu l’aimes tant. Et s’il ne veut pas, tu peux toujours me rejoindre au stand de tir… Mais… Te connaissant, s’il n’y va pas, tu ne viendras pas hein ? - … Heu… He bien… Je…. - C’est bien ce que je pensais. Bonne nuit, Hiroko. » Fuyuki était vraiment étrange ce soir… Je me demande ce qui lui a pris de me dire toutes ces choses. D’ailleurs… De mes plus loins souvenirs… C’est la première fois que j’ai une conversation avec lui. Austin… Aime les champignons ?… Non ! Pourquoi il m’aurait menti ? ! C’est Fuyuki qui me raconte n’importe quoi ! Je poussais la porte de la maison et retrouvait le sourire d’Aeka. Son tablier autour de sa taille généreuse, elle préparait déjà le repas de demain. Je me joignais à elle, finissant la vaisselle du soir. J’admirais les bulles jouer sur les assiettes, glisser sur les verres et s’envoler au-dessus de ma tête. J’aimais faire la vaisselle, juste pour jouer avec la mousse. Aeka soufflait sur une bulle qui valsait devant mon nez. Ses cheveux de braises, épais et bouclés s’y reflétaient. Je rigolais doucement, avant d’éclater de rire avec elle. J’aimais aussi son rire puissant.